• CHaPiTRe ( VII )

    JuST a LiTTLe CRuSH… 05 janvier 2013

    ...Ma Pat je suis au centre d’un embrouillamini compliqué. Saint-Sylvestre réussie!
    Je viens de m’allonger à l’heure où mes voisins se lèvent. Je suis perdue, encore. J’ai pris la murge de ma vie le soir du passage du nouvel an et là je continue à dériver. Ash est dans sa famille et débute un stage important pour sa future carrière, j’ai refusé net de l’accompagner, sa mère et moi ne seront jamais compatibles. Et puis il commence à vraiment me souler aussi. Comme les autres il m’invite à entrer en clinique le plus rapidement possible. Mes problèmes avec l’alcool le bouleversent me dit-il. Sans compter que je risque de développer une pathologie grave insiste-t-il encore. Je suis consciente que mon alcoolisme le dérange. Ash est mal à l’aise vis-à-vis de ses collègues je suppose. Certains ont eu le plaisir de me voir ivre et ce n’est franchement pas … ils n’ont qu’à détourner le regard. Je suis désinhibée, détendue, euphorique et mes tourments ne m’abandonnent que lorsque j’atteins le cul de la bouteille. Oui je bafouille, je somnole, je délire et je sais qu’il est temps de boire la dernière gorgée quand j’aperçois des petits papillons dorés qui volètent autour de moi, comme c’est le cas maintenant. Cela ne m’effraie aucunement. Cela devrait. Je reconnais qu’en ce moment je suis une éponge, mais je peux lever le pied quand je veux, et je ne le veux pas. Menteuse que je suis, je ne le peux pas.
    À part toi ma Pat, je n’ai personne à qui raconter le mélodrame grotesque qui vient de me frapper. Ma romance en messagerie s’est terminée le soir du nouvel an. J’étais au Costa Rica. Il fallait m’y attendre, celui que je nomme parfois mon ange ne comprend pas ce besoin de me détruire qui m’habite.
    Les déclarations dans lesquelles il exprime clairement son obligation de se protéger de moi me poussent à cesser tout contact avec lui. Il est vrai que j’y ai été un peu fort. J’apprécie cette compagnie virtuelle, mais je ne me battrais pas pour poursuivre un dialogue qui ne m’apporte rien sinon des pleurs et du chagrin. Son manque de confiance en moi m’a blessée, cruellement blessée. Le clash a été violent, et sa froideur est encore plus douloureuse que les torgnoles de Christian. De retour en région lyonnaise j’en suis très affectée. J’ai largement donné dans le sournois par le passé, alors je crois pouvoir m’arranger de l’indifférence soudaine de monsieur pot de colle.
    Imagines-tu cela ma Pat, l’on me fait passer pour une détraquée. Jamais je ne manquerais autant de respect à Ash. L’ange est vraiment vicieux pour concevoir que ma nature est de me livrer à un dialogue intense, comprends érotisme en messagerie, tandis que Bébé est près de moi. Oui rien que cela, c’est ce dont l’ange déchu m’accuse. Ma réponse et mes mots ont sans nul doute dépassé ma pensée et c’est parti en cacahuète.
    Sa frustration a guidé ses paroles et il s’est mis à tourner en boucle sur mon voyage avec Ash. Il n’a pas osé mettre nos rapports intimes sur le tapis, si je puis dire, mais j’ai compris qu’il aurait été intéressé d’en connaître certains détails. Je ne lui ai jamais demandé d’être chaste comme un moine, c’est lui qui s’est mis dans la tête que j’en serais malheureuse s’il trouvait chaussure à son pied. C’est faux, archi faux et … ridicule. Puisque ma compagnie virtuelle est un calvaire pour lui, je me retire de la course. Fini cet excentrique qui me prend la tête. Ma chère Pat, si tu savais comme nos échanges vont me manquer. Il m’insufflait l’envie de m’instruire, il me donnait l’illusion de n’être pas la fille blonde stupide que beaucoup voit en moi.
    Bébé est sur Londres pour son stage alors j'irais passer un peu de temps chez les zoulous, eux m’aiment comme je suis. Nous ferons la fête tranquillement en ne nous jugeant pas. J’ai du mal à l’avouer, mais je sens que quelque chose ne va pas en moi. Mes articulations sont parfois très douloureuses et ma colonne vertébrale me semble moins … flexible. C’est curieux, mais même mes fesses me font souffrir. Alors j’espace de plus en plus mes visites au camp Charlie. Je préfère recevoir mes amis chez nous. Oui, depuis le décès de Penjÿ je trouve normal de payer un loyer à Ash, je refuse de me faire entretenir.
    Grâce au Maharajah j'ai découvert le sublime du Costa Rica. Oui bon, entre deux ou trois coups de sang je l’admets. Une fois apaisée, c’était reposant et paisible pour écrire. J'ai créé beaucoup de synopsis, durant mon séjour, le délire. Je te les ferais lire plus tard car je dois changer de style. Mes écrits sont trop axés sur le réjouir de mon lecteur principal et je trouve cela malsain. Le vocabulaire que j'emploie est vulgaire, voire pornographique. Tout est à jeter en réalité.
    Si quelques-uns de mes chapitres sont publiés un jour, je ne veux pas que le nom de monsieur Perfection y apparaisse. Alors je vais le nommer pudiquement Gärtner dans mes écrits futurs. Je sais c’est cocasse, mais conviens-en ma Nan, toi qui a connaissance de sa position sociale, cela lui va comme un gant non?
