• CHaPiTRe ( XIII )

    IMPRéVu... 18 Février 2016

    ...La tuile, je dois parcourir près de mille Kilomètres avec un forcené de l’accélérateur!
    Bébé a annulé ses rendez-vous, il a suspendu ses corrections et informé ses supérieurs de son absence. Ceux-ci se passeront des annotations réquisitoires qu’il rédige lors de chaque session. Dans le cas d’un dossier pressant il possède un compte sécurisé où il peut gérer les urgences, alors … c’est la catastrophe qui le pousse à fuir en région Lyonnaise. Je prépare son sac et le mien, il désire que je l’accompagne. Il m’ordonne de le suivre et c’est non négociable. Mumy a encore du mal à digérer le coup du chalet et de ma disparition en fin de repas de gala. Je suis ingérable a-t-elle dit. Je ne me laisse pas régenter, nuance.
    Bébé a finalement acheté l'appartement qu'il louait en banlieue de Lyon. Situé dans un immeuble grand standing, en copropriété avec parking privé, le logement fait office de pied-à-terre lorsque Bébé doit participer à de longues audiences. L’hôtel était un compromis qui ne le satisfaisait pas. La disposition des lieux est spéciale. Les appartements insonorisés, sur cinq étages, Ash réside au quatrième, sont agencés tels des plateformes Rubik's cube désolidarisées. Cela apporte une certaine intimité aux résidents. Bébé -peut- pouvait recevoir des visites en toute discrétion. Ses soirées entre collègues ne dérangeaient personne puisque les fenêtres et portes-fenêtres sont en décalées et donnent sur le parc ou la rue. Très agréable je dois dire puisque j’ai occupé les lieux durant de longs mois. Il y a une éternité de cela, moi-même j’y invitais mes loulous quand Ash était absent. Un vrai toit, un bain et un bon repas leurs redonnaient allant. J’admets à présent n’avoir pas réellement apprécié l’endroit. Il faut dire que j’y étais souvent seule et très tourmentée.
    Un vent plus que violent a rompu les attaches d’un échafaudage mal amarré situé en face du bâtiment. Des poutres ont cédé et libéré plusieurs planches et petits madriers qui ont basculées sur la verrière de la mezzanine de l'appartement. Et sur celle du voisin en-dessous. Des mètres carrés de vitres ont volé en éclats, fracas et dégâts assurés, mais heureusement il n’y a eu aucun blessé cela s’est produit en début de soirée et le grincheux du troisième était absent également. Bébé est fou furieux, Je sens que le trajet va être somptueux. Il refuse d’emprunter la ligne aérienne qui pourtant nous déposerait près de la gare. Trente kilomètres sur les rails et nous y serions sans risquer l’accident à tout moment. Hors de question me dit-il, monsieur veut pouvoir se déplacer avec son jet personnel, à savoir sa voiture. Au cas où. Quel cas, quel où?
    Ash a admis que le trajet en une seule étape pouvait m’être plus qu’épuisant. D’autant que ces jours-ci des aiguilles transpercent chacune de mes lombaires et cela a réveillé Omar le cafard. Je sens que quelque chose cloche dans mon corps, mais je ne suis pas encore parvenue à définir quoi.
    Bébé a été raisonnable, nous avons fait halte dans un petit relais en bord d’autoroute et curieusement c’était très calme. Ash, l’aventurier, le Batman des temps modernes a peur en avion, C’est la meilleure ça. Lorsque nous sommes allés au Costa Rica il a été vert une bonne partie du vol et il a tenté de me faire croire … bref, moi j’aime prendre l’avion c’est excellent pour l’adrénaline. Parlons-en de l’adrénaline. Ash me dit que conduire le détend. J’ai cru mourir des dizaines de fois. Même Schumacher aurait du mal à le dépasser ce dingue. Patricia le traite vertement de Fangio chaque fois qu’il déboule dans leur petit chemin. Et, quiche que je suis, j’ai longtemps cru que Fangio était l’équivalent du mot aliéné, une insulte quoi.
    J’appréhende un peu de me retrouver à l’appartement. Je n’y suis pas retournée depuis notre séparation censée être définitive. Ash y a fait faire quelques transformations avant de l’acquérir me dit-il, alors la curiosité l’emporte sur l’anxiété. Arrivée fracassante en fin de matinée. Bébé est vénère, de l’extérieur c’est … hallucinant, la plaisanterie va lui coûter un bras au bas mot.
    Entre les assureurs, leurs experts, les artisans à contacter et prévoir l’organisation du travail, il y en a pour une bonne dizaine de jours. Quant au chef de chantier responsable de l’échafaudage, il semble avoir du mal à se montrer. Pourtant il avait rendez-vous avec Ash sitôt notre arrivée. Et avec cette manie de jouer du RTT chaque fin de semaine, je sens que ça va traîner en longueur cette histoire-là.
    Courtoisie et distinction? Laisser-aller et sécheresse de ton plutôt.
    Indescriptible. L’on dirait qu'une tornade est passée par là. Les éclats de la verrière se sont répandus dans tout l’appartement. Les madriers de l’échafaudage sont coincés sur l’armature qui est complètement ployée. À l’intérieur l’un des fauteuils a été éventré, le bureau de Bébé dont l’un des pieds pend lamentablement est disloqué et une vitrine s'est brisée sous l'impact des gros débris, tout son contenu est éparpillé aux quatre coins de la pièce. Les plantes exotiques tirent la gueule. Le plancher de la mezzanine en a pris un sacré coup et il va falloir le reprendre entièrement. Ash avait fait transformer le côté cour de l’appartement et c’est ce nouvel agencement qui a le plus reçu. Dommage tout de même que les lieux restent inoccupés une bonne partie de l’année. Heureusement qu’il l’était dans ce cas-ci.
    Il a fallu une journée entière à l’entreprise de nettoyage pour remettre de l’ordre, enlever les débris de verre et autres vestiges de la catastrophe. Nous avons encore passé une nuit à l’hôtel, Bébé est très très irrité.
    L’assurance responsabilité civile du façadier veut négocier à la baisse la somme qu’ils sont prêts à investir pour rembourser leur client. Douze mille euros au bas mot. S’il n’entre pas dans ses frais, cela va faire mal à sa caisse noire. Il a proposé des matériaux bas de gamme pour la réfection et tenté de faire pleurer Ash dans la chaumière en disant qu’il allait devoir se séparer d’un ouvrier si Bébé persistait dans ses exigences de matériaux d’exception. Ben voyons, le vitrage de la mezzanine était légèrement foncé, réfléchissant et autonettoyant alors son assurance se fait tirer l’oreille. Ash lui a pratiquement rit au nez et lui a demandé si la totalité de ses ouvriers était déclarée. Il connaît le loustic, ses employés sont payés à coup de lance pierre et il est du genre négrier. Le gérant de la copropriété d’Ash l’a fait travailler une fois, une seule, tellement son ouvrage ressemblait au travail d’un sagouin. Et maintenant l’expert laisse entendre que l’échafaudage n’aurait pas été arrimé correctement. Trouver des artisans disponibles et qualifiés va être galère et je sens que les prolongations vont être jouées. Pour l’instant des bâches recouvrent le chantier et c’est assez flippant de les entendre s’agiter à tout bout de champ. Le vent a repris du service et la pluie s’est mise de la partie. Ce séjour va être rafraichissant.
    J’ai offert un gargantuesque menu bouchon à mon ogre en soirée. Très intéressé par le dessert…

