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CHaPiTRe ( I )
PRoLoGue…
…Chaque femme maltraitée en est une de trop. Ainsi commencerais-je mon livre de résurrection!
Je me nomme Mylhenn, voici mon histoire. À dix-neuf ans je fais la sottise d’épouser l’homme dont j’ai fait la connaissance quelques mois plus tôt. C’est le coup de foudre, mon âme sœur, j’en suis certaine. Si je veux être honnête, au début de notre liaison cela a surtout été le moyen d’échapper au garde chiourme qu’a placé dans notre pitoyable foyer mon père démissionnaire. Ma haine de sa femme, ma belle-mère, m’a dirigé droit en enfer. Une cérémonie intime à l’abri du roi platane de Saint-Guilhem-le-Désert et mon destin est scellé. Peu de temps après la vraie nature de Criquet m’est révélée dans toute son horreur. C’est un être pervers narcissique qui prend plaisir à me frapper, m’affamer et me harceler de toutes les façons possibles. Il me surnomme sa merveille et il me façonne jour après jour avec ses poings, à cette image de poupée domestique qu’il veut que je sois. Tout lui est prétexte à m’humilier. Une dernière et cruelle agression me libère de son emprise. Pourtant il est toujours là, il rode dans ma tête et dans ma chair sans que je puisse n’y rien faire. L’on me dit que le chemin de la reconstruction sera long, il est interminable. La bestialité de mon ex-mari s’est ajoutée aux traumatismes de mon enfance et le cocktail est mortifère. Lasse d’attendre, d’espérer un mieux qui ne vient pas, je m’expatrie en Amérique du Sud. Un long parcours initiatique m’attend au cours duquel je manque de lâcher prise bon nombre de fois. Je frôle les interdits, j’embrasse le prohibé et je me perds dans les replis ténébreux de mon âme sonnée. À mon retour, afin de me protéger de moi-même me dit-on, je suis placée dans un foyer loin de ma Provence natale. Je ne supporte pas la promiscuité alors je deviens rapidement une marginale parmi tant d’autres. Les squats oui, les ruelles sordides non. C’est en des lieux précaires mais conviviaux que je fais de très belles rencontres qui bouleversent totalement mes certitudes. Je me constitue mon premier cercle avec ceux qui me correspondent le plus et qui comme moi ont été abîmés et cabossés dans une vie antérieure. Ils apprécient l’embellie tout en souhaitant le meilleur. Plus que ma propre famille, ils se montrent bienveillants et généreux en m’apportant leur soutien et leur affection. Je reprends confiance en l’humain alors je tente une dernière fois l’expérience thérapie. Grâce aux méthodes innovantes d’une psychiatre qui s’investie réellement dans mes soins, l’existence commence à me paraître plus facile, plus … radieuse. Enfin presque. Je dois apprendre à puiser la force nécessaire à ma reconstruction dans l’acceptation de mon passé tourmenté me dit Nadège. Ce n’est pas gagné.
Depuis peu, une réelle passion pour l’écriture m’anime et je me libère de mes maux par des compositions catharsis. Mes débuts sont peu prometteurs j’en ai conscience, mais je sais que je vais m’améliorer à force de volonté et de travail. Mon journal m’est introspection. Il met en scène mon quotidien fait de doutes, d'espoir, de réminiscences chagrines, de situations cocasses et coquines. Ainsi je peux larguer -le terme qu’emploie ma thérapeute- mes ressentis avec des mots, noircir de mes tourments des pages entières, c’est la formule magique qui peu à peu m’aidera à me relever. À être à nouveau humaine. Peu à peu cette rédaction se fait médication, elle façonne en lumière ma nouvelle unité psychologique. L’existence m’a infligé tellement de cruelles morsures que je me demande encore comment je vais pouvoir trouver la sérénité à laquelle j’aspire tant.
Je suis morte depuis trop longtemps, aujourd'hui je m’abandonne à la reviviscence…FLaSHBaCK… 24 Juin 2015
…Mon entrepôt mémoire déborde. Mes ressouvenirs me seront délivrance!
Pour d’aucuns, qu’ils passent allègrement leur chemin je les absous volontiers, les nombreuses pages qui suivent ne seront que bla-bla insipides, pour moi c’est une question de survie. Mes allers-retours entre passé, avenir incertain et présent ne simplifient pas la compréhension de ce manuscrit, mais c’est comme cela que je désire l’écrire. Durant de nombreuses années j’ai raconté à qui voulait l’entendre que je me suis éteinte le jour où Christian m’a mis à mort sur le carrelage de notre vestibule. C’est vrai. Et que mon existence aurait repris un semblant de sens lorsque ma route a croisé celle de Bébé. C’est encore vrai.
- Let’s go Chouquette, prouves que seuls les premiers pas sont insupportables, poursuis vaillamment ton chemin et tu en seras récompensée! Cet homme est mon Élu, le cadeau que la Bonne Mère m’a accordé.
Nadège est ma deuxième bonne étoile. Ma thérapeute bouleverse mon quotidien de par ses analyses salvatrices. L'approche singulière qu'elle a de mes troubles, mes névroses, je le dis carrément, l’a conduit à utiliser une thérapie personnelle et peu conventionnelle qui lui a pris des années à mettre au point. Son travail est une bénédiction pour moi. Son action consiste à donner aux personnes souffrant de confusion, une ligne mentale de réflexions sous la forme de proverbes, de citations ou de maximes. La méthode Roots and Peaks and Light Road aide à poser les bons mots sur des douleurs physiques ou psychologiques.
Selon Nadège il me faut remonter aux origines de mes maux et suivre un cheminement de réponses acceptables par mon esprit. Un jour prochain je le souhaite, je dénouerai les racines de mon passé qui m’asphyxient, j’atteindrai la crête de mon mieux-être et la lumière me soulagera. Le début de la guérison. Les premiers chapitres de mon journal sont confus car je maîtrise bien peu la langue de Molière. Samuel, Patricia et Ashlimd sont à mes côtés pour le difficile exercice qui m’attend. M’exprimer en femme libérée du carcan d’épreuves qui me broie douloureusement. Jusqu’à maintenant je n’ai fait que piétiner de long en large, sans but, en un sur-place autodestructeur, avançant d'un saut de puce, reculant d’un bond de kangourou. Il est temps pour moi de piloter avec assurance. La première étape est la plus difficile me dit-on, mais je serais fière de moi si je parviens à la surmonter. Je l’ai franchi avec plus ou moins de facilité mais je suis enfin en mesure d’avancer.