    J’ai fait une grosse bêtise en renouant, jamais je n'aurais dû rétablir le dialogue.
    Gärtner n'est pas en mesure de véritablement comprendre mes agissements. Quelque part mon instinct me recommande de filtrer les informations. Je le sens trop avide de sensationnel. Et tu le sais comme moi, si Ash se retrouvait sur la sellette cela lui porterait préjudice et je ne veux pas lui causer d’ennuis. Et si le lieu de résidence de ma famille était dévoilé, elle ne me pardonnerait pas d’exprimer publiquement ce que je pense d’elle. Sous prétexte de me faire réagir, mon ami virtuel devient indiscret, presque inquisiteur, carrément fouineur. Il a tellement de centres d’intérêt qu’il se remettra facilement de mon départ. Si je parviens à le bloquer sur ma messagerie. Ce n’est pas une question de manipulation, il m’est facile de disparaître en trois clics, seulement voilà, ma volonté à le faire n’est pas assez forte.
    Ma Nan je suis consciente que je n’ai rien à t’imposer, mais je souhaiterais que tu refuses de servir d’intermédiaire aux courriers qu’il désire m’envoyer. D’une, je ne désire pas correspondre sérieusement avec lui, et de deux, il ne faut pas que ton adresse postale lui soit communiquée. Il est trop envahissant et je le crois capable de se présenter à ton domicile un jour prochain.
    Ma chère Patricia ne fait pas cette bêtise, je t’en prie.
    J’ai été tentée plusieurs fois de me livrer totalement, mais un je ne sais quoi, disons encore mon instinct, m’a fait comprendre qu’il se figure que mon affection est loin d’être sincère. Qu’il cherche à … m’investir. Oui c’est ça, je ressens son besoin d’emprise sur moi. Pas bon ça. Je me sais à la frontière de la paranoïa, mais son insistance à connaître tout en ce qui me concerne, me semble malsaine.
    Je reprends pieds peu à peu, conscience nette dirais-je, grâce aux litres de thé que j’ingurgite depuis que j’ai commencé à me confier à toi. Ma Nan, je ne suis pas tombée de la dernière pluie. Je sais que lui et toi correspondez en MP sur le site pourri où je me suis installée. Gärtner n’est pas très futé et il se rate facilement. Ne nie pas, certains détails de ma vie que je ne lui ai jamais confié sont parvenus jusqu’à lui et il me les distille l’air de rien, comme si la découverte venait de lui. Patricia je ne t’en veux pas, mais veille à ne pas être trop bavarde sinon je me verrai obligée de couper définitivement les ponts avec toi. Je ne veux pas de lui dans ma vie, est-ce assez clair?
    Accessoirement tu peux lui en faire part, il aura peut-être l’élégance de s’effacer.
    Ash étant de moins en moins présent sur Lyon, il va m’être plus facile de vider les lieux en douceur. D’ailleurs il parle de sous-louer l’appartement à l’un de ses collègues en attendant la signature du contrat d’achat. Le petit bolide bleu que je me suis offert me permettra de te rendre visite si tu le désire. J’ai failli oublier le principal, dès la mi-janvier je pourrais rouler tranquillement en direction du Sud, chez Maë Lynette, sans risquer de me faire passer les menottes, ça y est le juge m’a accordé l’autorisation de résidence. Je vais refaire connaissance avec ma chère Provence.
    Le soir du jour de l’an, Gärtner m'a dit s'être endormi avec beaucoup de peine au cœur mais qu'il avait fait avec. Ce que tu m’as raconté ne me regarde pas Nan, mais s’il veut coucher avec sa correspondante au QI impressionnant, qu’il le fasse, elle sera son lot de consolation, la pauvrette j’ai peine pour elle.
    Jamais au grand jamais je n’ai joué avec les sentiments de cet homme. Il est tellement intelligent, il brûle d’un feu de savoir exceptionnel et ce n’est pas un jeune premier, pourtant je pense l’aimer sincèrement. Je suis incapable de qualifier ce que je ressens pour lui, mais ça ressemble vraiment à de l’amour.
    Cette relation nous rend malheureux l'un et l'autre et cela ne peut plus continuer.
    Je ne désire pas non plus quitter Ash, c'est lui mon pilier, mais je vais le faire quand même. C’est de ma bouche qu’il entendra parler de Gärtner et je sais qu’après notre séparation, il sera toujours là pour moi.
    Ma chère Pat, ce que j’écris là est plus qu’un épanchement intime, c’est une confession, un aveu de mes errements devant témoins. En me relisant, je me rends compte que rien n’est simple dans ma tête.
    Bon, assez de lamentations sur mon triste sort.
    Ma chère amie je te demande de faire très attention à toi et surtout de te ménager.
    Laisse les filles gérer, elles en sont capables. Tes soins ne sont pas de l’ordre du simple, pense à prendre du repos et fais-toi aider pour ta maman. Mis à part Ash et les loulous tu es celle, la seule, qui m'accepte telle que je suis et égoïstement je voudrais que cela dure encore longtemps. Je ne peux rien te promettre, mais je vais essayer de grandir un peu. Ce ne sera pas pour demain ni pour après-demain car samedi prochain les loulous organisent une grande fête et nous n’y boirons pas que de l’eau.