    RéFLeXioNS iNTiMeS… 23 Février 2016

    …Nous occupons futilement une partie de notre temps. Le top, j’ai fait peau neuve!
    Entre nos promenades dans le vieux Lyon, des achats à la Part-Dieu, des jeux friandises coquines, les casse-croûtes à la sandwicherie et deux séances cinéma, j’ai trouvé le temps de me rendre dans mon institut de beauté préféré. Cela m’a fait un bien fou. L’on me croyait décédée, cela fait plaisir à entendre. En vérité, l’une des esthéticiennes ne prends pas de gants en me faisant savoir que la plupart du temps, lorsque je me rendais dans l’établissement j’étais bien … allumée. Je ne lui en veux pas, c’était la réalité. J’ai risqué quelques questions sur mes amies du squat, mais personne ne les a revues après que la municipalité a racheté le bâtiment que nous occupions. Depuis l’immeuble est barricadé et aussi surveillé que la réserve d’or de Fort Knox. Certes je ne m’attendais pas à de grandes retrouvailles, mais j’aurais aimé … rien, nada, c’était dans une autre vie.
    Un collaborateur proche envoie certains dossiers à Ash afin qu’il les ratifie, mais il refuse son approbation à la plupart. Il aimerait se concentrer en présence. Il va bientôt péter un câble si cette situation s’éternise. Cet après-midi nous sommes allés faire un tour au parc afin de nous détendre. Je me suis rendu compte que mon cerveau démoli avait idéalisé les lieux, à présent je les trouve ternes et mal entretenus. Pire, mal fréquenté. À chaque carrefour d’allées des groupes de gens parlent du dernier attentat et cela me fait dire que les hommes sont pires que des animaux qui eux tuent uniquement pour se nourrir. Je suis effrayée de l’amalgame, le racisme de ceux qui se disent de la bonne couleur est palpable. Sam dit que KKK en France pourrait être bientôt nommé Front National. Je ne me suis jamais intéressée à cette politique malsaine qui crie au loup pour tout et n’importe quoi, pourtant à présent je crois que mon Sam n’a pas tort. Je m’imaginais naïvement que ces attentats à répétition allaient rapprocher les gens, mais il n’en est rien. Au contraire, le regard du bon Français, de celui de la bonne couleur de peau est devenu suspicieux et accusateur. Certains de mes amis musulmans se tiennent en retrait car des ignorants se lancent dans des représailles de quartiers, imbéciles et peu louables. Ahmed s’est fait cracher dessus, dans son épicerie, par un retraité de l’armée, une honte. La réflexion venimeuse sortie de la bouche d’une jeune idiote, même pas vingt ans à mon avis, entendue sur notre passage m'a sidéré.
    - Regardez-moi ça si c’est pas malheureux, encore une qui aime baiser avec un macaque! A-t-elle lancé haut et fort aux jeunes gens qui l’accompagnaient. Ceux-ci ont ri bêtement, je dirais presque machinalement à sa réflexion. Leurs regards étaient malfaisants et pitoyable à la fois. Ce n’est pas tant ces propos qui m’ont touché, mais le fait que ce soit une personne probablement née à l’aube de l’an deux mille qui les prononce.
    J’étais prête à en découdre quitte à me faire fracasser, heureusement, Bébé est plus posé. Ash est conscient qu’il ne possède pas la bonne pigmentation selon les critères des donneurs de leçons, mais il a appris très tôt à vivre avec et il s’en sort la tête haute.
    Le pays des droits de l'homme devient un vaste bouillon de non tolérance, c’est écœurant.
    Vivement que ces travaux soient terminés afin que nous puissions repartir. Je me sens mal sur le théâtre de mes débordements. Le camp Charlie a été démantelé et c’est ce qui me rend nostalgique je crois, ronchon aussi. Fortunée, Grégoire, Brigitte, Lamine et les autres ont pris leur envol, j’espère de tout cœur que ce soit pour leur meilleur cette fois-ci. L’institution où ma Sonia et moi avons fait connaissance est désormais un centre social solidaire et citoyen. Je ne me suis pas attardée, j’ai eu besoin de me confier à Ash, ma douleur est seulement tapie, quand disparaîtra-t-elle définitivement ?
    Un contrôle de connaissances sur notre vie commune m’était nécessaire. Je n’ai pas encore la force mentale pour rapporter les détails sordides de … pour sauver ma peau il m’a fallu m’aventurer au royaume de l’horreur. Des années plus tard, pour me raconter, me soulager, je me suis créée un monde virtuel et cela a provoqué un tel ravage dans ma vie que j’ai failli en mourir de chagrin. Ma culpabilité disparaît peu à peu au sortir de mes séances psy. Selon Nadège je ressentais le besoin d’exister tout en restant cachée derrière mon écran. J’ai compris, trop tard, que mes textes vulgaires ne me définissaient en aucune façon. Ne s’improvise pas nouvelliste qui veut, surtout dans le genre romance interdite comme cela se nomme au Québec. La frontière entre Dark Romance et pornographie est si mince. Pour moi, cela a dérapé uniquement parce que j’ai eu la stupidité de les dédier à une personne qui s’employait à me maintenir sous sa coupe par son érudition. Ses encouragements sonnaient faux et je ne m’en apercevais pas, j’avais un tel besoin de reconnaissance. Ash adhère à mon besoin de m’exprimer par l’écriture, il m’assure que mes frasques passées sont loin derrière nous. Il m’encourage à la rédaction de ce journal thérapeutique, mais je n’ai pas encore trouvé le courage de tout lui faire lire, je recule l’échéance à plus tard.
    Ash a validé les devis de deux artisans ce qui lui a permis d’en finir avec son dossier responsabilité civil. La cuisine nous est enfin accessible alors, comme un vieux couple nous sommes allés faire quelques courses et une fois l’appartement regagné nous avons fait comme si tout était normal, un retour quatre ans en arrière en quelque sorte. Pas tout à fait. Lorsque la bâche claque au vent, mes vieux démons tentent le retour mais je contrôle la peur qui me couvrait de sueurs froides à l’époque, lorsque Christian claquait la porte d’entrée, je savais que cela n’était pas bon pour moi. Là, à chaque claquement je sursaute mais je suis convaincue que je ne risque rien. Installée sur le canapé près de Bébé, je savoure son regard protecteur, la douceur de ses traits, son sourire rassurant, et surtout ce geste tendre. Remettre une mèche de mes cheveux derrière mon épaule en murmurant quelques mots, seule leur douceur à mon oreille me fait les comprendre. Ils traduisent l’affection qu’il me porte. Et ce que je préfère par-dessus tout, c'est quand sa main s'empare de la mienne et qu'il dépose un bisou dans le creux de ma paume. Ce geste insignifiant a grande valeur pour moi.
    Ce matin Ash est au taquet. Il ne tient pas en place, les ouvriers sont enfin à pied d’œuvre. Pauvrets, mon Caramel désire affirmer son caractère ouvrier et j’ai toutes les peines du monde à le tenir éloigné du chantier. L’équipe est organisée et motivée j’en suis rassurée. Notre retour aux Aspidies se fera dans les temps. Le vieux ronchon du troisième s’est pointé pour râler. Les travaux sont trop bruyants et les nombreux va-et- vient d’étrangers dans les parties communes dérangent sa tranquillité. De quoi je me mêle, je n’ai jamais pu le blairer celui-là. Il est certain que les réparations d’une baie vitrée et de deux fenêtres ont été plus expéditives, mais il y a une sacrée différence d’ouvrage. Bref, comme cela ne me concerne pas vraiment, j’ai préféré m’éloigner pour ne plus l’entendre déblatérer.
    Bébé me rejoint au salon, sa joie de vivre fait plaisir à voir. Il se fait très démonstratif soudain. Je reçois un baiser à m’envoyer illico dans les nuages, à allumer en moi un brasier des plus intense. Et drôlement coquin le contact de ses mains sur mes fesses. Sa langue joue avec la mienne et je fonds de désir au contact de sa turgescence naissante contre mon … Mylhenn revient sur terre, reprends ta respiration s’il te plaît.
    Au terme d’une énième séance en Visio avec ma psy, il m’est recommandé de réfléchir sur ce qu’est la contrainte morale. Un début d’explication à mon questionnement sur ce qui pourrait éventuellement bloquer la véracité de certains de mes souvenirs. Ma thérapeute envisage de suivre la piste des faux souvenirs. N’ai-je donc consulté que les mauvaises personnes jusqu’à présent? Jamais cela n’avait été évoquée. Se pourrait-il que la plénitude sexuelle que j’évoque avec mon ex-mari ne soit qu’une interprétation erronée de mon cerveau pour me protéger d’obscénités subies?
    Emprise, conditionnement, consentement. Je sais ce que tu aimes mieux que toi…