C’est de ma toute première séance avec Nadège dont je parle et elle a été des plus ardue. Faire ressurgir à volonté ce qui m’est dévastateur est insoutenable. Tant de désastres personnels se bousculent dans ma tête. Roots est une mise à nu de l’esprit. Lorsqu’enfin j’ai commencé à parler, je ne pouvais plus faire cesser le flot de boue qui franchissait mes lèvres. À la fin de la séance j’étais épuisée, pas une seule fois ma thérapeute ne m’avait interrompu. Franchement? C’est flippant. Dans ma tête, une petite voie chagrine me suppliait de faire cesser cette torture, cela m’était bien trop douloureux et sans avoir encore réussi à mettre le doigt sur le véritable responsable d'un tel mal-être.
Bébé m'a félicité pour mon courage et les félicitations de Bébé c’est quelque chose. Je m’égare.
À présent, ma thérapeute fait sienne la souffrance psychologique qui m'habite lors de nos entretiens. C’est plus que de l’empathie, elle est le paratonnerre qui atténue le choc de mes prises de conscience et il y a peu j’ai découvert en moi une force intérieure dont j’ignorais jusque-là l’existence.
Le cerveau est une machine compliquée, il ne suffit pas de vouloir s'en sortir pour que tout à coup l’on reprenne le cours normal des choses, comme si rien ne nous était arrivé. J’ai été méprisée pour mon comportement défaitiste à répétition et cela je ne l’oublierai jamais car j’y ai perdu bon nombre de ceux que je croyais être des amis. Je garde une telle colère en moi qu’il m’arrive souvent de m’exprimer moi aussi par la violence. J’apprends à canaliser le flot de mes émotions intenses mais cela est loin d’être simple. L’on m’a aimé, choyé, entretenu dans un cocon de cruauté alors que pouvait-il ressortir de cela?
Les neurologues et les psychiatres qui me suivaient à l’époque se sont engouffrés dans la brèche du syndrome de Stockholm. C’était tellement évident pour eux. J’étais définitivement attachée à la personne qui me maltraitait car je lui étais reconnaissante de ne pas m’avoir fait subir pire. Pour eux cette relation toxique m’était indispensable. J'ai dû déprimer plus d'une demi-douzaine de ces cadors, ou alors les diriger en reconversion. Aucun n’a été capable de m’apporter un tant soit peu de soulagement.
Nadège est arrivée dans ma vie pile au moment où j'allais abandonner, me résoudre à rester définitivement l’aliénée de service. Les tests qu’elle m’a fait passer ont prouvé que la contagion émotionnelle ne m’avait pas atteint, seul mon mécanisme de survie est déréglé. J’ai peur de la mort tout en la désirant ardemment. Il a été prouvé aussi que la violence de mon ex-mari m’est toujours moteur, son emprise également. Je ne réfléchis pas lorsqu’un problème se pose, je pense Christian, je réagis Christian encore et encore. Lorsqu’il a disparu de mon horizon j’étais incapable de me débrouiller dans le plus simple des gestes du quotidien. J’avais besoin de ses insultes et de ses coups pour agir. Je haïssais et j’aimais cet homme de toute mon âme. Je me suis laissée mourir de son absence, je refusais toute reconstruction. En prendre conscience m’a été électrochoc.
Lorsque je me laisse aller à être ce que je suis, je deviens ce que je pourrais être. Lao Tseu m’accompagne dans mes réflexions, un travail éprouvant qui me permet de ne plus me sentir blâmable d'éprouver du ressentiment envers un père qui ne m’a sans doute jamais aimé. Je l’exècre. Je ne sais plus.
Le plus difficile est de déterminer mes objectifs et de cocher mes avancées. Il y a de nombreuses rechutes.
Je me complais depuis tellement longtemps à vivre en tant que victime que cela me dédouane de beaucoup d'erreurs, de cruautés, de rancœurs, que cela m'autorise des colères gratuites et inutiles. Je me bats contre des moulins à vent. Le passé m’est réconfort et excuse. Un combat stérile qui ne m’aide en rien, si je persévère dans cette voie, une fois encore je me perdrais en chemin.
Pour moi comme pour la plupart des femmes battues reprendre le contrôle de ma vie a été encore plus difficile que de prendre des coups. Il m’a fallu me diriger vers l’inconnu alors que sous l’emprise de mon mari brutal, mon foyer menaçant était ce qui me paraissait le plus rassurant à mes yeux. Un comble.
Écrire me tranquillise, me libère des lourdes pensées qui encombrent mon désir de meilleur, me permet de relire mes introspections. J’exploite le filon à fond avec un besoin quasi vital, que dis-je viscéral de noircir des pages afin de réapprendre à m'exprimer correctement. Cela ne m’est pas simple.
Il m’est très difficile de m’exprimer à la première personne sur les sujets qui me sont douloureux. Le elle me permet de me dissocier de ce dont je veux me décharger. Il m’autorise à douter que cela me soit arriver, c’est plus supportable à ma mémoire. Mes émotions influent sur mon attitude, cela fausse parfois la donne. L’on dira sûrement que je radote, mais je vais avoir besoin de réécrire plusieurs fois certains épisodes de mon parcours, ne serait-ce que pour être sûre de l’avoir noté correctement.
Chacun des chapitres de mon recueil est daté, ce n’est qu’approximatif à quelques jours près des évènements passés, c’est une astuce que m’a donné une personne compétente en la matière. Ainsi la chronologie est respectée tout en me laissant une marge de temps pour synchroniser le tout. Cela me permet également de tricher avec la concordance des temps qui m’est définitivement inaccessible.
Je me soigne, tout est encore très compliqué dans ma tête. Nadège sait où me conduire, c’est l’essentiel.
Je suis ses conseils, à savoir en aucun cas me diriger vers ce qui m'apaise, mais braver le côté sombre de mon existence si je veux progresser. Ce n’est pas en regardant la lumière que l’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. Cette réflexion du psychiatre Carl Gustav Jung me permet d’œuvrer en ce sens. Qui sait, peut-être que cela me guidera à mon champ des possibles?
Aussi cruelles que soient les morsures que l’existence nous inflige, il faut avancer sans se retourner.
