• LeNTe aMéLioRaTioN… 31 Janvier 2017

    ...En ouvrant les yeux ce matin, je me serais cru dans la cuisine du restaurant à Palavas!
    C’est à cet instant que je prends conscience combien me manquent les tantines. Fiers comme des paons, Ash et James se tiennent près d’un chariot chauffant. L’esprit encore embué je crois comprendre que le petit déjeuner est servi dans mon boudoir, une première. Jusqu’à présent je n’ai eu droit qu’à un service restreint. Aujourd’hui Ash a exigé de prendre son premier repas de la journée en ma compagnie. Ash non, plutôt Pantagruel.
    Certes du point de vue olfactif c’est alléchant, mais de celui de mon estomac c’est l’horreur. Il caracole joyeusement de mes poumons à mes reins. Du moins est-ce l’impression que je ressens à cause de nausées phénoménales. Il gargouille, mais pas de faim, juste d’effroi. .Cela dit il est presque neuf heures alors je comprends que Bébé ait envie de dévorer tout ce qui passe à portée de sa fourchette. Effarant est le mot qui me vient à l’esprit. à mesure que James soulève les couvre-plats cloche je découvre des pommes de terre sautées au jambon et œufs pochés, des saucisses grasses grassouillettes accompagnées de tomates cuisinés façon provençale, des York pudding, des fruits frais, du jus d’ananas, un grand pot de thé vert et … dans une soupière de table, un velouté de champignons bien crémeux comme je les aime. À mon intention, au petit-déjeuner, sérieux? Ces jours-ci j’arrive à peine à garder un thé et un pain au lait le matin et voilà que Bébé me propose un bol de soupe au réveil. J’admets seule l’intention compte.
    Depuis des jours je vis en dehors du temps alors le repas en famille est un devenu pour moi concept très abstrait.
    Mes plateaux sont bien souvent redescendus intacts en cuisine alors James, l’air pince sans rire, se permet ce matin une remontrance sans réelle insistance, mais le ton y est.
    - Miss Mylhenn vous devriez essayer d’avaler quelque chose. Sans cela vous ne reprendrez jamais de forces!
    Ash pavoise en gloussant comme une adolescente en mal de sensations. Je me vengerais.
    - Merci pour votre sollicitude James, je vais me faire violence! J’ai conservé ma dignité en lui répondant spontanément. Au saut du lit je suis parfois grognon, mais James est adorable avec moi. Propre dans ma réponse, j’ai eu droit à un beau sourire. Que dire de James? Affable, courtois et empressé, ce sont les trois mots qui le définissent le plus. Physiquement, c’est le portrait craché de Nestor, le maître d'hôtel du capitaine Haddock. Filiforme, le visage allongé, la coupe de cheveux et le costume à l’identique sauf que les rayures du gilet et le nœud papillon de son habit de service sont de couleur prune. La toute première fois que je l'ai vu, dès qu’il a eu le dos tourné, je n'ai pu m'empêcher de rire bêtement. Depuis que je le lui ai fait remarquer, il arrive aussi à Ash de le surnommer Nestor lorsque nous sommes seuls.
    James est le chauffeur attitré de la maison et il seconde Mildred lors des déplacements de la famille. Il lui arrive de se mettre au piano et ses recettes sont parfois surprenantes. Mademoiselle Françoise le surnomme le roi de la croûte. Son art s’étend du moelleux aux pommes croustillant au coquelet en croûte de sel en passant par ses succulents petits chaussons de veau au chorizo. Je ne fais que rapporter les échos de convives conquis car depuis mes années noires, la nourriture et moi c’est d’un compliqué au possible. Un peu de soupe pour dire de, une bouchée de pommes de terre et deux quartiers d’orange plus tard, ce qui est déjà énorme, je me demande si je ne vais pas être obligée de sacrifier à Saintes Toilettes. Finalement après avoir ingurgité lentement une moque de thé, tout se passe bien. Ash est satisfait, c’est l’essentiel. Ce traitement de faveur m’a diverti et réjoui, l’ennui c'est que les odeurs de nourriture stagnent dans la chambre. Je comprends maintenant pourquoi Madam’ interdit ce genre d’excentricité.
    Quand ce n’est pas la torture des lames du samouraï, merci Bonne Mère cela s’estompe, qui me tient éveillée, ce sont les cauchemars récurrents. Pas d’excellentes nouvelles, l’infirmière trouve que ma tension bat la démesure et elle me sent un rien déprimée. Y’a de quoi non? Efficace dans ses soins, la séance toilette se passe rapidement. Bingo, Miss Doris envisage la pose d’une nouvelle poche en soirée. Évidemment que je râle. J’ai l’impression de ne faire que ça d’alleurs.
    J’apprends inopinément que, pour moi, Bébé a sacrifié son rendez-vous hebdomadaire avec ses frères au ‘‘All-you-can-eat breakfast buffet’’, un petit restaurant aux airs de pub vintage, pour le petit-déjeuner. Il arrive que Philip y soit convié. Père et fils ont besoin de ces moments entre hommes. Les garçons adorent leur mère et Philip sa femme, tous éprouvent un profond respect pour elle, mais parfois Dorothy est … Dorothy. Les parents adoptifs ont su préserver les origines de la fratrie, ils leurs accordent plus que le souvenir. Hylam, Ashlimd et Sodishan eux, n’oublieront jamais que Phillip et Dorothy ont fait don d’une part d’eux-mêmes à l’Uttar Pradesh et pour cela ils les admirent en plus de l’affection inconditionnelle qu’ils leurs portent. Geste généreux et salvateur qui a permis à trois petits garçons disetteux d’accéder, une fois adultes, aux situations qu'ils occupent aujourd'hui. Ils en éprouvent plus que de la reconnaissance.
    Je me plains souvent de Dorothy, mais elle est une belle personne.
    La preuve en est qu’en soirée elle m’a convié au repas avec toute la famille, sans tenue exigée. Je me suis rendue à peine présentable en rajoutant quelques colifichets à l’un des ensembles médicalisés dont l’infirmière me pare depuis plusieurs jours. Plus pratique dit-elle. Je me sens groggy rien qu’à l’idée de sortir de la chambre.
    Bébé m'a transporté du couloir jusqu’à la salle à manger. Ordinairement j’apprécie quand il me soulève dans ses bras, mais cette fois-ci, en pleine confusion mentale à cause du médicament que je prends, j’ai eu peur qu'il se prenne les pieds dans le tapis et qu’il me laisse choir dans les escaliers. Appréhension idiote puisque cet exercice lui est diablement familier, il adore me … je m’égare. D’ailleurs il me semble que je souffre d’hallucinations depuis avant-hier, j’ai entendu miauler un chat la nuit et au petit matin j’avais l’impression que la moquette de ma chambre faisait des vagues. Du grand n’importe quoi m’a dit Bébé. Tous sont attentionnés envers moi et je goûte sans arrière-pensées aux joies de la famille. Profiter de l’instant présent, le bonheur à portée de mains dirait Nadège. À une exception près, Madam’ m’a fait comprendre que s’il m’est à nouveau possible de prendre mes repas dans la salle à manger familiale, pourquoi m’en priver. Elle m’a également rappelé qu’un ascenseur desservait les étages. C’est dans sa nature d’être aussi … j’ignore sa prévenance délicate, je ne suis pas en mesure de me défendre.
    Hylam, son épouse et leurs enfants sont présents. Camilla est effrayante. La gamine va avoir cinq ans en mai et elle lit déjà couramment, elle connait quelques tables d’addition et elle s’est prise d’une réelle passion pour les insectes. Elle est intarissable sur les coccinelles, les libellules, les lépismes et les … araignées. Elle m’intimide réellement. Ash joue parfois aux échecs avec sa nièce, et il lui arrive de se prendre la raclée. Dans ces moments-là, il exprime tant de fierté que je me sens minable, moi qui ne sais pas créer la moindre stratégie combinatoire. Je n’en suis encore qu’au B.A Ba et Philip s’arrache les cheveux lors de mes séances d’initiation. Cela se termine généralement par une partie de dames. La honte.
    Je fais l’éloge de Camilla, mais comme l’enfant qu'elle est la pitchoune nous gratifie de beaux caprices, elle a un sacré tempérament. Son frère n’a rien à lui envier, il est également précoce. Terrence, huit ans, détient déjà le flegme des hommes de la famille. Réservé, observateur et diplomate. J’aime beaucoup ce gamin et il me le rend bien.
    Somme toute une bonne journée, le rat hiberne enfin. J’en ai ras le bol des vêtements informes que je porte depuis que cette crise me cloue au lit. Comme je le pressentais, miss Margaret a joué la prudence en me passant une nouvelle poche.
    J’ai obtenu le droit de me vêtir d’une chemise de nuit en flanelle. Je me sens tout de suite mieux. Ash aurait vraiment préféré que je me pagnote en tenue d’Ève à ses côtés. Sexy en diable de n’avoir pour tout vêtement de nuit qu’un cathéter dans le bras. Je me demande parfois si l’intelligence de Bébé ne beugue pas? Mauvaise idée, trop risqué.
    Tout de suite les grivoiseries. Se pagnoter veut dire se coucher...

    ReMiSe, PaS TouT à FaiT... 02 février 2017

    ... Plus d’aiguille dans le bras, personne pour me seconder à la toilette. C’est la danse de la joie!
    Enfin libre de mes mouvements. J'ai pu prendre une douche longue comme un jour sans pastis, du Marcel dans le texte. Mon chaperon veillait derrière la porte de la salle de bains, mais je pilotais seule.
    - Pas d'imprudence mademoiselle Mylhenn, et il vous faudra rester encore quelques jours au repos!
    Je m'en serais douté tiens! Rien que ce peu d’efforts et je me sens déjà faible.
    Mon Pain d'Épices est parti au travail plus que rassuré.
    Je suis allée au rez-de-chaussée, il y a quand même plus de passage que dans ma chambre ou la solitude commençait à vraiment me peser. L’on m’a recommandé d’utiliser des béquilles pour me déplacer, mais … tête de mule je reste. Les murs suffiront à me soutenir en cas de défaillance de mes jambes. Phillip m'accueille dans son bureau pour que nous nous tenions compagnie mutuellement. Il m’enseigne quelques rudiments de sa langue natale, il me perfectionne devrais-je plutôt dire. Ma voix éraillée n’aide pas. J’ai fait quelques progrès d’élocution grâce à l'orthophoniste, cependant je suis consciente que je ne retrouverais jamais un timbre normal.
    - Give yourself time, speak more slowly and we’ll understand you better’’ Encourageant beau-papa.
    Bébé a dû donner des directives, car l’on m’apporte un brunch au petit salon vers treize heures. Ensuite je suis fermement raccompagnée à mes "appartements’’, sieste obligatoire me dit Mildred. Je le crains un peu car cet homme est une véritable réplique de John Coffey, alors j’obéis.
    Il n’y a pas de repas familial en milieu de journée, Dorothy a instauré un système de brunch avec petits sandwiches so British où sont conviés généreusement concombres, œufs, rosbif, pousses d’épinards, radis noirs, feta, tomates et … mayonnaise à volonté. Généralement l’on termine les pains muffins du petit-déjeuner en guise de pain de mie. Rien ne se perd avec Mumy. Fruits de saison pour tous ceux qui ont encore un petit creux et qui vont piocher au buffet, employés y compris. Cela me convient parfaitement.