    Ne GaRDeS Que TeS BaS... 25 Février 2016

    …La séduction narcissique vise à paralyser l'autre. Un effrayant jeu malsain d’attirance!
    Un mode opératoire, toujours le même, conduit la victime là où le désire l’agresseur. Un lavage de cerveau, que l’on pourrait presque nommer effraction permet à celui-ci de pénétrer le psychisme de sa victime. Il s’insinue en elle par la pensée, il décide pour elle de ce qu’elle aime. C’est effrayant, je confirme. Peu à peu je prends conscience que cela a pu m’arriver, m’est certainement arrivé et j’ai très peur. Peur de retrouver brutalement mémoire des terreurs ressenties lors de mes viols conjugaux, puisque c’est de cela qu’il s’agirait. Je dois l’écrire pour activer ma ressouvenance. Christian m’a violé, fort de son bon droit d’époux.
    Ce qui est atroce c’est que je ne ressens aucun ressentiment envers lui. Mon cerveau persiste à se le rappeler comme le dieu de l’amour parce que dans ces moments-là, pour moi il est resté mon Christian, doux, attentionné, amoureux de sa merveille comme il disait. L’hypnose? Peu recommandé m’assure Nadège, ce serait trop violent car c’est le subconscient des passions qui maintient ma raison. Mon cerveau à fait un sanctuaire de mes abandons forcés. J’aimais Christian je ne le répèterais jamais assez et c’est cet attachement qui a corrompu mes souvenirs. Une part globule de l’amour que je lui portais est toujours ancrée en moi, c’est tellement douloureux de ressentir ceci pour mon bourreau.
    Or donc, où en étais-je? Ah oui, seuls mes bas ont résisté à l’effeuillage auquel j’ai eu droit.
    Bébé sait depuis longtemps que la vue de son torse brun réveille en moi mes bas instincts. Il m’a défié du regard en ôtant sa chemise et le résultat ne s’est pas fait attendre. Dans peu je me déhancherai sous lui comme une bourgeoise débauchée. Déjà je hurle silencieusement du plaisir à venir.
    Moi sa Chouquette, les fesses à l’air lui dévoile ma fleur de nymphe et il jouit du spectacle le souffle court. Ses doigts frôlent la peau douce et tendre de mon entre-jambe, ainsi il m’offre mes premiers spasmes et pourtant il ne me chevauche pas encore. L’attente est insupportable, je veux le sentir en moi, là, tout de suite. Le frottement de mes bas sur sa peau le rend dingue. Je m'agrippe fermement à ses épaules tandis que de son tison ardent il franchit lentement les tissus enflammés du portail de mon intimité. Câlinette et Flamboyant s’en donnent à cœur joie et j’y mets beaucoup de bonne volonté en levant haut mes mollets par-dessus ses reins, Ash est à moi et à nulle autre. Nos corps sont parcourus de décharges électriques, s’en est presque une douloureuse agonie, puis vient le grand feu d'artifice.
    Blottie contre mon homme, je ne crains plus rien ni personne.
    C’est bien Ashlimd qui habite mon cerveau à cet instant. Lui.
    Catharsis? Enthousiasme à décrire ma vie sexuelle? Partager ma libido façon exhibitionnisme? Me ressouvenir par l’écrit ? Le brouillard persiste et je trouve mes lignes un rien perverses, je … Déni, sidération, emprise, rien de nouveau, je sais tout cela. Amnésie traumatique. Dissociation. Nadège confirme, pour me protéger d’un stress extrême, généré par les violences subies, mon cerveau a disjoncté et a déconnecté circuits émotionnels et images mémorielles. Je me sens trahie. Je veux me souvenir, il y a trop longtemps que je fais la part belle à mon bourreau. Globule affective, oh misère.
    Quinze heures quarante, les ouvriers sont à quelques mètres au-dessus de nous. Deux débauchés…