Plus facile à dire qu’à faire…PReMièRe FoiS… 27 Août 2003
...Il pleuvait à seaux lorsqu’elles sortirent de la fac cet après-midi-là. Mylhenn, Audrey et Claire riaient aux éclats, tentant de louvoyer entre les passants et les gouttes. Ils leur avaient suffi de traverser la chaussée pour que les jeunes filles soient déjà trempées. À leur âge, une pluie de fin de printemps drue et rafraîchissante ne prêtait pas à conséquences. Claire et Audrey sautèrent in extrémis dans le bus qui redémarrait déjà. Mylhenn continua son trajet à reculons en faisant de grands signes de la main à l’intention de ses camarades. Devait arriver ce qui arriva, elle percuta violemment un passant et manqua s’étaler par terre. Fort heureusement il la rattrapa au vol, la faisant pratiquement virevolter tant il l’avait agrippé fortement. Debout sous l’averse torrentielle, ils furent incapables de prononcer un mot. Les yeux bleus croisèrent les yeux noirs. L’éclat du regard de Christian la subjugua, elle y accrocha le sien plus longtemps que de raison. Elle parvint enfin à s’excuser. Il se rendit compte qu’il ne lui avait pas lâcher la main.
Ils étaient dégoulinants et euphoriques lorsqu’ils entrèrent dans le petit café de la place Henry Troyat. Christian l’entraîna au fond de la salle et il commanda deux chocolats chauds. La serveuse devait le connaître car elle le tutoya en lui apportant la commande, lui proposant une serviette pour qu’ils se sèchent tous deux. Galant il la tendit à Mylhenn afin que celle-ci en profite en premier. Elle remercia la jeune femme qui la regardait curieusement. Mylhenn ne vit pas passer les deux heures suivantes et elle rentra chez elle avec beaucoup de retard, mais cela avait si peu d’importance. Le samedi qui s’ensuivit, elle rejoignit Christian au square pour y louer des vélos et ils firent une balade le long de la rivière jusqu’au petit barrage. Christian était beau comme un dieu avec sa chemise sans manches. Et, son pantalon de l’armée lui faisait un arrière train très attrayant. Mylhenn n’avait pas particulièrement soigné sa toilette mais son chemisier entrouvert et son short moulant la rendait elle aussi fort agréable à contempler et il ne s’en privait pas. Ils avaient posé leurs bécanes contre un muret et ils faisaient quelques pas le long du canal lorsque Christian l’attira gentiment à lui pour lui donner le plus doux des baisers. Mylhenn ne le lui rendit pas mais elle lui sourit pour lui montrer qu’elle acceptait cette caresse. Au retour il lui offrit un magnifique bouquet. En reprenant les cours la semaine suivante elle raconta à ses amies son rendez-vous et elle leur avoua que ce bel homme ne la laissait pas indifférente. Il se passa deux semaines avant qu’elle ne le revoie. Christian vint l’attendre un jeudi soir, lui proposant un resto-ciné pour la soirée, il lui avoua avoir hésité longtemps avant de lancer cette invitation, mais son envie de la revoir devenant de plus en plus forte chaque jour il s’était enfin décidé. Cette fois-ci Mylhenn apporta un soin tout particulier à sa tenue. Un ensemble en soie noir dont le pantalon et la chemisette très près du corps soulignaient avantageusement sa silhouette. Et pour seules parures, ses cheveux blonds qui tombaient en cascade sur ses épaules et un peu de gloss framboise sur ses lèvres. Il ne put s’éviter de lancer un sifflement admiratif en la voyant apparaître lorsqu’elle le rejoignit au petit bar ou ils s’étaient donné rendez-vous.
Au cours du repas Mylhenn se montra tour à tour timide et entreprenante, attachante aussi. Elle appréciait ce tête- à-tête, Christian était charmant et spirituel, elle se savait déjà séduite. Ils décidèrent d’un commun accord qu’il serait idiot de s’enfermer dans une salle obscure pour leur première sortie aussi ils se rendirent au « LODGE », un club branché ou l’on pouvait passer un bon moment à se trémousser librement sur l’une des pistes de dance à l’ambiance tamisée au son d’une musique assourdissante. Son côté félin prit rapidement le dessus. Lascive, elle évoluait autour de son cavalier, ignorant les notes barbares du dernier tube à la mode. Elle se lança dans une danse voluptueuse, presque charnelle. Souple comme une liane elle joignait son corps à celui de Christian, effectuant de petits mouvements tendres et sensuels. Dès que son cavalier faisait mine de la retenir par la taille, Mylhenn lui échappait et allait se nicher contre son dos, l’embrassant dans le cou et caressant ses bras nus de ses doigts curieux. Elle plaquait sa poitrine contre lui et insinuait ses mains sous le tissu de sa chemise, étreignant son ventre, frôlant de ses paumes le haut de son pantalon. Elle se remettait face à lui, unissant sa poitrine à son torse et le gratifiait de baisers dont elle avait le secret. Elle câlinait ses lèvres, les mordillaient tendrement puis enroulait sa langue à la sienne, se faisant délicieuse entre ses bras. Elle grignotait malicieusement le lobe de ses oreilles puis, d’une nouvelle danse torride recommençait son manège. La coquine s’employa à le charmer de tout son savoir-faire, et ce petit jeu les entraîna jusqu’à tard dans la nuit. Elle n’avait aucune envie de rentrer rejoindre ses colocataires. À la fermeture du LODGE Christian invita Mylhenn à l’accompagner, ce qu’elle fit sans hésiter. Elle ne l’avait pas captivé toute la soirée pour le laisser lui échapper. Cet homme était fait pour elle malgré leurs sept ans de différence d’âge. Elle avait eu un petit ami d’un an son aîné, mais cette relation l’avait terriblement déçue si bien qu’elle ne lui avait jamais offert sa virginité. Ce soir serait donc le grand soir pour devenir femme accomplie. Son corps le lui hurlait depuis leur arrivée au LODGE. Il avait compris qu’elle n’était pas une petite allumeuse de bas étage, c’est ainsi qu’il nommait les filles qui l’accostaient le temps d’une soirée puis disparaissaient sans prévenir. Cette jeune femme méritait autre chose que les draps froissés de son lit et il savait où trouver le cocon idéal. Le jardin aquatique du parc était fermé au public depuis quelques semaines pour de petits travaux et seuls certains privilégiés avaient encore accès au lieu. Christian était de ceux-ci puisqu’il en assurait la sécurité trois nuits par semaine.
