• BaCK To SCHooL… 03 septembre 2017

    ...Affamée, la S.A dont je souffre réclame sa dose de pleurs. Jamais je n’ai autant souffert!
    Je dis cela à chaque crise. C’est de pire en pire, je suis littéralement bouffée par la ménagerie. Les fourmis grignotent mes muscles, le piranha mord dans mes cartilages, le rat festoie avec mes nerfs quant à leur gardien samouraï il tranche des lames acérées de son katana au plus profond de mes chairs. Je suis à vif. Cette description de mes douleurs est très imagée j’en conviens, mais c’est l’impression que cela me donne quand mon mal se manifeste brutalement. Le médecin m’a prescrit du ketoprofene associé au tramadol mais l’efficacité de ce cocktail est toute relative. Mon cardiologue m’a mis en garde car l’utilisation d’un antalgique associé à un anti-inflammatoire peut retarder la guérison de mon muscle cardiaque.
    Quelques séances de shiatsu et je pourrais à nouveau mettre un pied devant l’autre, en attendant j’utilise mon FTT au quotidien sans me rebeller.
    Ma maladresse à utiliser la concordance des temps me gave, désolée, m’est si difficile à maîtriser. Je vais faire avec car je dois écrire pour maintenir la souplesse de mes doigts. Ce tout de mes déconvenues me gave. Je passe à autre chose.
    Ça y est nous y sommes, Bébé s'engage dans de nouvelles responsabilités et son planning ne va pas nous accorder beaucoup de temps. Si j'ai bien compris en quoi consistent ses nouvelles fonctions, Ma Canaille va être amener à élargir son champ d’action et moi je ne suis pas prête à quitter ma Petite Paix pour le suivre dans ses déplacements. Je n’en ai pas la force, pas l’envie surtout. Les séjours à rallonges aux Aspidies ne me tentent pas. Je viens tout juste de briser la coquille qui me retenait prisonnière alors je veux profiter de mon indépendance.
    Et puis il me faut bien l'avouer, chaque retour du héros est des plus plaisant.
    Depuis le début de notre relation notre mode de fonctionnement est la séparation consentie et en changer me terrifie. Je suis encore effrayée à l’idée de pratiquer ce que l’on nomme la vie conjugale. Mes extravagances voire obsessions, pourraient faire fuir Bébé. Ce que j’écris est ridicule, car depuis six ans que nous sommes ensemble, Ash a eu largement le temps de s’apercevoir que parfois les connections entre mes neurones ne sont pas fameuses. J’ai été mariée à un monstre et bien que sachant que Bébé n’en est pas un je reste sur mes gardes.
    Le spectre des corrections se refuse toujours à me quitter.
    Je ne sais pas quel inconscient a dit un jour que les supérieurs ne montaient jamais au créneau. Bébé n'est pas du genre à laisser son équipe intervenir sans qu'il soit présent. Et ce n'est pas par manque de confiance en eux, mais par respect pour le travail qu'ils effectuent sous ses ordres. Ash s'affirme en tant que leader, s’il gravit les échelons ce n’est pas par passe-droits mais grâce à ses compétences. Il s'est lancé plusieurs défis, parler couramment la langue de J.W von Goethe en trois mois et s’initier aux sciences forensiques. Je suis son repos du guerrier, sa Sucrette. Je sais qu’il sera à la hauteur.
    Ma thérapeute me fait travailler sur ma rencontre avec mon ex-mari car elle estime que je n’en suis pas ressortie aussi indemne que je le croyais. Je dois synchroniser ma raison et mon ressenti, du bla-bla de psy, mais jusqu’à présent ses séances ont toujours porté leurs fruits alors je vais faire confiance à Nadège une nouvelle fois.
    L'être abject que j'ai affublé du qualificatif de monstre pendant des années n’est plus qu’un vulgaire criminel à mes yeux. Je n’étais qu’une boule d’aversion à l’évocation de son nom, maintenant la terreur qu’il m’inspirait a laissé place à un simple sentiment de frousse, d’amertume surtout. Depuis que je l’ai croisé, affronté? mes pensées tournent en boucle sur sa misérable personne. Il se rappelle constamment à ma mémoire, un lien invisible me ramène à lui encore et encore. Je sais que cette rencontre était fortuite … mon esprit cherche à me convaincre que me détacher totalement de cet homme est une forme de lâcheté, il ne me permet pas d’oublier l’enfer vécu. Dans ma tête s’est constitué un mémorial et celui-ci m’est devenu purgatoire alors que je ne suis en rien coupable et surtout pas responsable de ce que Christian est.
    Cet homme a été mon premier véritable amour, il m’a trahi de la plus horrible des façons et selon Nadège, une infime part de moi n’arrive toujours pas à totalement lui en vouloir. C’est son nom que je murmurais du peu de vie qu’il me restait en réanimation, le nom de celui qui avait tenté de m’anéantir.
    L’après est loin d’être un meilleur. Il y a peu jai rencontré Marina à Aix-en-Provence, depuis des mois elle galère de structure en maison d'accueil, de salles d'attente en foyer, c’est lamentable. Pendant ce temps, son compagnon violent est traité comme une victime par les services sociaux car c’est elle qui a quitté le foyer conjugale. Cela me donne envie de vomir, Ash lui a trouvé un avocat spécialisé, peut-être pourra-t-elle enfin respirer. Nous avions une amie commune, Cyrielle, lasse d’attendre l’aide promise elle s’est suicidée. La pauvrette était épuisée de se battre contre une administration défaillante. Je m'estime heureuse d'avoir bénéficié d'excellents soins et de l'aide de gens compétents, oui il y en à quelques-uns. J’ai souvenir de mon bref passage en région parisienne dans une association de soutien aux femmes battues, je m’y sentais tellement impuissante, je n’étais pas prête à faire don d’empathie. J’avais l’impression de me battre contre des moulins à vent car je ne possédais aucune expérience pour être efficace avec ces femmes traumatisées, détruites, leurs tourments me renvoyaient aux miens. Contrairement à la responsable des lieux je me suis rapidement aperçue qu’il ne suffit pas d’avoir un vécu identique à celui des victimes, secourir, soutenir et encourager, cela s’apprend. Madame D. était complètement dépassée, elle avait été catapultée administratrice par piston et plus d’une fois j’ai failli lui dire ma façon de penser. Elle n’avait aucune idée de par où étaient passées ses protégés et parfois ses paroles qui se voulaient réconfort avaient le même effet que du gros sel sur une plaie ouverte. Au cabinet, des cas de suicides nous en constatons régulièrement m’a dit dernièrement William. Il a appris que l'une des anciennes clientes de Penjÿ, Sandra, quarante-trois ans, dont sept ans de sévices et presque autant de soi-disant reconstruction s'est pendue sous ecstasy. Son psy ne s'était même pas aperçu qu'elle consommait. Souvent ces femmes sont rejetées par leur famille et elles préfèrent l’isolement aux soins à cause des regards condescendants, bienveillants et quelquefois méfiant que l’on porte sur elles. Les statistiques n’en font jamais cas, un bon nombre de ces malheureuses ne s’en remettent jamais.
    Mes démons se terrent et ressortent au moment où je ne m’y attends plus, mais à présent lorsque je vire à l’infini, je m’isole et cela ne dure jamais très longtemps. De retour du Sri Lanka Bébé a compris que j'étais retombé de Charybde en Scylla. Il n’a rien fait de spécial pour me soulager, il ne me juge pas ni ne tente de me raisonner, sa présence suffit à m’apaiser, grâce à lui je sais qu’il existe des hommes bons. J'avance au rythme de deux pas en avant et d'un en arrière, mais je parviendrais à m'en sortir pour peu qu'on me laisse marcher selon l'allure que j'ai choisie. Nadège est la meilleure psy qui m'ait suivi jusqu'à présent. Celle-ci accepte mes rechutes sans en faire une affaire d'état ou me culpabiliser.
    Assez disserté sur mes névroses, un jour ou l’autre elles disparaîtront.
    Mon cher Sam et sa compagne Édith sont venus me rendre visite. Sam est un vrai bonheur, le frère que je n'ai jamais eu.
    "C'est son nouveau mec qui la rend aussi maigrichonne?" Voilà ce que lui a dit Christian. J’ai confirmation que ce qui nous a fait nous croiser était bien le fruit du hasard, il en a été aussi surpris que moi a-t-il dit à Sam.
    Samuel et Christian sont amis de longue date, mais mon ex-mari s’est toujours gardé une part d’ombre vis à vis de Sam. Il n’existe pas pires commères que la mère de Samuel et celle de Christian, voisines depuis leur jeunesse elles colportent leurs vérités souvent bafouées. Claudette et Marguerite sont connues du tout Graveson pour la façon qu’elles ont d’enjoliver ou de noircir ce qu’elles apprennent d’autres pipelettes. Marguerite a toujours juré ses grands Dieux qu’elle ignorait les sévices que me faisait subir son fils, elle ne l’aurait appris qu’au moment du procès, le doute ne me quittera jamais. Claudette la mère de Sam avait plus où moins peur de Christian alors elle ne parlait jamais de lui à son amie. Les relations étaient compliquées entre mères et fils des deux familles et je n’ai jamais questionné Sam, je ne veux pas le mettre en porte-à-faux. Il se contente de sermonner Christian lorsque celui-ci s’emporte de trop.
    Samy m'a annoncé que son stage en milieu hospitalier l'avait conduit à réviser son choix de carrière. Il continuera à faire du bénévolat dans les services où il a effectué sa formation mais c’est le poste en centre social d’une municipalité qu’il va accepter. L’un des adjoints délégués aux actions sociales a été séduit par ses compétences et sa façon d'enseigner. À ce propos, le jeune garçon qui aimait tant les poèmes de Gérard de Nerval, je l'avais surnommé Hippolyte, est décédé la veille de ses seize ans, paix à son âme. Sam en a été très affecté car il était très attaché à ce garçon, je suppose que c’est cette perte douloureuse qui a guidé son choix. L’empathie est son moteur.
    Ce qui est sûr pour moi, c’est que s’il ne m’avait pas motivé, poussé au cul comme l’on dit vulgairement, je n’en serais pas là aujourd’hui. Il me soutenait lors de mes découragements et me rendait dingue en m'obligeant à poursuivre le programme. Il ne prenait jamais en considération ma violence, mes coups de gueule et cela a failli lui coûter la vie. Ce jour-là il insistait pour que je me rende à ma séance psy car une fois encore j'allais m'y soustraire. Par jeu il a fait mon analyse avec des mots très durs et justes ce qui m’a mis dans une rage folle. Je l’ai sommé plusieurs fois de se taire, je hurlais à m’en fendre ce qui me reste de cordes vocales et voyant qu’il ne céderait pas, je l'ai poussé dans le bassin avec son fauteuil et je me suis enfuie. Heureusement que mes cris de colère avaient alerté les soignants, ils se sont précipités au secours de Samuel qui avait déjà avalé une grande tasse d’eau chlorée. Au terme d’une semaine d’isolement, celui qui allait devenir mon meilleur ami m’attendait en bas des escaliers.
    Depuis peu j’ai établi un partenariat. Il roule, ma seule ambition est de pouvoir marcher...