    EXPLiCaTioNS HouLeuSeS… 02 mars 2016

    ...Vivre chez papa-maman, faire le tanguy. Et alors, du moment que Bébé reste mon univers!
    Aux Aspidies le temps est aussi exécrable que dans la ville des petits bouchons. Mes articulations me font souffrir, rien de nouveau à l’ouest oserais-je écrire. Si, nous sommes enfin de retour au palais royal. J’exagère, ce n’est qu’une demeure familiale sur laquelle le temps n’a pas de prise. Une résidence vaste et confortable malgré son grand âge. Je ne m’y sens pas totalement à l’aise, mais la présence quelquefois épisodique de Bébé contribue à mon semblant de quiétude.
    Je me suis longtemps contentée d’un trou de souris aux traboules, en fait c’était sous un escalier. Je ne suis plus assez résistante pour de telles pratiques, mais parfois Scylla tente de me convaincre de revenir en ce temps-là. Aux dires de certaines associations les possesseurs de sacs lidl à carreaux gris, roses ou bleus se raréfient dans les grands centres-villes. Maintenant il existerait pour eux d’infinis possibilités d’accueil. De qui se moque-t-on? Chaque année une dizaine d’entre eux meurent encore dans la rue et dans l’indifférence générale. Beaucoup de SDF choisissent un coin de porte ou un vieux carton au fond d’une ruelle sordide et crade plutôt que de rejoindre un centre puant la sueur, l’urine et la … fatuité. Certes il existe de bonnes personnes, je ne dis pas, toutefois aucun des membres de mon ancienne meute n’a croisé leur chemin. Moi je veillais à les éviter pour des raisons qui n’étaient pas claires dans ma tête. À présent, les maraudeurs comme se nomment les anges de la rue, apportent soutien, boissons chaudes et couvertures, ils ont appris à ne pas forcer les choix. Ils n’obligent en rien, ils souhaitent. Pourtant il n’est pas si loin que cela ce temps où l’on cachait la misère à coup de paniers à salade. Je le dis, je le répète, je n’ai pas vécu la rue comme une punition, j’ai choisi de m’y fondre afin de calmer mes angoisses. J’ai eu la chance énorme de partager cet épisode de ma vie avec des gens qui connaissaient la vraie signification des mots solidarité, assistance, entraide. La réalité est toute autre pour ceux qui durant des années tentent de survivre dans cette jungle. Les femmes, surtout les femmes, doivent se construire une carapace de vigilance afin de se protéger des prédateurs, et que l’on me croit, l’on donnerait le bon Dieu sans confession à certains. Agressions, viols, chantages, rackets avec en prime les stigmates d’une lutte de tous les jours sur les visages, les corps et les âmes. Quand on entre dans la rue, l’on bascule dans une autre dimension d’où il est très difficile de revenir. Mais ne dit-on pas que l’essentiel en enfer est de survivre.
    Ce soir, allongée sur mon lit de princesse je repense à notre fin de séjour en région Lyonnaise. Quoi qu’elles en disent je ne suis pas une personne égoïste, j’en reste persuadée.
    À trois jours de notre retour, un bazar monumental régnait encore dans l’appartement, puis comme par magie tout a été réorganisé pour recevoir des invités à l’occasion de ce qui ressemblait à une pendaison de crémaillère. Bébé était heureux que les travaux soient terminés, il a voulu partager son contentement avec quelques-uns de ses familiers, collègues et relations sociales.
    Des années plus tôt, afin de me remettre pied dans le monde des vivants Ash m’avait inscrit comme bénévole dans un centre d’accueil pour femmes en précarités sociales diverses. Il était trop tôt, cela a été les quinze jours les plus longs de ma vie. Je n’étais pas prête à être confrontée à plus éprouvées que moi. En fait ces personnes étaient dignes dans la souffrance, seul leur mutisme parlait pour elles. Moi je hurlais mon mal-être au monde entier alors que j’étais censée être là pour écouter et faire don d’empathie. J’ai tenu deux semaines puis je n’y suis plus retournée. À leur tour, celles qui avaient été soutenues et épaulées devenaient bénévoles. Moi je me complaisais dans mes plaintes et un rien me faisait disjoncter. L’on m’a accusé d’être une petite bourgeoise qui avait voulu s’immiscer dans l’engrenage. J’ai ri au nez de ces bêcheuses car je refusais avec force cet assistanat de convenances. À l’époque il était de bon ton d’aider plus démunis que soi. Je devais bien être la seule cloche à posséder une carte bancaire et l’utiliser à des fins qu’elles n’avaient pas à connaître, alors dire que je profitais des avantages du système sans contrepartie, non je ne pouvais pas laisser dire cela.
    Aujourd’hui apparemment, le tournant que prend mon existence dérange encore.
    Deux des responsables de l’ancien centre d’accueil étaient présentes à la soirée de Bébé. Elles m’ont appris que le refuge a obtenu le statut d’association départementale grâce à lui et que toutes deux en administrent les gîtes et les ressources. Je les appréciais déjà peu à l’époque, mais là je trouve qu’elles puent carrément. Pétries de l’importance qu’elles se donnent, pétries d’orgueil.
    Élodie, la quarantaine frustrée s’en est prise directement à moi. Elle est allée jusqu’à me dire que j’avais eu énormément de chance de mettre ‘‘la main’’ sur Ash. Au sortir de la rue toutes les femmes brisées dont elle s’occupe n’ont pas réussi à se faire entretenir ou tirer le bon numéro comme cela paraît être mon cas.
    Traite-moi de poule de luxe tant que tu y es grognasse ai-je songé. J’aurais aimé pouvoir la gifler. Que connaît-elle de mon parcours pour se donner le droit de me juger? Autant que je me souvienne, elle n’était pas aussi brillante que maintenant quand elle allait à ses rendez-vous avec l’assistante sociale. J’ai coulé à pic plus souvent qu’à mon tour et personne ne peut imaginer où j’en étais arrivée de mes délires. Bébé m’a rattrapé de justesse et oui, ce que je vais dire n’est pas élégant mais c’est l’exacte vérité, je me suis suspendue à lui comme une moule à son rocher. Cela ne fait que très peu de temps que j’accepte sincèrement, sans coup fourré, son aide. Et l’autre, Alexandra, bien engoncée dans sa petite vie étriquée n’a aucune idée de ce que veut dire le mot compassion. Les savoir à prendre en charge des personnes fragiles m’est odieux. Je ne me suis pas éloignée de mes congénères parce que j’avais honte de mon passé comme elles le prétendent, j’aime ma meute et jamais je n’oublierai notre communauté. C’est juste que cet éloignement est dû au fait qu’eux aussi reconstruisent leur avenir et ce n’est pas en se maintenant en grappe qu’ils y parviendront. Mon comportement n'a pas changé, je tends toujours la main à ceux qui en ont besoin mais elles ne sont pas obligées de le savoir, je ne m’en vante pas moi.
    Je n’ai rien oublié. Ni la bane trouée qui cachait notre misère, la leur pas la mienne, ils me servaient d’échappatoire. Ni les pâtisseries que nous confectionnaient cette chère Fortunée, ni les chapardages à la supérette du quartier, ni les bains douches aussi crades qu'un couloir de métro les heures de pointe.
    Et surtout je ne pourrais jamais effacer de ma mémoire cet amour gratuit que tous m’offraient avec largesse. Quand enfin j’ai atteint mon Eldorado, je le leur ai rendu au centuple en les accueillant pour des veillées toilettes et repas pantagruéliques. À leur départ l’appartement de Bébé ressemblait à un club déjanté où le thème des réjouissances était soirée mousse. Bébé était furibard lorsqu’il s’apercevait qu’André s’était lâché sur ses cigares. Il m’arrive d’être nostalgique de cette musique d’ambiance, des odeurs de cuisine mauricienne, des glissades le long du couloir et des rires qui témoignaient de notre … que la vie vaut la peine d’être vécue.
    Alors, pour que ce soit bien clair dans leur petite tête, sous prétexte de leur montrer la mezzanine rénovée je les ai attirées à l’écart et j’ai mis les choses au point. Je ne vis pas avec le président d’honneur de l’association pour son fric qu’il, soit dit en passant, gagne en travaillant parfois jusqu’à des soixante-dix heures par semaine. Mesdames les donneuses de leçons trouvent que j’ai l’air arrogant et prétentieux, que j’observe les gens de haut en évitant de leur adresser la parole me disent-elles. Mais ce sont des taches, franchement? Si elles avaient dû apprendre à ne pas avoir honte de leur voix … je me refuse à m’aventurer sur ce terrain, elles ne me connaissent qu’en tant qu’ex-déguenillée, alors ma vie antérieure ne les regarde pas. Oui à présent je me laisse dorloter, oui Ash a tendance à montrer qu’il a certaines facilités à régler ses factures, oui il ne refuse jamais de son temps pour apporter soutien à ceux qui désirent venir en aide aux défavorisés, oui il m’offre des règles de vie convenables. Et justement il croit me souvenir que les subventions qui tombent chaque année pour leur association c’est Ashlimd en personne qui les leur a fait obtenir. Alors pourquoi cette agression verbale gratuite? Comme je suis un brin revancharde, oui je l’admets, pour clore la discussion je n’ai pu m’empêcher de les menacer de faire suspendre lesdites subventions le temps d’un petit contrôle fiscal. Tant qu’à sortir avec l’un des membres honoraire de leur conseil d’administration autant en profiter pour appuyer sur le bouton sensible. J’ignore si je leur ai définitivement rabattu leur caquet, mais elles m’ont laissé tranquille pour le reste de la soirée. Je suis parvenue à ne plus faire cas de leurs regards quasi venimeux en adoptant le légendaire flegme anglo-saxon. J'y ai gagné plusieurs danses ou tendrement enlacés mon Voyou et moi, nous nous déplacions sur un rythme n’ayant qu’un lointain rapport avec la musique endiablée qui sortait des baffles de la stéréo. J'ai noyé mon regard dans ses grands yeux sombres et cherché le contact de sa bouche humide. Un baiser long et passionné a uni nos lèvres. La joyeuse sarabande de nos langues n’avait rien à voir avec les baisers de deux êtres avides de sexe, elle se rapprochait plus d’une étreinte soyeuse ayant fragrance de miel.
    Diagnostic posé et confirmé. Le samouraï a pour nom spondylarthrite ankylosante. Je suis abasourdie, ce serait une maladie rhumatismale à facteurs génétiques. Je digère silencieusement l’information pour l’instant, mais je n’en pense pas moins. Tout se bouscule dans ma tête. Bébé désire investir dans des soins innovants, mais j’ai bien peur qu’il n’existe pas vraiment de remède miracle. Yoga, Pilates et qi gong m’a-t-on dit. Pas d’effets guérisseurs, simplement bénéfiques à un soulagement régulier.
    J’ai besoin de retrouver mon Sam, lui seul me bottera le derrière avec joie…