    Ma Nanouche d’amour, ton soutien sincère me sera à jamais indispensable. Mille tendres mercis…

    CéLéBRaTioN… 13 janvier 2013

    …Afin de préserver ma santé mentale nous avons fait la bombe. Je me suis explosée une fois de plus!
    Si tu savais comme cela m’est difficile d’être séparée de toi ma Douce.
    Je voudrais tant oublier, pas t'oublier toi, mais zapper sur le fait que tu nous as quitté. T’imaginer en un lieu de bonheur, te savoir tendrement aimé et surtout, ressentir ta béatitude me serait enfin apaisement.
    Le pesant de mes pensées me conduit doucement mais sûrement à l’asile. Je dois réagir avant que cette mélancolie morbide me bouffe entièrement.
    Certes ce n’était pas pareil sans toi, mais je me suis sincèrement amusée cette fois-ci. Mes yeux étaient larmoyants de … rires. Seuls les souvenirs heureux sont remontés à ma mémoire, Ils nous ont entraîné dans une ronde infernale, me propulsant tout bonnement en mode misère joyeuse, pocharde en fête, geignarde en permission. Nous n'avons pas pu franchir les portes du Solar. Les loulous ne sont pas interdits d’entrée, moi si. Là-bas ils se souviennent encore de la distinction dont j’ai fait preuve un soir de nouba bien arrosée. J’espère que les noix de cet abruti ont séché depuis. Entre mon talon et mon genou j’aimerais savoir duquel des deux il a le plus apprécié la caresse brutale. Ce pauvre type n’avait pas à mettre les mains où il ne fallait pas sous raison donnée que j’étais vêtue comme une professionnelle. Connard va. La bleusaille m’a mis en cellule de dégrisement, mais ça valait le coup. Neuf mois après cet incident malheureux, le petit gros à l'entrée m'assassine encore du regard et ce con il m’a même fait un doigt d’honneur tandis que l’on m’invitait gentiment à déguerpir. Vraiment classe pour un majordome. Évidemment que je le lui ai rendu.
    Finalement nous avons échoué chez maman Annick. Elle est toute ridée, ses déplacements sont aléatoires et je ne lui confierai pour rien au monde mon verre de vodka. Même sa voix tremble maintenant. Ceci dit, elle mène son monde à la baguette et la jeunesse enthousiaste en redemande. Elle n’emploie que des étudiants. Malgré l’heure tardive, de nombreux convives profitaient du buffet bien garni. Ce n’est pas pour rien qu’on la nomme maman Annick, elle nous a reçu comme des rois. Et elle est loin de perdre la tête, elle s’est souvenue de toi ma chérie et elle m’a présenté ses condoléances. Franchement, tu veux que je te dise? Il m’a bien semblé qu’elle nous croyait en couple.
    De fous rires quenelles, on se comprend ma Douce, en grignotou festifs les Charlies se sont goinfrés de terrine de queue de bœuf, de joues de porc et de gratin dauphinois. Chez Annick, c’est un bol de crème par pomme de terre pour le moins. Pour l’alcool, elle ne sert que du Grignan-les-Adhémar en pichet. C’est costaud, mais après trois verres ça descend tout seul et je ne me voyais pas boire de l’eau aussi piquante soit-elle. Je crois que maman Annick doit être l’une des rares à servir encore le caviar de la Croix-Rousse. La mayonnaise et moi c’est … du déchaînement. Le seul moyen que j’ai trouvé pour me faire vomir élégamment, cela s’entend par ne pas me mettre les doigts dans la bouche.
    Si l’on avait dû faire mon autopsie au petit matin, dans mon estomac le légiste aurait découvert quelques lentilles flottant dans un bain de rouquin, se livrant à un combat acharné contre une banane flambée au rhum blanc et un cappuccino aux éclats de noisettes. Tu as raison Sonia, cette image est dégoûtante.
    Ash aurait adoré l’île flottante à la praline en dessert. Il s’est invité brièvement à ma mémoire, mais ce soir il n’avait pas sa place parmi nous. Je ne sais toujours pas comment lui annoncer mon exode.
    En parlant de cappuccino, je n’ai pas osé retourner au salon de thé. Sentir ce velours de chocolat brûlant envahir ma gorge me fait pourtant envie, mais je ne crois pas que Paul soit prêt à croiser mon chemin après la vacherie que je lui ai fait. Mes blagues douteuses ne font pas que des heureux et lui, ça lui a couté sa relation avec Laurie. Ne dit-on pas une de perdue, dix de retrouvées. Non, là j’ai abusé. Je ne suis pas en état de faire sincèrement mon mea culpa, mais je réalise depuis peu que ce n’est pas un cadeau que de m’approcher. Ton absence le soir de Noël m’a été insupportable. Je ne te parle pas de la Saint-Sylvestre.
    C’est pour cela que les loulous ont attendu la mi-janvier pour cette messe festive en ton honneur. J'ai déambulé en faisant bonne figure, la nuit obombrait ma peine, mais je te savais à mes côtés alors un pas après l’autre j’ai suivi les loulous qui eux se réjouissaient de ce moment privilégié. C’était juste un coup de mou, je me suis remis dans le bain rapidement. Je pense que le Grignan était pour quelque chose à mon changement d’humeur, je ne suis pas fan de vin aussi bon soit-il.