    En revanche, le week-end, il nous est impossible d'échapper aux spécialités car il y a des convives supplémentaires. Petits pois-framboises, hareng-chantilly, bœuf-purée de figue et les fameux scones beurre d’avocats-marmelade, j’exagère à peine. Toutefois j’ose me répéter : la cuisine anglaise est trop souvent tournée en ridicule alors je vais me permettre de remettre les choses à leur place. Aux Aspidies, de nombreux chefs de grande renommée vulgarisent la gastronomie britannique. Voilà c’est dit.
    Ash, étant souvent en France, s’est habitué à nos petits plats régionaux et il demande à Mademoiselle Françoise d’en faire profiter la famille. En fait, tous en ont marre des haricots sauce tomate, des clafoutis salés aux saucisses, des tourtes bœuf rognons et du sempiternelle poulet tikka masala dont raffole Madam’. Ah oui, j’oubliais la Sainte gelée, une horreur sur laquelle trônent chantilly et fruits confits. Nature, c’est … flippant. De temps en temps ; Melle Françoise -cursus école hôtelière made in France- nous concocte des menus plus intéressants, euh … acceptables. Ceci dit, ce ne sont pas les deux parts de Cheese cake, le kiwi, les pommes au sucre et le hamburger végétarien que j’ai avalé ces deux derniers jours qui me donnent l'autorisation de critiquer ce qu'il y a sur la table. C’est Nestor-James qui veille aux traditions culinaires en lieu et place de Madam’ alors je ne vais pas lui reprocher quoi que ce soit.
    Mon cher Sam a raison quand il dit que je me laisse aller à la facilité dans mes pages intimes. Avant je conversais sexe et à présent c’est dossier ripaille. Lamentable.
    Après ma sieste obligatoire je suis allée dans la chambre de Bébé afin de récupérer le livre que j’ai commencé avant-hier. Les vestiges du jour, une histoire dont le résumé m’avait tenu à distance jusqu’à présent. Un soir Philip me l’a vendu comme un livre magnifique dans lequel émane une délicate atmosphère des choses reléguées au passé. L’imperceptible amertume de la souvenance des occasions perdues m’a-t-il dit exactement. Ces mots m’ont poussé à en savoir plus.
    Du peu de pages que j’en ai déjà lu, je dirais que cette dignité, cette perfection quotidienne au service d'un lord pourrait sembler pathétique, surtout quand s’y ajoute une conscience professionnelle surélevée et l’abnégation assidue d’un serviteur né. L’époque n’est pas aussi révolue que cela puisque les employés des parents de Bébé ont revêtu le même costume, tout comme Stevens le narrateur du livre, ils sont fidèles aux maîtres auxquels ils se dévouent, eux aussi ont atteint la plénitude d’un métier typiquement Britannique.
    Que l’on me pardonne l’expression, mais il y a un tel foutoir dans la chambre d’Ash que l’on dirait que son dressing a accueilli la reconstitution du siège d’Atlanta, les blessés en moins. J’admets, j’ai regardé Autant en emporte le vent il y a peu. Ash devait être sacrément en retard ce matin. Son eau de toilette est restée sans bouchon, son Tom Ford m’anesthésie et m’ôte instantanément mon blues si bien que je me suis fait surprendre à rêvasser par Philippine et Barbara venus faire le grand ménage. À passer ainsi d’une chambre à l’autre, nous donnons aux malheureuses le double de travail. Ash dépose ses documents à l’accès restreint n’importe où et crible la porte de post-it. Il va se changer dans MA chambre et laisse traîner ses vêtements sportwear sur les chauffeuses. Quant à ma salle d'eau, elle sert la plupart du temps de terrain d’atterrissage à ses affaires de toilette. Aujourd’hui c’est le chaos chez lui. Ces dames râlent et je ne leur donne pas tort. Philippine a retrouvé la veste d’un des costumes de marque de Bébé toute froissée dans le tiroir d’une commode. Tête en l’air mon grand homme, non juste désordonné.
    Tension en hausse, moral dans les chaussettes. Tendresse, dévouement et chaste. Innocent non…

    SoNia eT CHRiSTiaN, MeS oBSeSSioNS… 04/02/ 2017

    …Sonia, ma Sonia. Elle avait une telle envie de dévorer la vie à pleines dents. C’est ce qui l’a tué!
    Pendant très longtemps, j'ai supporté le poids d’une culpabilité qui n’était pas mienne. Nadège est parvenue à me faire comprendre que ce n’est pas par indifférence ni par lâcheté que j’ai fait passer mes propres désirs avant ceux de Sonia.
    Plus courageuse que moi, elle a tenté plusieurs fois de quitter son prince charmant devenu croque-mitaine et finalement elle y est parvenue. Elle était prête à se battre pour prendre son envol. Moi dès la première fugue j’ai été brisée. Le chantage, les menaces et la hantise des punitions m’ont plongé dans état de peur panique constant. Une emprise totale car j’aimais celui qui me faisait du mal. Même délivrée de la bête qui s’acharnait sur moi jour après jour, je n’arrivais pas à me reconstruire. Mon incohérence comportementale n’engageait personne à suivre mes conseils alors comment aurais-je pu trouver les mots exacts afin de convaincre Sonia de se faire plus discrète. Tandis que je me dissimulais dans la foule, Sonia elle, avançait la tête haute, confiante en l’avenir. Dans un premier temps, je me suis essayée à la reconstruction en m'expatriant en Amérique du Sud, ceci parce que j’en avait les moyens je le précise. Sinon j'aurais fait comme les copines, je serais allée en foyer dès ma sortie de rééducation. C'est à mon retour que j'ai fait la connaissance de Sonia, un passage éclair aux Papillons puis, je suis allée vivre dans la rue. Curieusement c'est là que ma confiance en l'être humain est revenue. Tout n'y est pas rose, loin de là, mais j'ai eu la chance d'y faire de belles rencontres, de m’y constituer une famille. Il m’est arrivée de faire de grosses bêtises et j’étais connue plus que je ne le souhaitais dans certains commissariats de quartier. J'y ai fait la connaissance d'un super mec, le seul flic qui m'ai traité comme un être humain, ne cherchant pas à obtenir de compensation en échange de son aide. Rien à voir avec le sexe, mais les indics ne sont pas une légende urbaine. Mon vocabulaire peu châtié à l'époque, ma détresse vocale et surtout ma jeunesse l'avaient ému lors d'un témoignage, oui bon, une audition. Celui-ci avait vite compris que je n'étais pas la grande criminelle pour laquelle je voulais me faire passer et mes instincts de petite bourge me trahissaient sans que je m’en rende compte. Devenu officier il ne m’a jamais abandonné et m’a sorti de pas mal de galères. J'en ai été malade d’apprendre qu’il avait franchi la barrière. Je suis lucide, la frontière est parfois ténue entre le bien et le mal. Si je le lui avais demandé, peut-être aurait-il pu museler les amis de mon bourreau qui s’étaient lancés à ma poursuite. Je n'ai jamais osé le lui demander. Par pudeur, par bêtise?
    Ce qu’il y a de sûr, c’est que j’ai encore ramassé des mois après l’incarcération de mon ex-mari.
    Christian était un être retors, manipulateur narcissique, violent, ayant l'âme d'un nazi et très inventif pour ce qui était des violences conjugales. Comment ai-je pu tomber sous le charme de cet homme? Je venais d'avoir dix-neuf ans, j'éprouvais grand plaisir à étudier et ma vie était belle malgré ma belle-mère totalement … aliénée. Comment aurais-je pu résister à la fascination qu'exerçait sur moi ce grand gaillard de vingt-six ans qui venait si souvent m'attendre à la sortie des cours avec un petit présent à la main? Un mars, une revue people, un stylo neuf ou deux tickets pour l'avant-première d'un film. Avec son regard de chien battu, il me disait gentiment: "Tu iras avec l'une de tes copines!". Évidemment qui croyez-vous que je choisissais? Ses baisers dans le noir étaient ... bref, je suis devenue la mouche dans la toile qu'il tissait autour de moi. La gamine que j'étais, ne pouvait pas concevoir que de tels hommes existent. Malgré mon intelligence, la première fois qu'il m'a dit que des études ne me serviraient à rien lorsque qu'il prendrait soin de moi, je n'ai pas réagi, ni même compris le sous-entendu. Fasciné par sa prestance, oui, je le voyais avec des yeux de vieille adolescente et j'étais beaucoup plus intéressée par ce qu'il pouvait me faire découvrir que par ses paroles. Je ne pouvais plus renoncer à celui qui me tenait déjà fermement par … ma petite culotte. En sa compagnie, mes hormones de gamine battaient la chamade et savamment, il me faisait patienter. Sans être une fille facile je n'étais pas vierge, je l'avoue que j'ai un peu enjolivé la chose dans mes premiers écrits, la première fois où nous avons fait l'amour.
    Je ne me reconnaissais pas, désinhibée par ses caresses je me perdais totalement.
    Il combla tous mes désirs ce matin-là, à genoux y compris, d'aucunes savent de quoi je parle. Plus tard, lorsqu’il s’est mis à me battre comme plâtre, je n'avais déjà plus le contrôle de mon corps. Ni de mon esprit d’ailleurs car dès qu'il posait ses mains sur moi pour la bagatelle j’étais irrémédiablement emportée dans un monde parallèle. Christian était vraiment doué sous la couette -du moins le croyais-je jusqu’à ce que je diversifie mes expériences- et j'en étais accro, comme une droguée. Alors, à la première gifle, j'ai fait comme toutes celles qui sont piégées dans l'engrenage, j'ai pardonné. Aux suivantes, je croyais dur comme fer que je parviendrai à le guérir et lorsque j'ai enfin compris ce que serait mon quotidien, il était trop tard. J'y ai perdu mon innocence, ma faculté d'apprendre, ma liberté, mes amies et mon autonomie. Il décidait de tout, tout le temps et je n'avais plus voix au chapitre.
    C'est insensé, malgré toutes les horreurs qu’il m’a fait subir, ma mémoire n’a enregistré que les bons moments de nos cavalcades et ceux-ci me reviennent en tête certains jours encore. Je devrais me sentir honteuse d'avoir tellement apprécié d'être honorée comme la chienne que je devenais pour lui. C’était la seule façon de l’empêcher de me fracasser lorsqu’il était en crise. J'étais très inventive pour détourner son attention de la ceinture qu'il gardait toujours à portée de main et dès qu'il glissait ses doigts entre mes jambes, je n'étais plus que sa chose. Je sais, cela est dit crûment et je m’en excuse. Le pire que j’ai subi ensuite après son arrestation, je crois que cela a été les questions déplacées de son avocat lors du procès. Pour lui j’étais une nymphomane. J’en avais la nausée, mais j’ai dû répondre. Emprise avait hurlé l’avocat qui me défendait à l’époque. Contrairement à beaucoup de femmes maltraitées, je ne me suis jamais senti violée, toujours cette fichue emprise. C'était l’un des rares moment où il était tendre et prévenant avec moi. Il m’était vital que les préliminaires durent le plus longtemps possible. Je vais être encore plus vulgaire en faisant cette confidence. À peine monsieur m’avait-il sauté et pris son pied, que déjà il me tarabustait. J’étais tout juste redescendue de l’expérience que j’avais droit à une insulte ou carrément une claque, il disait que j’étais une fille facile.
    Je hais Christian pour tout ce qu'il m'a fait subir, pourtant une part infime de ma personne ressent encore quelque chose pour lui et je suis incapable de me l’expliquer. J'étais sa merveille et ce mot résonne à ma mémoire.
    Nadège, ma thérapeute, m’explique que j’étais sa femme-enfant, celle qu’il pouvait châtier comme une petite fille désobéissante et sur laquelle il pouvait jouer de tous ses fantasmes, même les plus cruels.
    Je souffre certainement, après des années, de ce fameux syndrome de Stockholm dont on m'a rebattu les oreilles. Cela ne m'a pas aidé pour autant à comprendre. Je n’y crois pas. Je me mourrais lentement de son absence lors de mon hospitalisation, et un fragment de mon cœur a été définitivement mutilé lors de cet éloignement. Je venais de retrouver ma liberté, mais cela me désespérait. Jamais je n'accorderai de pardon, cependant de bien étranges pensées me traversent l'esprit parfois.
    Au début de ma relation avec Mon Fripon, je n'osais même pas le "gâter" de ma propre initiative de peur de passer pour une marie couche toi là. Ash est tendre, délicat pourtant il n'y a pas trente-six solutions pour atteindre le haut de la vague à deux. Tendresse, massages et vibrations. Mis au fait de mon histoire, il lui a fallu des semaines pour me rudoyer correctement dirais-je poliment. J’ai dû lui prouver que je n'étais pas en sucre, ni une sainte. Juste une miraculée.

