• ReCoNNaiSSanCe... 03 Juin 2013

    …Ash a pris quelques jours de congé. En son absence il me manque un pilier, je suis incomplète!
    Je n’ose imaginer ce que sera ma peine lorsqu’il aura totalement disparu de mon entourage. Quelque part, au fond de moi, je regrette déjà ma décision, mais notre séparation était inévitable, j’en ai décidé ainsi.
    Afin de s’aérer les neurones, prendre du recul, me laisser respirer, je ne sais plus trop, Ash a entrepris un road trip en écosse avec quelques-uns des étudiants de sa promotion. Ils veulent rendre hommage à Penjÿ en lui élevant un cairn sur le parcours de cent quarante kilomètres qu’ils ont planifié ensemble. Quatre jours de marche intensives pour faire une pause, je lui en ai fait voir de toutes les couleurs ces derniers temps.
    J’ai encore de la peine à le croire, mais il m’a convié à l’accompagner dans sa famille. Est-ce qu’il ne comprend pas ce que veut dire rompre ou fait-il la sourde oreille? Je ne sais pas ce que je veux en fait. Je suis tentée d’accepter, mais qu’est-ce qui ne va pas chez moi?
    L’écriture de mes compositions s’améliore doucettement, mais il est une chose que je ne maîtrise pas du tout, ce sont les règles de la versification. Pourtant je persévère, une fois encore je jette des mots aux sonorités voisines pour exprimer mes sentiments bruts. J’en suis consciente, les vers qui vont suivre sont falots, mais je me vante -silencieusement- de les avoir écrits seule. Pour Bébé.
    Bébé…
    Un bref instant nos regards se sont croisés.
    Puis nos yeux se sont cherchés durant toute la soirée.
    Ta main à frôlé la mienne en prenant le toast convoité.
    Ton beau sourire m'a chaviré lorsque tu m’as approché.
    Dès les premiers pas de dance, nos corps se sont complétés.
    L’assurance de lendemains plein de promesses nous a lié.
    Et les semaines ont défilé….
    Sur la terrasse du café tu me guettes la mine tourmentée.
    Quant au loin tu me vois arriver, ton visage s'est animé.
    Tu t’élances à ma rencontre d’un bond, courant tel un forcené.
    Tu me serres fort contre toi, mais je ne désire pas t’échapper.
    Mes mains dans les tiennes, tu t’emploies à me subjuguer.
    Tu comprends que je suis déjà tienne, nul besoin de parler.
    Et notre vie à deux a commencé...
    À chaque instant de la journée, tes yeux sur moi sont posés.
    Par tous les baisers que tu me donnes, je suis transportée.
    Sous tes caresses mon corps frissonne, je suis électrisée.
    Sous la houle de nos joutes amoureuses tremble le canapé.
    J'ai le secret espoir que tu accepteras de m'accompagner.
    Sur le chemin sinueux d’un amour pleinement partagé.

    Direction l’Héraut. Les tantines me tendent les bras, j’accepte le cessez-le-feu…

    AFFeCTioN eT aFFLiCTioN… 25 juin 2013

    …Cela fait un an aujourd’hui, jour pour jour, que tu m’as quitté. J’ai promis de ne plus te pleurer!
    Je tiendrai ma promesse, mais tu me manques tellement.
    Je voudrais avoir le courage, ton courage, pour faire de sa vie un enfer. Je ne sais pas ce qu’il en est vraiment, Sam m’a appris que l’enquête a été relancée récemment et certains témoignages ne concorderaient pas avec ce qu’avait affirmé Dany. Je ne veux pas me réjouir à l’avance, mais si la Bonne Mère veille, peut-être que ce salopard finira en cage. Hé paresseuse, tu ne peux pas aider à le faire coffrer? Malheureusement il n’y a que dans les séries que tout se termine bien.
    Ta silhouette fine, tes beaux cheveux noirs, tes yeux malicieux et ta gouaille -non je n’ai jamais été amoureuse de toi espèce de folle- étaient comme un vent de fraîcheur qui faisait s’envoler les miasmes de ma pauvre existence. Combien de fois m'as-tu empêché de commettre des bêtises.
    Non je ne verse pas de larmes, mais il y aurait de quoi. Ma tendre chérie, ma Douce, ils t’ont écarté de leur vie mesquine, puis ils t’ont traité comme un déchet. Indifférents à ta détresse lorsque tu étais encore en vie, indifférents ils sont restés lors de la remise de tes cendres. J’ai hérité de l’urne. Du pot à tabac devrais-je dire puisqu’ils t’en ont refusé une décente. Question parents tu as été encore plus gâté que moi.
    J’ai été odieuse avec Ash lors de notre voyage au Costa Rica et à ma grande honte je n’ai pas retenu grand-chose de leurs coutumes sauf que ce sont des gens prévenants et tolérants. Kostia, l’un des concierges de l’hôtel où nous résidions m’a indiqué un lieu discret où déposer les quelques pincées de toi que j’avais emporté. Tu vois, là-bas aussi tu étais avec moi. Tu as dû adorer contempler les délicates Guaria Morada, ces superbes orchidées qui poussent sur le tronc de certains arbres. Pour nous, cette année il était trop tôt, elles fleurissent en mars. Mais ta quintessence a certainement sublimé l’essence de celles sur lesquelles je t’ai parsemé. Je te devais bien cela ma Douce Sonia. Dans ma chère Provence, les anciens connaissent encore la signification des mots respect et compassion. Parce que tu es un ange, mon ange, l’on m’a permis de déposer le reste de tes cendres sur un petit bosquet de lavande sauvage niché au cœur d’une lande de friches. Un bonheur pour les papillons qui agitent gaiement leurs ailes multicolores et qui viennent butiner la prairie fleurie voisine. Les touristes ne voient en ce lopin de terre qu’un refuge pour les bestioles qui zonzonnent et qui piquent, un nid à serpents. Moi ta Bella, ma précieuse amie, ma douce Sonia des papillons, mon papillon, je t’y attends à l’ombre des oliviers du champ voisin, viendras-tu te poser sur mon épaule?
    Je tiens ma promesse, je ne pleure pas.
    Ivre de chagrin, je suis allée sangloter de bonheur le long du canal. Les tantines m’étouffent de leur affection. Je viens de découvrir que l’on m’aime et cela me tue. Je suis la fille de Colette et Fernand tout de même me disent-elles, me rabâchent-elles. Colette, ma maman oui, elle adorait ses filles. Monsieur J. lui, vénère la marâtre. Ceci n’est qu’un court aparté pour te dire que cela s’arrange un peu avec ma famille.
    J’en reviens à nous. Je vais passer cette journée comme si tu étais près de moi, ensuite je te laisserais t’éloigner tout doucement. Nous allons rire comme si le monde entier n’était que joies et douceur.
    Nous allons courir à perdre haleine dans les champs fleuris, tant pis si nous ravageons les tiges à fenaisons.
    Nous tourmenterons le père Michaud au grand stade et le rustre finira par nous insulter.
    Nous sauterons par-dessus le portail de l’immeuble privé de la rue Lefrançois afin de danser sur la pelouse parfaitement épilée. La tour des clampins parvenus comme dit mon oncle Richard.
    Pour te faire plaisir, non te faire honneur, je suis allée chez Pimky et je me suis acheté une robe hors de prix. Elle est parsemée de coquelicots sur fond vert amande, les volants virevoltent à chacun de mes pas et le décolleté est … vertigineux. Comme aucune de mes paires de chaussures ne se mariait avec, je me suis offerte des bottines ajourées. Maintenant je ressemble à une véritable gravure de mode, tu me reconnaitras j’espère, dans la foulée je me suis faite faire une coupe courte. Ça je le regrette un peu.
    Il ne se passe pas un jour sans que je ne pense à toi et avec le sourire c’est juré. Non je te mens, je me mens à moi-même. Mon cœur s’est brisé le jour où il t’a assassiné et depuis j’erre sans but véritable.
    - Bella tu ne dois pas gâcher la seconde chance qui t’es offerte! Pense à toutes celles qui ont vécu un enfer et qui ne s’en sont pas sortie! Me rappelais-tu chaque fois que je retombais en mélancolie, en folie.
    Où est ma seconde chance? L’enfer est toujours bien présent à mes côtés. Pire, j’y suis jusqu’au cou.
    Chaque matin je me réveille avec l'espoir que ton départ n’est qu’un horrible cauchemar.
    Je me consume de chagrin. Tu es pour toujours et à jamais dans mon cœur, je ne suis rien sans toi. Les larmes que je verse ne réussissent qu’à renforcer ma peine. Les perles de l'amour que je te porte roulent sur mes joues, elles sont si brûlantes que j’ai parfois l’impression que ton départ date d’hier. Ton souvenir se perpétue dans ma mémoire et j’en crève à petit feu.
    Toutes les tragédies de ma vie concentrées sur une seule. Cela se nomme transfert…

    ReSSeNTiR eT AVaNCeR… 30 Juin 2013

    …Ma mélancolie viendrait d’un manque de soutien qui remonte à mon enfance. Je n’ai jamais été enfant!
    Les bouleversements que j’ai subi lorsque j’étais petite fille ne m’ont jamais été expliqué par un professionnel. Mon cerveau a encaissé les épreuves les unes après les autres, sans que jamais rien ne soit fait pour m’apaiser. La digue s’est rompue lorsque Sonia s’est éteinte et depuis, la somme de mes traumatismes s’est déposée sur le chagrin que je ressens à cause de la perte de ma Douce. Le fardeau de mes épreuves s’est alourdi émotionnellement et j’ai tout encaissé avec une perception erronée des faits. Depuis, j’erre de Charybde en Scylla. Sonia était la seule à me percevoir telle que je suis, un kaléidoscope de souffrances, de peur, de colère et de haine. Ma Douce était le phare qui me permettait de survivre dans la tempête et on l’a éteint. Depuis, silencieusement je lui rebats les oreilles de mon désespoir, de mes interrogations, les ressassant jour après jours. Oui j’ai peur que son aura ne disparaisse, je suis effrayée de perdre les souvenirs qui me lient à elle, oui je l’idéalise, cependant je suis réaliste, elle ne m’entend pas là où elle se trouve, mais cela me fait un bien fou de m’adresser à elle. Un énième thérapeute me laisse entendre que je souffre d’un transfert de douleurs. Je jongle avec mes maux depuis l’enfance, alors cette interprétation n’est qu’un pis-aller. Certes, le décès de Sonia m’a laissé en ruines, mais pas que.
    Sonia avait raison, comme toujours. Il est préférable de se contenter des amis dont on est sûr. Se livrer sur le net est d’une absurdité sans nom. Je l’ai fait et l’on m’a trahi. Je ne peux qu’en vouloir à moi-même. Il est mon seul allié, celui qui écoute mes délires sans me juger. Du moins le croyais-je. Je me suis révélée à un inconnu et cela m’est revenu en pleine figure. J’avais sans peine réussie à lui dissimuler ma part d’ombre, mais il a fallu que Patricia, celle que je pensais ma protectrice, sous prétexte de l’aider à me comprendre, aille lui dévoiler mes secrets les plus intimes. Tous deux m’ont trahi et cela ne passe pas. En fait c’est surtout à ma Pat que j’en veux. Et je fais n’importe quoi. C’est elle que j’ai rejeté, c’est lui qui me réconforte de sa présence virtuelle. Cette situation me mine, je me mens à moi-même parce qu’en réalité le seul dont j’ai vraiment besoin, c’est le Maharajah. Pourquoi est-ce que je le repousse? Pour être agréable à un homme que je ne connais même pas. Mon deuxième prénom est stupidité.
    Je me souviens du philosophe que nous avais présenté ma tendre amie. Vingt ans à peine et il savait déjà tout sur tout. L’une de ses marottes était de composer des maximes sur les aléas de la vie en générale et l’une d’elles m’avait tellement plu que je m’en souviens encore. Le poisson n’hésite pas à se jeter dans la nasse si cela lui permet de rejoindre le fleuve qui l’a vu naître. On l’avait surnommé Klaus le viking, brut de décoffrage, lui seul comprenait ses discours interminables, mais il nous amusait tellement. J’ai quitté la nasse grouillante dans laquelle mes congénères se repaissent de leurs faiblesses et de leur suffisance pour rejoindre mes miséreux. Eux sont accueillants et tolérants, parmi eux je me sens en sécurité.
    La vie de la rue n’est pas un long fleuve tranquille, mais j’ai eu la chance de tomber sur une communauté ou l’entre aide est de mise. C’est en fuyant mes terreurs, en usant mes baskets sur l’asphalte que j’ai découvert l’amitié. Plus, une famille aimante et protectrice. Parfois la frontière entre amour et amitié est si mince qu’il arrive qu’on les confonde et c’est ce que je suis en train de vivre. J’ai franchi la limite et cela ne m’apporte rien de bon. Quelques heures sans avoir de nouvelles de Gärtner et je sombre à nouveau. Je suis consciente qu’il entretient ma déroute, mais c’est plus fort que moi, je suis attirée par sa flamme tel un papillon de nuit. Je me brûle à son savoir, à ses grivoiseries et à l’amour qu’il m’affirme éprouver pour moi. Je suis piégée.