    Sonia, jamais je ne t'aurais quitté d’une semelle si j'avais su la bêtise que tu allais commettre. Quand il me revient un peu de raison, je me dis que te laisser libre de tes choix faisait aussi partie du jeu. Meilleurs vœux. Quelle idiotie quand j’entends ceci. L’an passé à cette époque, si j’avais su que ce serait ton dernier nouvel an je t’aurais embrassé doublement. J’aurais enrichi ma mémoire de mille détails heureux autres que ceux-ci : Les gambas flambées au cognac que tu adorais, ton menton ressemblait à une patinoire après les avoir dégustées. T’entendre chanter femmes des années quatre-vingt à tue-tête en traversant la passerelle du palais de justice, l’écho était redoutable. Tes coups de cœur pour les viking blonds, la plupart du temps ils étaient gays. Te voir te rétamer en beauté lorsque tu insistais pour emprunter les escarpins de Perrine, tu n’as jamais su marcher avec des talons aiguille. Et la roseraie? En mai tu y subtilisais quelques roses Louis De Funès, leur fragrance est si forte que le soir venu, la gouvernante du palais t’obligeait à les mettre sur le rebord de fenêtre.
    - Ces fleurs sont une véritable infection Sonia, débarrassez-vous-en ma fille! Si ton regard s’était fait laser, tu aurais pu la désintégrer. La brave femme ignorait ton adoration pour tout ce qui porte pétales.
    La solennité de la fête reste à prouver, mais je n’ai pas versé une larme de tristesse pour une fois.
    Nul ne comprend que te pleurer ma Sonia me permet de continuer sans toi. Une forme de résilience…

    DiaGNoSTiQue eT PuNiTioN... 18 Janvier 2013

    ...Ash est le plus prévenant de tous. Ça fait longtemps que ça me pendait au nez!
    Je n’ai commis aucun crime, mais cette fois-ci je n’échapperais pas à l’enfermement. Depuis quelques mois je réussissais assez bien à embobiner mon petit monde pour reculer l’échéance, mais aujourd’hui l’on me contraint à préparer un bagage, l’on ne me laisse aucun choix. Options obligatoires.
    Je suis exaspérée. Je me débats pour la forme, je n’ai plus la force de leur résister. Leur bourrage de crâne et leurs boniments m’ont presque convaincu du bien-fondé de cet internement. Patricia et Ash y sont allés allègrement de leurs encouragements, n’y sont pas allés de main morte. Ash n’est pas cruel au point d’avoir demandé une injonction thérapeutique, mais il savait où frapper le peu de lucidité qu’il me reste pour me faire réfléchir. J’ai obtenu l’autorisation de me rendre ouvertement chez Maë Lynette et si le juge apprend mes soucis de comportement, d’instabilité, il se pourrait qu’il revienne sur sa décision.
    Je hais le tandoori. Sa prévenance surtout.
    Il m’a laissé choisir la période qui me convenait le mieux. Le centre qui me serait le moins contraignant et le plus adaptée à ma claustrophobie. Je corrige, adapté à mes névroses morbides lorsque je me sens enfermée, emmurée. Ils m’ont fait la promesse que rien d’effrayant ne m’arrivera là-bas. Bande de pignoufs, des jours et des jours sans ma précieuse vodka, ce sera apocalyptique, dantesque pour moi.
    - Ces quatre semaines seront vite passées, tu verras tu te sentiras mieux ensuite!
    Qu’on en finisse rapidement, après je disparaîtrais et ils me laisseront enfin tranquille. Ce n’est pas si simple, Bébé est le seul à m’avoir posé la bonne question. Celle qui a déclenché un torrent de larmes.
    - Tu n’es coupable de rien ma belle, tu en es consciente j’espère?
    Si je suis coupable de tous les maux de la terre, c'est évident. Ma sœur jumelle est partie sous mes yeux sans aucune réaction de ma part. Il m’a été impossible d’aider Christian afin qu’il ne devienne pas le pervers malfaisant qu’il est à présent et je n’ai pas su protéger ma Douce, alors oui, ma culpabilité me rend zinzin.
    En ce qui concerne mon addiction, l’on ne me demande que de prendre conscience de ma dépendance et d’exprimer librement mon désir de cesser ma consommation d’alcool. Ils rêvent.
    Je suis bouffie, j’ai d’énormes cernes sous les yeux, et honte suprême, Bébé m’a plusieurs fois fait remarquer que certains soirs mon visage perdait de sa fraîcheur. Il prenait la couleur fraise en maturation. Si cette comparaison ne me fait pas réagir, alors jamais je ne m’en sortirais. L’alcool, pas que.
    Habituellement je verrouille la porte de la salle de bains lorsque je prends une douche car il y a parfois du passage à l’appartement. Au terme d’un stage de plusieurs semaines Bébé est rentré à l’improviste avant-hier soir et à cause d’un regrettable oubli de ma part il s’est rendu compte de l’étendue des dégâts. Il a compris assez brutalement que les sweats extra large et les vêtements sportwear dont je m’affuble ne sont pas qu’une façon de m’habiller pour me protéger du froid où me sentir à l’aise. Je me dissimule.
    - Bordel mais à quoi tu joues Mylhenn? Tu es un véritable squelette! Ta maigreur est affligeante!
    Ash le roi du self contrôle s’est soudain déchainé en paroles et il m’a gueulé dessus pendant au moins dix minutes. Pas de pitié pour l’anorexique. J’ai été tellement surprise que je n’ai même pas tenté de me justifier. Scène ubuesque que celle-ci, moi en tenue d’Eve et Ash transformé en oiseau hurleur. Stupéfaite de le voir aussi colère je n’ai pas eu le réflexe de passer mon peignoir.