    Christian m'avait tellement rabaissée, que je me croyais responsable de l'avoir fait devenir croque-mitaine. Maë Lynette nous contait l'histoire de ce mi-homme mi-bête qui mange les petits enfants s'ils ne sont pas obéissants, cela nous faisait tellement rire Miriette et moi. Finalement, j'ai croisé l'abominable à l'âge adulte. Celui-ci me faisait si peur que je m'efforçais de toute mon âme d'être obéissante, servile, soumise, conciliante, respectueuse et débauchée.
    Après ma délivrance, je suis restée de longues années à ne pouvoir prononcer son nom sans appréhension. Il est devenu mon ÇA par le trop d'importance que je lui donnais, mon bourreau lorsque les douleurs et les cauchemars réveillaient le souvenir de ses maltraitances et le Monstre à quelques semaines de sa sortie de prison.
    C’est lui qui m'a massacré et moi qui me sentais responsable. Je le suis quelque part, car je lui ai permis que son comportement perdure. Sans l’aide d’un groupe de parole, je n'aurais jamais été à même de comprendre tout ceci. Ma culpabilité ne me lâche pas aussi facilement. Chaque femme va à son rythme pour se débarrasser du poids du souvenir des sévices et nulle volonté ou force de caractère n'entre en compte ici. Longtemps on a essayé de me faire croire le contraire, l’on m’a même dit que je me complaisais dans mon malheur.
    Christian m'a vampirisé. Nadège a employé ce terme. Et elle a raison, car j'ai dû tout réapprendre. Patricia et Sam le confirmeront volontiers, j'en étais arrivé à demander de l'aide pour tout et n'importe quoi. Avec le recul, je crois que ce n'était pas de l'aide que je quémandais, mais bel et bien des autorisations. J'avais tout simplement besoin de savoir que l'on m'autorisait à vivre, à prendre mes propres décisions et reconquérir ma personnalité.
    J’en étais arrivé à employer une formule de politesse tous les quatre mots. Je m'excusais pour un oui ou pour un non. Je ne commençais jamais une phrase sans un: est-ce que je peux me permettre? Je le fais moins, c'étaient les réminiscences de toutes les fois où j'ai dû supplier, implorer, quémander et pleurer. Le "Je t’en prie!" ne réussissait pas à m’éviter une baffe, mais elle était moins forte. "S’il te plaît!" monnayait une hésitation de sa part quant à l’endroit ou frapper. Avec "Pardon!" je reconnaissais ma bêtise alors c’était un sursis genre, je n'ai pas le temps pour l'instant, mais tu ne perds rien pour attendre. Quelquefois, c'était l'acquittement, rare, très rare et jamais gratuit. "Excuse-moi!" me valait bien des tracas. Pour "Désolée!" j’avais du mal à marcher le lendemain ! Lorsque j'associais le "Pardonne, moi, je t'en prie!" Je conservais des ecchymoses pendant une semaine. Je réservais les "Arrêtes s’il te plaît, je t'en supplie!" pour les cas extrêmes, mais là encore je n’étais pas comprise.
    Plus tard j'ai eu la chance de croiser un panel de gens, venant de tous horizons, qui sans être parfaits ont réussi à me maintenir la tête hors de l'eau. Je souhaite que personne n'endure mes tourments, mais malheureusement les médias se chargent de me rappeler que mon cas n'est pas unique. Je vais mieux aujourd'hui, la jeunesse a fait place à la maturité et envisager la mort n'est pas pire que de la redouter. Comme je le dis souvent, je suis déjà morte une fois, alors je fais avec.
    Christian, lui, vit paisiblement entre soins qu’il zappe régulièrement et conquêtes qu'il baffe de moins en moins m’a-t-on dit. Une mauvaise langue m’a laissé entendre qu’il n’entretient plus beaucoup son capital chasse. Son passage en prison en a mis un coup à son aspect physique. Il m'ignore, mais cela ne veut pas dire qu'il m'a oublié.
    Ces quelques lignes pour de sombres pensées. Cela me ronge encore parfois, à en perdre la raison…

    LâCHeR Du LeST… 05 Février 2017

    ...Ce matin je ne suis pas vraiment conciliante avec l’infirmière. Mon avant-bras est gonflé et douloureux!
    Mum va me voler dans les plumes si je perturbe son fiston alors pour l’instant je laisse Ash dans l’ignorance.
    Mademoiselle Daisy me réconforte comme elle peut, mais comme je suis vacharde, ses explications me laissent … bref je n’ai pas envie de les entendre. Ce serait une légère veinite suite aux perfusions reçues. La zone de piqûre est enflée et très chaude, sensible dirais-je. Un lénitif et il n’y paraitra plus, mais à surveiller tout de même.
    J’ai eu droit à un baiser fantastique puis il a disparu pour la journée. À deux cent euros le flacon, Bébé apprécie moyennement que je le taxe de quelques gouttes de son acqua Neroli Portofino que j’applique sur l’un des vêtements que je lui emprunte, mais c’est ainsi que j’adoucis son absence quand j’aurais besoin qu’il soit près de moi. J’aime la fragrance de ce parfum masculin, un rien d’ambre et d’agrumes, un antidote à ma morosité. J’ai croisé Philip au détour d’un couloir et bien sûr il a remarqué que j’étais parée de l’un des keffiehs de son fils.
    - Is something wrong Mylhenn? Come on, let’s take a few steps to the garden!
    Ce que j’apprécie chez Philip c’est qu’il réagit au quart de tour et me voilà à lui confier mes états d’âme au détour des allées entretenues au cordeau. Tout y passe, ma maladie, ma relation avec son fils, mes heurts avec Dorothy et bien sûr mon ambition démesurée de publier deux ou trois de mes écrits. Je suis consciente que beaucoup de non-sens, de fautes, de lapsus et d’entorses à la conjugaison et d’erreurs de ponctuation parsèment mes textes, mais je persévère. Pendant longtemps l’écriture m’a été indispensable pour oublier ce qui m’entourait, pour me créer une utopie dont seraient absentes toutes mes douleurs. Je me suis aperçue tardivement que je me fourvoyais.
    Pendant trois longues années j’ai poursuivi une quête absurde au bonheur, puis je me suis enfin réveillée. Celui que j’avais instauré mon prince charmant n’en était pas un. Mylhenn vous aimez vous faire du mal pour des billevesées me répétait souvent ma thérapeute. Elle avait bien raison. Mais ô combien cela m’est difficile de me libérer de ces souvenirs humiliants. J’ai correspondu avec un ami virtuel pour finalement comprendre que l’ange qui veillait sur moi n’en était pas un. Du jour au lendemain il a disparu lâchement, sans explications, mais avec le recul, je pense qu’il ma réellement rendu service ce jour-là. J’en suis arrivée à comprendre qu’il n’était qu’un homme que sa libido bridée titillait depuis trop longtemps. Cette triste expérience m’aura appris à me méfier des gens trop parfaits.
    Les sentiments que je croyais éprouver pour cet homme étaient bien réels et mes mots sincères. Gärtner ainsi l’ai-je nommé dans mes primes élucubrations, son prénom exact n’est pas le bienvenu dans mes lignes, Gärtner faisait ressortir mon côté mauvaise fille et j'adorais cela. Je me libérais d’un carcan émotionnel avec lui. Empathie et catharsis, un cocktail puissant qui me liait à lui par bon nombre de grossièretés et un rien de pornographie. C’est lui qui me révélait sans honte les liens de sites peu recommandables. Une emprise consentie car sinon comment expliquer que j'acceptais de recevoir en messagerie privée les photographies indécentes d'une partie de son anatomie fièrement bandée? Patricia m’avait mise en garde, mais je n’ai rien écouté. Pourquoi le grand Don Juan qu’il prétendait être aurait-il … non je ne me pose plus la question, c’est juste qu’à présent cette relation à distance me fait sourire et penser à une vieille série intitulée Les Beaux Messieurs de Bois Doré dans laquelle la jeune héroïne imposait une période de sept ans de jeûne sexuel -j’aime ce terme- à son vieux prétendant. Elle sonnait vingt ans et lui cinquante.
    Mon faux ange et moi avions vingt-cinq ans de différence. Il savait tout sur tout, et au début cela me plaisait énormément. Puis, trop imbu de ses exploits au lit qu’il me contait régulièrement, j'ai commencé à douter, à carrément me méfier tout en lui accordant encore généreusement le bénéfice du doute. Divorcé et à ses dires ne gardant jamais plus de quelques mois ses conquêtes, j’ai commencé à me poser des questions. Lorsqu’il m’a servi le coup du harcèlement par l’une de ses secrétaires, mon opinion était quasiment faite. Entre les lignes, au détour des mots qu’il m’écrivait, j’ai enfin perçu sa véritable nature, trop compétitif, trop comparatif.
    J'aurais aimé qu'il garde un peu de mystère sur ses anciennes conquêtes. Chacune d'elles est familière à ma mémoire car j'ai eu droit aux détails croustillants, à savoir les défauts de ces dames qui ne possédaient pas sa science ni son savoir-faire au lit. Parti en week-end avec l'une d'elles, il est allé jusqu'à me la dénigrer à son retour et m'expliquer que cette pauvre fille s'était faite faire une épilation timbre-poste rien que pour lui. Qu'elle était incapable de pratiquer une fellation correctement et que celle-ci refusait catégoriquement la sodomie, ce qui la mettait hors-jeu d'office pour un nouveau week-end. Cela place son homme non? Sur le moment j'avais beaucoup ri, puis avec le recul, j’ai trouvé cela odieux.
    Quel homme, soi-disant sincère dans sa façon d'être, peut agir ainsi? J’ai eu droit aussi aux clichés de nu intégral de son ex-compagne et de l'une de ses conquêtes, débarquée d’Argentine. Là, je ne savais qu’en penser? Enfin si, son côté sombre m’était révélé sans qu’il ne s’en rende compte. Heureusement je n’ai jamais fait la bêtise de lui envoyer de tels clichés de ma personne. Tous ces petits détails alignés bout à bout m'ont forcé à réviser mon jugement, à mettre de la distance, à noyer mon chagrin dans … le chagrin., je n’attirais que les rebuts.
    Lorsqu’il a quitté notre messagerie, j'ai soudain eu le sentiment d'avoir échappé au pire, mon instinct me le hurlait.
    À présent je ressens de la honte, pas envers mes propos d’alors, mais parce que je n’ai jamais soupçonné que par son approche de très jeunes femmes, blondes de surcroît -j’ai appris par hasard je n’étais pas la seule avec qui il correspondait- il avait des côtés pervers. J’avais commencé un jeu stupide que jamais je n’aurais jamais dû poursuivre et sa façon de renchérir aurait dû m’inquiéter au lieu de m’amuser. Nos dialogues étaient ponctués d'une élocution enfantine genre ’’ze t'aime mon sséri, ze crois que ze suis cro cro contente de te parler, ze pense que tu ne devrais pas y n’aller’’ et à chaque fois que nous nous exprimions ainsi, il était quasiment en transes. Sex addict et plus si affinités, l’ange s’est révélé peu recommandable. Maintenant j’assume les conséquences psychologiques de ces saletés, mais un immense dégoût de moi-même m'envahit parfois, ce qui par amour me paraissait normal m’est devenu insupportable car je sais que cela n’avait rien à voir avec des sentiments sains. Il m'a fallu beaucoup de temps pour me débarrasser de cette émotion toxique qui m'empoisonnait l'existence. Gärtner était trop parfait, trop érudit, trop égocentrique et trop vieux dans sa tête. Ceci ressemble à un règlement de comptes et quelque part s'en est un car ces mots j'aurais aimé pouvoir les lui dire en face, de vive voix. Cela dit, il ignore encore que mon timbre vocal varie entre celui de Daffy Duck et celui de Rambo, je n’ai jamais pu me résoudre à le lui avouer, j’avais toujours un bon prétexte pour ne pas céder à ses demandes de conversation téléphonique. Longtemps j’ai espéré le croiser à Marseille, Palavas, Mallemort, Graveson, Lodève ou Aix-en-Provence, mais à présent mon souhait est de le savoir très loin de moi, qu’il passe son chemin en m’évitant, les adieux sont définitifs.
    C’est bizarre, mais après avoir exprimé ceci par écrit je me sens un peu moins coupable, non, sale.
    Je suis plus ou moins de bonne humeur après ma conversation avec Philip et mon bras commence à désenfler, aucune pièce de ma charpente en décrépitude ne me fait souffrir. Cependant, un léger nuage apparait à l’horizon, Ash doit se rendre en France chez son référent. Court séjour, mais il va me manquer. Je souhaiterai qu’il aille récupérer quelques-unes de mes affaires car je voudrais me remettre à l’écriture. J’ai pratiquement vidé une cartouche de son imprimante pour ma saga, soit deux cent quarante feuillets à reprendre et organiser, presque un livre. Cela m'est beaucoup plus facile pour revisiter chaque chapitre, mémoriser tous les personnages et étudier la chronologie de l'histoire.
    Si je me vois déjà professionnelle, je me fais des illusions.
    Mumy a programmé l'intervention d'une kinésithérapeute pour me détendre après la crise de la semaine dernière. Je confirme, Madam’ sait à qui s’adresser. Ceci dit c’est un homme qui est venu au rendez-vous, mais très compétent. Je m'attendais à une demi-heure de crouche-crouche sur la nuque, le dos et les membres avec une huile quelconque, mais j'ai été agréablement surprise. Grâce à une série de pressions-palpations plus ou moins fortes en divers points du corps et adaptées à ma pathologie, le praticien m'a débarrassé des dernières tensions qui m’étaient désagréables. Je le reconnais, c’est plus que du soulagement, un certain bien-être.
    Photos souvenir, Taj Mahal, Agra, Kanpur. Dureté de la vie, ferveur des prières.