    IL Me CHeRCHe CHiCaNe… 04 mars 2016

    ...Bruyères et brouillard, Madam’ au mieux de sa forme. Pas encore ce soir que je ferais ma grenouille!
    Mon Pain d’Épices doit rattraper en quelques heures le travail de dix jours. Une fois encore il ne rentrera que très tard.
    - Mylhenn nos domestiques ont assez de travail sans leur en rajouter! La chambre de mon fils n’est pas une salle à manger, veuillez vous en souvenir! Oh elle démarre fort là et ça ne va pas me plaire si elle persiste à titiller mon exaspération. Avec sa diplomatie légendaire la mère de Bébé essaie de me dissuader de préparer une petite dînette à partager avec le héros à son retour. Elle est bien consciente que ce qui rentre dans mon oreille ressort aussitôt de l’autre. J’ai bien cru que de la fumée allait sortir de son crâne lorsque Steven m’a proposé son aide pour porter le plateau de la discorde à l’étage.
    Finalement cette querelle n’aura servi à rien, Ash est resté à Londres car il était très tard lorsqu’il a terminé ses annotations. Il a rejoint la gentilhommière de son oncle Donald à plus de minuit m’a-t-il dit.
    Le petit appartement se situe dans un quartier tranquille de la banlieue de Londres. Sam dirait élégamment que cette villégiature est ce que l’on nomme une trappe à gonzesses. Disons que Hylam et Ashlimd pouvaient y recevoir décemment leurs petites amies sans que Mumy viennent y mettre son grain de sel. Pour Sodishan c’est encore d’actualité. Bébé m’a expliqué que Mummy refusait catégoriquement qu’ils ramènent leurs rencontres d’un … d’amusements, dans la maison familiale. Moi? Apparemment j’ai quelque chose que les autres ne devaient pas posséder. Du caractère ça oui, mais un certain savoir vivre aussi. Maman était intraitable sur la politesse et la façon dont nous devions nous comporter en société Miriette et moi. Il semblerait que cela plaise. Kirsten n’a pas été admise aux repas familiaux, c’est dire. Elle manquait de distinction selon les critères de Madam’, pourtant elle était très belle et maitrisait à la perfection le dress code. Mumy avait-elle peur qu’elle pose ses coudes sur la table? Je ne tiens pas à entrer dans les détails.
    Cela dit je n’ai rien à réclamer de plus puisque je dispose d’une chambre particulière et malgré mes différents incessants avec Madam’, je suis la bienvenue chez eux. Phillip s’est pris d’affection pour moi alors je supporte les humeurs de môman avec … héroïsme. Ash est tranquille, il sait que je ne me laisse pas envahir tout en restant courtoise. Euh … la plupart du temps. Je suis entourée pourtant je me sens seule et je ressens de plus en plus le besoin de me confier à ma Sonia, sous l’olivier. Les promenades dans la garrigue deviennent nécessaire à mon équilibre mental.
    Depuis longtemps je n'avais pas ressenti autant le besoin de serrer Pouf dans mes bras, mais je l’ai confié à Maë Lynette lors de sa mise en bière, cela va déjà faire un an dans quelques jours. La Bonne Mère serait son guide dans l’au-delà, mais il m’avait été impossible de la laisser partir seule dans son cercueil, quelqu’un devait veiller sur son sommeil éternel. Par peur du scandale mon … géniteur n’a pas osé m’en dissuader. Maë Lynette était toute en ressentiments envers lui alors il n’avait plus son mot à dire.
    Pouf? Une peluche que l’on m’a offert lorsque j’étais aux soins intensifs, pour apaiser ma détresse.
    Dix-huit mois après sa sortie de maison d’arrêt, Christian montre à nouveau les dents. De sombres histoires de possessions communes le poussent à me chercher des noises. Le logement que nous occupions, son cabanon le long du Lez et l’exploitation du patrimoine agricole de sa mère, qu’il gérait par métayers interposés, ont été mis sous tutelle de nos avocats respectifs le temps de sa peine. Les indemnités qu’il me doit courent encore et il doit trouver une solution pour récupérer une partie de ses biens. J’ai toujours refusé que mon représentant le relance, ce qui m’importe est bien au-delà de l’argent. Je suppose qu’à présent il a besoin de se refaire une santé pécuniaire et il ne peut guère compter sur ses parents. Son père a disparu depuis le procès et sa mère refuse de le rencontrer. Je le sais c’est surnaturel, après tout ce qu’il m’a fait endurer je ne peux m’empêcher d’éprouver de la pitié pour cet homme.
    J’ai échappé à son contrôle et je ne compte plus lui faire de cadeau. Par l’intermédiaire de son avocate il essaie de me créer des problèmes. Les mails de cette dernière sont limite hostiles, ils ne contiennent aucune réserve professionnelle. Certes je n’ai pas toujours été exemplaire et je ne peux lui reprocher de se servir de mes mensonges et écarts passés pour m’intimider.
    À son retour de Londres je me suis jetée en larmes dans les bras de Bébé. Jamais je n'ai été aussi démonstrative devant ses parents. Même lorsque je me dispute avec sa mère, je fais en sorte de lui en parler discrètement. Son bras a enserré ma taille plus fort que d'habitude et ses lèvres se sont posées tendrement sur ma joue. Bien sûr qu’il est déjà au courant. Son adresse mail figure dans nos documents partagés à Christian et à moi.
    Vais-je devoir subir ce harcèlement et cette pression encore longtemps? Cette guéguerre faite d’insinuations, de sommations, de railleries, de conflits stériles que nourrit Christian contre moi m’est vraiment fatigante. Ash a répondu fermement aux injonctions de l’avocate de mon ex-mari et il en ressort que cela pourrait se régler en audition à huis-clos. Cela m’a un peu rassuré.
    Il idolâtre mon corps offert, il fétichise ma sensualité. Tels deux phénix…