    - Et maintenant il manquerait plus que tu prennes froid! M’a-t-il dit sèchement en me le tendant. Évidemment que je grelottais, la salle de bains est chauffée aux restrictions, été comme hiver. À vrai dire j’ai souvent froid ces derniers temps. Les litres d’eau brûlante teintée et les décilitres d’alcool que j’ingurgite à longueur de temps ne t’ont jamais mis la puce à l'oreille Bébé? Aïe aïe aïe, il y a du relâchement très cher.
    Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir dirait mémé Lynette. Cela dit, je reconnais y avoir mis beaucoup du mien afin qu’il ne s’aperçoive de rien.
    Waouh, c’est là que ma petite cervelle commence à admettre que j’ai un gros problème.
    Multiplier votre consommation de boissons est un des premiers signes de l’anorexie m’a laissé entendre l’un de mes anciens psys et ça a fait tilt dans ma tête. Carrément boules de flipper oui.
    Il est temps que j’aille consulter. Grand temps.
    En y réfléchissant sérieusement je crois que j’en suis arrivée à utiliser l’alcool comme médication.
    La vodka apaise mes manques, fait taire mes douleurs, camoufle mon mal-être et me permet de relier connaissance avec l’humain, d’oublier que c’est un homme qui m’a brisé. Mon dégoût de la nourriture n’en est pas un, j’évite de me nourrir c’est tout, c’est un réflexe d’auto défense, mon corps ne me réclame rien, il se fait discret. Des années en arrière, mon ex-mari me privait de repas parce qu’il ne voulait pas d’une vache comme épouse. Ne pas manger était devenu nécessaire à ma survie. À présent c’est une question d’habitude.
    J'aime la cuisine chinoise, les fruits et les pains au lait. Je bluffe mon estomac lorsque Bébé m’emmène au restaurant, je fais semblant d’apprécier. Il m’arrive tout de même de savourer avec plaisir les mets que l’on me propose. Les jours suivants je me contente du tiers de la portion congrue. La triste réalité est que je ne me nourris pas correctement parce que l’alcool est devenu mon alimentation première.
    Ash m’a recommandé de lire la convention de soins, et comme il fallait m’y attendre, j’ai grillé un plomb.
    Durant la première semaine je vais devoir apprendre à investir correctement la pièce qui me servira de chambre lors de mon séjour. Ménage y compris pour les gestes du quotidien. Faire ma toilette chaque matin sera une de mes priorités et je devrais y consacrer une bonne vingtaine de minutes afin de redécouvrir mon corps. De prendre conscience que je ne suis pas une entité mais un être fait de chair et de sang. Pour l’instant il paraît que mon cerveau désire me faire devenir invisible. J’aimerais fumer la même chose qu’eux.
    Le sempiternel automatisme de trois repas par jour me sera inculqué avec indulgence en début de cure. Cela consistera à prendre mes repas dans ma chambre, toilettes cadenassées. Bravo la convivialité et la confiance. Les matonnes, euh … les infirmières s’arrogeront le droit de fouiller la chambre après le repas.
    Vraiment? Qui serait tentée de fourrer sa couette à la courgette ou de garnir sa taie d’oreiller de crème brûlée? Et il y a pire, la collation fruit de dix heures du matin et celle du biscuits/jus de fruit de seize heures seront des passages obligés. Insupportable. Bonne nouvelle, quand je me serais rééquilibrée, je pourrais prendre mes repas en commun avec les autres pensionnaires. Le pesage deviendra alors obligatoire deux fois par semaine afin de constater que le petit cochon, moi, engraisse bien. Bon tout ça je peux encaisser, mais quand on en vient au repos complet et à l’introduction de sports doux, là je renâcle. Qu'appellent-ils repos et sport doux? Aquagym, stretching, Pilates? Le qi gong de Maë Lynette?
    Ce qui m’a vraiment mise hors de moi c’est la rupture totale avec l'entourage. Pas de visites ni de coups de fil, cela dès l’admission. Il va me falloir retrouver l’estime de moi-même avant que l’on m’accorde l’autorisation de m’adresser aux miens. La durée de cette séparation sera proportionnelle à la rapidité de l’amélioration de mon état. Ça promet. Mieux, je devrais tenir bonne conduite si je veux bénéficier d’une courte sortie, un week-end sur deux. Ce règlement est un peu rude tout de même pour des personnes blessées par la vie?
    La psy du centre, dont l’apparence tient plus du lutteur de sumo que d’une gracieuse gazelle, est réputée pour débloquer les traumatismes d’enfance. Le croquemitaine n’est pas une légende urbaine alors? Et c’est une femme. En ce qui me concerne je vais devoir travailler sur ma relation à la nourriture et surtout sur celle à l’alcool. Mémère Freud est mal barrée avec moi parce que beaucoup s’y sont déjà cassés les dents. Elle va devoir utiliser une pince à talon pour me faire parler. Quelle se mette une minute à ma place et elle comprendra pourquoi je me noie dans la vodka.
    Ce n’est pas une sanction, c’est pour mon bien? N’étant plus gérable au quotidien, quelqu’un doit prendre les bonnes décisions à ma place. Le Maharajah s’est immédiatement porté volontaire, s’est aussitôt auto proclamé mon tuteur. Eux, nomment ce traître un parrain de soins.