    DaNS Le DéSoRDRe... 09 septembre 2017

    ...La vie est un long … la suite est connue. La caresse de sa main sur ma joue me réconforte!
    Encombrée. La varangue commence à prendre des airs de showroom pour mobilier d’extérieur. Le barbecue de Bébé est encombrant au possible et la balancelle n’a rien à lui envier. Dans l’espoir de leur trouver un emplacement définitif Ash les déplace régulièrement. Mais c’est quasi inévitable, ils reviennent toujours sous la varangue à un moment ou à un autre.
    Le transat bains de soleil est posé en début d’allée tout près des marches qui conduisent au verger. Quant au salon de jardin, il tient à lui seul un quart de la terrasse. Encombrée, ce n’est rien de le dire et il va falloir trouver une solution très rapidement car Flo rouspète à chaque fois qu’elle louvoie entre les meubles avec la laveuse. Et ce n’est pas fini, elle va hurler. J’ai des excuses, le petit nouveau est magnifique.
    Il y a peu Ash et moi étions invités chez l'un des magistrats avec lequel ma Canaille a longtemps collaboré. Il était hors de question que je passe pour une haridelle décharnée, aussi avais-je passé ma plus belle robe et ses escarpins coordonnés. J’étais craquante à souhait, le look total poule de luxe. Ash a apprécié l’effort, vraiment apprécié.
    Un summum de bêtise les escarpins, mes talons et mes hanches me hurlent que je suis une … après avoir remercié notre hôte pour son délicieux accueil, j’ai récupéré illico presto mes mocassins puis, main dans la main Bébé et moi sommes allés flâner dans les vieux quartiers où se tenait une brocante. Les allées n’étant pas bondées nous nous y sommes dirigés et ce que présentaient certains exposants était d’une telle richesse que j’avais peine à croire que tous ces objets étaient de peu de valeur ou d’occasion. Bien sûr je me suis laissée tenter. Les récupérations d’un artisan vannier étaient superbes et si Ash ne m’avait pas stoppé dans mon élan, j'aurais laissé jusqu'à ma chemise chez ce passionné de tressage. J’ai dû me contenter du plus original des rocking-chairs, une coque en rotin, tressée en forme de cacahuète, montée sur de larges bascules. Ce petit bijou avait fait partie des meubles d'un hôtel de style baroque et le soir même de mon achat, il trônait sous la varangue. Il n’y a plus qu’à déposer un coussin moelleux sur le rotin et je m’abandonnerai … je retomberai en enfance, bercée par les balancements réguliers de mon rocking-chair.
    Avec l’aide de Florence et de Marceau j’ai aménagé la petite cabane du bosquet avec les vieux meubles de mémé. Entre autres, nos lits de vacances à Miriette et à moi. Des lits enfants en ferronnerie laqué blanc que je n’ai pu me résoudre à vendre. Mémé raffolait du style rococo, j’ai hérité d’une vieille commode toute bringuebalante dont les poignées en laiton représentent des olives. Quant à l’antique bureau deux places provenant directement de l'école primaire du village, il date de l’époque où Maë Lynette était conseillère municipale. Il sera parfait pour mes minots quand ils joueront dans le petit chalet. Tu rêves éveillée Mylhenn, mais cela fait un bien immense à ton petit cœur. J'ai ressorti du grenier nos trésors d’enfance, des livres de bibliothèque rose et verte, des puzzles en bois qui étaient cachés sous un fatras de journaux et de cartons vides et les livres de coloriages de ma chère Miriette. J’ai versé une larme en les feuilletant car ils étaient vierges de toutes enluminures. Notre grand-mère achetait toujours tout en double, et cela encore longtemps après le départ de ma sœur. J'achèterai des feutres et des crayons de couleur, quelques jeux et ce sera parfait. Je me fais du mal pour rien, jamais l’on ne peut revenir en arrière.
    Selon ma thérapeute, ce qui me pousse à aménager ce qu’elle nomme mes portes de sortie est encore compliqué à s’exprimer verbalement. Le besoin de confinement m’est autant nécessaire que le besoin d’espace et cela perturbe mon équilibre déjà fragile. Il est des erreurs que l’on ne peut corriger et c’est encore trop tôt pour me confier sur ce sujet à mes lignes, mais à petits délits petite peine, j’écrirais à mots couverts que je n’ai trouvé que ce seul moyen pour échapper un temps à Christian. Et depuis, une certaine réclusion m’apaise, lorsque dans ma tête je me propulse de Charybde en Scylla. J’éprouve parfois encore ce besoin à la Petite Paix de me créer des espaces réduits d’où je peux m’évader. Rien n’est simple dans ma tête, il m’arrive de croire que pour moi les dés ont été pipés dès ma naissance. Dans ce lieu d’internement j’étais protégée des coups mais confrontée à tellement de saletés que cela a fini par briser ma Psyché.
    Des années durant, nuit après nuit, un cauchemar toujours le même venait me hanter, mon sommeil en a été fragmenté jusqu’à ne plus pouvoir m’y perdre sans l’appréhender. En résumé, mon psychisme s’est enrayé et Nadège a encore du travail pour les dix années à venir. Le combat n’est pas perdu d’avance.
    Avant ses congés, j’ai confié des draps anciens très épais à Florence pour qu’elle me les remette au goût du jour. La toile en est rustique et lourde, mais elle conserve une literie fraîche l'été et chaleureuse à la mauvaise saison. Toutefois ce blanc hôpital immaculé me flanque le bourdon. Mon auxiliaire de vie est une couturière émérite, membre d'un club de patchworks et broderies, elle confectionne des couettes et des dessus-de-lit magnifiques avec ses partenaires d’aiguilles.
    Florence m'a montré la housse d’un édredon réalisée en différentes matières et tons de bleu, un travail fantastique. Chaque année les chefs d’œuvres terminés sont offerts à des collectivités caritatives.
    Après ouvrage, Flo m'a rapporté de véritables petits bijoux que je n'ose pas utiliser tellement j'ai peur d'en tirer les fils de broderies. Chaque drap est décoré d'une frise sur toute sa largeur, l'une représente des coquelicots dans un un champ de blé et l'autre une colonie de flamants roses dans un étang. Pour ce qui est de celui qui manque, Florence me promet une belle surprise. Je suis impatiente.
    La canicule atteint son summum, mais Bébé et moi avons été invités à une démonstration privée de line dance. Step, Touch, Heel, Scuff, Stomp, Hitch, Kick, Hook, non ce ne sont pas les paroles d'une comptine pour enfants, mais les pas de base d'une chorégraphie aux enchaînements compliqués. La manifestation était prévue en plein air, mais quarante et un degrés en plein cagna a fait que les organisateurs ont obtenu de la municipalité l’autorisation de se replier dans la grande salle des fêtes. La climatisation n’était pas vraiment efficace, les spectateurs transpiraient autant que les danseurs qui évoluaient de figures en figures sans que la sueur qui perlait sur leur visage ne les dérange. Inquiet Bébé m'a encouragé à boire abondamment pendant le spectacle car il me trouvait un peu trop pâle et il est vrai que je ne me sentais pas au top, mais j’ai vraiment apprécié le divertissement. François le mari de Florence m’a proposé de prendre quelques cours au sein de son groupe, j'ai trop peur de me rendre ridicule.
    Anne, mon infirmière, et Stéphane l'un des kinés qui me suit ont repris du service. Le samouraï a ouvert un œil et il l’a posé sur moi. Rien d’exceptionnel par cette chaleur, toutefois le rhumatologue m'a prescrit une perfusion de confort. Je ne suis plus maîtresse de ma carcasse et ça aussi ça me bouffe. Mon soin palliatif est ce qui soulage le plus les brûlures et les enflures de mes articulations quand je suis en crise. C’est le velours des doigts de Bébé qui façonne l'argile friable de mon corps et qui remplace avantageusement les anti-inflammatoires. Pas toujours.
    Je saute du coq à l’âne. Hélène en a été toute retournée, Viserys hurlait à chaque fois qu’elle s’apprêtait à lui lire une histoire. Il a fallu deux jours à la maman pour comprendre que le petit monstre, neuf mois, avait peur de ses lunettes de vue. En effet Hélène en porte depuis une semaine pour s’adonner à la lecture. Faute d’enfant, je me contente d’un chat errant. Skatter s’installe tantôt chez Marceau, tantôt chez moi, il a vite intégré qu’en faisant le petit malheureux sa pitance est assurée. Aujourd’hui le coquin a passé la journée sur le canapé de mes voisins et le voilà qui vient tranquillement ce soir me réclamer pitance. Il sait y faire ce chameau, il miaule plusieurs fois en me fixant puis il renifle sa gamelle vide.
    On ne pardonne pas à celui qui a cessé d’appartenir au genre humain. Transformer mon amertume en soif de meilleur...