    AN eTeRNiTy... 06 Février 2017

    ...Le destin t’a donné des citrons, à toi d’apprendre à les utiliser au bon moment me disait mémé!
    J’en ai assez, je reçois trop de conseils que je n’ai pas demandé. Ce matin j’ai été limite impoli avec Madam’, franchement odieuse oui. Je n’avais pas réalisé que vous étiez une experte de ma vie, continuez je vais prendre des notes ai-je répliqué à l’une des piques dont elle a le secret et qui me mettent hors de moi. J’aurais pu stopper là, mais non le vase débordait. Sachez que vous apportez tellement de joie à tout le monde quand vous quittez une pièce ai-je ajouté furieuse. Je l’ai regretté aussitôt car c’est Ash qui va avoir droit aux remontrances à son retour. Mumy n’avait pas à me chercher, je ne fais que me défendre. À peine éveillée que je sais déjà que ça va être une journée de … je me sens faible et le reflet que me renvoie le miroir n’a rien d’engageant, je suis pâle comme une morte. Le samouraï renait de ses cendres. Je dispose de toute une panoplie de douleur à laquelle s’apparente un animal. Le rat grignote mes vertèbres, le piranha arrache des morceaux de mes membres, les fourmis rouges dévorent mes mollets, tandis que samouraï tranche tout ce qui n’a pas été massacré par la ménagerie. Le tison et la lame, voilà ce que je dis à mon rhumatologue chaque fois que je consulte.
    J’ai passé un séjour idyllique en Inde et à peine de retour c’est … peut-être aurais-je dû y rester ?
    Une semaine avec, une semaine sans, aujourd’hui je ne suis pas loin de la folie.
    Évidemment c’est l’œil de Moscou, Peter, qui a prévenu Dorothy de mon état de santé. Celle-ci n’aura rien de plus pressé que d’en faire part à Bébé alors je dois absolument paraître à mon avantage pour la contredire. Du maquillage? Une robe sexy avec des guêtres coquines? Ce sera du plus bel effet avec mes chaussons Titi.
    Je suis frigorifiée mais pas question de mettre mes bottines ou des chaussures montantes car mes chevilles sont à nouveau très douloureuses. Un bel ensemble de lingerie peut-être? Non cela ne détournera pas vraiment l’attention de Bébé sur la haridelle que je suis devenue ces derniers jours. J’ai perdu du poids, j’ai les traits tirés, la mine fatiguée, l’œil larmoyant. De plus je ne tiens pas à lui laisser croire que je suis disposée à répondre à ses attentions, je suis grognon et … il me connaît assez pour savoir quand je suis dans un état proche du trépas, il est raisonnable, Ash ne cherchera pas à me lutiner, mais il va une fois encore se mettre la rate au court-bouillon. Je dois absolument me remettre aux exercices doux d’assouplissements qui me rendent un respectable confort de vie.
    Ce qui m’a mise en pétard après Dorothy?
    À peine ai-je fait quelques pas hors de la chambre que l’on m’apporte un petit-déjeuner pantagruélique dans mon repaire, le petit salon. Mildred en l’occurrence, ne peut-il se souvenir que je n’ai pas faim au saut du lit, mais désirant prouver ma bonne volonté, me faire pardonner des services que je quémande parfois, souvent auprès du personnel, je me force à sourire, j’étais à deux doigts de décliner l’offre. D’autorité, Mildred me sert une assiette d’œufs brouillés, des toasts beurrés et une espèce de marmelade dont l’odeur me soulève littéralement l’estomac. De la rhubarbe aux épices je crois? Un thé et une biscotte m’auraient amplement suffi. Je pense que c’est Steven qui est l’instigateur de cette gentille attention, mais je n’ai jamais demandé à être servie en princesse. Et bien sûr les odeurs de nourriture à l’étage attirent mumy aussi sûrement qu’une poubelle les mouches. J’admets, la comparaison est peu judicieuse.
    – Je constate que le personnel est une fois encore aux petits soins pour vous Mylhenn! Un brin de jalousie dans la voix, pensez-donc, je dois comprendre reproche à mon égard par ces mots car je mobilise de trop la valetaille. Puis pinçant les lèvres et retenant sa respiration comme si je ne m’étais pas lavée depuis quinze jours, elle jette un œil irrité sur le contenu de mon assiette auquel j’ai à peine touché.
    - Vous n'avez toujours pas beaucoup d'appétit mademoiselle forcez-vous un peu, ne serait-ce que pour montrer un peu de considération envers le travail de la domesticité! Mon regard est noir et l’exaspération pointe le bout de son nez.
    - J’espère vous voir plus raisonnable à l’avenir et lorsque mon fils sera de retour veillez à ne pas l’ennuyer avec vos petits soucis d’intendance! C’est à ce moment-là que cela a dérapé et que j’ai été irrévérencieuse. Plus déconcerté qu’offusquée par ma répartie Madam’ a quitté la pièce sans un mot. Mylhenn 1, Dorothy 0. Non je n’en suis pas fière.
    Et la journée se termine en apothéose, Ash m’avertit tranquillement qu’il ne rentre pas et lorsqu'il m’annonce où il prévoit de passer la soirée, je fonds un câble. La session à laquelle il participe n'a pas avancé comme il le désirait et il doit reporter l’un de ses rendez-vous au cours duquel l’on doit lui signifier sa nouvelle affectation. De plus comme il fait partie des bleus de cette nouvelle promotion, il doit travailler sur le terme homicide au point de vue magistrature. Je suis vengée de son absence. Crime, meurtre et assassinat, bon courage Bébé pour démêler l’écheveau. Le peu que nous avons parlé, à peine dix minutes, monsieur était pressé, je lui ai trouvé la voix fatiguée. Je m’inquiète inutilement puisqu’il a été convié à faire la fête à l’appartement Parisien de son référent et il a accepté.
    Henry possède un loft de cent cinquante mètres carrés avec trois chambres sur mezzanine et une verrière au-dessus du salon à ce que m'a dit Ash qui s'y est déjà rendu plusieurs fois lorsqu'il n'a pas le temps de réserver un hôtel.
    Je redoute les invitations d’Henry comme la peste. J'ai totalement confiance en mon Fripon, mais celui-ci n’aurait jamais dû m’expliquer en quoi consistent ces soirées, surtout lorsque la tendre moitié de l’hôte est absente.
    Discussions piquantes, alcool à volonté, amies célibataires qui passent à l'improviste, buffet gastronomique et jeux d'argent entre ceux qui ont les moyens d'en perdre. Tous bien sûr. Une musique d'ambiance est diffusée en sourdine pour embellir l'espace feutré des rares qui préfèrent refaire le monde en se cuitant au whisky, un bon cigare à la main, vautrés sur le canapé circulaire de vingt places. Catégorie dans laquelle je plaçais systématiquement Ash à l’époque.
    Aujourd’hui, ce soir surtout, je ne sais plus trop où le situer et je me sens mal, sans parvenir à me raisonner.
    Pour la première fois j’angoisse vraiment de le savoir au loft avec des pouliches premier choix sous les yeux.
    Ma nuit a été compliquée, des douleurs intolérables et le tensiomètre indique un petit seize sept au lever. C'est beaucoup, mais normal parfois avec une maladie telle que la mienne. Compliquée oui, vers deux heures du matin les affres du doute sont montées d’un cran et m’ont vrillé le cerveau; j’ai sangloté à en réveiller un mort, les vivants eux n’ont rien entendu.
    Je suis réellement convaincue que Bébé ne se laissera pas entraîner dans quelque-chose qu'il regretterait plus tard, il est honnête et franc, mais il pourrait se lasser d’une compagne constamment patraque et bien piquée parfois. Je n’ose parler du comportement de celles qui veulent s'élever rapidement sur l'échelle sociale., je les ai vu à l’œuvre. Mamaiette pour plaisanter me dit parfois qu’Ash est un bon parti et même si l’expression me déplait c’est la réalité et certaines seraient prêtes à beaucoup pour attirer son attention. Ash ne m'a jamais donné de raisons de douter de lui alors j’ai fait taire mes craintes en allant prendre un bon bain. Autant dire que ce n’est pas l’une de mes meilleures idées, la nuit a été longue et dès le lever j’avais pressenti que la journée allait l’être encore plus.
    Par ennui je me suis replongée dans mon texte catharsis, Litchy. Gärtner serait heureux d’apprendre qu’il avait raison, les mots que je pose dans mon grand ouvrage comme je le nomme, me servent à évacuer les misères de mon âme. Cachée dans le bureau de Bébé, je tente de me concentrer sur … rien à faire, je m’y perds, trop ardu pour l’instant. Mémé aurait dit que j’ai les yeux plus grands que le ventre. Elle aussi me manque tellement.
    Phillip m’a rejoint, il sait toujours où me débusquer. Il m’encourage vivement à poursuivre ma quête de savoir et de transmission. Ce sont ses mots, pas les miens et sa confiance m’honore car il me dit que j’ai totalement intégré en quoi consiste le vrai travail d'un écrivain. Écrire, effacer, recommencer, supprimer, douter et travailler, travailler encore. Le brave homme ne se doute pas que pour ce qui est de supprimer je ne suis pas au point, je thésaurise les textes sans pouvoir les effacer, ils me collent à la peau. Patricia, ma fan de la première heure, voudrait que je publie mon Itinéraire D’une Reviviscence lorsque des jours plus sereins me seront accordés. C'est encore loin d'être le cas, je ne suis pas prête à abandonner cette thérapie par l’écriture qui à présent m’est devenue aussi indispensable que les séances avec ma psy. Bébé est également l’une des médications qui marchent le mieux sur moi, mais lorsqu’il est absent, il arrive, comme c’est le cas aujourd’hui que le chat du Cheshire rôde à ma porte.
    Prière de sérénité. Accepter ce que je ne peux changer et courage de changer ce que je peux…