    Monsieur droit dans ses bottes trouve que passer des journées entières les yeux rivés à mon écran n’est pas raisonnable. Il grogne hors de lui à chaque fois qu’il me voit connecté avec mon ami virtuel. Ma santé lui importe c’est certain, mais c’est surtout parce qu’il se sent responsable étant donné que c’est lui qui m’a offert une connexion. Le bonhomme est vicieux tout de même, sur la fiche d’admission de la maison de soins il a rajouté une recommandation, ne me permettre que deux heures d’internet par jour lorsque mon état se sera considérablement amélioré. C’est totalement absurde, je vais crever d’ennui.
    Je promets de commettre un meurtre en sortant de cette prison. Séparation programmée…

    Day aFTeR Day & Day... 22/02/2013

    ...Cette fois c’est définitif, j’ai quitté Bébé. Certainement pour un rêve j’en ai bien peur!
    Je ne pourrais jamais me rapprocher de Gärtner. C’est mon ami virtuel et je ne tiens pas à communiquer son identité à tous vents. Comme on l’aura compris, il est un peu plus qu’un ami. Mais je sais déjà que je n’aurais jamais la force de me dévoiler à lui, je tiens à le protéger de mes humeurs irrépressibles.
    J’ai déposé les armes en acceptant des soins, espérant que cela m’aide à m’affirmer, à dépasser mes craintes, à alléger mon fardeau psy. Ils se plantent avec moi, je les coiffe au poteau. À tel point que les trois semaines de cure qui devaient m’être nécessaire se prolongent, se transforment en une période indéterminée. C’est cela que je ne pardonne pas à Ash. Je lui ai donné son congé il y a une semaine. Je suis consciente d’avoir fait une grosse bêtise, mais je devais le faire si je voulais le respecter. J’ai fait mon choix.
    Ash reste mon parrain de soins et plus si nécessaire m’a-t-il assuré. Je ne comprends pas cet homme, je lui en fait pis que pendre et il ne m’en veut jamais. Il maintient sa version, c’est son karma d’être à mes côtés. L’essentiel est qu’il ne perde pas son temps, sa vie à vouloir me sauver à tout prix. Moi, je largue les amarres. La thérapie en elle-même ne m’est pas insurmontable, je me suis habituée aux horaires réguliers, aux séances avec madame Freud et j’apprécie même les cours de cuisine dont je bénéficie deux fois par semaine. Mais. Oui il y a un mais. Les médicaments m’abrutissent, je n’ai plus aucun contrôle sur mes agissements. Irritabilité, colère, agressivité et violence se sont endormies, se sont tapies, mais je les sens encore en moi. L’écriture m’est passion à présent, elle est tout ce qui me permet de supporter mon quotidien, cela m’apaise et me fait basculer dans un autre monde. Seulement là, ce que j’écris me semble encore plus médiocre que mes premiers essais. Cela je ne peux l’accepter.
    Ma Douce ferait plus que de me sermonner si elle était encore à mes côtés et qu’elle apprenait que le stress m’a poussé à me débarrasser de la couverture chimique que l’on me force à prendre chaque soir. Sur ma bonne mine l’on m’a fait confiance et j’en profite honteusement. Dans les toilettes la mirtazapine.
    Trois jours sans et les angoisses reviennent, je me sens en danger, je n'ai plus de distance de sécurité. Mon cerveau est envahi d’idées sombres, il est définitivement cassé. En thérapie il me devient impossible d’évoquer mes tourments, d’admettre les frasques douloureuses qui m'ont conduit ici. Mon passé est tellement compliqué que je pourrais faire du mal à quelqu'un sans le vouloir. Cette phrase tourne en boucle à chacun de nos entretiens et la psychiatre a du mal à me conduire en réflexions. Elle doute que le traitement que l’on m’administre soit réellement efficace. Cette bonne blague, je ne le prends plus.
    Je me sens emprisonnée comme une criminelle et cerise sur le gâteau, je dois respecter un couvre-feu. Vingt et une heures trente, extinction des feux. Cela m'est intolérable. Dès la fin du service je regagne ma chambre, mais entendre les autres patients rôder dans le couloir me rend dingue. Je hurle, je braille, je leur gueule après à chaque fois que je perçois leur présence derrière ma porte. Je suis maboule. Je papote en messagerie jusqu’à point d’heure et cela me vaut des mises en garde régulières de la part des soignantes qui me menacent de confisquer mon portable. Alors maintenant je le dissimule sous ma couverture et je fais semblant de dormir quand elles font leur ronde.
    Ash refuse de signer pour ma sortie, je lui en veux à mort. Sept semaines et trois jours que je me morfonds dans ce mouroir. La psychiatre m'a reçu en séance contrainte car elle a enfin compris que je ne prenais plus mon traitement. Cela a failli se terminer par une mise en camisole. À présent je suis obligée d’avaler mes pilules en présence de l’infirmière qui contrôle ma déglutition.
    Afin d'éviter de me retrouver en présence des pleureuses de mon genre, je m’isole à la bibliothèque. Ces filles me saoulent, leurs maux me renvoient à ma propre misère et je ne le supporte pas. Dès que je me rebelle, l’on m’engraisse aux anti-dépresseurs. Je m’éteins, je m’engourdis, je me meurs d’un froid intérieur. Mon amie la vodka me fait défaut et je me bats enfin avec le syndrome de manque. Les soignants n’ont jamais vu ça, il m’a fallu six semaines d’abstinence pour qu’enfin mon organisme réagisse.