    ANaNGa-RaNGa... 7 Mars 2016

    ...Les séances au centre d’entraînements lui donnent une pêche d’enfer. GI Joe est de retour!
    Quelques heures à crapahuter et le revoilà à dix-sept heures, prêt à conquérir la planète entière.
    Il commence par moi. J’adore son sourire genre ‘‘toi ma cocotte quand tu ne t’y attendras pas’’ et les baisers trop entreprenants pour être honnêtes qui vont avec. Seulement là il y a un hic, mon dos me fait souffrir à un point tel que même l’étoile de mer n’est pas envisageable. Nada. Relâche. Sans espoir. Rideau Bébé.
    Il sera toujours temps de lui en faire part quand nous serons dans notre cocon, là il paraît si heureux de me retrouver. Un sourire entendu aux lèvres, Ash me désigne son porte documents d’un clin d’œil de connivence.
    L’objet m’a l’air bien … dodu, encore du travail à domicile je suppose? Et en quoi des documents annotés ‘‘as a matter of urgency’’ par son secrétaire pourraient-ils m’intéresser?
    - J’ai mis la main sur quelque chose qui va te distraire, viens montons! Il déborde d’énergie et je m’en veux déjà d’avoir à calmer son enthousiasme. Nous nous apprêtons à gravir les marches pour rejoindre l’étage lorsque Philipp se pointe pile poil sur notre trajectoire.
    - Good evening Dad! Did you have a good day? Vraiment très poli le fiston, mais un rien impatient.
    - You're home early A-jaï? Oh yes, i had a really great day! Philipp est tout sourire et déjà prêt à faire un sitting sur la onzième marche.
    - How was your training? La question ne nécessite pas de réponse puisque le voilà qui poursuit.
    - Sodishan playing pool with Gabe, you share a drink with us after? Ash trépigne, il me prend la main.
    Gabe? Le Gabe, celui qui rend Madam’ dingue à chaque fois qu’il est convié à la table familiale? Monsieur Standish est, comment le décrire? Un homme très élégant, érudit, mais rarement reçu dans les bonnes familles. Seulement c’est le pote avec un P majuscule de Sod, alors on le tolère à la résidence. Son caractère folâtre et badin le discrédite, il apprécie un peu trop la gent féminine et depuis quelques temps Sodishan lui porte si vive admiration que parfois il suit le même chemin. Il arrive que Gabe se vante de ses succès et dans ces moments-là la conversation tourne rapidement au grivois ce qui irrite Mumy au plus haut point.
    - Thank you dad. I’m sorry but I'll have to turn down your offer. I want to show Mylhenn something! Ash décline hâtivement l’invitation et m’entraine à sa suite. Le pauvre Philipp n’a pas eu le temps de répliquer que nous sommes déjà en haut des marches. Non seulement cette brute d’Ash m’a arraché le poignet, mais en plus il a réveillé mes douleurs aux hanches. Il va falloir qu’il apprenne à tempérer ses ardeurs, sinon ma pauvre carcasse n’y résistera pas. Au fait, qu’a-t-il d’aussi sensationnel à me montrer ?
    Il vient de se rendre compte de ma pâleur et comprend enfin que je suis en pleine poussée d’ankylose. J’ai droit à un câlin magique donné avec la tendresse délicate des bras d’un orang outang constrictor et à une volée de bisous hérisson car monsieur n’est pas rasé de la veille. Il y a vraiment du laisser-aller.
    Un passage éclair sous la douche et vêtu d’un jogging ample mon Fripon se sent enfin totalement à l’aise.
    Il récupère son porte documents sur la banquette, l’ouvre et en sort un paquet recouvert de papier kraft. La posture triomphale, il me le tend.
    - J'ai là un livre qui va te plaire ma Chouquette! En fait il est pour la collection de papa, mais je veux te le montrer avant de le lui offrir! Bébé transpire l’euphorie.
    Ah, ce n’est que ça? Un livre? Et destiné à enrichir la bibliothèque de pôpa. Je dois faire une drôle de tête car le regard empreint d’allégresse, Ash insiste.
    - Á ta place j'y jetterais un œil, vraiment ma loupette, fais-moi confiance!
    S’il m’en prie autant c’est que cela doit valoir son … Waouh, de l'inédit, une merveille.
    La publication est luxueuse, elle se présente sous forme d’un ouvrage tranché or fin, dont la couverture cuir noire d’encre met en relief le titre estampé bleu nuit inscrit en gros, Ananga-Ranga. Certainement un livre à tirage limité. "Traité hindou de l'amour conjugal" écrit par Kalyana Malla. Ce sous-titre me fait sourire malgré moi et Ash n’est pas peu fier de lui.
    - Je savais ma chérie que tu ne résisterais pas à l’envie de le feuilleter! Ben voyons, il va me faire passer pour la polissonne de service s’il continue à entretenir mon côté libertin. C’est pourtant Phillip, je suis désolée pour l’écriture du prénom du père de Bébé, mais j’ai renoncé à l’écrire correctement. J’adopte la fantaisie. Philipp disais-je, possède tout une vitrine de manuels de savoir-vivre amoureux. Ils sont sous clé car ils ne doivent pas être mis sous des yeux innocents. Parmi d’autres il possède Le jardin Parfumé, un manuel d’érotologie arabe. Le dictionnaire amoureux de l’islam. Le Kâmasûtra en édition de luxe. Tout européen ayant vécue en Inde se doit d’en posséder un se donne-t-il comme excuse. Ce que je feuillette va le rendre une fois de plus fou de joie. Mon mauvais esprit, disons plutôt mon esprit taquin me fait écrire que Mumy et Papily ne doivent pas s’ennuyer lors des longues soirées d’hiver au coin du feu.
    Revenons à l’Ananga Ranga. Les images qui illustrent les textes du manuscrit sont très explicites mais en rien vulgaires. Aucune obscénité non plus dans ‘‘la marche à suivre’’, tout y est détaillé avec précision.
    Comme l’indique le billet intérieur, il s’agit d’un classique de la littérature hindoue qui unit érotisme et conjugalité. Le royaume du plaisir légitime dévoilé sous forme d’un manuel poétique. Oui, mais.
    Plus ancien que le Kâmasûtra, ce recueil est en partie destiné à sublimer le plaisir des jeunes hommes. Et les femmes sont uniquement l’instrument qui leur permet d’atteindre la jouissance.