    DouTeS... 07 Février 2017

    ...Malgré la présence de Bébé, j’ai refusé de me joindre au clan autour de la table familiale!
    Mumy et ses deux rejetons ont dû s’en donner a dû s'en donner à cœur joie. Bébé n’a pas insisté, mais il n’a pas compris pourquoi je faisais ma gamine capricieuse, Je m’en moque. Pour l’instant je le mets avec le reste des crabes, dans le même panier. Le fils prodigue étant de retour, l'on délaisse allègrement l'émigrée que je suis. Privée de dîner, cela prête à sourire. Pourquoi suis-je autant remonté contre ceux qui m’ont accueilli spontanément, du moins le croyais-je mais Ash leur a apparemment forcé la main.
    Lors de la dernière visite des frères de Bébé à leur mère, j'ai surpris une conversation entre eux et cela m’a assurément remis les idées en place. Mon entendement s’est liquéfié lorsque Hylam et Sodishan ont ramené krystel sur le tapis.
    La belle Krystel qui aurait bien voulu me remplacer au pied levé auprès de Bébé lors de notre séparation, mais malheureusement pour elle, il avait largué les amarres pour une Lucy aussi brune que moi je suis blonde. J’apprends par ces deux corbeaux que Krystel s’est à nouveau manifesté il y a peu. Sans la connaitre je la déteste autant qu’elle me hait.
    Selon les dires des frères de Bébé, la dame clamerait à qui veut l’entendre qu’elle m’éradiquerait de la surface du globe si elle le pouvait et que je ne mérite pas Ash et encore moins la seconde chance qu’il nous a offert. Je suppose donc que c'est elle qui a remonté les deux frères contre moi. Ce qui m'ennuie c'est que jusqu'à présent Hylam semblait m'apprécier et les propos qu’il a tenu avec Sodishan m'ont contrarié, plus que cela, fait de la peine. Je reconnais ne pas être à l’aise avec la langue de Shakespeare, mais j’ai bien compris que de par sa relation avec moi Bébé déçoit ses frères et que je ne fais pas l’unanimité dans la maison. Que tous se rassurent, c’est décidé je regagne ma Petite Paix car je ne veux pas que mon Pain d'Épices ait à souffrir de mes relations houleuses avec sa famille.
    Voici en quelques mots ce que j’ai surpris de leur conversation en me faisant discrète.
    S : - A-jaï est-il devenu idiot où bien?
    A-Jaï est le prénom auquel répondait Ash en étant enfant, tout comme A-jit pour Hylam et A-baÿ pour Sodishan, ces prénoms ont chacun une signification particulière pour leur prime famille. Lorsque les garçons sont entre eux, c’est par ceux-ci qu’ils préservent le lien ténu qui les relie à leurs parents biologiques.
    H : - C’est que l’on pourrait croire, mais il est amoureux alors il a des excuses! La réponse d’Hylam me donne l’espoir qu’il ne va pas entrer dans le jeu de son frère.
    S : - Reconnais tout de même que comparée à Krystel, cette Mylhenn fait tache dans le décor!
    H : - Tu exagères A-Baÿ, tu as décidé d’être odieux, c’est ça? Bon j’admets qu’un peu de savoir-vivre lui fait défaut, mais elle est mignonne et apparemment intelligente selon les dires de papa!
    S : - Cela reste encore à prouver, j’ai du mal à engager la conversation avec elle, elle semble toujours tomber des nues! Et depuis qu’elle est à la résidence il ne se passe pas un jour sans que l’on nous rebatte les oreilles avec sa maladie, mom est bien patiente!
    H : - C’est vrai jusqu’à présent je lui ai accordé le bénéfice du doute, mais maintenant je me pose aussi des questions!
    S : - Ah tu vois, krystel n’était pas parfaite, mais elle au moins elle possède une classe naturelle que la petite amie d’A-jaï sera incapable d’acquérir même si elle y consacre sa vie entière!
    H : - Je reconnais que niveau prestance, c’est plutôt le petit canard boiteux, mais elle est mignonne et si elle s’en donnait la peine je crois qu’elle pourrait s’élever!
    S : Tiens donc, A-jit le donneur de leçons deviendrait-il étroit d’esprit à son tour? Le rire qui accompagnait la répartie de cet abruti m’a fait froid dans le dos. Je vais être vulgaire, mais cet individu est une pourriture.
    H : - Rien à voir, c’est juste que comme mom, je crains malheureusement qu’elle devienne un frein à la carrière d’A-jaï!
    S : - Mom se fait du souci c’est certain, elle n’arrive pas à se projeter dans l’avenir de cette liaison! Elle fait de son mieux pour l’autoriser, mais elle travaille en dessous à un éloignement définitif, crois-moi!
    H : Ça ne la regarde pas, mais il est vrai qu’ils n’ont pas grand-chose en commun! A-jaï est incapable de s’en rendre compte car il tient vraiment à elle!
    S : - Certainement puisqu’il a remis le couvert! Elle doit valoir le détour pour mériter son attention au …!
    H : - Un peu de correction A-baÿ! Dommage qu’Hylam ait coupé la parole à son frère, j’aurais voulu connaitre le véritable fond de sa pensée à cet imbécile.
    S : - Je vais essayer de parler à A-Jaï, il finira bien par admettre que cette fille n’est pas faite pour lui!
    H : - Bien sûr et lorsque l’on connait ta légendaire diplomatie, on sait d’avance que cela va faire des étincelles! Alors tu évites de t’en mêler, tu laisses Ashlimd gérer sa compagne, tu as compris?
    S : - S : D’accord, d’accord, mais qu’il ne compte pas sur moi pour faire des sourire affectueux à l’handicapée!
    H : - Que cet état de fait te déplaise c’est une chose, mais sois au moins respectueux tu veux bien? Daddy aime énormément Mylhenn et depuis son arrivée il est aux petits soins pour elle, certains des domestiques également!
    S : - C’est normal, c’est leur fonction! C’est uniquement la pathologie de cette fille qui émeut dad, ne cherche rien d’autre!
    H : - Désolé de te contredire mais il s’est attaché à elle et bien plus que tu ne le crois! Il la trouve rafraichissante!
    S : - Je vois, à lui aussi elle a embrouillé l’esprit! Heureusement que mom veille au grain!
    Je n’ai pas attendu la réponse d’Hylam, je me suis éclipsée silencieusement, en larmes bien sûr. Je suis anéantie par leur manque de considération à mon égard. Ne suis-je donc que le fardeau qu’ils décrivent pour toute la maisonnée, Ash y compris? J’en veux à Bébé car je m’imagine que dans un moment d’extrême lassitude, il a pu laisser entendre que mon état se dégradait rapidement et que cela lui était difficile à vivre. Avant que la maladie ne s’abatte sur moi, j’étais la potion magique qui le remettait en forme après chaque mission difficile.
    Ses frères sont deux faux-jetons contre lesquels et j’envisage des représailles. Je n'ai aucunement forcé, supplié ou imploré Ash pour que l’on se remette ensemble, cela s’est fait naturellement, et dès que j’ai obtenu les résultats de mes examens je les lui ai montrés en lui expliquant ce que cela impliquait. Sa plaisanterie à ce sujet est certes douteuse, mais il m’a dit que même les plus beaux fruits ont parfois un ver que l’on ne remarque pas. Il me répète aussi souvent qu’il sera là pour m’aider à affronter les crises que provoque la maladie. Alors?
    Bébé pense sa mère dévouée après de moi, mais c’est en fait une sacrée peau de vache.
    Mon stress vient aussi en partie de ce que les parents de Bébé reçoivent énormément et que leurs hôtes ne sont définitivement pas de mon monde. Certes je possède la fibre bourgeoise de par mes arrière-grands-parents maternelle, mais elle n’est en rien saupoudrée d’aristocratie, ces gens me sont imbuvables, pire, insipides. Ma colère s’est amplifiée contre Ash quand j’ai eu vent des apparitions de Krystel au loft d’Henry. Pourquoi Ash ne m’en a-t-il jamais touché mots, cela tourne en boucle dans ma tête depuis que je l’ai appris. J’ai besoin de calme pour réfléchir et surtout pour redevenir moi-même, la Petite Paix est le lieu idéal où je peux me ressourcer.
    Si Bébé a choisi le vilain petit canard c’est qu’il y tient. Quoi qu’il arrive, cela devait arriver…