    ÉCRiTS eN DéCaLaGe… 13 Septembre 2017

    …Élancements, gémissements. N’être jamais privée de ces bisous papillon!
    Ceux que Bébé dépose brièvement sur mon visage, mes lèvres et dans mon cou à chaque fois qu’il me croise. Pendant longtemps j’ai considéré notre cohabitation améliorée comme un partenariat, mais à présent je suis prête à voir évoluer notre relation. Une vie de couple harmonieuse ne me déplairait pas, la petite étincelle indispensable à l’intime véritable vient de jaillir de mon cœur. Notre affection l’un pour l’autre a toujours été un fait établi, comme une évidence. Le mot amour m’effraie car il me ramène à Christian, pourtant ces petits baisers dont nous nous gratifions l’un l’autre à tout bout de champ n’ont plus de prix pour moi, chacun possédant sa signification propre. Ils sont le code de notre langage secret.
    J’ai pris goût aux nombreux ‘‘je t’aime’’ que Bébé me décoche au moment où je m’y attend le moins, ils sont ponctués d’une légère caresse de ses lèvres sur les miennes. Longtemps mes ‘‘je t’aime’’ à moi se sont se limités à ceux que je murmurais à son oreille dans nos moments de tendre intimité. Puis j’ai enfin pris conscience que cela n’était pas suffisant alors j’ai ouvert mon cœur à l’homme de ma vie. Mon préféré des ‘‘je t’aime’’ qu’il me prodigue c’est celui, silencieux que je lis dans ses prunelles sombres, il est intense et riche en promesses.
    Afin d’établir un premier contact avec le staff binôme qu’il va guider à Cologne, Ash s’y est rendu quelques jours. Je suis fière de lui, très fière. Andrea et Lukas ont été bluffés lorsqu’ils ont appris que leur associé ne pratiquait leur langue d’usage courant que depuis quelques semaines. Son aptitude à assimiler les langues étrangères est inscrite dans ses gênes alors il n’y a rien détonnant à ce que Bébé ait gagné son pari. Pour les conversations pointues en termes techniques il a encore besoin d'un interprète, mais dans peu il volera de ses propres ailes.
    ‘‘Pardonner ne veut pas dire que vous devez oublier’’ tel est le pilote sur lequel je m'appuie actuellement en séances psy. Évidemment il est encore question de Christian. Cela a fait dix ans en février que j’ai été soustraite à l’emprise de ce psychopathe et j'en suis encore à culpabiliser. Mes cauchemars et le malaise récurant qui m'assaillent régulièrement à cette époque de l'année reprennent de plus belle. Je me suis jurée à moi-même que se serait la dernière fois. J’ai refusé tout net la couverture chimique que me proposait mon généraliste et j’ai appelé Nadège à mon secours. Il s’agit de pardon, du pardon que je recherche moi, c’est un comble. Le temps n’autorise pas la rémission totale, il laboure notre cœur d’une scarification profonde et les ressentiments éprouvés sont comme l’eau absorbée par le sable, ils se propagent en profondeur jusqu’à nous rendre malade mentalement et physiquement. Selon ma thérapeute je dois trouver ce pardon en moi, il est la force qui fera cesser les tourments qui me perturbent. Le pardon, que se soit envers soi ou envers ceux qui vous ont fait du mal, nécessite le passage par sept paliers et je n’en suis qu’à la première marche qui conduit au premier. Je ne pense pas être étroite d’esprit et encore moins donner dans le puritanisme, j’admets que mon côté bourgeois, jeune fille de bonne famille comme le dit parfois Samuel, est profondément ancré dans mes fibres. Je ris aux blagues salaces, je ne suis pas contre la fantaisie coquine d'un compagnon inventif et je pense être compréhensive dans certaines situations, mais là tout de même, je suis plus que contrariée par ce que je viens de découvrir. J’ai piqué une sacrée colère en apprenant qu’Hylam a impliqué son frère dans une histoire que je trouve sordide. La bienséance et l’honnêteté n’étouffent pas le mari de la pauvre Hailie, je lui en veux énormément car il a compromis moralité de Bébé en le rendant complice du naufrage de son couple.
    Hylam et Sodishan ont passé quelques jours à Nice puis ils sont venus nous rejoindre à Palavas. Notre petite station balnéaire ne joue pas dans la même catégorie de standing, les lieux sont moins fréquentés mais tout aussi divertissants. Je refusée que ma Petite Paix serve d'hôtel, je respecte trop le travail de Florence , inutile qu’elle récure ma maison après le passage des Huns. C’est à dire les frères de Bébé et leur suite. Nous sommes un peu à l’étroit à Phébus car il n’y a que deux chambres, une cuisine de taille modeste et une unique salle de bains.
    Le temps est superbe en fin de saison alors la terrasse du bas est le refuge idéal pour paresser et organiser de longs moments de convivialité. Je suis admirative de la capacité que possède Bébé à désamorcer un conflit. Grâce à ses suggestions, dortoir, barbecues, restaurants, plage et douches au tuyau d'arrosage pour ces messieurs, la cohabitation a été … harmonieuse. Seule Camilla renâclait aux tâches courantes. Ses parents n'ayant pas emmené leur nounou dans les bagages, la demoiselle a dû mettre la main à la pâte comme l’on dit chez Patricia. Distribuer des couverts et déposer des panières à pain sur une table n'est pas non plus un défi pour son âge.
    Mon plus gros problème a été la passion de Chrissy pour les cocktails. Elle ne peut se passer d’apéritif en fin de journée si bien que nous avons été obligés de nous rendre chaque soir au lounge de Norbert avant le dîner. Mademoiselle mettait un temps infini à se décider entre un Sex on the beach, un Sikko ou un Bloody Mary pour finalement choisir un Cosmopolitan.
    Toutes ces boissons sont à base de vodka et cet alcool et moi ne faisons plus vraiment bon ménage. La tentation était à portée de ma main, l'arôme est neutre mais ces fichus glaçons qui tintaient sur les parois du verre étaient un véritable supplice pour moi. Je ne me voyais pas faire un laïus sur ma dépendance, alors j’ai serré les dents en priant la Bonne Mère pour que l’attirance ne soit pas plus forte que ma volonté.
    Mes tantes ont fait aménager confortablement la grande pièce à vivre du bas, attenante à la terrasse, du coup nous nous sentions moins à l’étroit les soirs de quiétude. Cette année la location a été un désastre alors Madeleine a fait le choix de laisser ce bien uniquement à disposition de la famille. Dorénavant seul l’îlot d’appartements est ouvert aux réservations.
    Chaque fois que l'on reprenait possession de la villa, il nous fallait nettoyer la saleté que les vacanciers laissaient. Il aurait fallu avoir les yeux sur tout. Nous avons été gâtés, chewing-gum collé entre les coussins du sofa, fromage à tartiner étalé sur le bas des vitres de la porte-fenêtre, mouchoirs en papier coincés dans la bonde d’un lavabo et, comme je l’ai écrit plus haut, un couple a trouvé le moyen d'abîmer la clim. J'oubliais, des personnes peu scrupuleuses ont déraciné deux lauriers roses sur la haie intérieure, sans doute pour surveiller leurs gamins sur la plage. C'est déprimant à la longue, il faudrait un gendarme derrière chaque occupant et surtout je pense que l’agence ne faisait pas les états des lieux correctement.
    Pourquoi ai-je piqué une grande colère contre Ash? En feuilletant l’agenda familial de réservation des studios je me suis aperçue que l’un deux était occupé et le séjour réglé sous X. Sur le registre comptable, noms et adresses apparaissent, il m’a suffit d’un coup de fil pour découvrir le pot aux roses. Ash a demandé à Richard de ne pas inscrire de nom au moment de la réservation car le studio était destiné à dissimuler les amours illicites de son frère. J’étais furieuse en apprenant cela, je ne savais pas Bébé aussi stupide pour se compromettre dans cette gauloiserie.
    Hylam allait tranquillement s’envoyer en l’air avec sa maîtresse pendant que son épouse était sur la plage ou en ma compagnie. Cette couillonnade m’a écœuré, mais selon Ash je ne disposais pas de tous les éléments pour me permettre de blâmer Hylam. Je ne jugeais personne, j’étais juste déçue de leur comportement. Nos appartements bénéficient de brises vue, d’un portail à code digital pour accéder à la cour intérieure, d’une place privative pour chaque studio et d'un accès direct à la plage, il est certain que pour s’encanailler en toute discrétion c’est l’idéal. Monsieur Hylam n’avait que la route à traverser pour rejoindre sa dulcinée. Hailie est plus âgée que son mari d’un an et c’est une très belle femme, mais elle calque son attitude sur celle de Mumy, parfaite en toutes circonstances, ne laissant aucune place à la fantaisie. Jamais un sourire de trop et une seule préoccupation, ses enfants. Camilla surtout. Elle couve sa fille et la rend capricieuse au possible ce qui agace prodigieusement son mari. Ça je peux le comprendre. Sous prétexte que c’est un garçon, l’héritier, elle ignore totalement Terrence son fils et je crois ne jamais l’avoir vu lui donner un bisou ou le prendre dans ses bras. Le minot trouve de l’affection auprès de Bébé à qui il se confie parfois.
    Combien même l’union d’Hailie et d’Hylam a été arrangé, ce n'est en rien une excuse pour que le frère de Bébé se conduise en goujat. Le divorce a cours au pays des Aspidies, certes fâcheux pour sa réputation, ce serait déjà plus honnête. Le frère aîné de Bébé sonne quarante-et-un ans, il a une bonne situation et il gravite dans un milieu où les écarts de conduite ne sont acceptés que si cela se termine … vertueusement. Et je n'ose à peine imaginer la fureur dévastatrice de Madam’ si celle-ci vient à l’apprendre. Amy, la favorite, évolue dans la même sphère qu'Hylam, cette jeune femme à dix ans de moins que lui et c'est cette différence d'âge que ses pairs vont mettre longtemps à "digérer" au cas où il viendrait à régulariser la situation. Étrangement, Philip qui est au fait de la relation extra conjugale de son aîné n’a pas l’air courroucé.
    Bébé me certifie que cette jeune femme n'est pas ce que l'on nomme vulgairement une coureuse de dot puisqu'elle travaille et gagne très bien sa vie. C'est une personne intelligente, réfléchie et intuitive et elle serait providentielle pour Hylam. Sa spontanéité et sa fraîcheur d’âme seraient ce dont Hylam a besoin en ce moment.
    Je dois admettre qu’à ses retours de ‘’balade’’ Hylam était plus décontracté, joyeux et détendu. Hailie était bien la seule à ne pas se rendre compte de la différence de comportement de son mari. Et pourtant les remarques que Sodishan adressait à son frère n’étaient pas toujours d’une grande finesse. Après tout cela ne me regarde pas.
    Un enfant reste un enfant. Sur la plage nous avons eu des fou-rires baignades, des sauts de vagues et elles valaient bien celles d’un spot australien, des châteaux de sable Balmoral et des caprices violents mais brefs. Comme à son habitude Camilla était dans l’obligation de se faire remarquer. Maman a tenté de calmer le jeu en faisant du chantage, mais c’est papa qui a dû maîtriser la situation. La petiote voulait un ballon reine des neiges comme celui de la petite fille d’à côté et quand son père le lui a refusé elle a pris manu militari celui de la fillette et s’est enfuie avec. Hylam a rattrapé sa fille, a récupéré le ballon et … s’est engueulé avec Hailie en prime.
    Les hurlements des deux gamines ont dû s’entendre jusqu’à Carnon. Ceux des parents … inutile d’y revenir.
    Imperturbable, une partie de l'après-midi, Terrence a attendu patiemment qu'un poisson ou un crabe vienne se prendre dans son épuisette. Ce gamin m'inquiète, il est trop calme, trop sage pour un garçon de son âge. Philip m’a dit que le père de Terry était d’un tempérament quasiment olympien étant enfant. Donc j’en conclu que c’est dans les gènes des garçons.
    Le lendemain, on prend les mêmes et on recommence. Camilla, toujours elle, nous gratifie sous l'œil attendri de sa mère, d'un énième caprice, Hylam avait déjà traversé la rue. Refusant de chausser ses chaussons de plage pour aller escalader les rochers glissants de l’épi, ce qui devait arriver arriva, mademoiselle s'est foulé une cheville. À partir de là, elle a été infernale toute la soirée couinant pour un oui ou un non, narguant son père qui Bonne Mère merci avait eu sa ration de câlins dans l’après-midi. Sodishan et Ash se sont régalés à se faire doucher par l'écume et emporter par les rouleaux d’une mer plus que houleuse. D'ailleurs, tous les occupants de la plage étaient étonnés que le drapeau soit vert.
    Bébé s'est éclipsé pendant deux heures avec son neveu et lorsqu'ils sont revenus le gamin avait des étoiles dans les yeux, je ne l'avais jamais connu aussi bavard. Ash a emmené Terry au port afin de lui offrir un vol en parachute ascensionnel. Seul Hylam était dans la confidence. Vingt minutes dans les airs et le minot nous en a rebattu les oreilles toute la soirée.
    Lorsque Ash et ses frères s’ennuient et se lâchent, ils ont la même capacité qu'une tornade à tout détruire sur leur passage, pires que des gosses. Hailie et moi étions épuisées de les voir s'agiter, aussi les avons-nous expédiés à une soirée casino. Cela ne me disait rien de faire la conversation à Chrissy, je la trouve superficielle et enfant gâtée. En même temps pourquoi n’en profiterait-elle pas? Par certains côtés Sod ressemble beaucoup à Ash et il est très généreux avec ses conquêtes. Finalement, nous avons passé un bon moment entre filles et Hailie s’est un peu lâchée. Quelques bribes de soupçons au sujet de son mari, les ennuies se pointent gros comme une … pastèque.
    Les garçons étaient euphoriques à leur retour, ils ont gagné un peu plus de trois mille euros. Leur enthousiasme venait surtout de ce qu’ils avaient assisté au triomphe d’un chanceux, riche d’un gain de cent vingt mille euros. L’essentiel est qu’ils se soient bien amusés.
    Hylam a contrarié Mumy. Son omoplate droite est ornée d'un superbe Ganesh dans les tons mauve. La couleur de sa peau fait ressortir le tatouage, il n’en est pas peu fier. Lorsqu’elle s’en est aperçue Dorothy a traité son fils de bourrique. Était-il obligé de commettre la même stupidité que ses frères? Hylam espère qu’à son retour de vacances elle se sera calmée, mais qu’il n’y compte pas trop, sa mère possède une mémoire d’éléphant. Ce qui est certain c’est que les trois grands gaillards à la peau aussi brune que le miel de châtaignier et tatoués à la légionnaire ne sont pas passée inaperçus sur la plage. Il m’est avis que certaines en ont pris plein les yeux.
    Mon crédit vacances est épuisé. Études, concentration, progrès...