    J’ai du mal avec le concept.
    En Inde les femmes sont loin d’être respectées et les mauvais traitements qu’elles subissent sont infligés par les membres de leur propre famille la plupart du temps. Mariages organisés, brimades si elles résistent et parfois pire. À ce qu’en disent Philipp et Dorothy, cela ne s’améliore que très lentement. Ce sont des us et coutumes surannées qui régissent encore la conduite à tenir de chaque caste.
    Aussi magnifique et distrayant que soit cet ouvrage, une douleur insidieuse envahit mes vertèbres et mes talons. C’est insupportable. Cela a empiré en quelques heures, l’on dirait qu’un rat cannibale me grignote peu à peu et les anti-inflammatoires que m’a gracieusement procuré Steven n’ont aucun effet sur ce supplice.
    Leçons, enseignements, préceptes. Un manque de spontanéité évident…

    YoNi & LiNGaM... 8 Mars 2016

    …J’ai passé une nuit épouvantable. Malgré la pose d’une perfusion la douleur persiste!
    C’est devenu une véritable torture et j’aurais envie de me jeter la tête contre les murs. Je tente de me changer les idées en feuilletant le livre qu’Ash va offrir à son père. Ce qui est censé être une leçon d’amour manque de chaleur, de passion, de fougue. De ce fait, j'émets des réserves quant au bien-fondé de l’ouvrage. Je le trouve tout au plus … amusant. Et encore. Certains paragraphes, pointent un regard pour le moins moyenâgeux sur la femme. Au fur et à mesure de ma lecture j’hésite à poursuivre.
    "Comme pour la musique, il existe de nombreux types d'instruments parmi lesquels tu devras choisir celui qui te convient" La femme comparée à un instrument cela ne me plaît aucunement.
    Ensuite viennent les positions de ‘‘l'exercice d'amour’’, expression peu délicate me semble-t-il? Est-ce audacieux ou archaïque je n’arrive pas à me décider?
    Le chapitre sur le type de femme qui correspond à chacun est … m’autorise à ne pas recommander le décryptage du recueil. Parce que c’est de cela qu’il s’agit tant les explications sont techniques. La B. A. Ba de l’amour expliqué aux nuls pourrait-on dire.
    - la Padmini où femme-lotus, celle que tu pénètres et que tu transformes en l'essence de Dieu.
    - la Chitrini où femme-artiste, celle qui te laisses la pénétrer croyant que tu es Dieu lui-même
    - la Shankhini où femme-conque, celle qui se donne à toi comme si c'était à Dieu lui-même
    - la Hastini où femme-éléphant, celle qui se laisseras pénétrer par toi comme si tu entrais dans la demeure de Dieu.
    Certes les mots sont choisis avec subtilité et normalement ce savoir aurait dû retenir mon attention. Curieusement, au lieu d’être détendue je suis mal à l’aise en parcourant l’une après l’autre les pages de ce guide somme toute assez cochon à l’usage du plaisir de l’homme principalement. L’on dirait des travaux dirigés pour jeunes étudiants, aucune place n’est laissée à l’improvisation, à l’imagination.
    Si mon état d’esprit était moins sous l’emprise de la douleur je serais certainement plus réceptive à tous ces éclaircissements. J’admets avoir souri à certains passages. D’accord j’ai éclaté de rire.
    Je glane au passage quelques conseils intéressants du genre de celui-ci : Connaissant parfaitement la longueur de ton lingam tu pourras choisir la femme dont le Yoni te convient le mieux. Tout un programme.
    Mieux, hommes et femmes sont associés à un animal suivant la taille de l’érection pour monsieur et la profondeur du temple pour madame.
    Homme-lièvre homme-cheval, homme-taureau.
    Femme-biche, femme-jument, femme-éléphant.
    C’est confirmé, ce n’est pas dans l’Ananga Ranga que l’on baignera dans le romantisme. Des détails peu … affriandant le confirme. Ils vont jusqu’à donner un goût au suc d’amour, je ne sais pas si je dois en rire ou m’inquiéter? Le sperme de l’homme-cheval est copieux, salé au goûter, il ressemble à celui d'un bouc. Mais oui vous avez bien lu. La suite? La salive d'amour de la femme-éléphant est très abondante et rappelle le suc qui coule des tempes de l'éléphant. Ça donne vraiment envie … de vomir. Du coup je suis très intriguée, existe-t-il réellement des gens qui ont testé la saveur sperme de bouc et suc de tempes?
    Franchement? C’est plus de l’ordre de l’effrayant que du sensuel, les gens qui ont élaboré cet ouvrage sont de grands malades crades. J’ai dit.
    Pardon Bébé, si ce livre est une merveille d’imprimerie, son contenu n’est qu’un ramassis de boniments bien ficelés. Puisque le livre lui est destiné, je souhaite de tout cœur que Philipp évite de s’inspirer de ces lignes, qu’il s’en tienne uniquement à la possession du magnifique recueil et que la Bonne Mère anime son côté lunaire et romanesque plutôt que sa nature studieuse.
    Une petite dernière pour la route?
    ‘‘Avant d'accomplir l'acte charnel il est nécessaire pour l'homme de connaître les symptômes de l'orgasme chez la femme. Dès que commence le plaisir, ses yeux se ferment à demi, ils s'humectent de larmes, son corps devient froid, sa respiration difficile et saccadée se perd en sanglots ou en soupirs. Ses membres inférieurs après une période de rigidité s'étirent puis vient une effervescence d'amour et d'affection avec force baisers et gestes passionnés et finalement elle semble s'évanouir’’
    Notez bien que je n’ai fait que reproduire ce texte. Il mériterait quelques commentaires dubitatifs, mais je renonce à ironiser sur un tel enseignement de … qualité. Si, finalement je ricane.
    La lecture de l’Ananga-Ranga m’a été assez plaisante et divertissante pour me permettre de détacher mon regard du cathéter qui embellit mon bras et d’endormir le mal qui dévore douloureusement mes os et cartilages. Je n’en retire nul autre acquis.
    Il semblerait que le samouraï ait maîtrisé sa ménagerie. Bébé est déçu…