    PRoPoSiTioN ReFuSée… 08 Février 2017

    ...Mais Krystel se trouve en Finlande s’esclaffe le misérable. J’enrage de le voir se gausser de moi!
    Et cela depuis trois semaines. Voilà ce que ma Canaille a répondu lorsque j'ai débuté les hostilités. Je me suis sentie légèrement bête après ça, j’aurais dû garder en tête le peu qu’il m’avait confié de leur relation. Krystel n’est pas douée pour les excentricités conjugales. Il s’avère que s’il ne m’a pas parlé de sa présence chez Henry, c’est uniquement parce que cela n’avait aucune importance à ses yeux. Bon, j’imagine que c’est aussi un peu parce qu’il connaissait par avance ma réaction. Je devrais être rassurée, je le suis, pas tout à fait. En fait ce n’est pas Krystel le vrai problème, elle n’était que le prétexte pour tarabuster Ash qui a vite compris que c’était tout autre chose qui me chagrinait.
    Stupide que je suis. Jamais je n’aurais dû lui confier que j’avais surpris une conversation entre ses frères et qu’ils n’étaient pas tendres envers ma petite personne. Ash est fou de colère, il voulait appeler Sodishan sur l’instant et j’ai eu toutes les peines du monde à l'en dissuader. J’ai même tenté le rétropédalage en expliquant que, ne comprenant pas vraiment toutes les subtilités de langage j’ai peut-être exagéré mon ressenti. Ils ne perdent rien pour attendre m'a-t-il répondu.
    - Tu es et tu resteras ma Chouquette aussi bancale deviendras-tu! Je ne sais pas comment je dois le prendre, mais comme cela se voulait réconfortant je n’ai pas relevé l’allusion à peine voilée à mon handicap.
    Bancale j’admets, mais toujours serviable. Sournoisement, après un petit rodéo détente, je suis parvenue à lui faire adopter mon point de vue. J’ai raison, je serais tenue pour seule responsable du désordre alors Ash s'est calmé, assez pour éviter le cataclysme annoncé.
    Moins cool, Bébé envisage carrément de me conduire à Londres avec pour toute compagnie une Nurse à demeure. Tout doux garçon. Ce que je veux moi, c’est ma Petite Paix. D’accord, je serais plus à l'aise à l'appartement en attendant le retour au pays des cigales. Pas d'espions, pas de visites impromptues, pas de remontrances et surtout je ne serais pas obligé de me goinfrer pour leur faire plaisir, le bonheur. Bébé me trouve amaigrie, il remet les repas sur … le tapis. J’ai beau lui expliquer que rien ne passe, il ne veut pas le savoir, je ne fais pas d’efforts. Ben voyons. Changer de chaumière est très tentant, mais certainement pas pour l’appartement de son oncle, je déteste. Toutes les pièces sont meublées à l'ancienne avec des boiseries et des tentures. Les lustres sont d'époque, laquelle je l’ignore, et ce sont les tapisseries qui tiennent les murs aurait dit mémé. Donald, l’oncle de Bébé est amateur de vénerie ce qui explique que le mur du couloir est occupé par des têtes d’animaux morts, un cauchemar. Donald prête son appartement à qui le désire, mais les lieux sont de moins en moins occupés pour diverses raisons. La salle de bains est un mausolée, peu de lumière et il y fait très froid vu que le chauffage a rendu l’âme depuis une décennie au moins m’a dit Ash. La chambre et le salon possèdent chacun un bow-window, mais les coussins de l’assise sont, eux aussi bon pour le repos éternel. Une chouette et un renard, tous deux empaillés, décorent la poutre de la cuisine. Quant à l’électro-ménager, il est ce qu’il est.
    C’est décidé je cesse toutes médisances.
    Bébé me dit avoir abandonné totalement ses velléités de représailles, mais il n’est pas du genre à oublier aussi facilement lorsque l’on me dénigre. J’en suis certaine, un jour ou l'autre le conflit va éclater, j’espère juste qu'à ce moment-là je serais loin. Mum' va apprécier le champ de bataille. Pour l’instant je me tiens à l’écart de cette bonne société en me plongeant dans l’autobiographie d’un homme que j’apprécie énormément, que j’admire également car il a su garder la tête haute lorsque l’ouragan médiatique s’est abattu sur lui, mais son charisme à fait taire la plupart des grandes gueules.
    C’est décidé, je reste en pyjama pour le restant de mes jours. J’oublie le reste du monde…

    WHy, WHeRe, WHeN… 09 Février 2017

    …Malgré sa promesse Ash est allé s'entretenir avec son père. Mettre de l’eau dans mon thé me dit-on!
    Philip est venu s’excuser pour le comportement déplacé de ses fils. Cela m’a réellement ennuyé car il est le seul à n'avoir jamais été désobligeant avec moi. Avec tact et diplomatie, il essaie de me faire comprendre que le mieux serait que je mette de l’eau dans mon vin comme dit parfois Patricia. Je ne suis que tolérée en ces lieux aussi je devrais me faire petite.
    Il ne l’a pas dit ainsi, mais c’est ce que je comprends.
    Si Ash ne peut pas travailler à sa thèse dans un environnement paisible, cela va devenir très compliqué pour lui. Phillip me conseille donc gentiment d'ignorer les rosseries et les médisances, je suis toujours la bienvenue en leur royaume.
    En résumé, je ne fais pas de vagues et tout ira bien. Merci Milord. Traduis correctement cela veut dire que c’est toujours moi qui sème la merde, euh pardon, la zizanie.
    Depuis quand Ash peut-il travailler en toute quiétude au sein de la maison familiale? C’est une blague? Il y a sans arrêt du passage, des réceptions, des cocktails, des soirées et des bruits de cour qui affectent la vie de tout le monde, même le personnel est parfois à la lisière du burn-out. Ash rentre tard parce qu’il traite souvent le suivi de ses dossiers au bureau et ça pas un ne l’a capté.
    J’abandonne le champ de bataille, dès demain je franchis la Manche et pour longtemps. Adessias la compagnie.
    Je souhaite seulement avoir la force d'effectuer le trajet sans anicroches. Tandis que je fais mes bagages, mes larmes brouillent ma vue, je suis affligée par mon comportement qui va à nouveau rendre Bébé malheureux, mais je me refuse à faire l’impasse sur le fait qu’ici l’on me tolère juste parce que je suis sa petite amie. Même pas, ici ils emploient le terme Crush pour désigner notre relation, alors c’est dire si je suis intégrée. Pour les non-initiés, cela veut dire qu’Ash n’éprouve qu’un sentiment passager pour moi, une attirance flash. Depuis cinq ans?
    Bébé comprendra ma fuite, il sait compartimenter. Par le passé il m’est arrivée de lui faire rater un examen, je me suis jurée que cela ne se reproduirait jamais. Et ils ont tout faux en me malmenant à propos de mon comportement. Bébé sait que je suis une chieuse de première et malheureusement pour sa famille, c’est ce qui en partie lui plaît chez moi. Toutefois si Bébé trouve que je raille de trop leur sacro-sainte hospitalité et décide que nous en resterons là, j'accepterai.
    Mes valises sont bouclées et dissimulées dans la penderie. La valetaille n'aura pas le temps de les apercevoir et faire un rapport. Dans la foulée, j'ai réservé une place dans un hôtel près de l'aéroport ainsi qu’un vol pour le milieu d’après-midi.
    Les adieux hypocrites ne me tentent pas, je partirais en toute discrétion. Je me défends encore et toujours d’éprouver des sentiments forts pour Ash, mais si jamais il abandonne la partie cela me sera très douloureux. Je culpabilise car j’ai conscience d’être lâche en m’enfuyant sans un mot d’explication. Je ne sombrerais pas dans le dramatique, le ridicule plutôt en lui laissant une missive désespérée sur la console de chevet ou sur l’oreiller.
    Madam’ fulmine, j’ai osé espionner la conversation de ces deux chérubins et le trouble-fête que je suis en a fait une affaire d’état. Sachant que son fils ne sera pas là pour prendre ma défense, Dorothy est venue me demander de me reprendre rapidement afin de ne pas perturber Ash avec mes états d'âme ridicule. L’on ne peut être apprécié du monde entier m’a-t-elle dit cette vieille bique. Elle me laisse la soirée et la nuit pour prendre la bonne décision.
    À savoir, ne pas envenimer une querelle imbécile entre Ash et ses frères. Sinon quoi? Elle va m’enfermer au cachot? Autant dire que je ne n’ai pas cherché à me défendre puisque je suis déjà condamnée. À part cela je suis la bienvenue à la table du dîner. Pourquoi ne pas en profiter pour leur montrer qu’ils ne m’effraient pas, ils m’écœurent seulement.
    Une expérience inoubliable. Hylam fait la gueule, droit comme un cierge un jour de Toussaint, seule sa fourchette le préoccupe. Ignorant le fond de l’histoire, Hailie a le visage criblé de points d’interrogation. Lorsque les yeux de Sodishan se posent sur moi je ressens la chance inouïe qu’ils ne soient pas une mitraillette sinon je serais déjà morte depuis longtemps. Madam’ grommelle je ne sais quelle malédiction à mon intention entre deux bouchées. Cette ambiance lourde agace Philip à un point tel qu’il décide de crever l’abcès, bien lui en prend. Je vais traduire pieusement ce qui s’ensuit par, le désaccord entre convives vire au charivari. Sodishan s’en prend ouvertement à moi, je ne suis qu’une … pas à ma place dans cette maison. Dorothy n’applaudit pas mais elle a peine à se retenir. Hylam ne bouge pas un cil, il se contente de compter les points. Hailie multiplie les points d’interrogation, une main sur le bras de son mari. La scène ne prête pas à rire, mais je m’esclaffe tout de même en prenant conscience de leur attitude grotesque.
    Je me suis levé calmement, au moins cela les a fait taire, sans savoir vraiment ce que je faisais je me suis mise à les remercier ironiquement pour leur charmante hospitalité et … c’est parti en couille comme dirait Sam. Dorothy s’attendait à un peu plus de correction de ma part, Philip avait l’air offusqué mais pas plus que cela, quant à Sodishan il s’est retenu de me jeter le contenu de son verre à la figure.
    Le différent a tourné au règlement de comptes et mes propos ont commencé à déraper. Certains des termes que j’ai employé sont devenus inconvenants. La mère de Bébé n’en a rien saisi puisque je me suis exprimée en argot camp Charlie, Lamine aurait été fier de moi. Le sourire revenu de Phillip me conforte dans l’idée que lui sait ce que j’ai voulu dire.
    M’exprimer en mode poissonnière m’a fait un bien fou et c’est la tête haute que j’ai quitté la salle à manger. Je n’ai pas à ramper devant des gens qui se pensent tout droit sorti de la cuisse de Jupiter. Je revendique mon droit à n’être qu’une petite bourgeoise et l’éducation que j’ai reçue vaut bien la leur. Je ne leur ferais plus le plaisir de perdre mon sang froid.
    Bébé est un alien parmi ces gens. S'il le désire vraiment, il sait où me trouver…