    LeÇoNS Vs SoNGeRieS… 17 Septembre 2017

    ...Qu'il est difficile de se replonger dans les études après deux mois de farniente!
    J’ai repris mes séances d’écriture, mes idées sont claires, mais j'ai un mal fou à me concentrer et il m’a fallu plusieurs galops d’essais avant de retrouver mon rythme de croisière. Je travaille d’arrache-pied sur d’anciens textes pour les rendre agréables à la lecture afin d’en présenter quelques-uns à mes professeurs. Ils sont brut de décoffrage et d’une trivialité excessive, donc à refaire en intégralité, mais en gardant la trame originale. Mes sujets sont intéressants, il suffirait d’en corriger les redondances grossières qui s’apparentent à du vocabulaire pornographique et je me refuse à adopter ce style d’écriture, ce n’est pas moi. L’on peut tout à fait écrire de la Dark Romance sans user de termes obscènes.
    J’assume entièrement mes actes et en relisant ce que je nommais pudiquement des contes, je ne me sens pas fière. Si je dois être éditée un jour, ce ne sera pas dans la catégorie obscénités pour vieux pervers, j’en fait le serment.
    Ma thérapeute a raison, ces textes ont été écrit à l’attention d’une personne en particulier, ils sont rattachés à un affect très puissant puisque resté virtuel, à un échec aussi. J’en ai effacé une bonne partie et ceux conservés me renvoient à la réalité de ce qu’était mon misérable quotidien à cette époque. Je ne renie pas ces écrits, je désire les enfouir au plus profond de mon entrepôt mémoire. Le remaniement de ceux qui ont trouvés grâce à mes yeux ne sera pas simple, mais j’ai assez de courage pour me lancer dans l’aventure. Mon correspondant d’alors pense qu’il s’en est sorti avec les honneurs, du moins je le suppose. Pourtant l’homme parfait qu’il pensait être est aussi blâmable que moi. Il aurait dû se rendre compte que j’étais le mal-être en personne. Nous étions fusionnels au point de passer des journées entières derrière notre écran, presque une vie de couple avec l’agréable qui s’y rattache, alors revenir à la réalité a fait très mal. Je désirais plus que tout oublier rapidement ce gâchis, il m’a fallu dix-huit mois pour tirer un trait.
    Les cours reprennent dans peu, il faut que je me mette aux révisions. Au lieu de cela, nostalgique, je rêvasse et cela ruine ma concentration. Le moins que l’on puisse dire c’est que je ne suis pas à mes exercices.
    Qui dit convivialité chez les tantines dit super banquet. Nous avons été choyés lors de notre passage éclair aux terres en compagnie des frères de Bébé. Les garçons ont eu droit à la visite de l’exploitation, et nous les fidèles compagnes avons dû nous surpasser pour exploser les papilles de dix-sept convives affamés dont huit arrivés à l’improviste. Je reconnais humblement que je ne suis pas foulée, j’ai confectionné un gaspacho de concombres à la menthe fraîche et selon l’expression consacrée, il a déchiré. Peut-être un peu trop de citron? Lorsque les citadines m’ont vu mélanger les ingrédients avant de les passer au blender, les pauvrettes ont failli se trouver mal. Selon la méthode Madeleine, il m’a fallu touiller délicatement les morceaux de concombre avec l'huile d'olive et le citron en me servant de mes doigts. Chrissy qui apparemment n'avait jamais touché un éplucheur de sa vie a aidé Hailie à la préparation des légumes pour le tian, un hymne à la Provence profonde. Le symbole des plats conviviaux s’il fallait en choisir un. Nous avons vécu un moment délicieux lorsqu’il a fallu assembler façon puzzle dans deux énormes plat à gratins, les rondelles d’aubergines, de courgettes, de tomates, de poivrons d’oignons et … de fromages de chèvre. Deux belles épaules d’agneau pour accompagner et, une tuerie ont-ils dit. Que ce soir clair, j’ai participé à la confection du repas, mais pour ce qui a été de me sustenter, une moitié de petit bol de gaspacho et une portion lilliputienne de tian ont attiré le regard noir de Bébé sur moi. Pour qu’il retrouve le sourire il m’a fallu être persuasive. Ash, ma poule couveuse, s’est adouci quand je lui ai montré les photos que ma Nanouche venaient de m’envoyer. Nanouche est le surnom que donnait les enfants à Pat lorsque celle-ci était nourrice agréée. Ses clichés du pont aux lanternes à Bordeaux, sur fond de ciel d’orage sont superbes.
    Je reviens à la réalité après de longues minutes d’errance de l’esprit. Nous ne sommes qu’en septembre, mais il commence à faire frisquet le matin en haut du col. Pour preuve, j’ai ressorti ma couverture en polaire et mon châle des jours de morsures. Je me fais lentement à l’idée du retour du samouraï, il n’oublie jamais le changement de saison.
    Le temps d'une visite de contrôle chez l'oculiste Hélène m'a confié Viserys car Marceau aide son oncle Alban au vignoble de Portiragnes, cette année les vendanges sont en avance. Le minot est fan de Lullaby, j'ai bien cru que le mécanisme de la boite à musique allait céder vu le nombre de fois où j'ai actionné la clef. Finalement après une pause biberon et un change nécessaire, mes oreilles ont pu se reposer.
    Ressentir de l’hostilité pour votre tortionnaire c'est éviter de s'identifier à lui, c'est ne pas être dans le déni, c'est se reconnaître victime et éviter de retourner les pulsions de destruction qui vous assaillent contre vous. Elle en a de bonnes Nadège, je me sens coupable de n’avoir pas pu détourner Christian de ses pulsions de déséquilibré. Il m’arrive en des moments heureux comme celui où j'ai pris soin du petit garçon de Marceau, de réfléchir à mon parcours.
    Mes cicatrices de l'âme et du corps sont encore bien présentes, mais peu à peu les mauvais souvenirs s'effilochent, ils font places aux nouveaux, plus bleus, plus apaisants. La confiance en moi se profile.
    Mon petit paradis a survécu à la sécheresse et les dégâts sont moindres. Je prie souvent la Bonne Mère pour qu'elle prenne soin de l’âme de Maë Lynette. Mémé m’a fait tellement de bien en me confiant sa maison, le rhizome de mon existence y est implanté profondément et c’est ce qui me permet d’apprécier ce que je deviens.
    Le grand homme est dans la lune, il a oublié l'écrin souple qui contient ses boutons de manchette et dans son bagage il n’a que des chemises aux poignets napolitains. Ça va le mettre de bonne humeur. Ash ne se sépare jamais de ceux de la grande académie où il a fait ses études, ils lui servent de porte-bonheur, ils signifient le succès assuré de ses engagements. Quatre jours sans ses attaches favorites, il va me revenir grognon.
    J’ignore si mes erreurs peuvent être qualifiées d’échecs, mais ce qui est certain c’est qu’à présent je ne renonce plus à me battre, quand mon enthousiasme s’atténue je rebondis. Le nombre de fois où ma psy m’a entendu dire que ‘‘mon doux nuage cotonneux s'obscurcit et devient pesant de mes souffrances’’ ne se comptent plus. Je sublimais ma douleur dans un lyrisme incertain. Petit aparté avec moi-même.
    De Londres Bébé est parti pour Cologne afin d'organiser une importante réunion de travail avec ses confrères allemands. Il ne s’est aperçu de son étourderie qu’en s'habillant pour descendre au restaurant de l’hôtel. Par chance il a pu s’en procurer deux paire à la boutique du quatre étoiles. Ash est en déplacement, mais je ne suis pas seule.
    Ma santé, chancelante une nouvelle fois, me tient compagnie. Je souffre de talalgie et cela me retient prisonnière de mon canapé, la douleur irradie dans chacun de mes nerfs lorsque je tente un pas. Ce ne serait que cela, je prendrais mon mal en patience, mais une migraine atroce me vrille les tempes et la nuque à tel point que ma vue se trouble.
    Cette maladie est une plaie, mon état reste stable pendant plusieurs semaines puis il se dégrade sans prévenir.
    L’on me dit de me ménager, que je ne suis pas raisonnable, que je provoque les poussées de la maladie par mes nombreux déplacements. Je réponds simplement que je préfère souffrir durant quatre à cinq jours en pleurant de douleur plutôt que de m'empêcher de vivre. Attendre tranquillement ma dépendance n'est pas prévu au programme. Tant que je tiendrais debout, je marcherai. En plus de ma talalgie, mes angoisses ont repris, ce fichu mistral me met la tête à l'envers. Je roule en mode je me sens inutile, bonne à rien, mauvaise à tout, bête comme ses pieds, quiche aux poireaux et quand je suis comme cela il m’est impossible de travailler mes cours. D’autant que dans ces périodes de crise mon traitement est lourd et cela me fait somnoler à longueur de temps.
    Question existentielle s'il en est une pour moi, vais-je pouvoir reprendre mes cours en extérieur?
    Je reviens quelques instants sur ce qu'est la Spondylartrite-Ankilosante. Il y a près de deux ans, j'ai été diagnostiqué définitivement selon les critères d'AMOR. À partir du résultat j’ai été éligible au titre de Miss SA. Fichue maladie contre laquelle il n’existe aucun traitement définitif. Seuls des antidouleurs et des A-inflammatoires me sont prescrits lors des périodes de poussées. Après c’est mon estomac qui devient un bouillon d’acide malgré les protecteurs gastriques. Lorsque mes articulations deviennent trop douloureuses, j'ai droit à des infiltrations locales de corticoïdes. Elles ne me servent pas énormément, mon médecin me les prescrits uniquement pour échauffer mes cartilages avant les séances de kinésithérapie. Ces séances sont primordiales, elles m'aident à lutter contre l'enraidissement, mais encore faut-il pouvoir les supporter lorsque l'inflammation est à son paroxysme. Ceci dit c’est la seule chose qui me soulage, je dois supporter un supplice pour en apaiser un autre. Je me sens prisonnière du samouraï et de sa clique, ce qui n’est pas pire que ce que j’ai subi en deux mille quatorze, j'ai dû porter un corset ainsi que des attelles de posture la nuit et des orthèses plantaires dans mes baskets, très glamour tout çà, et pour rien. Diagnostiquée S.A il m’a fallu commencer au autre protocole. c’était… le pied. Je suis complètement à plat à cause de la perfusion, rien de bien nouveau et je fais des bêtises.
    J'ai fait très fort cette fois-ci, à l'heure du déjeuner j'ai picoré le repas que Flo m'avait préparé puis j’ai déposé les restes dans le micro-onde avec la fourchette. Vers dix-huit heures j’ai mis réchauffer le reste de ma purée de courgettes et. … un micro-onde bon pour la poubelle. Un grésillement, une magnifique lumière bleutée, un pouf étouffé et la messe était dite. Me voilà orpheline d'un appareil qui me sert à tous moments de la journée.
    Flo s’il te plaît, pourrais-tu passer par le magasin d’électro-ménager avant de venir chez moi?
    Cet aparté est réservé à Samuel, tu demeures depuis près de trente-cinq ans en paca et tu ne sais toujours pas que le Grau malgré sa proximité avec la Grande-Motte, se situe dans le Gard? Le Vidourle, ça te rappelle quelque-chose? Tu m'inquiètes mon ami. Vérifie ce que tu as écrit pour le rayonnement de tes disponibilités. Merci qui?
    Ma tante Madeleine est de fort mauvaise humeur car je ne donne pas signe de vie depuis une semaine et elle s’est sentie obligé de me rendre visite. Avec deux sacristains et un chocolat chaud dont elle a le secret, la cuillère tient droite dans la tasse tant il est épais. Écœurant, mais tellement réconfortant. Les sacristains sont des petites pâtisseries à base de pâte feuilletée plus ou moins caramélisée dans lesquelles sont incorporés des fruits secs et des amandes grillées, le tout recouvert de sucre glace. Des étouffes chrétiens, mon péché mignon en temps normal. À part ses soupes et des purées je ne peux rien avaler ces jours-ci et Florence me menace régulièrement d’en parler à Bébé. Je sais qu'elle a raison, mais la nourriture et moi c’est une lutte de tous les jours. Madeleine cerbère a tenu bon et j’ai dû engloutir l’un des gâteux et une tasse de chocolat pour qu’elle reparte l’esprit tranquillisé. J’ai trotté jusqu’aux toilettes dès qu’elle a eu le dos tourné?
    Une grande joie se profile à mon horizon. Je bous d’impatience, ils vont illuminer mon soleil…