    Soudain prise de confusion, j’hallucine. Je le vois entrer dans ma chambre, son ceinturon à la main. De ses lèvres s’échappent des paroles inaudibles à mes oreilles, mes reins eux se souviennent des mots. Ce n’est que lorsque je le vois lever son bras que le spectre de mon innocence martyrisée, disparais. Christian rôde dans ma tête à chaque fois que j’angoisse. Par moments les nausées me tordent si fort l’estomac que j’en deviens irritable. Je tuerai père et … belle-mère. Tantôt je suis en sueur et tantôt je claque des dents. Je suis habillée comme si je devais crapahuter en Alaska et l’instant d’après je me retrouve en sous-vêtements, j’ai l’impression d’être assise sur une grille à châtaignes que l’on a déposée sur des charbons ardents.
    Le Maharajah me manque à un point que s’en est douloureux. Son sourire, la chaleur de sa voix, la fragrance de son eau de toilette, la douceur de ses bras, et dire que c’est moi qui ai pris mes distances. Pour tout réconfort, je ne dispose que de cette messagerie qui me bouffe le peu d’énergie qu’il me reste. Je me sens si seule. Mon cerveau est comme entouré de ouate, aligner correctement quatre mots à la suite est de l’ordre de l’impossible. Cela me rend folle. Si je m’obstine dans cette folie qu’est la grève de la faim que j’ai entreprise, ils me poseront une perfusion. Je les mordrais, ils devront m’immobiliser aux courroies.
    Cela leur a été tellement simple, un somnifère dans le thé que m’a si gentiment proposé l’aide-soignant et j’ai été shootée en à peine cinq minutes. Une brume embue mon cerveau, je me laisse sombrer. Après tout, s’ils tiennent absolument à conserver mon enveloppe je n’ai qu’à les laisser faire. Mon esprit lui, n’est déjà plus là. Ma thérapie personnelle était d’écrire et ils m’en ont privé alors plus rien ne me raccroche à l’existence.
    Ils ont gagné le pompon, je flotte en un délire permanent et je crève à petit feu.
    Mon parrain de soins a été averti de mon état qui se dégrade de jour en jour. Qui est-ce qui regrette de m’avoir obligée à accepter cette retraite maintenant? La solution s’est imposée d’elle-même. Grâce à Patricia, une semaine plus tard, l’on m’offre la clé des champs.
    Ma chère Pat dispose de tous mes codes sur le net et au terme d’un rude forcing elle a fini par obtenir un rendez-vous avec la thérapeute du centre. D’ordinaire tout contact avec les proches est interdit, mais apparemment je m’affaiblissais chaque jour un peu plus et cela devenait inquiétant. Sous le contrôle de ma Nanouche, la psychiatre a lu quelques-unes de mes lignes. Elle a aussitôt arrêté la médication qui me dévorait le peu de neurones qu’il me reste et c’est à partir de ce moment-là que le mot catharsis a pris tout son sens pour moi. S’il m’est plus facile de me livrer en écrivant, pourquoi ne pas essayer? J’ai rédigé un texte que je lui ai nommé pudiquement conte, dans lequel j’ai déposé l’un des fardeaux qui me mine depuis mon enfance. Enfin satisfaite madame Freud m’a laissé libre de mes allées-venues. Bonne Mère, heureusement que Patricia ne lui a pas fait lire la totalité de mes élucubrations, sinon cela aurait été directement la camisole de force.
    Mon bon samaritain, pas rancunier pour deux sous, m’a conduit dans le seul endroit qui finira par m'apaiser avec le temps, et cela malgré le voisinage proche de la bête. Je vais devoir l’affronter, mais je souhaite que ce soit le plus tard possible.
    Ma chère Provence. Celle qui un jour parviendra à me rendre l'existence plus douce…

    The SaD ReaLiTy… 07 mai 2013

    …Demain est un autre jour dit-on. Sonia n’est plus là, je pleure des larmes de sang !
    Je fais moins de bêtises, je garde le sourire comme une bonne fifille en me disant que dans la vie il y a toujours pire. Je suis les directives de la psy, mais suis-je mieux pour autant? Le destin de chacun est fait de creux et de bosses et avec un peu de chance l’on s’élève chaque jour un peu plus. Ma bonne fortune s’est égarée en chemin ce qui fait que nous ne nous sommes jamais rejoints. Je persiste à y croire, je l’attends toujours. J’ai cru un temps qu’Ashlimd faisait partie des mieux qui m’étaient offerts, mais une fois encore j’ai tout gâché en le quittant sur un coup de tête. Il me dit que l’on m’a inspiré cette séparation. Ash a la haine contre Gärtner, ce poseur de conseils bidons éructe-t-il au plus fort de sa mauvaise humeur.
    Je dois reconnaître que je ne sais plus très bien où nous en sommes tous les deux. Je me suis séparée de lui et pourtant je me jette dans ses bras dès que l’occasion s’en présente. Il s’accroche, il souffre, il est homme. Je suis si seule que ne n’hésite pas à me vautrer entre ses draps parfumés, à me nicher au creux de ses bras, à exiger ses câlins exquis. Ash me donne le frisson, le vrai, celui qui me fait tout oublier. Ensuite je me sens honteuse et responsable de la mauvaise conscience qu’il éprouve. Moi je n’en éprouve aucune envers celui pour qui j’ai quitté Ash. Dans ces moments-là, grivoiseries et promesses écrites sur écran s’envolent loin, très loin de mon esprit. Pourtant je sais que les sentiments qui me lient à Virtuel Gärtner sont sincères. J’aime cet homme, mais j’ai besoin de Bébé aussi. Je suis perdue.