    SaDNeSS & WoRRy... 10 Février 2017

    ...C’est en mode sorrow que je demande à Steven de réserver et confirmer un taxi!
    Si j’avais pu éviter de l’impliquer je l’aurais laissé à ses occupations, mais lorsque je suis dans un tel état d’énervement ma voix cafouille tellement que peu de gens me comprennent. Comme je le dit souvent, Steven est un employé de maison fidèle et accompli, et bien sûr il s’est rendu compte de mon désarroi. Il se garde bien de me questionner, mais à l’heure où je me prépare à rejoindre le lieu de rendez-vous donné au taxi, Madam’ m’attend de pied ferme, la mine réjouit cela va sans dire, au sortir de l’ascenseur de service. J’en extrait mes deux bagages lourds comme des ânes morts et je me prépare à la snober, mais elle pose une main parfaitement manucurée sur mon bras, un sourire affecté aux lèvres.
    Autant dire que je n’ai nul besoin de sa compassion hypocrite, je me dégage brusquement et je commence à faire quelques pas, un peu chancelants je dois dire, ma dignité en prend un coup. Pourquoi ai-je autant rempli ce fichu sac et cette valise? – Vous nous quittez Mylhenn? Je ne crois pas que ce soit prudent de voyager seule! Il peut vous arriver n’importe quoi, vous n’êtes pas tout à fait rétabli ma petite! Je t’en ficherai moi du ma petite, la condescendance de ce chameau m’exaspère, mais je ne rentre pas dans son jeu et je me contente de lui faire un beau sourire. Je m’éloigne une nouvelle fois en prétextant que le taxi ne m’attendrait pas, mais cela n’empêche pas Dorothy de revenir à la charge.
    - Je pense que je ne parviendrai pas à vous dissuader de partir aujourd’hui, alors je vous demande une seule chose, pensez à rassurer Ashlimd lorsque vous serez arrivée!
    Comme je lui tourne le dos, elle ne peut voir combien son inquiétude me réjouit, mes yeux brillent d’une lueur diabolique. La réaction de son cher fils inquiète cette vieille bique, tant mieux. C’est sûr qu’il va bondir au plafond lorsqu’il va apprendre que Chouquette s’est barrée du manoir. Les frangins vont morfler.
    Que l’on me pardonne cet excès de vulgarité, ça me soulage.
    - Cela ne regarde que lui et moi et je sais ce que j’ai à faire. Au revoir Madam’, je vous remercie pour votre hospitalité! Un bref signe de tête et me voilà parti pour de bon. À peine ai-je le temps de faire quelques pas que Mildred me rejoint et s’empare de mes bagages. Dorothy n’a pas eu le temps d’apercevoir mes larmes, mais le chauffeur de taxi a été moins chanceux. Ignorant de quoi il s’agit il tente tout de même de me réconforter durant tout le trajet. Pendant un moment j’envisage d’aller rendre visite à Bébé sur son lieu de travail, mais je me reprends rapidement. Peu judicieux.
    Il est pratiquement dix-huit heures lorsqu’épuisée et démoralisée je dépose mon attirail dans l’entrée. À peine la porte refermée je me suis écroulée sur le sol, recroquevillée en un tas de chagrin qui semblait ne plus vouloir finir.
    Ce n’est qu’une fois douche prise que je me suis rendue compte qu’il n’y avait pas de chauffage. Évidemment, personne n’était prévenu de mon retour. C’est claquant des dents et scotchée à la cheminée que j'ai allumée en catastrophe que j’ai attendu que les degrés montent. J’ai été à deux doigts de la crise cardiaque lorsque Marceau a déboulé dans le vestibule. Quelle cruche je suis, je ne les ai pas prévenus de mon retour et apercevant de la fumée sortant du conduit de cheminée il s’est précipité à la Petite Paix en craignant un début d’incendie causé par un court-circuit. À deux doigts d’appeler les pompiers me dit-il. Je bats tous les records de bêtise. Sincèrement? S’il y avait eu de la vodka ou le moindre alcool fort dans le bar, je suis certaine que cela n’aurait pas fait long feu. Je tiens le cap de l’abstinence avec difficulté en ce moment et il me semble qu’à la moindre contrariété je serais prête à replonger. Prière de sérénité à réviser.
    Le lendemain matin, Florence, averti de mon retour, a décalé l’une de ses interventions pour me faire quelques courses. Elle m’offre une boîte de calissons qui sans savoir pourquoi me donne plus envie de pleurer qu’elle ne m’apporte de réconfort. C’est à croire que mon traitement est délétère, je deviens dingue depuis que je l’ai pris. J’aurais bien envie de me jeter la tête la première contre les murs tellement je me sens mal. Ma morosité réveille le samouraï et sa ménagerie, la douleur est sourde heureusement.
    Je me sens coupable d’être partie comme une voleuse alors j’envoie finalement un mail à Bébé. Il ne contient rien de théâtral ni de poignant, j’explique que ma maison me manquait trop et que ma présence n’était pas vraiment désirée parmi sa famille. Je n’y trouve aucun apaisement. Je termine mon peu de lignes par une invitation à me rejoindre s’il le désire, mais qu’il ne s’y sente en rien obligé. Bonne Mère, pourquoi suis-aussi cruche? Et si Ash me prenait à mon propre jeu?
    Je suis trop impulsive et cela me joue des tours. à son arrivée, Florence me surprend en pleine déroute, je tremble des pieds à la tête et j’imite avec succès les jets de la fontaine de la rotonde à Aix en Provence, j’ai déjà usé une trentaine de mouchoirs en papier. Mon auxiliaire de vie se fâche carrément lorsqu’elle apprend que je n’ai rien mangé depuis plus de vingt-quatre heures. Elle a raison, mais me nourrir n’a jamais été l’une de mes priorités.
    Tandis qu’elle me prépare un potage et un mini cake salé pour le soir, elle veille d’un œil noir à ce que j’avale une poignée d’abricots sec et un yaourt à la cerise. J’ai préféré obtempérer car elle serait bien capable d’appeler les tantines à la rescousse. Quand je serais moins fatiguée, je me rendrais à Palavas, j’ai besoin de me sentie aimer et pour ce qui est de l’affection, les tantines savent m’en donner.
    Bébé et moi avons toujours fonctionné à l’éloignement du coup ce n’est pas cela qui m’effraie. Les tchats en messagerie instantanée par ennui c’est bien fini pour moi. Cela m’est arrivée une seule fois et j’en serais honteuse pour le reste de mes jours. Ce qui me tracasse réellement, c’est qu’Ash ne s’investisse pas à fond dans sa carrière par ma faute, qu’il se contente du minimum pour s’instaurer mon garde malade à temps partiel.
    Lire, installés l’un contre l’autre sur les coussins devant la cheminée, m’émouvoir de sa concentration lorsqu’il approfondit ses dossiers, jouer au scrabble sur le couvre-lit, prendre un fou rire pour une bêtise et le désordre dans la salle de bains après son passage me manqueraient vraiment s'il décide que cela devient trop compliqué pour lui de vivre à mes côtés.
    Cela ne sert à rien de me morfondre, tout n'est que suppositions, et comme à mon habitude j'ai encore tout faux.
    J’ai découvert dans ma boîte mail un petit diamant de réconfort.
    Bébé souhaite que je me retrouve et si pour cela je dois passer du temps dans la maison de ma grand-mère, il l’accepte sans discuter. Mes adieux définitifs à Londres et à sa banlieue le font sourire, sa nouvelle affectation lui permet de disposer d’un logement qu’il occupe certains soirs de la semaine maintenant et s’il me plait de lui rendre visite plus tard, il m’y m’accueillera volontiers. Personne n’est fâché après moi précise-t-il, je suis un électron libre, indépendante des conventions, tous l’auraient compris maintenant. Qu’il me permette d’en douter. Il termine son mail en m’exprimant son attachement par de petites formules affectueuses dont il a le secret. Ces quelques mots reboostent mon moral.
    Je soupire à fendre l’âme. Mes émotions guident ma conduite et ensuite viennent les regrets…

    TRiSTe SaiNT-VaLeNTiN… 14 Février 2017

    ...Aujourd’hui c’est la Saint-Valentin. Entre illusion et réalité, le fossé est démesuré!
    Tout avait été planifié dans mon esprit, mais rien ne se passe comme je l’espérais. À qui m’en prendre sinon à moi-même? J’erre dans la maison le cœur lourd, je me morfonds en espérant un miracle.
    Inutile pour moi de passer une robe sexy, elle n’irait pas à madame Mélancolie. Malheureuse, misérable, le cœur déchiré, j’endosse le rôle à la perfection. Ma superbe lingerie restera confinée dans le tiroir de la commode et cela aussi me fend le cœur. Bébé adore mes dentelles friponnes et alors que je pourrais être blottie contre lui, je suis là à pleurer en espérant un miracle. La météo est à l’unisson de mon désespoir, le froid glacial descend du haut du col et le givre recouvre une partie du paysage à tel point qu’on le dirait lunaire. Jusqu'à présent j’étais parvenu à ne pas entrer dans le jeu de Madam' et de Sodishan, mais cette fois-ci je me suis engouffré dans la brèche en beauté. Je suis pathétique.
    J’ai essayé de me détendre en lisant, mais il m’est impossible de me concentrer, je n’ai que Bébé en tête.
    Radio tam-tam en la personne de Florence a prévenu les tantines que j’étais de retour si bien que Mamaiette est venu toquer à la porte. Elle m'a gentiment grondé, il semblerait que je ressemble à un phasme bâton albinos. J’admets qu’il est fort possible que je me sois encore délestée de quelques kilos. Quant à ma pâleur, en hiver elle est normale, je ressemble à un spectre. Et les yeux rouges, c’est à cause des mouchoirs parfumés à l’eucalyptus. Des larmes encore et encore. Étiennette ne s’est pas attardée, elle était attendue aux maraîchages. Une demi-heure après son départ c’est Hélène qui a franchi le portail. Ma voisine était accompagnée de son petit bout de trois mois. C'est un adorable poupon qui passe son temps à dormir et à gazouiller entre chaque biberon. La maman de Viserys se ménage des moments bien à elle et me rendre visite en est un. La saveur du thé que nous avons pris a été enrichi par celle d’une belle part de la tarte aux pommes que m’a apportée Mamaiette. Hélène a détourné un temps mon esprit de mes misères en me contant sa récente sortie au cinéma avec deux de ses amies. Le film est un navet, mais toutes trois ont été consolées par les multiples scènes où apparaissait la chute de reins de l’acteur principal à qui la production a oublié de fournir une ceinture pour son jean XXL. Au final c’était assez divertissant me dit-elle en riant.
    Par dépit, je me suis glissée dans la baignoire et comme j’ai joué les prolongations j’ai vidé le cumulus. Une fois habillée, je suis allée sur le canapé pour lire ce que je j’ai conservé de mes textes sur une clé USB. Tout est bon à jeter. J’ai dû m’assoupir car c’est Flo la tornade blanche qui m’a réveillé vers dix-sept heures. Juste le temps de récurer la cuisine, de refaire mon lit en aérant la chambre, il fait quand même quatre en extérieur, et de passer l’aspirateur dans l’entrée et la voilà repartie. Heureusement que ma tante était passée par là ce matin, parce que Florence a bien sûr vérifié si mon réfrigérateur contenait de quoi me sustenter. Mon auxiliaire de vie est une perle. Elle est aussi efficace à chasser mes idées noires, pas pour longtemps à vrai dire puisque dès qu’elle a passé la porte celles-ci sont de retour. Je retourne sur mon canapé pour faire ce que je fais le mieux, déprimer et geindre sur mon triste sort.
    Cette Saint-Valentin est digne d’un conte de fée. L’élu de mon cœur apparaît subitement, tenant un énorme bouquet dans sa main droite. Le baiser langoureux qu’il me donne est prémices de plus. C’est à ce moment-là que je me réveille. Cette année, la fête des amoureux n’est qu’amertume pour moi, je suis déçue, horriblement déçue. Nul mail affectueux ne me parvient, ni fleurs odorantes en livraison express. Pendant des années j'ai clamé haut et fort que la Saint-Valentin n'était qu'une fête commerciale alors je n’ai qu’à m’en prendre à moi-même une fois de plus.
    Le manque de sommeil et les larmes m’ont gratifié d’un visage bouffi comme si une ruche entière l'avait pris pour cible. Finalement ce n’est pas plus mal que je me sois retirée du reste du monde. Depuis mon retour d'Inde tout va de mal en pis et maintenant il m’arrive d’avoir des hallucinations, de sangloter pour un oui ou un non, je deviens folle, c’est ça hein? Ma présence m’est insupportable, c’est dire. Reprends toi Mylhenn, tu vas finir par y laisser ta santé mentale. C’est déjà fait alors il est temps que j’aille consulter ma thérapeute.
    Franchement tu n’es pas toute seule dans ta tête Fifi Favouille. Merci Sam…