    Ma CoMMuNauTé.... 20 Septembre 2017

    ...Parsons Greenn, Londres. Trente blessés sont à déplorer, mais cela aurait pu être plus tragique!
    Un nouvel attentat, le cinquième en six mois, a été commis à Londres. La bombe artisanale aurait dû exploser en pleine heure de pointe mais fort heureusement le dispositif improvisé n’a pas produit l’effet escompté. Je suis bouleversée. Je stresse pour Ash, il utilise souvent les transports pour se rendre au bureau. Sur certains réseaux sociaux les illuminés trouvent des tutoriels pour préparer un engin explosif, et une fois celui-ci confectionné ils n’hésitent pas à le déposer dans des quartiers très passants. Deux ou cinquante morts n’a pas d’importance à leurs yeux, seul compte l’impact psychologique. Ces gens veulent faire régner la terreur.
    Mes loulous sont enfin là avec leur lot de bonnes et de mauvaises nouvelles. D'un commun accord nous nous sommes installés à Palavas plutôt qu’à la Petite Paix. Ce n'est pas que la météo y est plus clémente car il pleut à torrent, mais c’est le côté pratique qui nous pousse à nous exiler en bord de mer. En cas de problèmes majeurs je pourrais plus facilement joindre une infirmière, mon IDE est en formation SMUR pour tout le mois de septembre.
    Fortunée a été effrayée par mon apparence en arrivant. Il est vrai que depuis le départ de Bébé, je me suis un peu laisser aller et je ressemble à un fantôme. D’une pâleur à effrayer la mort elle-même me dit Fortunée en guise de bonjour.
    Florence ne l'a pas exprimé ainsi, toutefois son inquiétude est similaire.
    Je vais bien. C'est seulement que je ne me nourris que de soupes, de purées et de compote que je restitue illico à cause de la molécule au nom imprononçable que contient mon médicament. Il me révulse l’estomac, je dois choisir, souffrir ou me sustenter. L’effet positif est lent à se mettre en place, je prends mon mal en patience mais je suis épuisée.
    Je n'ai pas imaginé un seul instant que le bataillon des bâches pourrait lui aussi être inquiet de me trouver ainsi, ils m’ont pourtant connu plus ravagée. Une heure à leur faire un cours sur la spondylarthrite ankylosante, oui j’ai passé soixante minutes à leur expliquer de quoi je souffrais. Ils m'aiment, nous n'y reviendrons plus.
    Nous avons chaud au cœur même si le soleil n'est pas au rendez-vous. Fortunée est noire comme le charbon, ce n'est pas le soleil de son île natale qui lui a donné ce teint magnifique. Avec son compagnon Pierrot, pendant leurs congés, ils sont allés dans un coin de l'Ardèche où il fait bon vivre au grand air. Pierrot est absent, c'est normal, l'école a repris. Forty repart à la mine en début de semaine prochaine. Notre cher Amhed n'a trouvé personne à qui confier son épicerie, de par le fait lui aussi est absent. L'an prochain, j'enverrais mes invitations plus tôt afin que nous puissions tous nous retrouver. André est devenu le responsable de l'atelier de restauration dans laquelle il officie, je suis très heureuse de le voir.
    J'ai failli ne pas reconnaître Anne tant elle est radieuse. Étant en voyage en Thaïlande avec ses parents, elle n'avait pas pu venir au mois d'octobre l’an dernier. Enceinte de cinq mois, elle a hâte de tenir Carlos junior dans ses bras. Anne a rencontré son compagnon dans la structure pour enfants handicapés dans laquelle elle s'emploie à développer les capacités de minots de six à dix ans. Et dire que je ne donnais pas cher de son avenir à l'époque. Carlos est aide-soignant. Grégoire et Brigitte ont obtenu un CDI dans le même hôtel, toujours à Nice. Je suis fière de les voir poursuivre leur chemin avec autant de pugnacité. Tous se battent pour se construire un bel avenir. Victor poursuit son bonhomme de chemin accompagné de Lucienne qu'il a rencontré à l'occasion d'un repas associatif au Noël dernier. Pendant les cinq mois morts, il entretient une forêt domaniale dans les Landes avec deux de ses compagnons des jardins collectifs. Myriam est en région parisienne dans un centre de réadaptation fonctionnelle pour accidentés de la route. Qui eût dit que cette jeune femme se relèverait aussi bien de son infortune?
    Par la pensée, elle est à nos côtés, mais nous ne reverrons plus Misa. La pauvrette, séropositive, est décédée fin avril d'une tumeur foudroyante au poumon droit. Elle est restée sous assistance respiratoire et morphine pendant trois semaines. Éric l'a accompagné jusqu'à son dernier souffle, il est encore bien fracassé. Pour ne pas trop ruminer, il a repris son ancienne profession à plein temps. Se replonger dans notre bulle d'amour ne pouvait que lui faire du bien. C'est courageux de sa part, car nous entendre égrener des souvenirs où Misa était présente doit accentuer son chagrin. Ils avaient pratiquement vingt-quatre ans de différence, mais ce n’était que bonheur de les voir ensemble.
    Je n’ai jamais évoqué Martine jusqu'à présent. Elle avait cinquante-huit ans lorsqu'elle a été licenciée des services postaux pour faute professionnelle sans indemnités. Nous ne savons pas exactement ce dont on lui reprochait, mais son dossier est passé aux prud'hommes. La même année, elle a appris que son mari faisait des crédits revolving sans qu'elle le sache et ils ont tout perdu du jour au lendemain. Avec ce dangereux système il était parvenu à contracter pour cent-trente mille euros de dettes. La maison une fois vendue, le couple a explosé. C'est ainsi qu'elle s'est retrouvée parmi nous avec Michelle, sa fille de quatorze ans. Ses aînées âgées d'une trentaine d'années ont toutes deux une bonne situation, mais elles n'ont jamais levé le petit doigt pour venir en aide à leur mère et leur petite sœur. Révoltant. Aucun d'entre nous n'a pipé mots car les services sociaux auraient retiré la garde de Michelle à Martine. Le père ignorait totalement la gamine. Plus tard, l'une de ses tantes l'a recueilli quelques mois. À l'époque je n'en ai pas parlé car je trouvais cela tellement injuste que je me sentais obligé de rester discrète sur le parcours de cette personne. Maintenant, il y a prescription. Michelle est en seconde année dans une école d’infirmières. Martine toute menue soit-elle, exerce la rude profession de manutentionnaire chez un grossiste alimentaire. Je suis vraiment très heureuse de l'avoir parmi nous, même si ce n’est que pour quelques heures, elle reprend le train demain en matinée.
    Je ne me voyais pas terminer la présentation de mes invités sans une note de jubilation. Monsieur Lamine nous joue la grande scène en arrivant au volant de sa voiture rutilante. Une petite blondinette l’accompagne. Quatre bises claquent sur mes joues et un ‘‘Bella je te présente Célie, ma fiancée’’ me dit-il en s’effaçant pour laisser place uà ne petite chose apeurée et rougissante qui me tend la main.
    - Bonjour madame, il me semble déjà vous connaître, Lamine m'a parlé de vous pendant une bonne partie du trajet! Me dit-elle avec un grand sourire. Madame, mais quel âge croit-elle donc que j'ai pour me donner du madame? Oui j’admets je ne suis pas à mon avantage ces jours-ci, mais tout de même. Un peu froissée dans mon orgueil je lui serre la main, puis je ne peux m’empêcher de lui donner une accolade en toute cordialité, si Lamine en a fait sa compagne c’est qu’elle possède quelque-chose autre que sa silhouette irréprochable.
    - Mylhenn si tu le veux bien! Bienvenue parmi nous et ici tout le monde s’embrasse et se tutoie! Célie a l’air soulagée en me rendant mes bises. Je ne sais pas comment ce diable méditerranéen fait, mais elles sont toutes en adoration devant lui. Célie ne déroge pas à la règle, une fois passées les civilités elle se rapproche de lui et le couve du regard. Ce sacripant privilégie la fraîcheur, la demoiselle ne doit pas sonner plus de vingt-cinq ans. Lamine est un de ceux qui me connaît le mieux, déjà à l’époque au camp Charlie. ‘‘Célie va avoir vingt-quatre ans début novembre, tu es transparente comme l’eau claire Bella’’ chuchote-t-il en me lançant un clin d’œil. Je capte le regard que pose Fortunée sur Célie et cela me conforte dans l’idée que nous nous sommes fait la même réflexion. Célie est l'ersatz de ma petite personne d'il y a huit ans.
    Au camp Charlie si j’avais dit oui, il n’aurait pas dit non le bougre, je serais devenue son officielle et plus si affinités. Je dois reconnaître que cela n’est pas passé loin, un baiser, un touche pipi et … je me suis reprise à temps. Bien sûr que madame Vodka était présente. Lamine était un coureur invétéré mais riche de générosité, cependant malgré son charisme il ne m'a jamais attiré de cette façon. C'est avec une satisfaction évidente qu'il m'a donné des nouvelles de son protégé Sophian. Celui-ci est en formation d'électricien depuis sa sortie de prison et il s'y tient. Je fais confiance à Lamine pour le maintenir dans le droit chemin. Qui eut cru que ce descendant de sarrasin allait devenir l'heureux gérant de deux supérettes discount? Aucun de nous ne donnait cher de sa carcasse, il monnayait des marchandises tombées du camion et sa spécialité était la substitution de divers articles dans les caddies des ménagères qui avaient le tort de se garer près des colonnes de soutènement. Lorsque des caméras de surveillance ont été installées dans le parking souterrain de l’hyper, cela lui ai devenu compliqué. Je suis fière de mes zoulous, tous ont rebondi. Bientôt ce sera mon tour.
    L’on ne m'avait plus appelé Bella depuis des lustres, c’est Sonia qui m’avait surnommé ainsi et Lamine s’octroyait parfois ce privilège. Aujourd’hui encore et cela me ramène des années en arrière pourtant je n’éprouve pas de chagrin, je sens le regard de ma Douce sur moi, l’au revoir définitif que je lui ai accordé m’a permis d’obtenir la paix de l’âme.
    Fortunée et Célie sont allées faire le plein au supermarché des quatre canaux. Avant de cuire le repas, cette diablesse de Forty devait certainement vouloir cuisiner la jeunette.
    Il n’est pas question de grillades car le temps est exécrable. De longues averses maltraitent les pavés de la terrasse. Qu’à cela ne tienne, ce qui mijote dans la marmite trépied en fonte de Maë Lynette sera un vrai délice qui nous permettra de nous réchauffer le corps et l'esprit. Fortunée et les épices, une grande histoire d’amour. C’est dans les gènes de toutes Mauriciennes qui se respectent me répète-t-elle souvent. Nous nous sommes repliés dans la grande pièce à vivre du sous-sol, tandis qu’un parasol protège l’âtre improvisé ou mijote un festin aux effluves envoûtantes.
    L’énorme chaudron, huit litres de contenance, pèse déjà une tonne à vide. J’exagère à peine, le couvercle fait bien son kilo à lui seul. Monté sur trépied ne s'utilise pas sur un piano, c'est ce qui fait tout son charme. Mémé l'installait dans le foyer de la grande cheminée du domaine pour concocter ses daubes familiales ou pour le repas des saisonniers. Maintenant les tantines s’en servent pour préparer les bouillabaisses et les soupes de poissons. Il était temps que nous cessions la location du pavillon car il y a peu je me suis aperçu que la serrure du cellier où nous conservons nos objets personnels, avait été endommagée. Le chaudron de sorcier s’y trouvait.
    Les garçons ont façonné un foyer de fortune avec des pavés autobloquants, puis ils ont installé le trépied de façon à ce que celui-ci laisse circuler de belles flammes. Fortunée nous concocte un plat typiquement mauricien. Les ingrédients en sont du temps et de l'amour, c'est la seule chose qu’elle puisse en dire car elle protège ses préparations comme des secrets d'état. Ses plats nécessitent toujours un long mijotage, mais à chaque fois la patience des convives est récompensée. L’on ressent le feu du dragon à chaque bouchée et cela se propage jusqu’au doigts de pieds. Moi qui ai déjà l’estomac en capilotade je me contenterai d’une bouchée. Lamine trouve le riz stimulant, toujours le mot pour rire. Du riz de Camargue dans sa plus simple expression, inutile de rajouter quoi que ce soit avec le coulis aux épices.
    Mon Sam est passé me saluer en coup de vent avec son amie Édith, ils se rendent à Carpentras où demeure l'oncle de celle-ci. Je crois ne pas m’avancer en écrivant que mettre un visage sur le nom de chacun de mes compagnons de galère dont je lui ai si souvent parlé a été l’instant le plus heureux de sa journée. Nul besoin de musique classique, le clapotis des vagues nous a bercé jusqu’à point d’heure. Le lendemain le beau temps est de retour, nous nous sommes offerts une sortie en mer sur le bateau d’un ami des tantines, ce monsieur est excursionniste en méditerranée. L'évocation de Misa, des traboules, de notre campement et de la misère dans laquelle nous mettions l'appartement de Bébé a occupé une bonne partie de la conversation. L’avenir en bleu ils ne le trouvent pas lointains eux et à leur contact je me vois déjà toucher le mien du doigt. Quelques larmes m'ont échappé une fois qu’ils ont été partis.
    Qui trop combat le dragon devient dragon lui-même. Merci Friedrich…