    LeS FeSSeS à L'aiR... 12 Mars 2016

    …C’est l’un de mes désirs que je compte bien assouvir un jour. Seule l’opportunité me manque!
    Vivre dans une grande demeure où famille et domestiques se côtoient à longueur de temps n’est pas toujours enchanteur. Certes il y a de nombreux avantages à se laisser dorloter par des gens dévoués et diligents, mais parfois cela freine certaines de nos envies fantaisistes à Bébé et à moi. Je vais le dire carrément, nos bas instincts.
    L’armée des ombres, c’est ainsi que je nomme la domesticité de Mumy, est trop présente à mon goût. Tels des revenants et à toute heure de la journée, parfois de la nuit, le personnel de maison rôde dans les couloirs. Il traque la poussière sous et sur les meubles décoratifs, il fait la guerre aux cendres des cheminées, il astique les figurines ethniques parsemées dans des niches le long des galeries, il aspire les innombrables tapis et il renouvelle les fleurs des vases qui ornent les colonnes ornementales de la résidence. La Bonne Mère en personne a renoncé à les compter. Certains jours l’on se croirait dans une serre et autant dire qu’il n’est nul besoin de désodorisants synthétiques pour parfumer l’atmosphère.
    Je résume, dans cette fichue maison il est impossible de s’envoyer en l’air ailleurs que dans la chambre, sinon l’on risque un flag à tous moments. Le parcours érotique que nous avions improvisé avec Bébé il y a plusieurs semaines de cela a failli faire perdre la vue à l’une des femmes de ménage. Qu’avait-elle aussi à venir se cacher dans la buanderie pour fumer sa cigarette?
    Il nous est arrivé d’être entreprenants, un peu trop, dans la cuisine et le regard désapprobateur de mademoiselle Françoise m’a donné la désagréable impression de me comporter comme une fille à soldats. Mais zut à la fin, quoi de plus naturel que la main de monsieur Ashlimd agitant triomphalement ma petite culotte au-dessus de sa tête. Il l’avait gagné à la loyale. Bref, nos jeux donnent des regrets à tous les occupants de cette … fourmilière.
    Ash et moi disposons de tout un arsenal de distractions polissonnes que nous aimerions expérimenter sans témoins, mais c’est de l’ordre de l’inenvisageable.
    Les épais coussins du sofa du petit salon nous ont attirés il y a peu, mais au moment où le bâton de pèlerin était prêt à conclure le pèlerinage par un arrêt prolongé au sanctuaire, des pas dans l’escalier se sont fait entendre. L’expression de mon contentement par des roucoulements extatiques a été stoppée nette.
    Deuxième ratage, il nous a fallu oublier le cinq à cinq quinze bestial où moi impudique, je chevauchais son corps cuivré sur l’un des tapis de sol de la salle de sport. Ce jour-là j’ai battu un record en remettant mon short et ma brassière en cinq secondes chrono. Sodishan n’a pas été dupe.
    Il y a eu aussi la fois où, après la visite improvisée du serpent crapahuteur au creux chaleureux de mes dentelles, il ne m’a pas été autorisé de rechercher le bouton de manchette de Bébé que nous avions égaré entre les coussins du canapé d’angle. Pas le temps. Quelle honte lorsque James l’a discrètement rendu à Ash en fin de soirée. Même le panpan vite fait les soirs d’été entre les deux palmiers du solarium nous est déconseillé. Mon arrière-train exposé à la vue de tous ferait tache dans le décor, pourtant lorsque je suis vêtue uniquement de ma nuisette courte cela ravive de beaucoup l’affection que me porte Ash. Nous frisons l’incident diplomatique chaque fois que je ressens le besoin de répondre bruyamment aux sollicitations lubriques de ma Canaille, donc pour nous offrir de sympathiques divertissements sans provoquer de crise cardiaque à qui que ce soit, il nous faut envisager l’exil ou … la fuite.
    Toute royale en sa demeure Madam’ est comme toutes les mères, persuadée que son petit n'est en aucun cas préoccupé par des loisirs aussi triviaux. Mumy, aimeriez-vous savoir pourquoi avoir la résidence pour nous seuls, ne serait-ce qu’une journée, nous serait extase? Embrasée, flamboyante et sensuelle, dans chacune des pièces y compris votre chambre, je me laisserais courser les fesses à l'air par votre satyre de fils. J’ignore quels mots employer pour raconter ce qu’il me ferait s’il mettait ses mains avides sur moi. Un indice? J’exprimerai mon bonheur par des sanglots de sylphide impatiente.
    Oui c’est bien moi qui ai écrit ceci, mais je suis loin d’être celle que je parais être. Maléfique…