    IMaGiNaTioN eT CoNFRoNTaTioN... 16 Février 2017

    ...Sam a toujours su trouver les mots pour me mettre hors de moi. Il tempère mes tensions dit-il!
    Oui, il les accentue parfois. Bienveillant. C’est ainsi que je vais prendre le mail qu’il m’a envoyé, cela malgré les émoticônes rouge colère qui l’accompagnent. Je dois aller consulter, il me l’ordonne. Comme si je l’avais attendu pour réserver une séance. Démêler ma perception confuse des choses de l’authentique vécu, n’a pas été simple.
    J'avais rêvé de ce dépaysement durant des semaines, j’avais imaginé un pays mystérieux dont les habitants révéraient joyeusement leurs milles et un dieux et Bébé était à mes côtés pour m’éclairer de son savoir.
    À aucun moment mon esprit n’a soupçonné ce à quoi j’allais être confrontée. Une violence visuelle qui a totalement remis en question mon équilibre mental. Pour faire simple me dit la psy, mon cerveau ne m’a pas restitué correctement les informations que lui ont fournis mes yeux. Le choc a été violent et je ne m’en suis pas rendu compte.
    Aidée de Nadège, je revis étape par étape mon voyage, ma prise de conscience est rude.
    Dès l’aéroport, lieu grouillant et confiné, je me suis senti oppressée, dérangée par le bruit mais je n’y ai pas prêté attention, trop occupée à déchiffrer les mémos stressant réservés aux touristes. Ce n’est que lorsque nous sommes sortis de la petite fourmilière pour plonger dans la grande que j’en ai pris plein la vue, comme téléportée dans une bulle intemporelle, humide et chaude, peuplée de gens faméliques ou d’apparence prospère. Une représentation que je connaissais pour les avoir déjà vu dans de luxueux albums brochés où, sur tous les clichés, ces gens ont le sourire de la misère heureuse aux lèvres, il n’y a ni les odeurs ni les clameurs qui vont avec. Ce tourbillon de paupérisme m’a pris à la gorge, mais il a été atténué par les visages chatoyants de dieux peints sur les murs à tous les coins de rues. La propreté immaculée des turbans froissés, les tissus décolorés et élimés ont masqué les corps décharnés qu’ils recouvraient. Un code vestimentaire hallucinant selon la caste à laquelle ces gens appartiennent et tout est faussé.
    Nous avons quitté l’hôtel protecteur où nous nous étions détendus quelques heures pour nous élancer dans ce que je croyais être l'Inde mythique, celle que je m’étais créée dans un délire onirique. Quelle amère désillusion. Quelques tours de roues à deux pas de l’espace résidentiel, j’ai découvert un bidonville crasseux aux abords d’une rivière aux eaux boueuses dans laquelle des dizaines de personnes, hommes, femmes et enfants au regard fiévreux, faisaient leurs ablutions. Toilette et prière en un bain unique, dans un liquide nauséabond. Tous avaient l'air radieux en se raclant la gorge à grand bruit tout en s'aspergeant à l'aide d'un vieux bidon ayant contenu de l'huile de moteur. Ils sont riches de quelque chose que j'étais incapable de saisir. Ash a connu ces eaux infestées de microbes étant gamin et comme cela n’a eu aucun effet fâcheux sur lui, mon esprit a trouvé cela tout à fait normal. Mes méninges se sont dissociées de mon ressenti et ont commencé à cheminer en mode fuite de la réalité. Aussi la confrontation visuelle avec ce chariot qui transportait deux corps sans vie en plein marché m’a paru naturelle. Tout comme le fait que ces morts ont été déposés à même le sol où certains passants leur rendaient hommage tandis que d'autres, tels des détritus, les ignoraient totalement.
    J’ai rapidement retenu que la mort fait partie intégrante de la vie en Inde.
    Lorsque nous roulions dans des régions reculées, je me sentais moins agressée visuellement car j’avais plus de temps pour assimiler ce que je découvrais. Dans les villes je découvrais combien est ténu le lien qui sépare vie et mort.
    Un pauvre hère, une pierre sous la nuque en guise d'oreiller, dormait profondément à même le trottoir. À tous moments, il risquait de se faire écraser par une vache, aussi nombreuses que les passants dans certaines rues, par un rickshaw dont le conducteur perd parfois le contrôle à cause de la multitude. Cet homme paraissait si serein que j’ai relativisé et mes questions informulées sont restées sans réponses. Les ressouvenirs de Bébé protégeaient son esprit de tous doutes, ce qui fait qu’il ne se rendait pas compte de mon état de sidération.
    L'hygiène est quasiment une utopie dans certaines contrées. Dès le début de notre périple j’ai vu des gens faire leurs besoins sous les regards indifférents des passants, cela a un peu gâché mon enthousiasme. Ash n’y a rien vu de gênant, il a vu bien pire au Bangladesh m’a-t-il dit ce jour-là. Ils se mouchent avec leurs manches, s’essuient la bouche avec l’ourlet de leur tunique et … ils prennent leur bain avec leurs vêtements, c'est cauchemardesque, pourtant mon esprit résiste encore a admettre cette réalité. Comme celle où ce mendiant remercie à tout va d’un moignon immonde ceux qui lui offre un chapati, une bolée de riz ou des fruits. Jamais d’argent, m’a dit Ash, même dans un total dénuement un homme doit pouvoir conserver sa dignité. Rayonnant, le vieil homme sourit des trois ou quatre dents qu'il lui reste, l’air heureux même lorsque certains agacés par sa présence lui donne des coups de savates en guise d’offrandes. Comment mon cerveau aurait-il pu intégrer le concept. Surtout lorsque j’ai appris l’âge dudit vieillard. Quarante-deux ans. En guise d’explications à ma question muette, tout dans le regard, Bébé m’avait seulement déclaré que c’était son karma qui infligeait cette épreuve à ce pauvre homme. J’admets que je l’ai trouvé dérageant à ma vue, ce n’est pas vraiment le terme que je voudrais employer mais il est certain que je n’aurais pas voulu être à sa place et encore moins l’idée de le rudoyer.
    Cette succession de tableaux pitoyables ne rend pas justice à ce pays magnifique. Au cours de mon voyage j’ai apprécié chaque paysage, chaque coutume qui m’était dévoilée et surtout la convivialité sincère de ses habitants qui possède peu et qui offrent tout. Je ne suis pas non plus dans le déni, tous ne sont pas affables. Je me suis vautrée psychologiquement car à mon retour le voile qui obstruait ma vision des choses là-bas s’est brutalement déchiré. Le chant des sirènes ne m’attire plus, je suis lucide à présent. L’inde est un pays de nuances.
    Au terme de ma séance je peux enfin poser un nom sur ce dont je souffre…

    SiNCèReS ReMeRCieMeNTS... 18 Février 2017

    …Je peux enfin mettre un nom sur ce dont j’ai souffert ces dernières semaines!
    Nadège a démêlé l’écheveau et confirmé un diagnostic. Il y a plusieurs années de cela, lorsqu’il avait encore la maîtrise des jambes, Sam a effectué un séjour d’études de dix mois dans un pays du continent Africain. Le cadre idyllique des lieux, tout n’est pas que désert, la misère, frontière de la famine et par-dessus tout cela un rien d’occultisme saupoudré d’incantations et des traditions transmises avec des croyances ancestrales, Sam s’est retrouvé dans un dépaysement total.
    C’est au retour qu’il a pété les plombs, son cerveau retourné comme une crêpe m’a-t-il dit.
    En me lisant il a reconnu les symptômes délirants qui l’avaient assailli des années auparavant. C’est bien grâce à lui et à ma thérapeute si je peux enfin me sentir mieux. Je ne suis pas timbrée, j’avais juste besoin d’exprimer de vive voix ce qui me déconcertait profondément. Ash ne m’a pas laissé en plan, il m’interprétait les codes et les coutumes des lieux selon son ressenti, ses racines. Je ne me sentais pas agressée.
    Ce n’est qu’à mon retour que la laideur de certaines scènes auxquelles j’avais assisté est revenue comme un boomerang à mon cerveau et celui-ci s’est mis en mode course folle. Cette confrontation douloureuse à l’indigence en me sentant impuissante à soulager ces gens a provoqué chez moi ce que l’on nomme le syndrome du voyageur. C’est déconcertant d’autant plus que certains cas sont spécifiques au pays visité. Le syndrome de l’Inde en est un.
    Lorsque l’on rentre chez soi tout s’apaise la plupart du temps, mais ne faisant jamais rien comme les autres, c'est une fois mon petit confort douillet retrouvé que mon cerveau s'est mis à débloquer.
    Panoplie complète, peu à peu mon état devenait délirant, j’étais sujette aux hallucinations, j’avais le sentiment d’être persécutée, convaincue d’être victime d’agressions verbales hostiles. Mon anxiété grandissait, j’étais prise de vertiges, de tachycardie, souvent en sueur alors que j’ai toujours froid et mes membres se tétanisaient parfois. Mon manque d’appétit et mes douleurs lancinantes ainsi qu’une crise de spondylarthrite ankylosante ont faussé le diagnostique du médecin à qui j’avais bien précisé pourtant que je revenais d’un voyage en Inde. Jamais ma maladie ne m’avait fait délirer ni halluciner ce qui me fait dire que mon traitement n’avait pas à être modifier. C’est peu reluisant, mais l’on m’a droguée accidentellement.
    Je confirme l'Inde est un pays magnifique, mais l’expérience est éprouvante et il faut y être préparé. Je l’étais grâce à Bébé et à ses parents, toutefois ceux-ci n’avaient pas anticipé la réalité du choc des cultures, quasi un rite d’initiation.
    Je reconnais que les premiers jours de notre périple m’ont été difficiles. Il m'arrivait en soirée de rester prostrée, pleurant longuement sans pouvoir en expliquer les raisons. Ma tristesse et mon angoisse, alors que je n’avais aucune raison de l’être, me faisait répondre à Ash inquiet que j'avais l'impression d'être de trop dans mon corps. Je ne m’explique toujours pas cette réponse. Ash possède habituellement le sens du discernement, mais il n'est pas médecin ni psychiatre, aussi canalisait-il mes émotions au lieu de me laisser les exprimer. Avec le recul, je me dis que c’est surtout leur croyance en la réincarnation qui m’a déstabilisée. Je me souviens qu’un soir j’ai imaginé les défuntes qui me sont chères atterrissant dans ce cloaque après leur décès. Je suis grave, j’en ai conscience.
    Nadège est une personne qui ne lâche rien, elle me permet d'exprimer la moindre de mes inepties sans me reprendre, puis elle fait son travail et elle le fait très bien. Ce qui m’a rendu vulnérable a pris des proportions hallucinantes et à provoqué chez moi ce que ma psy nomme un vacillement de la personnalité.
    – Tu vire brelot copine! Voilà ce que ce cher Sam m’a dit. Je ne suis pas certaine que cela ait été efficace.
    Fait troublant, la plupart des personnes soumises aux dures réalités de ce pays n’a qu’une idée en tête une fois de retour, c’est d’y retourner. Je ressentais cela moi aussi. Si je veux être honnête, Bébé m'avait prévenu qu'à égalité, la beauté côtoie le sordide. De peur de le blesser dans ses racines, je ne lui ai jamais avoué que certaines découvertes étaient une véritable épreuve pour mon esprit aussi large soit-il.
    Je tais hier et demain à mon esprit, aujourd’hui et maintenant ont valeur à mes yeux…





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