Il conduisit Mylhenn sur le terre-plein aux herbacés et nichés au creux d’une prairie fleurie artificielle, il l’encouragea à s’assoir dans l’herbe tendre puis il se laissa tomber très près d’elle. Au travers de l’immense verrière, en silence, ils regardèrent le jour se lever. Le soleil dardait ses premiers rayons, fusionnant l’obscurité de sa clarté avant de la dissoudre pour illuminer graduellement l’espace clos du jardin. Malgré les rayons déjà chauds de l’astre doré, le fond de l’air était encore frais et instinctivement Mylhenn chercha la chaleur de Christian qui l’attira doucement à lui. Il caressa délicatement son visage, la ravissant de mille paroles affectueuses qui résonnaient à ses oreilles comme la plus douce des musiques. Ils nourrirent leur attraction mutuelle d’un baiser langoureux qui les enivra rapidement, les laissant consentants pour beaucoup plus. Il ôta sa chemisette avec délicatesse, libérant ses seins de la pression du tissu. Il couvrit de baisers chaque parcelle de sa peau. Mylhenn se laissait faire, délicieusement conquise. D’un commun accord ils ôtèrent leurs vêtements puis ajustèrent leur anatomie l’une à l’autre, ils se trouvaient comme aimantés.
Malgré elle Mylhenn se cabra lorsque les mains de Christian se déplacèrent sur son corps nu. Prenant confiance, elle se livra à lui sans défense. Il flatta longuement ses attraits en la couvrant de baisers qu’elle lui rendait avec fougue. D’hésitantes ses caresses se firent plus audacieuses et lorsqu’il s’intéressa à sa féminité, déposant le plus tendre des baisers là où personne n’avait encore jamais eu droit de visite, elle gémit de plaisir. Il effleura la fine toison dorée de ses lèvres, puis sa langue entrouvrit de façon exquise les pétales intimes d’où ruisselait une innocente rosée d’amour.
Il s’attarda quelques minutes, le temps de l’amener à la limite de la jouissance. Puis, la laissant frustrée, il picora son ventre de petits baisers en s’agrippant à ses hanches. Son sexe bandé trouva son chemin entre ses cuisses. Ses lèvres brûlantes atteignirent les mamelons dressés qu’il tortura avec ferveur. Mylhenn poussait de longs gémissements, désirant de toute son âme être possédée. Dans un dernier sursaut de lucidité, leurs lèvres se joignirent. Ils s’embrassèrent follement à tel point que leurs dents s’entrechoquèrent une fois ou deux. Christian sombra lentement en Mylhenn. Le temps d’une vive mais brève douleur et celle-ci s’ouvrit instinctivement pour accueillir sa turgescence. Cette pénétration était comme une libération. Le sentiment de plénitude qui l’envahit fut extraordinaire. Elle se laissa submerger par les vagues de plaisir qui irradiaient ses nerfs à chaque coup de reins qu’il lui assénait. C’était le chaos dans sa tête. Étourdie elle se laissa emporter par la vague, plus que ravie d’entendre les halètements et le cri rauque que poussa Christian sous l’effet de la volupté.
- Tu es une merveille, tu le sais ça ? il l’embrassa une dernière fois et roula sur l’herbe afin de reprendre son souffle. La rosée brillait comme des diamants sur la verrière au-dessus des deux amants. Les rumeurs de la ville au petit matin parvenaient, lointaines, à leurs oreilles. Le chant des oiseaux avait accompagné ses plaintes de ravissement, à présent il célébrait son abandon de jeune vierge au cœur de ce sanctuaire protégé de nature. Elle s’était abandonnée corps et âme à son amant, se laissant envahir par des sensations qu’elle découvrait pour la première fois. Il était tôt, les ouvriers ne viendraient qu’en milieu de matinée alors elle se blottit tendrement contre lui. Une douce torpeur les enveloppa. Terrassée de fatigue, Mylhenn s'endormit dans les bras de Christian. Lui ne s’endormit pas. Une demi-heure passa avant qu’il ne commence à trouver le temps long ainsi allongé auprès de celle qui venait de lui donner autant de plaisir. Il s’étira puis il secoua doucement la jeune fille afin de la réveiller.
Il s’écarta légèrement d’elle, contemplant d’un œil satisfait sa nudité. Le regard concupiscent qu’il portait sur sa plastique exquise stimula son appétit sensuel qui ne demandait qu’à s’exprimer. Son cœur se mit à battre de plus en plus vite, à l'unisson de la fougue retrouvée de son amant qui s’apprêtait déjà à la chevaucher vigoureusement. Telle une liane, elle s’enroula à lui et se cajola de sa tumescence. Puis prenant l’initiative de leurs ébats, comme si elle se livrait à ces plaisirs érotiques depuis longtemps, elle se donna entièrement. Elle l’étreignit d’un peau à peau torride, courtisa ses doigts de sa chair en fusion, se pressa étroitement contre son érection, choyant sa langue de la sienne.
Christian s’enfonça en elle. Il ne lui laissa aucun moment de répit, dosant le mouvement de ses reins en alternant douceur et brutalité. Ses râles de jouissance se mêlaient aux stridulations d’une Mylhenn comblée par la félicité d’un orgasme naissant. Leurs cris respectifs déchiraient le silence de l’espace confiné qui les abritait. Les plaintes cessèrent lorsque tremblants ils furent emportés par une tornade ardente. Encore plus puissant que le précédent, l’orgasme les faucha simultanément, noyant leur exaltation dans un flot d’élixir moite. Haletants et sans force, ils reprenaient lentement leur respiration. Harassé Christian récupéra ses vêtements. La vision des fesses rondes et des seins lourds de cette jeune femme transportée de sensualité, tout juste sortie de l’adolescente, l’excita à nouveau et il fut bien prêt d’honorer son corps impudique une troisième fois.
- Habille toi ma belle, on va aller petit déjeuner chez Rodolphe, ils font des galettes light extraordinaires! Il acheva sa phrase par un baiser langoureux qui la laissa pantelante et éblouie. À cet instant elle pensa avoir découvert ce qu’était le véritable amour.
Elle était loin d’imaginer que le destin lui réservait de bien cruelles désillusions…DeuX âMeS… 21 Septembre 2003
…Cela faisait à peine un mois qu’ils avaient mêlé leurs liqueurs intimes et déjà Christian l’avait convaincu de vivre avec lui. De rendez-vous en visites inopinées il se rendait indispensable. Il était aux petits soins pour elle. Il était là à la sortie de ses cours, il l’emmenait déjeuner chez Paul le bouchon à la mode du moment, ils allaient au cinéma à la suite de quoi il la gardait un peu sur le siège arrière de sa voiture. Mais point de sexe, juste des caresses sur sa peau nue, il aimait glisser ses doigts sous son pull et mignoter ses seins tandis qu’ils s’embrassaient langues mêlées et salive partagée. Il mettait ses nerfs à rude épreuve et l’apaisait de ses doigts experts. Il n’avait nul besoin de lui ôter ses jolies dentelles, il trouvait le bouton magique et le pressait d’une main câline. Ses attouchements la faisaient gémir de satisfaction. Un orgasme la comblait parfois. Elle mourrait d’envie de le sentir à nouveau en elle. La condition était claire, elle devait aménager chez lui. Il refusait qu’elle ne soit que le coup d’un soir. Mylhenn se fit tirer l’oreille quelques semaines puis elle céda.
L’appartement de Christian se situait au troisième étage d’une copropriété. Il y avait deux autres logements sur le palier. Une personne seule, fortement intéressée par l’aménagement de la jeune femme et un couple de personnes âgées très avenant. Rassurée celle-ci s’installa le cœur léger dans son nouveau foyer. La visite des lieux l’enchanta. La cuisine à elle seule aurait pu contenir entièrement le studio qu’elle partageait jusque-là avec ses colocataires. Le salon était douillet et confortable, le canapé tenait à lui seul un pan de mur. Près du bar-bibliothèque était installé un immense meuble réfrigérant qui attira son regard. Sans s’expliquer pourquoi, la porte en verre munie d’une serrure lui donna le frisson. Christian possédait une quantité incroyable de différentes bières. Elle ne l’avait jamais vu ivre alors elle pensa qu’il en faisait collection. Elle tiqua un peu lorsqu’elle aperçut l’arme de service de son compagnon, posée à même la table du salon. Celui-ci vit son regard et la rassura. Certes l’arme était chargée, mais le cran de sureté était bloqué. Cet objet était son outil de travail et il aimait l’avoir à portée de main. Le ton qu’il pris en ajoutant qu’elle devrait s’y faire alarma Mylhenn. Quelques minutes à peine car lorsqu’il lui montra la salle de bains impeccablement rangée, elle oublia ce qui lui avait semblé menaçant dans les propos de Christian. Elle se rendit compte qu’il était un maniaque du rangement et de la propreté. Elle qui laissait facilement sa brosse à dents à même le lavabo ou sa serviette de toilette sur la poignée de la cabine de douche, elle allait devoir faire des efforts. Lorsqu’elle lui fit la remarque à propos de la chambre qu’il ne lui avait pas encore montré, il sourit et l’invita à être patiente. Elle aurait tout le temps pour ranger ses affaires. Pas grand-chose en réalité. Un sac de voyage obèse contenant ses vêtements et ses affaires de toilette, un cartable à soufflets pour séparer les différentes matières qu’elle étudiait et un carton empli des livres dont elle avait besoin pour ses cours. Depuis son adolescence elle voyageait léger. Le repas qu’il lui concocta ce soir-là était digne des meilleurs restaurants. L’air de rien, il chercha à savoir si ses bases en préparations culinaires lui permettaient de cuisiner correctement. Le sérieux avec lequel il l’interrogea mit Mylhenn très mal à l’aise et pendant une fraction de seconde elle eut envie de fuir. Lorsqu’il commença à se faire câlin, ses appréhensions s’estompèrent rapidement.
Elle fut agréablement surprise en entrant dans la chambre. De nombreuses bougies illuminaient la pièce, un diffuseur en porcelaine répandait des senteurs d’huiles essentielles aux agrumes et, cerise sur le gâteau, il avait répandu des pétales de roses blanches, roses et jaunes sur la couverture qui recouvrait le lit. Mylhenn était conquise par l’ambiance. Elle le laissa défaire son chignon et ébouriffer ses cheveux. Il adorait y plonger ses doigts, massant leur texture soyeuse.
Ensuite il se concentra tendrement sur ses joues et son cou, pinçant délicatement le lobe de ses oreilles au passage. Ils se regardaient dans les yeux et son visage s’éclaira d’un beau sourire lorsqu’il la vit frissonner. Il caressa doucement ses lèvres des siennes, en prenant son visage dans ses mains. Elle se sentait aimée. D’une main Christian effleurait lentement ses joues, il l’embrassait tendrement puis il grignota le lobe de ses oreilles l’un après l’autre. C’était comme si une décharge électrique la parcourait. Elle le gratifia d’un soupir d’aise. De caresses en baisers sensuels, ils finirent par se soumettre à leurs désirs. Mylhenn s’abandonnait peu à peu au plaisir et son amant avait l’air d’en connaître un rayon à ce sujet. Livrée à son excitation elle lui octroya le plaisir de plonger son visage dans ses longs cheveux, de titiller sa nuque de mille baisers. Malgré elle, Mylhenn ajustait ses hanches au bassin de son partenaire, cherchant à apprécier sa turgescence naissante contre son ventre.
Il l’enlaça alors à lui en couper le souffle. Son baiser la laissa pantelante. Il étreignit rudement sa taille, joignant son corps au sien. Elle haletait à présent. Il étreignait ses fesses et sa langue capturait la sienne en un duo langoureux. Mylhenn vacillait, chaque parcelle de son corps vibrait.
Elle se rendit compte qu’elle était nue seulement en entendant Christian la flatter.
- Tu es une merveille Mylhenn! Ma merveille!
Il avait dégagé ses longs cheveux sur le côté et embrassait à nouveau sa nuque et ses épaules. Elle appréciait la chaleur de ses paumes sur sa peau et à présent elle en voulait plus, bien plus. Il la fit s’asseoir sur le lit, puis à genou devant elle, il frôlait du dos de la main l’intérieur de ses cuisses, lentement l’une après l’autre. Ses doigts s’égaraient par instant à la lisière du petit triangle des délices. Son regard accrocha celui de Mylhenn, et délicatement il cajola sa féminité. Elle se cabra comme sous la piqûre d’un insecte. Un gémissement lui échappa. Il retira rapidement sa main croyant l’avoir contrarié. Elle attrapa ses doigts et les reposa au creux de sa chaleur. Son trouble était visible, il avait allumé un brasier en elle. Alors il ne se fit pas prier, il insinua un doigt en elle puis deux et il s’activa en un lent va-et-vient. De petites plaintes s’échappaient d’entre ses lèvres. Elle agitait son bassin, désirant qu’il soit plus rude dans ses mouvements. Elle s’écroula sur la couverture, sa jouissance était proche. Elle hurla de frustration lorsqu’il l’abandonna pour ôter ses vêtements.
Nu il s’allongea près d’elle. Elle se redressa sur un coude afin de le contempler. Elle le savait bel homme, mais son érection le rendait athlétique, olympien. Mue par le bouillonnement de ses sens, elle se redressa et entreprit de le chevaucher. Elle s’empala sur son sexe dressé et posant ses paumes sur sa poitrine, elle se déhancha doucement en de courtes rotations qui les amenèrent rapidement au bord du gouffre. Mais Christian savait parfaitement se maitriser, une fois encore il lui refusa l’orgasme.
Avant d’obtenir l’apaisement, elle devait subir un examen de passage. Et elle le réussi haut la main.
Passant de la douceur de sa main à la ferveur de sa langue enthousiaste elle s’appliqua à le combler dans la profondeur de sa gorge. La cruauté contenue de sa mâchoire gainée de ses lèvres le laissa aux portes de la folie. De violents soubresauts l’agitaient et il râlait de satisfaction. Il caressait sa nuque, son dos et ses fesses avec douceur, l’encourageant à poursuivre jusqu’à ce qu’il puisse n’y plus tenir. Son sexe incandescent était devenu si douloureux qu’il stoppa net ses prévenances.
De ses lèvres barbouillées elle l’embrassa fiévreusement, quémandant avec fougue son besoin d’être à lui. Il la fit rouler sur la couverture, se logea contre ses fesses et posa ses mains sur sa poitrine. La raideur de sa tumescence se nicha sous ses fesses, au creux du haut de ses cuisses mouillées de désir. Il mordilla plusieurs fois sa nuque et d’une seule poussée, il la pénétra rudement. Un petit cri de surprise s’échappa d’entre ses lèvres, mais elle appréciait déjà. Elle se mit à ondoyer des hanches.
Il se faisait tantôt brutal tantôt doux puis ses pressions devinrent de plus en plus bestiales. Elle percevait le claquement de ses fesses contre le ventre de Christian et cela ne l’excitait que d’avantage.
Plus violemment encore, Christian attrapa Mylhenn par l’arrière des cuisses et la releva de façon à ce qu’elle se retrouve à genou, la tête enfouie dans la couverture. Ses mains la maintenaient fermement par la taille, il libéra son instinct cruel et la pilonna avec sauvagerie. Elle criait à les en rendre sourds, lui grondait de contentement. Suffocants et quasi délirants, l’orgasme les entraîna l’un et l’autre en plein chaos. Essoufflés, les sens apaisés, imbriqués l’un contre l’autre ils laissaient la vague les emporter encore et encore. L’épuisement les faucha sur le champ et ils s’endormirent promptement.
Christian avait déposé son beeper sur la table de nuit et ce furent les craquettements insistants d’un grillon qui les réveillèrent. Cela fit rire Mylhenn, le surnom de Christian était tout trouvé.
Criquet se redressa d’un bond et alla passer son uniforme en toute hâte. Il était près de vingt heures et il était de garde ce soir. Il rappela son supérieur pour connaître l’adresse de la mission puis il récupéra son arme sur la table basse. Il embrassa rapidement Mylhenn sur le front. La main sur la poignée de la porte, il se retourna vers la jeune femme.
- Si tu t’ennuies en m’attendant ma poupée, tu peux faire la vaisselle et refaire le lit!
Rien qu’au son de sa voix, elle sut qu’il ne plaisantait pas…LeS PRéMiSSeS… 13 octobre 2003
…Mylhenn aimait sa nouvelle vie. Elle n’avait plus besoin d’attendre pour se doucher et même si Christian passait toujours en premier, après lui elle disposait encore de plus d’eau chaude qu’elle n’en avait besoin. Les briques de lait et de jus d’orange vides n’étaient jamais redéposées dans le frigo. Elle pouvait regarder la télévision quand elle le désirait, le canapé était à sa seule disposition. Quoi que, Christian lui laissait peu de temps pour y paresser. Lorsqu’il ne travaillait pas, il entraînait Mylhenn dans leur chambre et la comblait de mille caresses. Peu lui importait l’heure, la bagatelle était sa priorité et il lui montrait chaque jour à quel point il l’aimait. C’était un homme charmant et tellement agréable à vivre.
Lorsqu’il n’était pas de service, il venait la chercher à la sortie de ses cours. Souvent il tentait de la détourner des recherches imposées et des nombreux devoirs qu’elle devait rendre en temps et en heure.
Il râlait car Mylhenn n’en avait que pour sa faculté et le travail personnel que lui demandaient ses professeurs. Cela le mettait en rogne car pendant qu’elle étudiait elle n’était pas disponible pour lui. Elle savait le réconforter et il se calmait en se disant que ce n’était pas grave, tout irait mieux lorsqu’elle aurait validé son trimestre. Dans sa tête, Christian s’imaginait qu’elle finirait par se lasser de ses bouquins. Mylhenn elle, se voyait déjà poursuivre un nouveau cursus, les études elle adorait cela.
Installée sur son petit nuage, la jeune femme ne se rendait pas compte que son compagnon grignotait peu à peu de son temps. Pire, son regard ne s’était jamais posé sur ses poings au moment où celui-ci les serrait nerveusement quand elle le contredisait. Cela arrivait aussi parfois lorsque, plongée dans ses livres, elle oubliait l’heure et s’attardait plus que de raison à la bibliothèque privée qu’elle fréquentait. Il l’accueillait froidement et lui reprochait de n’être pour elle qu’un passe-temps.
Il s’opposait de plus en plus à ses sorties entre amies. Elle n’avait nul besoin de les fréquenter en dehors des cours, il était là lui. Il prenait un air abattu pour la faire culpabiliser, lui affirmant qu’il était triste quand elle n’était pas auprès de lui, à l’appartement. Plusieurs fois il lui demanda d’abandonner ses vadrouilles entre copines et lorsqu’elle lui répliqua que c’était grâce à l’une de ces virées qu’elle l’avait rencontré, il piqua une crise. Ce ne fut pas le ton employé qui apeura Mylhenn, mais plutôt le calme apparent avec lequel il s’était adressé à elle et la dureté de son regard lorsqu’il lui demanda si elle s’envoyait en l’air avec un autre. En voyant les larmes de sa compagne, honteux il s’excusa aussitôt, ses paroles avaient dépassé sa pensée. Mylhenn pardonna cet écart de langage. Sans le savoir, en acceptant aussi facilement son repentir la jeune femme venait de mettre un doigt dans l’engrenage.
Quelques semaines passèrent puis un soir il rentra chez eux, la mine réjouie, annonçant à Mylhenn qu’il était passé à la mairie afin d’obtenir les documents à leur mariage. Mylhenn en resta interloquée. Selon elle il était bien trop tôt. Il n’avait pas eu le temps de bien se connaître, elle poursuivait ses études, elle se trouvait trop jeune, bref elle le bombarda de bonnes raisons pour refuser. Lorsqu’elle mit ses études en avant elle ne remarqua toujours pas son poing qui se refermait avec force, au point que ses jointures en devinrent blanches. Il laissa passer quelques jours puis il revint à la charge. Contrainte par ses demandes à répétition, Mylhenn accepta de devenir l’épouse de Christian. Elle remisa au plus profond de sa mémoire le fait de s’être soudain sentie piégée. Tout alla très vite, la date fut rapidement arrêtée, les alliances choisies, le traiteur approuvé et les invités validés. Ils firent une belle fête avec leurs amis respectifs, elle en avait peu, mais aucun des parents n’étaient présents. Christian n’avait pas invité les siens, quant à Mylhenn, les relations qu’elle entretenait avec sa famille étaient très compliquées, elle prévint juste Maë Lynette de son union avec un gentil garçon de sept ans son aîné. Elle n’osa pas la convier à la fête car elle savait que sa grand-mère ne serait pas tendre avec son futur époux. La brave femme désapprouvait totalement ce mariage.
Mis à part son état-civil rien de particulier ne changea pour Mylhenn. En faisant abstraction des rares mais violentes crises de colère de son mari, elle était persuadée de nager dans le bonheur.
Lorsque Christian était en mission il lui arrivait de rentrer tard en fin de journée. Une soirée où elle se sentait bien seule, Mylhenn invita Audrey à dîner. Ce soir-là, à son retour, Christian ne fit pas d’esclandre devant la jeune femme. Il se fit même charmant, mais dès que l’amie de sa femme eut pris congé, il attrapa méchamment Mylhenn par le bras, ses yeux noirs lançaient des éclairs. À l’avenir Mylhenn ne devait plus recevoir ses amies en l’absence de son mari. Pour bien souligner l’ordre, s’en était un, il tapota plusieurs fois ses joues de la rudesse de ses paumes pour le lui faire comprendre. Ce n’était pas encore des gifles, mais cela y ressemblait déjà.
- Je te demande pardon ma puce, je ne sens pas ma force! Je suis désolé ma pauvre chérie! Il venait de se rendre compte que Mylhenn avait les larmes aux yeux. Un gémissement lui avait échappé et elle le regardait avec de l’incrédulité dans le regard.
- Je regrette tellement ma chérie, je suis une brute! Pourtant tu le sais, je n’aime pas que l’on vienne empiéter sur nos moments à deux! Ne recommence pas ou cette fois-ci je serais moins poli avec ta copine! Mylhenn frissonna. Cette fois-ci elle avait clairement perçu la menace et elle comprit qu’il ne lui serait pas facile de tempérer le comportement violent de son mari. Elle ne donna aucune suite, se contentant de mettre cet énième incident sur le compte de la fatigue. Elle n’y croyait pas vraiment.
Le lendemain, en rentrant du campus où elle s’était attardée, elle découvrit sur son bureau l’atelier de calligraphie qu’elle désirait depuis longtemps. Alors elle accepta le présent et elle fit l’impasse sur la vilaine ecchymose qu’avaient dessinés les doigts de Christian sur son bras. Elle se pendit langoureusement à son cou en signe de remerciement. Les nuages noirs s’éloignèrent.
Un samedi sur deux la jeune femme rendait visite à sa grand-mère et à ses tantes. Pour cela elle prenait l’autocar au village et une heure trente plus tard elle se retrouvait en famille pour la journée. Le voyage retour du début de soirée était plus long. Habituellement elle lisait en jetant de temps en temps un coup d’œil au paysage, sans vraiment le voir. Ce soir-là, son esprit était si préoccupé qu’elle s’agita sur son fauteuil durant tout le trajet. Elle n’avait pas eu le courage d’avouer à Maë Lynette que son mari lui faisait peur parfois, et elle était persuadée qu’elle aurait dû le faire. Un accident de la route provoqua un gigantesque bouchon qui retarda le bus et c’est un Christian furieux qui l’attendait chez eux.
- C’est bien beau tes balades ma petite chérie, mais pendant ce temps qui fait le repas? Je travaille moi figure-toi, alors au fourneau et grouille, je commence dans une heure!
Elle lui servit sa bière fraîche, lui présenta la salade de pommes de terre aux anchois qu’elle avait préparé le matin puis elle alla faire réchauffer le reste de daube de la veille. Il observait ses va-et-vient d’un regard furibond, elle savait que la sentence n’allait pas tarder à tomber.
- Je ne veux plus que tu partes aussi fréquemment, tu m’entends? Dorénavant tu resteras ici, c’est moi ta famille maintenant, tu l’oublies trop fréquemment ces temps-ci! Il avait aboyé les mots plus qu’il n’avait cherché à la convaincre du bien-fondé de sa décision. Elle ne discuta pas.
S’en était fini pour elle, plus d’excursions qui la distrayait de la routine du quotidien. Les larmes brûlaient ses paupières, mais elle se garda bien de les lui montrer. Ce soir-là, Mylhenn s’abstint de dîner. D’ailleurs il lui arrivait de plus en plus souvent de sauter des repas. Quelque chose clochait chez son mari, tantôt il était doux et aimant, tantôt il devenait violent et cruel. Ce coup de poing sur son épaule parce qu’il l’avait soupçonné de flirter avec le facteur avait fait un hématome qu’elle avait gardé plusieurs jours. Il s’était confondu en excuses, prétextant avoir passé une mauvaise journée. Christian jura à Mylhenn que jamais il ne recommencerait. Dubitative, elle parvint tout de même à faire bonne figure.
Une semaine plus tard, alors qu’ils étaient à table, elle lui fit part d’un souhait. Il entra dans une fureur noire.
- Mais bondieu, quel besoin te pousse à toujours vouloir me contrarier? Je t’ai pourtant prévenu que j’en avais assez de toutes tes allées et venues! Tu m’entends? Gronda-t-il méchamment. Ses yeux lançaient des éclairs et son poing frappa durement la table. Mylhenn sursauta, elle ne savait que répondre. Son irritation lui faisait réfuter chacun de ses arguments.
- Il est hors de question que tu disparaisses des jours entiers, l’appartement ne ressemble déjà à rien! Tu es incapable de tenir notre ménage correctement alors si tu travailles cela va vite devenir une vraie porcherie ici! Les beaux yeux bleus de Mylhenn se voilèrent, ceux de son mari ne reflétaient que dédain.
- Et qui t’engagera, tu ne sais rien faire ma pauvre petite! Poursuivit-il. Le ton méprisant qu’il employa la frappa en plein cœur. Cependant elle tenta une fois encore de lui faire entendre raison.
Elle lui expliqua que pour valider son cursus elle devait effectuer un cours apprentissage et le stage qu’on lui proposait dans le collège voisin était une belle opportunité.
- Je ne te donne pas assez d’argent? C’est pour ça? Hein? Il fulminait, rouge de colère. Elle secoua la tête et lui affirma que son salaire les faisait vivre bien, ce qui était vrai, mais que ce stage serait le petit plus dans son premier cv. D’ailleurs elle ne serait même pas rémunérée pour cet emploi.
- À quoi cela va te servir alors? Beugla-t-il. Et la lumière se fit brusquement dans son esprit.
- Dis-moi, tu n’envisages tout de même pas de bosser plus tard? L’hostilité déformait son visage. Il s’empara d’un verre qu’il reposa si brutalement que celui-ci claqua sur la table, explosant en des dizaines de morceaux qui se répandirent un peu partout dans la cuisine. S’en était trop pour elle, Mylhenn éclata en sanglots bruyants.
- Arrêtes de chialer merde! Tu sais qu’il n’y a rien qui m’agace autant! Cria-t-il en se levant d’un bond.
Mylhenn recula lorsqu’il s’approcha d’elle, elle grelottait de crainte.
- Hé ma merveille qu’est-ce qui te prend? Je te fais peur maintenant? Mylhenn hurla un oui silencieux dans sa tête. Il l’attira à lui, de plusieurs baisers il essuya ses larmes puis il l’enlaça tendrement.
- Je crie fort oui, mais avoue que tu l’as bien cherché! Allez mon chat, c’est oublié! Mylhenn n’était pas de cet avis, mais elle ne se risqua pas à raviver sa fureur.
Elle protesta vivement lorsqu’il la souleva dans ses bras, elle n’était pas prête à lui pardonner sa véhémence. Pourtant elle se retrouva nue sur le lit en un rien de temps. Elle l’aimait tellement lorsqu’il redevenait son prince charmant, celui qui la faisait rire et qui savait combler ses désirs de femme les plus secrets. Dans ces moments-là elle était sa merveille et pour rien au monde elle ne l’aurait quitté.
Elle oublia rapidement l’incident. Elle reviendrait à la charge plus tard, lorsqu’il ne serait pas fatigué, lorsqu’il ne serait pas agacé, lorsqu’il serait de bonne humeur. Une nouvelle fois, elle venait de se persuader qu’avec tout l’amour qu’elle lui portait, elle parviendrait à le guérir de ses brutales sautes d’humeur.
Deux jours plus tard, Mylhenn ne prit pas garde à ses yeux noirs lorsqu’il lui demanda pour la deuxième fois de baisser le couvercle de la poubelle. Christian l’avait complimenté sur son repas et à présent elle finissait de ranger tranquillement assiettes, verres et couverts dans le placard au-dessus de l’évier.
Elle alla étendre le torchon qui lui avait servi à essuyer la vaisselle sur le fil à linge. L’air était frais sur le balcon, mais elle resta à y flâner quelques instants.
- Les mouches vont être attirées par les déchets! Ferme cette putain de nom de dieu de poubelle!
Mylhenn tressaillit, Christian devenait de plus en plus grossier dans ses propos lorsqu’il s’énervait.
Elle allait lui répondre vertement que cela ne risquait pas de se produire en octobre lorsqu’un léger froissement parvint à ses oreilles. Elle se retourna vivement. Christian était déjà près d’elle, il la propulsa brutalement dans la cuisine.
- Putain mais tu vas obéir quand je te demande quelque chose! Hurla-t-il en la giflant violemment sur les deux joues. La douleur cloua la jeune femme sur place et aussitôt ses oreilles s’emplirent d’acouphènes. Elle était sonnée, incapable de prononcer un mot, paralysée d’effroi.
C’est en apercevant les traces rouges que ses mains avaient laissé sur le visage de sa femme qu’il comprit qu’il avait vraiment exagéré cette fois-ci.
- Mince je suis vraiment désolé ma puce! S’excusa-t-il en la prenant dans ses bras. Encore en état de choc, elle resta immobile contre lui. Elle refusait la réalité de toute son âme. Comme dans un rêve, elle le vit sortir de l’appartement en trombe. Elle pensa qu’il était trop honteux pour supporter d’avoir sous les yeux la preuve de sa violence. Elle pria la Bonne Mère pour que cela s’arrête enfin. Pour que ce ne soit pas pire à l’avenir. Il revint avec un magnifique bouquet de roses couleur lavande. Son mari avait dû faire tous les fleuristes de la ville avant de trouver cette fleur si rare. Celui qui les offre fait part de ses intentions amoureuses à un être unique lui avait dit la fleuriste. C’est ce qu’il fallait pour consoler sa merveille, elle était son unique, celle qu’il aimait de toutes ses forces.
En les lui offrant Christian jura à Mylhenn que jamais plus il ne porterait la main sur elle.
Raclée, rossée, peignée, ecchymoses. Le tapis de bain mouillé était resté sur le rebord de la baignoire…