    ENSeiGNeMeNT eT aPPReNTiSSaGe… 27 Septembre 2017

    ...Vivre, survivre. L’appréhension me submerge à nouveau, elle ne sera jamais domptée définitivement!
    Les crises de S.A sont de plus en plus rapprochées et la question de mon devenir de handicap sévère se pose. Je le refuse net. Quels que soient les noms que je donne à ma maladie cela ne me soulage en rien.
    Les cours reprennent dans une semaine et je ne me sens pas assez autonome pour m’y rendre, vaincue par le doute je pleure chaque soir. Mon nouveau traitement commence à agir alors il serait temps que je me secoue un peu.
    Florence ou mes tantes pourront me conduire les jours où mes jambes refuseront de me porter, nous en avons déjà parlé. Rien n’y fait, cela me met la rate au court-bouillon. Je me suis disputée avec Ash à ce propos, pour lui que je m’attarde sur de telles sornettes est une énormité. Je cherche tout simplement à gagner du temps car il est dans ma nature de me déprécier, d’enjouée la veille, je suis abattue le lendemain. L’approfondissement de mes connaissances littéraires est ma priorité, mais la peur de l’échec me paralyse bien plus que la maladie.
    Révisions et encore révisions, ce n’est pas du luxe, ma présence sur les bancs de l’école est actée.
    Nous avons un nouveau micro-onde puisque la bécasse que je suis a bousillé l'ancien. J’ai failli réitérer l’ânerie avec une coupelle carton dont l’intérieur alu était dissimulé par la préparation. Mylhenn réveille-toi un peu bon sang. Bébé se moque gentiment de moi, mais cela ne me fait pas rire du tout, j’ai l’impression de régresser ces temps-ci. Être cette personne faible qui jour après jour se répand en plaintes inutiles n’est pas ce que j’envisage pour mes lendemains. C’est en couchant mes tâtonnements dans mon journal que je parviens à m’en délivrer et Nadège me sert de garde-fou.
    ‘‘Une femme ne devrait jamais avoir à compter sur la protection d’un homme, elle devrait pouvoir se défendre elle-même’’
    Ceci est la réflexion sur laquelle elle me fait travailler actuellement, son but est d’instaurer le dialogue, de m’obliger à formuler par des mots l’obscure caché en moi. Élixir de psy.
    Me prendre deux ou trois coups de poings dans le ventre et une rafale de claques ne m’a jamais encouragé à rendre les raclées que m’assenait le fou furieux que j’avais épousé.
    - C’est pour ton bien, tu n’es qu’une chiffe molle ma pauvre fille! Voilà ce qu’il me disait en me frappant, il me défiait de lui rendre les coups qu’il me donnait. Il m’insultait pour me faire réagir, un prétexte de plus pour me punir ensuite. Devinant que le final en serait le même, j’évitais d’envenimer les choses en répondant à ces sollicitations malsaines.
    Lorsque je comprenais que je n’avais plus rien à perdre sinon la vie, il m’arrivait de le mordre, de le griffer et de le menacer. Je ne sortais jamais victorieuse de l’affrontement et mon intérêt était de faire profil bas le lendemain.
    La volonté de se défendre de la victime n'est pas suffisante face au psychopathe qui l’agresse. Je le sais car moi aussi j’ai eu envie de rendre coups pour coups, mais si j’avais répliqué cela aurait été pire, Christian me dévastait pour bien moins qu’un regard de travers. Ce ne sont pas les centaines d’ecchymoses et de blessures qu’il me reste en mémoire qui me rendent malheureuse, mais c’est le regard des personnes qui me croisaient et qui détournaient les yeux pour n’avoir pas à me poser de questions. Il paraîtrait que le souvenir des mauvais traitements que l’on a subi disparaît. Quand?
    Ash vient de m’envoyer un délicieux ‘‘SUCRETTE ARRÊTE DE TE METTRE LA PRESSION’’ illuminé de cœurs et de bisous.
    Mon esprit vagabonde vers nos moments d’intimité car je dois améliorer mes rédigés.
    J'adore quand il se transforme en tigre. Le poids de sa grosse patte posée sur ma nuque me rend instantanément fleur de passion. Son souffle chaud dans mon cou fait naître en moi bon nombre d'envies peu avouables, prélude aux caresses à venir, j’en feule d’allégresse. Je me prête tout entière à ces désirs coquins lui révélant ainsi ma véritable nature. D’innocente je deviens coupable avertie, tantôt sensuelle tantôt pudique je joue à l’audacieuse, que je me révèle vicieuse ou vertueuse je sais qu’il fera le bon choix. Les quatre lignes précédentes sont un exercice qui me prépare à la rédaction d’un texte à teneur romanesque que je dois présenter à mes professeurs courant octobre.
    L’héroïne physiquement parfaite n’existe pas. Les prénoms à coucher dehors avec un billet de logement n’apportent rien à l’histoire. Les protagonistes qui passent leur temps à se chevaucher comme des animaux en rut et le suave quotidien de leur histoire d’amour sont à éviter, à oublier même. Créez des personnages attachants et évitez le graveleux à rallonge si vous estimez devoir écrire une relation intime du couple. Les consignes à respecter que nous a énuméré madame Tissot me semblent évidentes, un mois durant j’ai étudié le vocabulaire convenable adapté à ce style d’écriture. Pour ce qui est de le mettre en application, je pense ne pas m’en sortir trop mal.
    Je suis l’élue. De par sa robustesse et sa bienveillance il m’est primordial…

    FeNêTRe SuR NaGuèRe… 04 octobre 2017

    ...Écrire pour soi est facile. Écrire pour élargir le cercle de ses lecteurs comporte le risque de se perdre!
    Mon style d'écriture m'est très personnel et il m’a fallu de longs mois de travail pour parvenir à ce résultat. Le plus difficile ne m’a pas été d’écrire correctement, cela a été de révéler mes textes à des proches. Ce n’était pas le trac d’être lu qui inhibait mon énergie créatrice, mais l’indulgence dont on aurait pu faire preuve afin de me ménager, tout simplement parce que l’on éprouvait des sentiments à mon égard. Lors de mes débuts de narratrice j’ai fait confiance à une personne qui ne voyait dans mes compositions qu’un procédé malsain pour se donner du plaisir. Mon talent l’enchantait disait-il. Et pour cause, ce que j’écrivais n’était ni plus ni moins que de la pornographie addictive qui encourageait l’inavouable de ses penchants. J’ai été conquise et j’ai cru avoir trouvé le Saint-Graal qui allait me débarrasser de tous mes maux lorsqu’il a employé le mot catharsis. Cela me donnait juste bonne conscience pour utiliser la vulgarité comme mode d’expression, une purification de l’âme par la multitude de mots orduriers employés en quelque sorte.
    Ce qui a été publié sur la toile ne s’effacera jamais et de cela aussi il a fallu que je m’amnistie.
    Le doute m’assaille encore, mais les cours auxquels je me suis inscrite me rendent confiance en moi. Les professeurs nous encouragent à prendre des risques. Écrire ne consiste pas à vouloir plaire au plus grand nombre, mais à soi-même.
    Le jour J Florence était indisponible, j’ai pris un taxi. C’était tellement simple. Je suis une quiche poireaux-saumon de m’être mis le cerveau en compote pour ses fichus trajets.
    J’ai promis à Bébé de m'envoler pour Londres afin de le rejoindre au nouvel appartement, j’en meurs d'impatience.
    Mon sac de voyage sera léger, rien que quelques tenues délicieuses pour les yeux et deux ensembles de ville. Je me réjouis de ne plus avoir à me mettre sur mon trente et un à toute heure de la journée. Même recrue, grignotée par mon piranha, le corps en mode off, je veille à entretenir la flamme. Considérant qu'une petite soirée coquine ne peut pas me faire de mal, je réussis toujours à capter l’attention de Bébé sans avoir à adopter la philosophie de Vãtsyãyana.
    Imagination et provocation suffisent à produire l’effet escompté.
    L’ensemble en dentelles que j’ai trouvé dans la commode de Maë Lynette produit un effet bœuf sur ma Canaille. Ce sauvage a déchiré la guipure du jupon le jour ou il s’est pris pour Geoffray de Peyrac. Certains de mes sous-vêtements, tout à fait convenables je tiens à le préciser, le mettent en transe surtout lorsque je les coordonne avec mes leg warmers gris en laine. Ceci dit, c’est souvent grâce à l’une ou l’autre de ses cravates que nous devons nos meilleurs … je ne vais pas non plus livrer tous mes secrets d’alcôve. Juste pour cette fois, je dirais que la cravate de mon homme qui ceint mes reins et quelques gouttes d’un parfum qui habille donne des ailes aux deux sacripants que nous sommes.
    Il y a un petit plus à cela, c’est lorsque Bébé se rend au travail avec sa chemise parée de la cravate crapuleuse, son sourire fait plaisir à voir, le mien aussi car je ne me ruine pas en lingerie.
    Florence mon auxiliaire de vie a en sa possession deux draps de toile qu’elle m’a emprunté en vue de les rafraîchir. Lors de sa dernière intervention elle m’a montré l’avancée de l’ouvrage effectué par les membres de son association. Ils me confectionnent un superbe couvre-pieds style patchwork. Flo m'a commenté les diverses étapes à venir et je n'ai pas de mots pour décrire ce qu'ils réalisent. L’un des draps a été découpé en petits rectangles irréguliers, ceux-ci sont ensuite brodés en carreaux vichy de différentes nuances de vert et de bleu. Plus tard ils seront ajustés à la matière matelassée qui a été cousue sur l’autre drap, puis les bords de l'ouvrage seront festonnés. Jamais je ne vais oser l’utiliser.
    Bébé et moi sommes allés voir la récente adaptation d’un roman d’épouvante du grand King. Contrairement aux critiques
    lues nous, nous avons adoré. Il est certain que cela n'a rien à voir avec la version de mille neuf cent quatre-vingt-dix. Le pari est tenu, c’est plus innovant, plus rythmé et la perversité du mal à l’état pur est respectée. Dans cette mouture Pennywise est terrifiant et c’est la seule chose qu’on attendait de lui. La scène d'ouverture est géniale de monstruosité, on la connaît, on s'y attend, on la souhaite. J'ai été atteinte par le virus King au contact de Patricia et depuis je me suis bien gardé de me faire inoculer le vaccin. Les livres du maître de l’horreur sont chacun une friandise que je m'accorde une fois l’an, point trop n’en faut pour apprécier. Pour ce qui est des adaptations cinéma peu trouve grâce à mes yeux. Les Évadés, La Ligne Verte et Ça, mouture deux mille dix-sept se rapprochent le plus du récit original.
    Ce n’est que mon avis, je ne suis pas critique professionnelle.
    Une coupelle de poires fraîchement pelées près de mon portable, deux crachats d’esquimau qui fondent lentement dans mon thé et je me mets au travail. ‘‘Elle est complètement sénile, elle est capable de la tremper dans son café’’ Le contexte est que l’un des protagonistes explique à son épouse que sa mère est gâteuse au point de tremper dans sa tasse de café, comme une biscotte, la carte de vœux qu'elle va recevoir. Je cite cette réplique entendue dans une série car ça me rappelle ma belle-mère. La Joce s'est encore fait remarquer à la soirée des anciens du corps d’armes de mon père et celui-ci lui en a vraiment voulu. Il a refusé de l'emmener avec lui à New-York. Maintenant elle le lui fait payer.
    Je me rends compte que monsieur J. gère le domaine comme il le faisait avec ses hommes, à la baguette. Ceux-ci lui sont toujours dévoués et reconnaissants après toutes ces années. Je dois admettre que si nos terres sont prospères c’est bien grâce à l’excellence qu’il prône à longueur de temps. Personne ne peut lui en vouloir puisqu’il est encore plus exigeant avec lui-même. Je tiens de lui mon besoin d’indépendance disait Maë Lynette et si l’on ne m’avait pas coupé les ailes, je serais peut-être à ses côtés pour … les chiens ne font pas naître des chats, c’est tout ce dont je dois me rappeler.
    - Jocelyne est de santé fragile ma petite, cela ne se fait pas d’abandonner une personne faible! Voilà ce qu’il me répond invariablement chaque fois que j’ose avancer qu’ils n’ont rien de commun. Il ne dit jamais qu’il l’aime.
    Sacrifier sa fille unique à l’autel des convenances est certainement signe d’honnêteté pour lui. Leur mariage a été tellement rapide après le décès de maman que beaucoup se sont demandés s’il n’y avait pas un minot en route? Bonne Mère merci, mais non. Ma belle-mère est l’opposée de ce qu’était maman, mon père méritait mieux que ce ‘‘boulet’’.
    Il va me falloir encore du temps pour pardonner, ils m'ont trop fait souffrir. Je le réécris, rien de physique, juste quelques claques quand elle ne trouvait pas de mots pour s’expliquer. Ils se sont débarrassés de moi en m'octroyant compensation financière, afin que je prenne le temps de réfléchir à mon avenir disaient-ils. Quand j'ai rejoint les bancs de la fac l’on ne m’avait jamais prévenu que je risquais d’y faire la connaissance du grand méchant loup.
    À présent je panse mes blessures et je ne vis que pour me reconstruire.
    L'essentiel est que monsieur J. vienne me rendre visite régulièrement et que, j'ose le croire, il regrette ce qu'ils m'ont fait subir. Maman et Miriette sont les sujets tabous que nous n'aborderons sans doute jamais, je m’en fais une raison. Maë Lynette nous aimait de tout son cœur, de toute son âme et elle m’a protégé à sa façon lorsque je me suis retrouvée seule face à la marâtre. Ash m’exhorte à laisser le temps au temps, il m’invite souvent à croire que mon père m’a toujours aimé sans savoir me le montrer. Je ne me l'explique pas, Bébé semble vraiment apprécier monsieur J.
    Je n’étais pas facile en étant gamine, j’ai eu la haine trop tôt, je ne me suis jamais sentis coupable de les détester autant, de la maudire pareillement, si un peu tout de même et je souhaite qu’au fil du temps cette bataille stérile ne soit plus ma priorité. Ceci exprimé, cette cruche continue à me pourrir l'existence.
    Or donc, monsieur J. s'est rendu aux USA. Pendant deux semaines, il s'est baladé dans les rues de New-York, il a visité le musée-mémorial des Twin Towers, il a découvert la beauté des ponts qui conduisent à l'île de Manhattan et son périple s'est terminé dans les Hamptons. Il m’a promis de m’y emmener un jour. L’un des clients du domaine y possède une villégiature et il réclamait la visite de mon père depuis longtemps. Je n'ai fait qu'apercevoir les magnifiques manoirs de richissimes industriels ou ceux de stars de cinéma au sommet lors d’une participation éclair et forcée à une croisière le long de la côte est. J’ai tenté la cohabitation sur un voilier, mais Ash était du voyage avec sa petite amie du moment alors bonjour l'ambiance. Cela dit, la nana s'est éclipsée avec l'un des participants au cours du périple. Que de souvenirs. Jamarion, je me souviens de lui car il avait des racines Cornanches ou Cheyennes, je ne sais plus trop, il était vraiment très beau. J’avais ri de l’infortune de Bébé car la jeune femme était passée d'un hindou à un indien. J’ai rendu les armes après une semaine de croisière car je ne supportais plus la promiscuité. En nous retrouvant quelques mois plus tard, Bébé et moi n’en n’avons jamais parlé. Je suis persuadée que ce break n’a fait que renforcer son intérêt pour moi car lui n’avait jamais tranché le lien qui nous unissait. La personne qui arrive est la bonne personne, toujours cette fichue première loi. Ash envoyait des livres à mon intention chez ma Pat auprès de laquelle il prenait régulièrement de mes nouvelles. Aux dires de Patricia, Bébé flippait, il avait peur que je fasse une énorme bêtise en rejoignant un homme que je ne connaissais que par le virtuel, il souffrait réellement de ma stupidité. Je ne comprenais pas ou je ne voulais pas comprendre lorsque ma Nanouche me poussait à prendre en considérations les pour et les contre. Plus de contre que de pour selon elle et il m’a fallu de longs mois pour l’admettre. La fuite de ce cher Gärtner m’a prouvé que Bébé et Patricia avaient raison, j’ai mis longtemps à m’en remettre et le discernement me revenant j’ai remercié la Bonne Mère de sa protection. Jamais je n’aurais pu être moi-même avec ce virtuel comme je le nomme le plus souvent maintenant. Cet homme me considérait comme la bonne action de sa vie en faisant abstraction de mon côté sombre. En résumé, plus on remue la merde, plus elle pue disait mémé alors je vais une fois encore essayer d’oublier cet épisode peu reluisant de ma vie. Je me fonds dans la faune locale et je laisse venir. L’accent est de retour malgré ma voix changeante ce qui fait bien rire Sam, il m’appelle sa petite cigale car il m’arrive de faire un son de gorge assez bizarre lorsque ma conversation est enjouée. Le silence est de mise, Bébé révise des cours sur les sciences de la communication non-verbale car il doit valider une série de tests pour s’inscrire à une énième formation.
    Rien à signaler si ce n’est que le mécanisme a besoin d’entretien. Vivre pleinement…