    J'accepte mieux les mains que l'on me tend, mais un jour ou l’autre je finirai par abandonner. Je suis à bout de force. Cette envie d’en finir est toujours présente en moi. Je suis entrée dans un bar et il m’a fallu vingt bonnes minutes pour déterminer lequel de mes actes serait le plus approprié. Je stoppe mes conneries, je plonge dans le grand bain. Je continue de me détruire à petits feux, blessant un par un ceux qui qui sont présents pour moi. Certaines nuits, je m'endors tardivement avec l'envie de ne plus me réveiller, et je me vois frapper à la porte des anges en espérant y retrouver maman, Miriette et ma Douce. Elles sont là, tout près de la Bonne Mère. Je me réveille en pleurant. Ensuite mon amie l'insomnie, celle qui gâche la plupart de mes nuits, me prend par la main et elle me tient compagnie jusqu'au petit matin. Finalement je n’ai commandé qu’un thé. Le serveur m’a gentiment souri.
    Avoir recourt aux pilules bicolores? Non merci, à cause d’elles je me réveille de mauvaise humeur, avec l’envie de mordre, le verbe assassin. Je suis consciente que ce que j’écris ne sera jamais du Zola et deviendra encore moins un prix Goncourt, mais là, avec les gélules, même moi je me rends compte que c’est de la daube lorsque j’aligne quelques phrases. Je suis encouragée à poursuivre dans un domaine qui ne me convient pas, et celui qui le fait me devient parasite. Je le tiens en estime car il m’a énormément réconforté et soutenu. C’est lui qui m’a lancé sur la voie de l’écriture. À présent je le trouve intrusif, il se mêle de mes créations et m’offre les siennes à publier. Ça je ne peux l’accepter. Dès que je n’apparais plus sur mon site il se rend aussitôt aux nouvelles sur celui de Patricia et cela commence à ressembler à de la manipulation. Mes écrits, aussi catharsistiques ( ?) soient-ils, n’appartiennent qu’à moi. Ce que j’exprime dans mes contes est mon vécu, aussi les poèmes érotico-sensuels qu’il déverse à la pelle dans ma messagerie commencent à me mettre mal à l’aise. Je ne les publierai plus tout simplement parce que je ne les ai pas composés.
    Ce séjour en maison de soins m’a tout de même été bénéfique, une véritable introspection m’était nécessaire et cela m’a permis d’admettre que la vie est faite de drames et de beaux moments pour tout un chacun. L’on y est préparé dès l’enfance, mais certains le comprennent plus rapidement que d’autres. Aujourd’hui, malgré l’immense chagrin qui me sert le cœur, je suis en mesure de souhaiter mille bonheurs, là où elle est, à ma Sonia, et il me semble que mes commémorations morbides perturbent sa sérénité alors j’ai pris la décision de les espacer. Je me refuse à ce que ce soit dans mon mal-être que perdure son souvenir. J’ai rencontré les bonnes personnes, à moi s’en tirer bénéfice. Je dois cesser de me plaindre, il est grand temps.
    Je viens de prendre de bonnes résolutions, mais cette chienne de vie vient de me mordre une nouvelle fois.
    Rien de grave, mais au petit matin je me suis retrouvée aux urgences pour un problème de douleurs dorsales. Par deux fois dans la semaine, j’ai été réveillée par des brûlures dans une fesse et des piqûres au talon. Cela s’est transformé en raideur de la colonne vertébrale, j’avais l’impression qu’une bestiole me dévorait les lombaires, j’ai vraiment jonglé. Direction clinique. Les médecins et les infirmières étaient tellement sollicités qu’il m’a fallu attendre qu’un lit se libère en service de consultations en rhumatologie. Durant cette attente j’ai assisté au transfert d’une petite fille en soins intensifs. La pauvrette, neuf ans, pas bien plus il m’a semblé, était bardée de perfusions, des pansements la recouvraient du flanc à l’épaule, un moniteur surveillait son rythme cardiaque et un respirateur aidait ses poumons à s’oxygéner. Cela m’a fait un électrochoc, et j’ai soudain réalisé que la vie est trop précieuse pour être ôtée sur un coup de tête. J’ignore si la petite allait résister, mais la toute jeune infirmière qui était en charge de son box avait les larmes aux yeux en préparant les plateaux de soins. C’est cette humanité qui m’a rassuré et fait réagir.
    Comme aucune lésion n’apparait sur mes radios l’on m’a prescrit de simples anti-inflammatoires et renvoyé chez moi dans la soirée. Je dois faire toute une batterie d’examens, de tests et des analyses approfondies. Je n’ai aucune idée de ce qui se trame, mais l’on me recommande de prendre du repos. Je n’ai fait aucun excès cette semaine, pourtant je me sens claquée alors je vais aller à Graveson, c’est à vingt minutes d’Avignon et là je retrouverai le côté fun de ma famille. Ceux qui ne m’ont pas définitivement rayé de leur existence.
    Quelqu'un m'a dit un jour que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort...