• CHaPiTRe ( XI )

    SLoW MouSSe... le 17 Janvier 2016

    ...Confidences sur un sujet que Bébé maîtrise parfaitement. Que nous maîtrisons à la perfection!
    Il y a un an de cela, je pensais être au bout de ma vie. Et puis, peu à peu, la zénitude de ma Canaille a galvanisé mon énergie. Ash a pris le temps de m’apprivoiser à nouveau et je me suis soudain éveillée dans une autre dimension. J’aime sa façon de me distraire avec de charmantes attentions. J’aime l’oubli, la folie des sens que cela me procure d’être entre ses bras. Je ne parle pas d’amour là, je ne veux plus mots entendre sur cette inclination qui dévore le cerveau et le cœur et qui vous laisse totalement anéanti lorsqu’elle disparaît en se rendant compte que le prince charmant n’est en fait qu’une crapule. Bébé n’est pas mon amoureux, mais celui avec qui je désapprends ce qui a été. Je me réinitialise à son contact. Il est le champion du marivaudage et sous ses délicates attitudes galantes se dissimule une batterie de jeux polissons, subtils et recherchés. Le plus raffiné d’entre eux est ce qu’il nomme le slow mousse. Je ne sais si je dois le croire, mais il m’affirme ne jamais avoir initié Kirsten à cette tendresse.
    Je me souviens encore de la première fois où il m’a entraîné à sa suite sous la douche. Ce gentil garçon avait émis le souhait de se perdre en moi et j’ai accepté de le laisser me rudoyer gentiment, me molester amoureusement en de solides étreintes, ses lèvres sur les miennes, nos langues dansant un ballet romantique. Suis-je assez soft là? Il est trop tard maintenant pour changer de vocabulaire, je poursuis.
    Une gorgée de vin de Champagne bien frais, puis une autre et nous voilà dans la salle de bains. Des dizaines de bougies parfumées illuminent les faïences, le coquin savait ce qu’il faisait. Je croyais avoir le temps d’ôter ma belle robe, mais il m’a attiré inexorablement sous la pluie fine du pommeau de plafond. Cet homme n’a vraiment aucune pitié pour ma garde-robe. L’eau est à bonne température, c’est loin d’être déplaisant. Ce n’est que lorsque nos vêtements trempés ont jonché le fond du bac à douche que j’ai réalisé que Ma Canaille préparait le piège depuis longtemps. J’ai adoré. Depuis ce jour-là, chaque fois que l’occasion se présente, Bébé et moi pratiquons ce divertissement. Une lumière tamisée, un gel douche Dior, un parfum d’ambiance et … c’est la fête à l’ardeur jouissive.
    Cela dit, avec un diffuseur désodorisant aux huiles essentielles, un baume de douche à l’Argan et des luminaires à faible lueur, cela le fait aussi. C’est une simple suggestion.
    J'aime la souplesse de son corps brun recouvert de mousse qui glisse contre le mien.
    J’aime lorsque ses mains soupèsent mes seins lourds de désir et d’écume parfumée.
    J’aime ses mordillements sur ma nuque et le lobe de mes oreilles. Mes premiers frissons sont un envol.
    J’aime quand sa langue flatte mes reins et taquine mon temple. Mon bon sens s’estompe puis disparaît.
    J’aime lorsqu’il me dévore de baisers, je les lui rends en le comblant de mes lèvres exploratrices.
    J’aime ce corps à corps soyeux et alangui, où la mousse parfumée exacerbe nos sensualités.
    J’aime le frôler de mon petit derrière recouvert de minuscules bulles, j’oublie tout ce qui n’est pas cet instant.
    J’aime lorsqu’il dévore l’intérieur de mes cuisses, puis ventre contre fesses nous chancelons délicieusement.
    J’aime lorsqu’il s’installe lentement entre les pétales noyés de mon intimité. Son regard est lumineux.
    J'aime sentir nos sexes ruisselants fusionner, la passion nous embrase comme un feu de paille.
    J’aime lorsqu’il m'honore de son glaive rude et chaud. Je m’abandonne totalement à son enthousiasme.
    Un kinésithérapeute m’a de nombreuses fois déclaré que le toucher-massage possède des vertus relaxantes autant physiques, psychologiques que spirituelles. Je confirme en trois mots, effleurages, pressions et balayages. Quant à l’oscillation circulaire, je laisse à l’imagination des plus hardis d’en découvrir la signification. Moi je dirais satisfaction assurée. Or donc, blottie entre ses bras rassurants je reprends mes esprits. Notre peau est ridée comme celle d’une pomme flétrie mais nous sommes comblés.
    C'est ainsi que souvent, après une super balade main dans la main ou une randonnée shopping ou l’une des réceptions à rallonge de Mumy, nous passons la soirée.
    Généralement le lendemain j’ai droit à un p'tit dèj au lit. Bébé pense même à déposer un soliflore avec une fleur rose sur le plateau. J'apprécie ces matins cacao où côte à côte sous la couette, lui et moi partageons une viennoiserie made in France, un thé, un jus d’orange, une salade de fruits. Puis, lui, adossé à ses oreillers, un vieux livre aux pages écornées en main pour se donner contenance, caresse tendrement ma cuisse. Moi, lovée contre son torse, je rêvasse un sourire idiot aux lèvres. Je me rendors en savourant ces instants de plénitude à deux.
    Lèvres sucrées, câlins affectueux et mots susurrés, la vie pourrait m'être belle...

    ToGeTHeR... le 20 Janvier 2016

    ...Comme tous les ans à cette même époque, la convention des turbans bat son plein!
    Madam’ est radieuse, elle reçoit une quinzaine d’invités dont le langage est un dialecte qui m’est encore plus incompréhensible qu’une conversation dans la langue de Shakespeare avec l'accent écossais. Les amis hindous des parents de Bébé sont charmants, mais leur principale activité de l’arrivée au départ consiste à manger, se nourrir, se gaver et … recommencer. Entrecoupée heureusement de visites à Londres et dans le yorkshire où des connaissances communes les reçoivent. Cette fois-ci encore Bébé et moi sommes conviés aux agapes, mais c'est au-dessus de nos forces, nous déclinons l’invitation. Au cours des fêtes de fin d’année nous avons largement partagé les plaisirs de la table en bonne compagnie pour remettre le couvert à nouveau. Ashlimd a pris deux kilos en quinze jours, moi c’est nettement moins catastrophique vu que je picore. Cela dit, entre chocolats en tous genres, ceux à la liqueur sont à se damner, plats gras et desserts ultra sucrés, j’ai un peu de mal à boutonner mon jean slim.
    Afin de retrouver son poids de forme Bébé a étendu son jogging jusqu'au périphérique, soit cinq kilomètres de plus qu’habituellement et pratique le site d'escalade avec assiduité. Contrairement à lui, le sport n’est pas ma tasse de thé. Je dois me rendre prochainement chez le rhumatologue, mes lombaires sont dévorées à longueur de temps par un rat boulimique. Je me contente de sauter le petit déjeuner et le déjeuner en buvant des litres d’Earl Grey. Ce n’est pas un grand sacrifice, ma relation à la nourriture devrait être travaillée avec un thérapeute m’a-t-on souvent conseillé. Mon corps n’est pas la seule chose que Christian a mis en pièces, mon esprit est comme un fromage de gruyère, empli de trous qui peinent à se colmater.
    Selon Steven, le thé noir à la bergamote est un élixir de Jouvence et au moindre de mes bobos il m’en confectionne des litres. Manque d’appétit, angoisse ou insomnie, tout est bon à l’employé de Mumy pour transformer mon estomac en un océan d’eau chaude aromatisée. Ensuite je passe mon temps aux toilettes.
    Ash m’a enlevé pour un bain de nature, un peu trop de route j’admets, mais cela en vaut la peine.
    Nous sommes installés dans un gîte où sont disposés çà et là quelques bungalows au bord d’un lac en plein cœur d’une région emblématique de l'Angleterre rurale, toute en collines et en pâturages bordés de murets de pierre. Les cottages du village sont construits en pierres de couleur de miel, l’église médiévale est l’une des mieux conservées de la région nous dit-on. Elle est imposante et originale, digne d’être décrite par un auteur à succès. L’on ne risque pas de se perdre, la rue principale et … circulez il n’y a plus rien à voir. Mais la promenade est de qualité car les trottoirs bordent un pub très accueillant, une boutique de souvenirs tenue par des artisans locaux, un salon de thé où l’on sert d’exquises pâtisseries, plusieurs échoppes gérées par des gens dans la fleur de l’âge, natifs du village. Sur les vitrines des boutiques il est indiqué qu’elles appartiennent à la même personne, Millicent. Une célébrité indigène, âgée de cent deux ans qui a fait don de ses propriétés aux plus jeunes afin que le village reste florissant. Belle initiative.
    Et, tout au fond de l’allée un peu à l’écart, un maréchal ferrant. Un sacré personnage. À ses moments perdus, il promène les touristes dans une luxueuse calèche à suspension. L’on se sent comme dans un canapé tant le véhicule est confortable. Je le sais puisqu’Ash et moi l’avons expérimenté. L’ennuyeux est que nous ayons dû partager l’aventure avec d’autres couples. Cela dit, ces deux heures de nature, en campagne et en forêt, ont été très agréable.
    Le lendemain, pendant que Bébé, chaussé de ses baskets neuves, fait le tour du lac à petites foulées, moi je flâne près de la mare aux canards, la principale attraction du parc. Ceux-ci font la joie des gamins qui leur lancent un morceau de leur goûter. Je suis allée au petit kiosque où sont proposées des boissons chaudes. Le soleil est bien pâle et il fait frisquet alors je me suis laissée tenter par un thé. C’est Ducky, le roi des canards, un black impressionnant, qui a avalé toute ronde la petite madeleine que l’on m’a offerte avec la boisson. Il a adoré ça. Ensuite il m’a suivi comme un toutou. L’on aura beau dire qu’il m’en faut peu, je trouve le parc merveilleux. Ash se tordait de rire en me voyant avancer, Ducky à mon train. Certainement un peu de jalousie de sa part non? Mon nouvel ami m’a valu d’être la risée des autres visiteurs, mais je m’en moque car cela a été très amusant pour moi aussi.
    Cerise sur le gâteau, j’ai appris qu’à une dizaine de kilomètres d’ici, tout au plus, se trouvait une ferme de lavande ouverte au public de mi-juin à la première semaine d’août. J’ai tanné Ash jusqu’à ce qu’il me promette de m’y emmener cet été. Je veux absolument voir la lavande made in Aspidies. Nous avons musardé main dans la main jusqu’à tard dans l’après-midi. À notre retour au bungalow, le regard de ma Canaille était beaucoup trop brillant pour être honnête, je reconnais que le grand air m’a rendu un rien allumeuse. Conclusion, lui et moi avons jouer à guichet fermé une bonne partie de la soirée.
    Deux jours plus tard nous voilà rentrés au logis. Malgré l’heure tardive nous trouvons les parents de Bébé en pleine fiesta. La salle de réception est bondée, Mumy fait toujours les choses en grand. Elle devait surveiller le retour du fils prodigue, car à peine avons-nous passé la porte que Steven se présente à nous. Ash lui tend nos parkas et les clefs de sa voiture. Une poule ayant trouvé un ver de terre géant n’aurait pas un regard aussi radieux que celui de Steven à cet instant. Son péché mignon, conduire l’étoile de Bébé au garage.
    Cela dit, il n’en perd pas le sens des priorités pour autant.
    - Monsieur Ash, Madame désire que vous alliez passer une tenue plus décente et que vous vous joignez à ses hôtes! Et bim, Mumy le cueille en beauté.
    Il est vrai qu’un jean et une chemise kenzo font un rien misérable. Je pense que cela devait plutôt s’adresser à moi, mon pantalon sort droit d’H&M et mon pull est … l’un des sweats de Bébé. Trop large, trop homme, trop de trop. Je croyais m’en tirer à bon compte et attendre ma Canaille au calme dans la chambre, mais le destin, non Madam’ en décide autrement.
    - Mademoiselle Mylhenn, je me suis permis de laisser sur le portant une tenue qui vous ira à merveille!
    Mon visage vire au vert. Je fais entièrement confiance à Steven pour ses choix, ce n’est pas la première fois qu’il me trouve une tenue au dernier moment. Mais que je sois conviée à me mêler aux invités de leur convention, c’est une première. Bébé a l’air aussi surpris que moi. Steven confirme d’un hochement de tête encourageant.
    - Les chaussures sont dans la boîte posée sur la banquette, vous verrez elles sont confortables!
    Quoi? Les aurait-il essayé? Je médis, cet homme est une perle. Depuis mon premier séjour chez mes beaux-parents il m’a pris sous son aile et me guide dans le difficile apprentissage du paraître à son avantage sans être vulgairement bourgeoise.
    - Mademoiselle veut que je lui mettre une ou deux verrines de mousse au chocolat de côté? Il doit aussi rester quelques kiwis, je pourrais déposer discrètement le tout dans votre chambre? Comme il me connaît bien. Voyant mon peu d’enthousiasme Steven vient de trouver les mots magiques, sa façon à lui de me motiver. Ash a pouffé comme un gamin avant de monter à l’étage.
    - Merci Steven, vos encouragements sont appréciés à leur juste valeur! Ça, c’est ce que j’aurais voulu pouvoir exprimer, mais malheureusement je me suis contenté d’un pauvre merci. Avec le sourire tout de même. J’ai pris le temps d’une douche avant de me harnacher. La petite robe noire qu’a choisi Steven est parfaite. Le tissu souligne mes courbes sans les saucissonner et la petite étole en soie qui agrémente le vêtement lui donne une légère touche de sexy. Quant aux chaussures, ce sont de véritables pantoufles malgré les hauts talons. Vivat Steven, une fois encore il a tapé dans le mille. J’ai séché mes cheveux la tête en bas pour un coiffé-décoiffé réussi, mon meilleur atout, ma blondeur naturelle. J’ai mis mes boucles d’oreilles préférées et un bracelet manchette, je suis une belle pouliche de compétition. Je déteste le maquillage et je ne me risque à l’exercice que très rarement car à chaque fois j’ai l’impression d’être badigeonnée comme une vieille voiture dans un dépôt vente. Une légère touche de blush, un Rouge à lèvre Rose naturel, une touche d’eau d’Hadrien et … je me fais de l’effet à moi-même en découvrant mon reflet dans la psyché de l’entrée, c’est dire. Mon apprêt n’a duré qu’à peine vingt-cinq minutes, selon moi un exploit. Ash tourne en rond comme un ours en cage, mais dès que j’apparais son regard se fait tout en tendresse lubrique, me faisant comprendre qu’il me réserve le coup de la panne d’essence, dans l’ascenseur.
    Madam’ a l’air satisfaite de mon apparence, c’est l’essentiel. Que s’imagine-t-elle? Son fils a bon goût en matière de petite amie, j’en suis la preuve non? Disons que ce sont mes antécédents bourgeois qui ressortent à bon escient. Cela a été deux très longues heures pour moi, mais nuls regards inquisiteurs, nulles questions indiscrètes ni sourires hypocrites, ces gens sont adorables. Ma phobie de la multitude ne me permet pas de m’attarder dans un rassemblement statique. J’ai serré des mains, accepté bon nombre de baises-mains, répondu aux civilités, dans la mesure où mon pauvre vocabulaire était suffisant et partagé gracieusement de mon temps avec les hôtes de Mum’. Daffy Duck et Rambo se sont bien tenus, ma voix n’a pas éructé trop de couacs. Sans doute suis-je légèrement de parti pris à cause des origines de mon Tandoori, mais tout me porte à croire que malgré leur système de castes, tous les hôtes de Madam’ sont des gens respectueux d’autrui. Certes ils possèdent beaucoup de privilèges, pourtant c’est leur mentalité séculaire qui leur a fait prendre conscience des devoirs qu’ils ont envers leurs inférieurs. Philipp et Mumy, dans le domaine où ils exerçaient, ont en quelque sorte contribué à ce que la ségrégation disparaisse peu à peu du paysage. L’éducation qu’ils ont donné à leurs enfants a été une voie pour certains membres de leur cercle d’amis hindous. Je me suis retirée plus tôt que Bébé dans notre tour d’ivoire, j’avais un trop plein de mondanité. Cela dit, rencontrer ces gens m’a été très bénéfique … je crois. Non seulement les trois enfants de Philipp et Mum’ ont été élevés en gardant une partie de leur culture, mais aussi en ayant toujours à l’idée qu’un peuple se distingue par son évolution et non pas uniquement par ses origines. Je comprends parfaitement que Bébé ressente parfois le besoin de se ressourcer au rhizome familial. Madam’ et moi c’est un combat qui risque de s’éterniser, mais il est une chose que je ne lui reprocherais jamais, c’est l’amour inconditionnel qu’elle porte à ses fils. Ses fils oui, parce du jour où ils ont été adoptés, ces trois-là l’ont été totalement, viscéralement. Ils rendent généreusement cette affection.
    Ash m’a rejoint une heure plus tard. Comme à chaque fois, une fois la porte de notre chambre close, nous oublions tout ce qui n’est pas nous. Bébé et moi avons trouvé un certain équilibre dans notre relation. Il me libère de mes tristes délires paranoïaques en me couvrant de délicates attentions. Là, il me félicite pour l’effort considérable que je viens de faire afin de m’intégrer à sa famille, et c’est peu de le dire. Je ne me fais pas encore assez confiance pour accepter que ses sentiments pour moi sont réels. Quelque chose me retient, sans doute la peur panique irrépressible de le voir se transformer en bête sauvage dès que je me serais entièrement abandonnée à son dévouement, à son attachement, à sa ferveur. Christian m’a ôté une part d’humanité que je ne recouvrerais jamais. Il ne reste qu’obscurité à la place. Pour ce qui est de notre scintillement intime, Ash et moi jouons tantôt dans la galanterie recherchée, tantôt dans la concupiscence exacerbée. Cela m’est compliqué à expliquer, mais en clair je dirais que nos corps se sont reconnus dès le premier regard qu’Ash et moi avons échangé dans cette discothèque. Tout en délicatesse, Bébé a patienté des semaines avant de nous conduire à la communion, cet homme est ma providence, combien de temps va-t-il me falloir pour l’admettre? Pour m’en convaincre.
    Quartiers de kiwis et mousse au chocolat, une façon fort originale de les déguster. Je n’en dirais pas plus, où alors juste quelques lignes. Allongés sur l'édredon moelleux qui recouvre notre lit, nous revisitons quelques pages de l'ouvrage que les ancêtres de ma Canaille ont offerts à la postérité.
    Ash m'abreuve de surnoms coquins et de doux encouragements, ses caresses sensuelles et espiègles me laisse suffocante. Mes seins s'épanouissent au creux de ses paumes dès qu'il les a libérés de leurs dentelles protectrices. Tendresse et dextérité. Mon intimité sirupeuse frémit au contact sublime de ses doigts. Sa langue fruitée me propulse au comble du bonheur une fois mon string disparu. Puis, à mon tour je me fais mutine en le torturant. J’ai juste oublié que Bébé est très doué pour les retournements de situation. Je me retrouve rapidement à plat ventre, asphyxiée par le duvet. Ma raison vacille quand ses effleurements deviennent pressions. Je frissonne, désirant de tout mon corps le moment où la fermeté de son épiderme dans mes soies intimes me fera pépier de plaisir. Le même séisme nous emporte dans de longues vibrations rythmées par nos clameurs charnelles. Ces instants privilégiés nous sauvent de la routine et pour Bébé je suis celle avec qui il veut partager ce rituel à l’infini.
    Ambroisies et souffles mêlés, nos cœurs battent à l'unisson. Nirvana…

    ONe yeaR LaTeR... 22 Janvier 2016

    ...Le virtuel, j’ai expérimenté et j’y ai laissé des plumes, trop de larmes. Une part de mon intégrité aussi!
    Le dialogue en messagerie est un lien ténu entre deux personnes et il peut se rompre brutalement. J’ai soudain pris conscience de son égocentrisme et mes reparties ne satisfaisaient plus son besoin d’être encensé. À mesure qu’il se faisait autolâtre Gärtner m’est apparu comme un homme stupide, dégoulinant de commisération affectée. Avec le temps, mon amertume et ma colère se sont apaisées. Non, Ash les a balayé d’un sourire. La fatalité me poursuit ou m’envoie un signe, je ne sais comment le prendre. Avant-hier, je suis tombée sur l’une des nombreuses clés USB que je croyais avoir détruite, presque un an jour pour jour après que Gärtner se soit volatilisé. J’ai relu le dernier texte qu’il m’avait composé et une évidence m’est apparue. Ce récit était son au revoir, l’au revoir que j’ai attendu durant des mois en le maudissant de mes pleurs. Les descriptions interminables de sa narration m’ont fait zapper le plus important, la trame du récit.
    Je me souviens qu’en quelques clics, sur un coup de tête, le mien, table rase a été faite. Puis j’ai désespérément attendu un adieu dans les règles, mais rien n’est venu.
    J’étais horriblement vexée et j’ai vécu ce silence comme une trahison.
    Je réalise à présent que cette conclusion était inévitable car déjà inscrite dans nos conversations devenues épisodiques et insipides. J’éprouve un certain respect, avec réserve dois-je préciser, pour la patience dont il a fait preuve à mon égard. Qui aurait été capable de patienter trente-trois mois sans un coup de fil, ni la promesse d’une rencontre? Personne, pas même lui, j’en suis persuadée. Je n’étais pas la seule avec laquelle il entretenait des liens, ses gaffes aurait dû me mettre la puce à l’oreille mais je refusais de voir la réalité. J’ai souffert le martyr lorsqu’il a coupé le cordon internet, pourtant je crois qu’au fond de moi je savais déjà que nous ne poursuivrions pas l’aventure. Gärtner ne m’était plus vraiment indispensable, notre relation -virtuelle- quasi fusionnelle s’était transformée en une vie de couple ennuyeuse et j’étais incapable de clore le chapitre. Cette présence continue et lointaine ensoleillait mon existence torturée puis du jour au lendemain tout a cessé. J’aurais pu être très méchante, mais à quoi bon. Je me suis bien vite rendue compte que cela n’aurait eu aucun sens, je ne tenais pas assez à lui pour en arriver à des extrêmes. En y réfléchissant, j’ai pris conscience que si Gärtner tenait tant que cela à me rencontrer il aurait pu facilement le faire, je lui avais laissé pas mal d’indices.
    Mon affection pour cette personne était sincère. Je parle d’affection, parce que pour ce qui est de l’amour, ce n’est pas ça. Je suis certaine que Gärtner a été attiré vers moi pour de mauvaises raisons. Il ne connaissait de moi que ce que j’avais bien voulu lui livrer et ce sont les blancs qui dès le départ, ont faussé la donne.
    Il était trop tard pour redresser la barre lorsque je l’ai compris que cela ne nous mènerait nulle part. S'écrire de belles histoires avait son charme, mais ce n’était qu’envoûtement donnant à croire que nous éprouvions de tendres sentiments l’un pour l’autre. Lasse, moi aussi de cette relation qui s’éternisait je n’ai pas lu correctement ses envolées d’écriture bien trop étoffées, je les jugeais tellement ennuyeuses, je n’avais plus la foi. J’ai été blessée, voire mortifiée par la façon dont il a mis fin à notre liaison virtuelle. Toutes les larmes que j’ai versées j’aurais pu les économiser si j’avais été plus attentive à ses écrits.
    L'alchimie physique a son importance dans une relation, et si mes propos donnaient à penser que j'étais prête à livrer mon féminin sacré, mon esprit lui était toujours bloqué sur le passé. Ash me manquait terriblement. Je ne peux nier que nous avons, cet homme et moi, ressenti un véritable coup de cœur et que nos esprits se répondaient à merveille. Toutefois il n’y avait rien pour étayer ce sentiment si ce n’est que le virtuel nous permettait d’éviter et paroles blessantes et manies qui agacent. Je lui ai offert l’occasion de se rendre utile et peut-être de reprendre confiance en lui. Lui m’a fait présent de son soutien pour mes premiers pas sur le sentier escarpé qui me conduisait à la liberté d’esprit. L'amour doit être mis à l'épreuve si l’on veut qu’il dure. J'ai découvert ceci au fil du temps, en compagnie de mon Pain d’Épice, pour rien au monde je n'échangerai nos caresses, nos disputes, nos regards et notre tendre complicité. Selon un principe hindou, il ne faut jamais dire adieu, car c'est renoncer délibérément à un fragment de notre cœur. Et je me suis rendu compte que je faisais fausse route le jour où j’ai compris que mon cœur cherchait désespérément le fragment qui lui manquait. Celui que j’avais perdu en quittant Ash, attirée par quelque chose dont je n’avais pas réellement envie. Dès que Bébé est à nouveau apparu dans mon horizon, je me suis sentie entière.
    Finie la nostalgie. J’admets que parfois je suis attristée, mais ce ne sont que réminiscences, une impression de vécu heureux lointain. Une inclination virtuelle, un émotionnel dans une vie antérieure. Ma souvenance en est scarifiée à jamais. C’est surtout mon corps, longtemps exacerbé par ces connections espiègles, égrillardes je l’avoue, qui a eu énormément de mal à faire le deuil de cette histoire. Selon ma thérapeute, j’ai eu beaucoup de chance de me remettre aussi rapidement de cette expérience affligeante et douloureuse.
    Apprendre à chanter dans les ténèbres implique que plus tard tu devras le faire au grand jour…

    LiGHTS FeSTiVaL… 25 Janvier 2016

    …Grossir le flot des visiteurs du festival des lumières? Une mauvaise idée. Une Pitchounette abattue, une!
    Lors de cette occasion Londres a brillé de mille feux et la foule s’est réappropriée les grands sites emblématiques de la ville. Le principe des faisceaux de lumière colorée a offert aux spectateurs des œuvres d’art pour le moins flashies. Le jardin lumineux s’inspirait de celui de Bellecour, mais les roseaux et les pivoines géantes étaient bien trop statiques à mon goût. Certainement à cause des bancs disséminés en dessous. C’était comme si la fête des lumières avait été téléportée outre-manche. Mais en janvier. Je reconnais la beauté du spectacle, mais mon cœur n’y était pas.
    Heureux comme un gamin dans une confiserie, Bébé n'a pas remarqué mes larmes devant la red phone box détournée en aquarium. Ash était bluffé. Pour si peu? J’exagère, le tableau avait son charme. C’est juste que l’ambiance commençait à me peser et que les façades enluminées par les projecteurs me faisaient tourner la tête. Je n'ai pas voulu gâcher son plaisir alors j'ai fait comme si. Réminiscences d’odeurs, d’images et il a suffi d’un air connu diffusé dans les haut-parleurs pour que soudain les battements de mon cœur s’accélèrent. Des souvenirs que je croyais profondément enfouis remontent à la surface. Ils étaient restés tapis depuis ce terrible mois de Juin où ma Sosso m'a quitté. Le huit décembre deux mille onze avait été mémorable, notre ultime fête des lumières à Sonia et à moi. Soudain, tout me revient en mémoire. Une impression de chaleur transperce mon corps malgré le temps merdique des Aspidies. Le coup de blues est très violent et je me retrouve instantanément sur la colline de Fourvière pour admirer en contrebas les lampions qui frissonnent sur le rebord des fenêtres. J’étais tétanisée. D'aucuns diront qu’il était malvenu de me conduire en un tel lieu. Trop tôt, trop traumatisant? Depuis le décès de ma chérie je suis déjà retournée à la fête des lumières à Lyon. Cela ne m’a jamais autant bouleversé que ce soir, ici. C’est une question de … commémoration, mon cerveau accepte que le passé et le présent se télescopent puis se remettent dans le bon ordre. C’est si simple, selon le thérapeute, je ne dois pas résister aux assauts des ressouvenirs.
    En les bloquant ils m’empêchent de me reconstruire. Il me faut reprendre possession de ma personnalité, en finir avec le chagrin des nombreuses pertes qui jalonnent mon existence. Refuser que l’on me traite comme une poupée de porcelaine est un des remèdes. Bébé a parfaitement compris que j’étais solide avec encore quelques failles à combler, il prend soin de moi sans m’infantiliser, sans me maintenir dans du coton et je lui en suis infiniment reconnaissante. Je me refuse à pourrir ses sorties, Ash a le droit de se détendre. Il apprécie que je l'accompagne et j'aime lui tenir compagnie. Certes, selon les dires de certains, ses loisirs ne sont pas toujours judicieux, mais lorsque l'on passe son temps à se mettre le cerveau en bouillie pour le bien-être de la communauté, l'on a le droit de relâcher la pression de la façon dont on le désire.
    J’ai attendu d'être dans MA chambre. Au nom de la bienséance Madam’ m’en a concédé une et je reconnais que parfois cette pièce est indispensable à mon besoin de solitude. Or donc, une fois seule j’ai ouvert les vannes et laisser couler les larmes qui me brûlaient les yeux. J’avais déjà pleuré mon saoul lors du décès de Sonia, mais là il s’agissait d’un rappel inutile de douleur dont je me serais bien passée.
    Ma douce était une joyeuse jeune femme qui aspirait à une vie heureuse après un épouvantable calvaire. Elle avait foi en la justice et elle en est morte. Sonia était mon amie, ma sœur, mon soutien et la compagne de mes errances. Nos jeux étaient faits de vagabondages dans les traboules, de rapines à la supérette d’un quartier populaire, de courses poursuites avec les agents de sécurité de La Part Dieu, de visites à des ami(e)s SDF et de soirées souvenirs. Souvenirs des jours où elle passait une heure sous la douche car l'eau brûlante la soulageait de ses blessures du corps et de l’âme. Souvenirs de mon interprétation de la danse des sept voiles afin d'éviter les coups. Souvenirs des horreurs vécues. Contrairement à moi, Sonia se reconstruisait rapidement et elle entrevoyait enfin le bout du tunnel.
    - Profites de la vie Bella, elle est si courte! Elle ne croyait pas si bien dire ma Douce.
    Plus timorée, non, plus réaliste je savais que rien n'était tout noir ou tout blanc. Maintes et maintes fois je lui ai dit de faire attention. Elle oubliait souvent son fil d'Ariane -la plupart de celles qui sont en danger en possède un- et elle s'en moquait. Puis un jour elle s'est retrouvée face à son agresseur et il n'y avait personne pour l’en protéger. Ce genre d’être nuisible fini toujours par retrouver sa victime. Il n’a pas été condamné puisque la justice n’a rien pu prouver. Un trop bon alibi. Daniel est un pervers, un violeur, un immonde personnage, mais ce qu’il recherchait avant tout, c’était à récupérer l’emprise qu’il avait sur Sonia. J’ai toujours un gros doute, est-ce ou n’est-ce pas lui ? Quelques semaines après l’agression de Sonia, une autre jeune femme a été attaquée et brutalisée à deux rues d’où a été trouvée ma Douce. Cette personne a eu plus de chance et c’est heureux. Peut-être n’était-ce qu’une façon de détourner les soupçons?
    Ma chérie qui aimait tant la chaleur et les mélanges tropicaux pimentés est morte sur une table d'opération aseptisée puis a terminé son séjour terrestre dans une chambre froide. Cela je ne peux l’admettre. Alors oui, en entendant la mélodie qui rythmait nos moments heureux, j’ai craqué.
    Vivre au sein de la famille d’Ash me procure un isolement salutaire, fait de réflexions et de quiétude.
    Mum’ possède l’empathie nécessaire pour avoir deviné qu’il me faut un espace privé pour m’y réfugier mes jours de tempête. Sa quasi obsession à ce que j’occupe une chambre personnelle n’est pas une brimade, mais un refuge qu’elle m’offre afin de prendre le temps de me refaire bonne figure sans en être honteuse. Ash m’a donné le plus doux des baisers avant de me souhaiter une bonne nuit et de cela aussi je lui suis reconnaissante. Son esprit conçoit parfaitement que pour avancer, je doive parfois faire une pause, une régression. Philipp lui, me donne l’occasion de m’initier correctement à la langue de Shakespeare et ainsi j’ai accès des textes magnifiques que je ne maîtrise pas, mais qui me donnent matière à réflexion.
    Les larmes les plus amères que l'on verse sur les tombes viennent des mots que l'on n'a pas dit, des choses que l'on n'a pas faites a écrit Harriet Beecher Stowe.
    Ce que je ressens après toutes ces années? De la culpabilité…

    MoN HoMMe à Moi... 27 janvier 2016

    …Le choc des retrouvailles. Je vis mieux mon installation aux Aspidies. Allons Mylhenn, soit honnête!
    Je reconnais que je n’ai qu’à me laisser porter et cela me convient, la plupart du temps. Tout n’est pas rose non plus. Je suis gâtée par le personnel, le père de Bébé apprécie ma compagnie au point qu’il me propose souvent de jouer aux dames avec lui. Je suis un rien vexée de ne pas savoir jouer aux échecs car il adore cela. L’on m’accorde aussi l’immense privilège de m’installer dans l’imposante bibliothèque familiale. Le hic, c’est que je ne maîtrise pas assez l’anglais pour me risquer à parcourir de très bons auteurs. Je ne devrais pas l’avouer, mais pour l’instant, les seuls ouvrages originaux que je parcours ce sont les contes pour enfants de Camilla, la nièce d’Ashlimd. Elle va sur ses quatre ans et elle sait lire presque couramment. Ça motive. Quant à son frère, Terry, tantôt boute en train, tantôt rêveur, voire carrément agressif en classe avec ses camarades, il a été vu récemment par un psy. Résultat, cent vingt-neuf au test de Wechsler sur l’instant T, un terme de pédopsychiatre. Un futur Einstein à huit ans? Ses parents n’en font pas cas, ce n’est qu’un enfant et sur ce coup-là je suis d’accord avec eux. Terrence poursuit un enseignement traditionnel auquel se greffe un emploi du temps aménagé de deux demi-journées par semaine où il choisit de travailler sur les connaissances qui l’intéresse avec un précepteur spécialisé. Huit ans c’est l’âge des jeux bruyants, des jeux salissants, des histoires de croquemitaine et des constructions Playmobil gigantesques. Ce gamin a beaucoup de chance, ses parents lui permettent de ne pas grandir trop vite. Cela ne détériore en rien ses futures capacités intellectuelles.
    Dorothy. Que dire de Mumy? Ce n’est pas une mauvaise personne, elle est sensible et généreuse mais elle fait tout son possible pour qu’on la prenne pour ce qu’elle n’est pas, un dragon. Son bon fond est submergé par son amabilité autoritaire, sa rigueur et son intransigeance. L’édition originale du livre du savoir-vivre en vingt leçons est greffée à son cerveau. Sa famille est son univers et elle le protège bec et ongles. Je suis la peste qui a mis le grappin sur son fils et elle veille à ce que je ne le fasse plus souffrir et surtout que je ne lui fasse pas honte. Peter le maître d’hôtel, son chouchou disons-le carrément, lui prête main forte parfois et je dois reconnaître qu’il m’a évité de commettre plusieurs crimes de lèse-majesté. Peter ressemble traits pour traits au chapelier toqué du film Alice au pays des merveilles. Je ne me formalise pas de ses manies même si certaines d’entre elles sont … agaçantes. Il possède la rigidité et une sécheresse d’intonation identique à celles de Madam’ lorsqu’il se sent en difficulté. Cela dit il est d’une prévenance peu commune qu’il dissimule lui aussi sous ses airs bougons. C’est le passé professionnel de Philipp qui a effectué une mise à jour abrupte du tempérament de Dorothy. Les contraintes de la notabilité ne sont en rien tendresse.
    Bébé et moi cela a été avant tout une rencontre, LA très belle rencontre, grâce à lui, aux Aspidies je suis en mode sérénité. Ash a pris la meilleure des décisions en m’installant en famille. Sa famille. Il a reconfiguré mon horizon afin que j’oublie ces trois dernières années. Celles-ci m’ont été plus néfastes que bénéfiques contrairement à ce que Gärtner voulait me faire croire. Pour cet homme, catharsis était synonyme d’infantiliser. J’apprécie le séjour malgré mes nombreuses prises de bec avec Madam’. Elle est seulement cassante avec moi car d’instinct elle a compris que son fiston ne lâcherait jamais l’affaire, mais que si elle ne veut pas d’un conflit qui perdure, elle doit me ménager aussi. Alors, comme cela a été fait pour elle, Madam’ a pris mon éducation en mains dès mes premiers séjours et à ce niveau les sentiments n’entrent pas en compte. Je suis rétive à sa philosophie, moi aussi j’ai des origines bourgeoises. Et Marseillaise de surcroît du côté maternelle. Alors, le choc des cultures fait parfois danser les tuiles festonnées du toit. Rien de bien méchant. Ce confort protecteur me convient la plupart du temps. C’est cette envie soudaine de me promener en chaussettes dans les couloirs, de déguster mes scones, assise sur le canapé, de boire un thé en cuisine ou de sauter à pieds joints dans les flaques les jours de pluie qui me pousse à l’affronter quelques fois.
    Ash m’a recommandé de m'imposer sans heurter môman chérie et j’admets que ce n’est pas en salissant ses tapis avec mes chaussures boueuses que je parviendrais à me faire accepter telle que je suis. Lorsque mes désirs deviennent plus que fantasques, voire carrément farfelus, Bébé nous éloigne de la forteresse ou la reine-mère peut reigner en despote en toute tranquillité.
    J’ai aussi des rapports très conflictuels avec Sodishan, le benjamin de la fratrie. Il n’a que quatorze mois de différence avec Ash, mais toute la famille lui concède encore un statut de marmousset chétif. En fait c’est surtout môman qui le couve. Ils ont failli le perdre quelques mois après son adoption, Madam’ en a été traumatisée. Tout comme ses frères il a réussi de bonnes études qui lui ont procurées un super emploi et il mène très bien sa barque. Ce sont uniquement ses caprices d’enfant gâté qui le rendent antipathique. Un tantinet orgueilleux, il me fait souvent sentir que je n’ai pas de culture générale très poussée et pire, que j’arrive tout droit d’un milieu dont je n’ai pas de quoi être fière. Il ne connaît rien de mon parcours, j’ai interdit à Ash de lui en parler pour me défendre. Comme le roseau je résiste au vent et ses paroles ne me sont pas vraiment blessantes puisque je suis en standby et je sais qu’un jour ou l’autre tout mon savoir me reviendra. Le milieu d’où je viens lui pose problème, tant pis. Maë Lynette s’est chargée de mon éducation et elle a réussi à me redonner le feeling petite bourgeoise de province. Seul mon caractère de cochon me porte préjudice et je reconnais volontiers que j’abuse de mes origines de poissonnière lorsque l’on me contrarie. Mon arrière grand-tante ne se nommait pas Honorine pour rien, et maman me disait souvent que j’ai hérité de son caractère … emporté.
    À vrai dire je me moque éperdument de ce que pense de moi Sodishan parce que le vrai problème n’est pas là. Il n’est pas encore parvenu à prouver qu’il existe par lui-même et non pas au travers des prétentions de ses parents, de sa mère surtout. Ce qu’il me reproche est très simple, j’ai détourné Ash des codes familiaux que lui est obligé de suivre à la lettre comme son aîné, Hylam. Bébé a choisi l’élu de son cœur, moi. Cela ne se fait pas dans leur monde. Hylam a eu obligation d’épouser la personne qu’on lui a imposé, Hailie. Une jeune femme cultivée, distinguée et très agréable à l’œil, formatée pour faire le bonheur d’un homme au statut social élevé. Leur couple fonctionne, là n’est pas mon propos, mais je trouve cet engagement tellement triste. Sodishan lui, a ces derniers temps, quasiment obligation de fréquenter une certaine Janet, une jeunette de douze ans de moins que lui. Leurs parents respectifs souhaiteraient que ces deux-là fassent un beau mariage. Encore que Philipp ne soit pas aussi enthousiasme que Mumy. Janet est trop lisse pour Sodishan le Bad boy de la famille. Trop neuve aussi si l’on comprend ce que je veux dire par là. La pauvrette ne connait rien des travers de Sod et elle est très loin d’imaginer ce que ce serait que de tomber entre les griffes de Madam’. Que l’on ait bien compris, Sodishan n’est pas un pervers, juste un homme qui n’a pas les mêmes envies qu’une jeune femme fleur bleue. Bref, il est certain que je fais un peu tache au milieu de leurs conventions. Pour faire court, être en présence de tout ce beau monde me gave. D’autant que ces derniers jours j’éprouve un peu trop le besoin d’étaler mon beurre sur les deux côtés de la tartine comme disait Maë Lynette, je sens que cela déraperait très vite. Quand je ne suis pas à l’aise je me sens agressée et je deviens vite chiante. Un isolement thérapeutique m’est nécessaire si je ne veux pas péter un câble et c’est pour cela que Bébé se propose de me conduire dans la cambrousse profonde et verdoyante de l’Hertfordshire.
    - Pas de luxe, juste un joli dépaysement! A-t-il dit. À vrai dire je m’attendais à un hôtel niché entre une lande d’herbes sèches, des bosquets rabougris et une forêt épilée à la tronçonneuse. L’endroit est fabuleux.
    Le prêt d’un collègue, une superbe chaumière en rondins à deux pas d’un parc de loisirs sportifs. Le must, un anneau de navigation rapide. Cinq kilomètres de parcours à effectuer à bord d’un canoë de plaisance. Certes le décor sauvage est magnifique, mais les tourbillons du torrent artificiel ne sont pas des plus engageants. À défaut d’être hyper confortables, ces embarcations sont stables me dit Ash. Formule détente, un paradis pour mon sportsman. Personnellement je suis moins emballée, d’autant que la météo n’est pas au beau fixe.
    Nous sommes entrés dans un véritable cocon. L'intérieur est charmant, propre et meublé douillettement. La personne qui nous a confié la clé nous apprend que le réfrigérateur armoire est plein à ras bord de laitages, de fruits, de légumes, de surgelés et de produits sous vide. Euh … nous ne sommes que deux, un ogre et une souris. Bébé est enchanté à l'idée de faire popote avec moi. Une pièce à vivre avec cuisine intégrée, un salon marocain attenant à la cheminée et une salle de bains compose le rez-de-jardin. L’étage possède une entrée privative et il est réservé à la mère de notre hôte. Une fois notre bagage ouvert et la cheminée allumée nous allons faire quelques pas à l’extérieur. Implantés le long des rives de l’anneau se trouve une piste pour trottinettes tout terrain, une autre pour roller acrobatique et un champ de tirs à l’arc. Il va sans dire qu’un parcours pédestre est proposé également et dans cette région ils ont la manie de déposer des blocs roches un peu partout. Dix mètres de plat et deux kilomètres de crapahute.
    Le vent et la bruine glacials m’inciteraient plutôt à un séjour de farniente au coin du feu.
    Dès que Bébé est en mode congé, ce n’est plus le même homme, il redevient humain. Fini l’uniforme costard cravate, oublié le rasage impeccable, laissé au vestiaire le langage châtié et envolé les dossiers confidentiels. Il se met automatiquement en mode aventurier. Il est de notoriété publique que les chats n'aiment pas l'eau, pourtant mon gros Matou m’a rejoint dans la baignoire à remous, il a même ronronné de plaisir. Allez savoir pourquoi l’eau était à peine tiède lorsque nous en sommes sortis. Bébé est espiègle et affectueux, moi je suis joueuse et débordante d’initiatives, la combinaison de nos qualités est … explosive.
    Finalement, le lendemain matin au réveil je suis impatiente de goûter aux joies du plein air, sans doute parce que le soleil montre enfin le bout de ses rayons. Surtout parce que la ménagerie qui tourmente habituellement ma carcasse douloureuse me laisse tranquille. Plusieurs sentiers conduisent à l’embarcadère et celui que nous empruntons donne vue sur tout le site, une merveille. Monsieur muscles m’offre une promenade revigorante. En fait c’est amusant de se laisser balloter au fil des paliers mais je dois reconnaître qu’au terme du circuit mon fessier est un rien sensible et que nous sommes plus qu’humides. Boisson chaude de rigueur car les giboulées se font rudes et nous avons pris une sacrée saucée au retour. Après-midi lecture et scrabble. Il était à peine vingt heures trente lorsque lovés l’un contre l’autre, enveloppés comme des momies dans deux épaisses couvertures polaires, nous avons rejoint le royaume de Morphée. Une très bonne idée que ce salon marocain dressé près de la cheminée, les coussins sont encore plus moelleux qu’un matelas de luxe. De vrais nuages.
    Maë Lynette aurait nommé ce confort le sein de Dieu. Céleste séjour…

    MéLi-MéLo, iMBRoGLio… 29 janvier 2016

    …Dompter les réminiscences pathologiques d’une réalité défunte et traumatisante. Tout un savoir-faire!
    Mes anciennes peurs sont encore trop proches de mon renouveau pour n’avoir plus à les craindre. Il suffit pourtant qu’Ash me prenne dans ses bras pour qu’aussitôt mon horizon redevienne lumineux. Tout est si simple avec lui. L’instant magique où il murmure à mon oreille une poésie de jadis me permet d’oublier momentanément mes plaies passées et présentes. Je saisis au vol et conserve précieusement dans ma mémoire réinitialisée cet instant magique qui nous lie. Sa voix est un onguent au parfum de rêves.
    Rien qu’avec son timbre chaud, mon Prince des mille et une nuits me renvoie aux sources. Je retrouve mes cinq ans, Myrieth et moi au bord de la fontaine, les cigales et l’astre du jour. Comme je l’aime ma chère Provence. Par son dévouement et sa sensibilité Bébé m’offre souvenances agréables et bien-être.
    La fragrance de mon lait corporel lui donne parfois des envies de grasses matinées coquines, mais pour moi le summum est sa main qui caresse tendrement ma joue, cela suffit amplement à mon bonheur.
    Le parfum des brins de lavande dissimulés dans ma taie d’oreiller, une balade sous la pluie ma main dans la sienne, la caresse du vent sur mon visage, les nuages blancs qui me dessinent un palais de coton au ciel, former une étoile de mer de mon corps alangui sur le sable chaud, la douceur bienfaisante du regard qu’il pose sur moi, lui rendre un sourire vrai, toutes ces petites délicatesses forment un assortiment de charmes magiques qui me conduisent au ravissement.
    Pourquoi ai-je déraillé, déconné à ce point? Ash et moi construisions déjà tout ce bonheur lorsque j’ai brusquement perdu les pédales. L’attrait de l’interdit? Même pas.
    C’était tout d’abord le violon d'Ingres de mon partenaire en messagerie qui m’avait séduit. Selon Gärtner le tantrisme devait me permettre de me reconstruire sereinement. En gros, c’est une doctrine fondée sur la croyance en deux principes complémentaires, le masculin et le féminin. Une recherche de l'union divine dans la fusion harmonieuse de ces contraires en employant des méthodes physico-spirituelles. Seulement le hic est que Gärtner a détourné à son profit cet enseignement et il en a fait quelque chose de laid, de sale. Ce n’était en rien apaisant, je me suis fait posséder comme une bleue. Les textes qu’il me faisait écrire devenaient carrément pornographiques. Quant aux poésies cochonnes qu’il me dédiait, oui je les ai appréciés un temps, oui je les publiais sur mon site. Une fois surmontée la folie lubrique dans laquelle il m’entrainait, je me suis rendue compte que cela n’était pas moi, que je me fourvoyais à cause de mon désir irraisonné de reconnaissance, de partager mon savoir écrire. Tout n’était qu’illusion.
    Depuis cette terrible déconvenue, dans le cocon ouaté que mon Pain d’Épice m’offre et dont je lui suis reconnaissante, je me reconstruis tranquillement. Les joies simples et éphémères du présent m'aident à accepter un révolu tourmenté. Je sais que les cicatrices de mon vécu avec Christian ne se refermeront jamais totalement, je sais aussi que ce chagrin issu d’un virtuel mal maitrisé n’a rien d’anodin. Je ne dois jamais avoir honte des larmes amères qu’il me fait encore verser.
    Les absences de mon Pain d’Épices subliment l’oisiveté de mon existence. Sa présence m’est un puissant révélateur de sentiments dont je me croyais à jamais incapable d’exprimer.
    De mes réflexions lavande il ne me reste que confusion, une triste constatation. J’ai été comme la biquette de Monsieur Seguin, attirée par l’herbe verte du champ d’à côté. Je me promets, à chaque fois que j’en parle, que ce sera la dernière fois, mais un fragment d’émotion sentimentale subsiste et il me fait y revenir encore et encore. Mes dites réflexions lavande ne sont que ma prise de conscience, celle du mirage qui ne m’a valu que tristesse et désillusion. C’est mon besoin d’encore plus de meilleur qui m’a chassé vers l’utopie. J’ai lâchement délaissé celui qui me donnait force et protection. Celui qui me berçait tendrement pour me consoler de mes terribles chagrins. Celui qui, réaliste, ne me promettait pas l’impossible, celui qui faisait fi de mes cicatrices, même celles qui zébraient mon esprit. Celui qui était ma meilleure chance d’avancer dans la bonne direction. Et qu’est-ce que cela m’a rapporté?
    Trois années durant j’ai erré à la recherche d’une chimère que je savais inaccessible. Celui que je nommais mon bel ange n’était qu’un homme, et depuis, ce que je pensais éprouver pour lui régit encore mon écriture aujourd’hui. Les fantasmes une fois disparus, il ne me reste plus qu’à éradiquer ce virtuel de ma mémoire. Je me refuse à lui donner un nom à présent. Je désire plus que tout clore ce chapitre peu reluisant, mais je sais que j’y reviendrai. J’y suis obligée, mon amour propre en souffre encore.
    Par cette nuit étoilée du Hertfordshire, le lumignon de certains de mes mauvais choix s’éteint…