    A WoNDeRFuL LiFe… 12 Octobre 2017

    …Rien n’est aisé. Surtout de se défaire de nos rêves pour vivre ce que la destinée nous réserve!
    À dix-neuf ans je m’voyais déjà … non pas en haut de l'affiche, mais en route pour un beau parcours. Seulement l’adversité m’attendait sur le bas-côté de la route. La chute a été rude, puis j’ai tenté de me relever en tuant un âne à coups de figues molles comme disait Mémé. Tout me paraissait irréalisable, je donnais du temps au temps, je me démenais contre le vent. Aujourd'hui, je profite enfin de la seconde chance que l’on m’offre même si je suis une mine de gaffes, mais je me soigne.
    Le rendez-vous chez le rhumatologue a failli me passer sous le nez car j’avais oublié de le confirmer. Un aller-retour pour m’entendre dire que je dois reprendre les séances de kiné. La température est acceptable pour la saison, mais l'humidité ambiante qui règne en soirée au faîte du cirque me glace jusqu’aux os aussi ai-je rentré quelques bûches. Je sais je n’aurais pas dû, la flambée est réjouissante, mais je suis cassée.
    Ash est épuisé par sa semaine de travail et par les trajets qu’il s’impose. Pendant que je débarrassais la table Bébé s’est endormi sur le canapé et Skatter ronfle contre lui. Ils sont craquants tous les deux.
    Je tourmente Ash pour un oui ou pour un non, il ne m'en aime que plus. Une preuve?
    Il vient de m’offrir l’intégrale de Dr Who, dix saisons en coffret collector Tardis. Cette série passe inaperçue du grand public, elle est quasi confidentielle. En vérité elle n’est accessible qu’aux passionnés, aux personnes qui croient en un extraterrestre de neuf cents ans qui possède deux cœurs et qui voyage dans le temps et dans l’espace à l’aide d’un vaisseau ayant l’apparence d’une cabine téléphonique bleue. Le docteur explore hier, demain, ici, ailleurs, là-bas et quelque part avec son Tardis, acronyme de Temps à Relativité Dimensionnelle Inter-Spatiale.
    Me voilà en partance pour un voyage temporel avec ces fichus Daleks pour toute compagnie. Je ne sais pas à quel moment j’ai décroché ni sur qu'elle planète le docteur m’a abandonné, mais je dormais profondément lorsque Ash m’a rejoint.
    Un vent du diable s'est invité. Ce n'est pas le mistral ni la tramontane, juste de puissantes rafales. J’ai retrouvé le tapis coco que j’avais étendu au jardin dans le champ du voisin. Skatter miaulait de peur car les arbres secoués par les bourrasques faisaient un bruit terrifiant alors Bébé l'a fait entrer avant d'aller courir et depuis le chat dort dans ma chaise à bascule. Un chocolat chaud et le reste de strudel aux pommes-noix et raisins secs confectionné avec amour par Mamaiette me servent de carburant pour réviser mes cours. L’étymologie est une discipline évolutive de la linguistique, elle cherche à établir l'origine sémantique d'une unité lexicale … je m’inflige un enfer.
    Quand est-ce que ces petits papillons noirs vont cesser de voleter dans mon esprit. Je ne ressens pas de réelle douleur et je travaille mes cours assise à mon bureau alors pourquoi est-ce que je ne me sens pas totalement détendue?
    Il arrive à Bébé d’oublier que mon univers quotidien se situe à des lieux du sien. Parfois il ressent le besoin de se libérer du poids de sa journée et ce qu’il me confie est lourd. Je ne peux qu'écouter car pour ce qui est de lui apporter une aide efficace c’est bien au-delà de mes compétences. Il y a des analystes dans son service, mais Ash préfère de loin mes élucubrations, elles le font décompresser instantanément me dit-il souvent. Tant mieux si mon innocence apporte un peu de sensibilité dans son monde de brutes.
    J’en ai le souffle coupé, celle-là elle ne nous l’avait jamais fait. Ma tante Madeleine vient de m'apprendre que la cacou faisait un affreux chantage à monsieur J. depuis plusieurs jours. Tout cela parce qu'il se rapproche de moi et que je vais le convaincre de la quitter. Elle est sérieuse? Pas seule dans sa tête c’est certain. Elle a avalé une vingtaine de comprimés d’un anti-dépresseur assez costaud pour l’envoyer ad patres, mais non la Bonne Mère n’a pas voulu d’elle. Ma belle-mère s’est retrouvée en urgences psy et maintenant il est question de l’interner quelques semaines. Vieille peau va, mais qu'ils la mettent en chambre capitonnée et qu'ils l’y oublient bon sang.
    C’est à cause de ce genre d’âneries que de sombres papillons dansent dans ma tête.
    Breaking news: Ash et moi sommes attendus chez Mummy et Papily. Ce ne sont plus des lépidoptères en deuil qui caracolent sous mon crâne, mais une armée de guêpes. Jocelyne et Dorothy vont finir par me rendre chèvre.
    Je me suis inscrite à une conférence sur l'écriture et j’en suis ressortie gonflée à bloc. En fin d'exposé l'intervenant a conseillé quelques ouvrages à consulter pour guider les premiers écrits d'un futur écrivain. Et dans la liste des manuels suggérés il se trouve que je possède l'un d'eux, une méthode d'écriture reconnue par les plus grands. Le préambule du livre donne envie de feuilleter les pages plus avant. Savoir écrire n'est pas un don divin, écrire c'est séduire, aimer écrire ne suffit pas pour être satisfait du résultat. Voilà pourquoi je m’impose tout ce travail, pour retrouver une certaine culture générale, pour prouver que la blonde que je suis n’est pas aussi bête que l’on pourrait le croire.
    M’élever dans l’écrit par la lecture.
    Quand Bébé est en visioconférence ça s’éternise, se pérennise même.
    Une habitude que j’ai prise depuis que je réside à la Petite Paix, j’aime aller m’oxygéner cinq à dix minutes avant de me mettre au lit, l'air de la nuit m’est apaisant, J’admire les étoiles lorsque le ciel est clair, les lueurs de chaleur en été ou le balancement des branches sous l'effet de la brise, là c’est plutôt le calme plat qui nous fait une crise de colère. Peu importe, je fais le tour du jardin en admirant les lumières lointaines du bourg puis je décide de rentrer.
    Aïe, bien embarrassée la Chouquette à son Bébé, me croyant à l'étage Ash a baissé le store de la porte-fenêtre. En le maudissant je fais le tour de la maison en chaussons Casimir. Je tente de faire coulisser la baie vitrée de la varangue et là encore je n’y parviens pas, verrouillée aussi. Pourquoi Ash a-t-il tout cadenassé, est-ce qu’un serial killer rôderait dans les environs? Je refais le chemin en sens inverse et me voilà côté cour. J’appuie sur la poignée de la porte d’entrée et je dois bien me rendre à l’évidence je suis du mauvais côté du battant qui lui aussi est verrouillé.
    Je hèle Ash d’une voix qui tient plus du glapissement d’un renard que du rugissement d’un lion. Autant dire que mon appel à l’aide passe inaperçu, sauf de mon amie la chouette qui me répond en pensant que j’ai envie de jouer au perroquet avec elle. Ce n’est pas vraiment le moment. J’appelle une nouvelle fois mon chéri et sans réponse je m’apprête, de mes petits poings fragiles, à toquer comme une forcenée à la porte lorsque celle-ci s’ouvre sur un diable fou.
    - Cela fait dix minutes que je te cherche dans chacune des pièces de la maison! Braille l’homme de ma vie.
    - Bon sang tu ne peux pas répondre quand je t’appelle non? En mode je ne contrôle pas ma mauvaise humeur, Ash ne me laisse pas le temps de répondre.
    - Et la prochaine fois avertis-moi quand tu sors en pleine nuit! Exaspéré qu’il est le bonhomme.
    Je rentre en passant rapidement devant lui, la porte heurte violemment son chambranle et le verrou claque bruyamment.
    Je préfère laisser passer l’orage en ne rajoutant pas ma mauvaise humeur à la sienne.
    Trop concentré sur son écran, il ne m’avait pas entendu lorsque je lui ai dit que je sortais. Lorsque je ne réponds pas, Bébé appréhende toujours un peu de me retrouver sans connaissance quelque part dans la maison.
    Leçon du soir, monsieur vérifiera plutôt deux fois qu'une que je suis à l’intérieur avant de nous emprisonner dans la forteresse de la solitude. J’y gagne un fantastique baiser, plus car affinités.
    Il fallait nous y attendre, la Joce a atterri en psychiatrie depuis plusieurs jours. Je n’éprouve aucune empathie envers cette personne, monsieur J. lui, est rongé par l'inquiétude et la culpabilité, c'est un comble. Il pense que son geste est en partie dû à son refus de l’emmener aux USA. La Joce est allumée depuis très longtemps, il est le seul à ne pas le comprendre. Elle lui en fait pis que pendre, personne ne pouvait imaginer qu'elle se venge par un suicide calculé. Sournoise comme elle est je suis persuadée qu’elle avait tout prévu. Je n'entrerais pas dans les sordides détails de son geste, mais ce qui est certain, c’est que si elle avait su comment s'y prennent les urgentistes pour faire un lavage d'estomac, ça l’aurait calmé illico. C’est mon père qui m’inquiète alors en attendant qu'il puisse lui rendre visite, Ash et moi l’avons convié à nous rejoindre à la Petite Paix. Quelque chose le pousse à se rapprocher de moi, sa conscience certainement et je me doute que rien ne doit lui être facile au quotidien avec cette … personne. Maman et Miriette sont très présentes à ma mémoire et je ne m’apaiserais que dans le pardon m’a dit Nadège. Cela fait une éternité que mon ressentiment me tient compagnie, que je réagis en fonction de mes douleurs de petite fille, il serait temps que j’agisse en adulte et c’est ce que je fais en apportant mon soutien à monsieur J. Bébé l’apprécie énormément et cela m’est incompréhensible. Ceci dit Ash est à même de faire la part des choses, il a dû apercevoir du bienveillant en mon père.
    Mumy a appris que nous résiderions à l'appartement, notre choix l’a énormément affecté nous a-t-on fait savoir. Oui bon, c’est Sodishan qui a appelé son frère. Nous sommes les bienvenus à la résidence alors pourquoi allons-nous nous isoler à Londres? Est-ce Mylhenn qui fait encore l’un de ses célèbres caprice?
    En entendant son frère dire cela Ash s’est échauffé, et je reste correcte en employant ce terme pour décrire sa soudaine irritation. Le cadet en a eu pour argent comptant bien que la colère de Bébé ne soit pas dirigée contre lui.
    Mon grand homme a expliqué qu’il n’est plus le poussin à sa maman, qu’il peut prendre ses porpres décisions, qu’il ne veut plus me retrouver en larmes et tourmentée lorsqu’il rentre du travail, qu’il se refuse à entendre un compte-rendu de chacun de mes actes avec force plaintes et jérémiades de la part de môman qui trouve mon savoir-vivre approximatif. Et surtout il veut pouvoir culbuter sa Chouquette en toute tranquillité dans la pièce qui lui convient. J’ai clairement entendu Sod rire à gorge déployée, répliquant qu’il ne se risquerait même pas en rêve à rapporter cet argument à leur mère.
    Le bulletin météo annonce un temps très ensoleillé et chaud. Il pleut...

    Une BouRDe De PluS… 19 Octobre 2017

    …Bébé ne va pas considérer cela comme une maladresse. Je suis d’une nullité absolue!
    Ce n'est pas qu'il fasse très froid, mais dès mi-octobre l'humidité prend vite le dessus et moi, j'aime une bonne chaleur lorsque je paresse entre les draps. J’ai remis la couette d’hiver sur mon lit car ma bouillotte est partie pour Cologne. Ash me manque, voilà c’est dit. Aussi dès les que les frimas se montrent, je me prépare à hiberner. Confort et cocooning.
    Je pare mon canapé de plusieurs couvertures en polaire auxquelles j’ajoute de nombreux coussins très doux et je prépare une flambée pour le début de soirée, il n’y a plus que l’allumette à craquer. Le service météo a annoncé haut et fort que le soleil s’invite dans la région, à la Petite Paix ce sont le vent et la flotte qui nous tiennent compagnie.
    Dois-je considérer Lord Jim, Le lys dans la vallée et Germinal comme des classiques? Pour chaque ligne à laquelle je dois donner naissance il y a un prix à payer. Les publications récentes sont à bannir, je dois faire un bond en arrière pour étoffer mon savoir littéraire et présenter un rédigé à l’oral en utilisant différents types de narration, d’un style sobre et … efficace. Que la Bonne Mère me vienne en aide, c’est d’un barbant.
    Avec monsieur J. je ne suis pas entrée dans le détail de ma remise à niveau et j’aurais peut-être dû, je crois que je l’ai blessé sans le vouloir. Nous sommes descendus chez les tantines et sur le chemin il m’a offert un superbe livre, une aventure historique comme je les aime, un pavé de sept cents cinquante pages dans lesquelles le courageux héros défend l’honneur de sa lignée, la prospérité de son fief et la réputation bafouée de sa dulcinée. Je meurs d’envie d’ôter la cellophane épaisse qui recouvre le bouquin, de tourner ses pages en les humant, de me faire un shoot post lecture, mais je me l’interdis en me souvenant des consignes drastiques de lecture du mois à venir. Monsieur Valbon-Perret a exigé que ses étudiants s’imprègnent de romans dont la date de parution se situe dans les années mille huit cents.
    Mon manque d’enthousiasme peine mon père qui croyais être sûr que je me jetterais sur ce livre comme une poule sur un ver de terre. Je lui dois des explications aux termes desquelles je ne suis pas tout à fait certaine qu’il ait bien compris en quoi je devais me reconstruire, ceci dit ses encouragements me vont droit au cœur. Il est prétentieux de ma part de vouloir me créer un vocabulaire propre, cependant j’ai pris un tel dégoût de celui que j’utilisais autrefois qu’il me faut me réinitialiser. Je dois également trouver en moi la force qui me permettra de considérer comme acquittées les dettes que mon père a envers moi. Les agressions verbales de sa femme bipolaire, son manque de compassion lorsque j’ai perdu les deux êtres que j’aimais le plus au monde, le cruel détachement dont il a fait preuve aux pires moments de mon existence et la facilité avec laquelle il m’a écarté de sa vie. Dureté de ton, sévérité excessive, manque de chaleur humaine et désintérêt profond de tout ce qui me concernait, voilà ce que je lui reproche. Mon père et moi devons sereinement nous apprivoiser me dit souvent Bébé, il faut que je lâche du lest et que je reprenne confiance en celui qui , toujours selon Ash, retissent à sa façon les liens rompus.
    Moment privilégié fugace où je me suis sentie partie intégrante d’une famille, une famille ordinaire dont les membres ne montrent pas les crocs à tout bout de champ. L’attitude de mes tantes à l’égard de leur frère quand Jocelyne n’est pas présente, révèle l’attachement qui les unit. Monsieur J. se montre sous un nouveau jour et de pouvoir observer cette facette de mon père que je ne connaissais pas me rend croyance en une vie apaisée.
    Nous avons débattu des futurs appartements dans lesquels les tantines veulent investir en remplacement de la villa. Monsieur J. est grandement intéressé par l’une de mes suggestions. J'ai dans l'idée de soumettre du haut de gamme à nos locataires. Les journées plage et soirées barbecues resteront en option, mais je désirerai que nos futurs studios soient plus éloignés de la grande bleue afin qu'ils attirent un autre genre de clientèle.
    C’est la visite des frères de Bébé qui m’a fait prendre conscience que des personnes souhaitaient découvrir autre chose que des grains de sable dans leur maillot de bains et des coups de soleil sur leurs épaules. Sodishan et Hylam ont visité les hauts-lieux régionaux, découvert les coutumes locales, se sont rendus à plusieurs fêtes traditionnelles estivales, profité des produits de terroirs en parcourant les allées de nos nombreux marchés et tous ont trouvé cela très divertissant. Alors je nous vois bien investir dans une barre d’appartements en centre ville.
    Au cœur de mon concept, Phébus n’a plus son utilité en bord de mer et c’est tant mieux. Sur le sable l'enfant roi est un véritable Gengis Khan. Les deux gamins, neuf et onze ans, des derniers occupants du bungalow de notre voisin ont littéralement anéanti le plancher du petit kiosque qui servait de coin repas. Ils ont arraché une partie des lattes pour se faire une cabane le long de la clôture. Quant au culot des parents c’est inimaginable. Ceux-ci ont déclaré à Hubert que le plancher était en très mauvais état et dangereux. Selon eux les gamins ont rendu service en détruisant le sol. Dois-je préciser que ce sont les parents qui ont acheté les marteaux et les pointes qui ont servies aux travaux de menuiserie de leurs rejetons. Qui a payé les dégâts? Hubert et Véronique étaient fous de rage.
    Et une de plus. Pourquoi ai-je écris que je suis nulle? Parce que c’est la réalité.
    Ma bêtise m’afflige. J’ai ruiné le plus beau des keffiehs de Bébé, celui qu’il met lors des réceptions solennelles aux Aspidies. Non seulement cette large écharpe a coûté une fortune, mais c’est Madam’ qui le lui a offert. Quand Ash est en déplacement j’aime revêtir l'un de ses vêtements, cela me rassure. Découvrant le carré de tissu sur le fauteuil dans notre chambre, je m’en empare et aussitôt je m’emmitoufle le haut du corps. Entre les effluves de l’eau de toilette de Bébé et le moelleux du tissu pashmina, un cachemire particulièrement sublime, je ressens comme l’impression d’être désolidariser d’avec mon corps pour être précipitée dans une profonde béatitude. Je suis proche de la léthargie, mais mon cerveau me commande de réviser une dernière fois mes cours. Jamais je n’aurais dû l’écouter celui-là.
    Je ne trouve rien de mieux que d’aller m’installer sur le coussin posé près du foyer de la cheminée dans laquelle des bûches finissent de se consumer. Cernée par la chaleur douce des pierres attiédies je n’ai plus les idées très claires et je n’ai pas anticipé le fait que je pouvais m’assoupir rapidement. Recherchez l’origine et la filiation de ces termes. À peine le temps de relire la liste, de revoir les réponses données que Morphée m’avait déjà accueilli sans que je ne m’en rende compte. Soudain je sursaute, quelque chose ne va pas. Une odeur de corne brûlée me pique les narines et … ô malheur, une partie, aussi large qu’un mouchoir de poche, du keffieh repose sur un rondin. Je me lève d’un bond mais il est trop tard, les bords du tissu commencent à se rétracter et à brunir.
    Quelques minutes de plus et j’interprétais le remake de Jeanne d’Arc.
    Les lisières d’un véritable pashmina ne sont jamais terminées pas des franges, alors je ne sais pas si les dégâts sont irréparables, mais pour un peu je me serais giflée.
    C’est Nietzsche qui a dit que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. C’est faux...


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