    Lorsque l’insomnie me prend par la main, la triste histoire de ma chère Sonia me trotte par la tête et je sanglote à fendre mon âme. Comment a-t-elle fait pour tout oublier à ce point? Elle en est morte et parfois j’éprouve de la rancune envers elle puis très rapidement je le regrette. Dany la maltraitait, mais aucun de ses amis n’a rien vu, pire ils ne voulaient rien voir, elle n’avait pas de blessures apparentes à montrer. Petit à petit il a réussi à les persuader de s’éloigner d’elle. Sa propre famille n’a jamais levé le petit doigt car ils laissaient le bénéfice du doute à celui qu’elle s’était choisie pour compagnon. Séduisant, doucereux, il les a carrément envoutés. Parole contre parole. Selon eux elle se complaisait dans son rôle de victime. Si telle était la réalité, elle n’avait qu’à le quitter disaient-ils. Personne ne se rendait compte qu’elle se trouvait sous son emprise et qu’elle agissait en mode survie. En quelques mois, Dany avait persuadé Sonia qu’elle n’était rien sans lui. À quelques détails près, la sauvagerie de Christian et être privée de nourriture, l’enfer que j’ai vécu ressemblait à celui de ma Douce. C’est ce qui nous a tellement rapproché, soudé, fusionné.
    Comme mon ex-mari, Dany possédait une arme. Tous les frappa-dingues narcissiques qui en possèdent une la font devenir partie intégrante d’eux-mêmes, un prolongement de leur bras, de la main qui la tient. Dany l’extrayait tendrement de son coffret en rentrant du travail puis il l’astiquait, la bichonnait, lui parlait avec affection. Sonia n’avait droit qu’à sa hargne, ses menaces sous-entendues. Si tu me quittes, tu n’en auras plus pour longtemps à vivre lui disait-il souvent. Le jour où je lui ai conté la malheureuse histoire de mon amie, Penjÿ m’a rétorqué que comme la plupart des pervers narcissiques qui possèdent une arme, Dany lui faisait l’amour. C’est une image bien sûr, mais c’est tout à fait ça. Tout comme Christian, Dany vivait en couple avec son arme. Il refusait de la ranger, chaque soir malgré les supplications de Sonia, la regarder lui donnait encore plus de pouvoir sur elle. Il faisait savoir à ma Douce que sa vie ne valait rien. Il ne la frappait que très rarement parce qu’il n’en avait pas besoin. Sa cruauté était plus vicieuse, Dany la rabaissait jour après jour.
    Ma pauvre Sonia était beaucoup plus forte que moi. Elle a su trouver les bonnes personnes pour l’aider à échapper à son compagnon. Elle l’aimait plus que tout et elle a pleuré cet amour toutes les larmes de ton corps, mais elle a tenu bon.
    Personne n’a idée de ce que peut être l’épouvante qui glace le sang d’une victime de mauvais traitements. La terreur prend possession d’elle, paralyse les battements de ton cœur. Une souffrance brutale et intense lui coupe le souffle. Plus rien ne compte, elle arrête de respirer parce que si son tortionnaire l’entend cela pourrait lui déplaire., lui rappeler sa présence. Il faut aussi faire taire les douleurs que son corps fatigué lui inflige, elle les supporte car cela vaut mieux que ce qu’il pourrait lui faire. Parfois elle reste des jours entiers sans se nourrir, tentant désespérément de disparaître à son regard. Par peur, il lui arrive de ne pas fermer les yeux la nuit, ne serait-ce qu’une seconde parce que si elle s’endormait, elle pourrait ne plus jamais se réveiller. Elle prie pour qu’il ne rentre pas et qu’enfin son pauvre corps soit allégé du poids de son comportement sadique. Il ne la quitte jamais du regard et elle vit l’horreur au quotidien. Comme chaque victime de maltraitance, Sonia était l’otage de son compagnon et lui, c’était son esprit qu’il aimait scarifier, pas son corps.
    Effacé, balayé, oublié le passé. Je ne sais plus d’où vient ce refrain, mais il l’a soutenu et elle ne s’en sortait pas si mal. Jusqu’à ce qu’elle rejoigne le salon convivial de la Bonne Mère. Je l’imagine là-haut, tenant compagnie à ma tendre Miriette, et conversant gaiement avec ma maman.
    Ces petits anges chéris pour lesquels mes larmes redoublent lorsque je pense à eux.
    Ma Douce est une victime parmi tant d’autres, mais son compagnon n’a jamais été inquiété.
    En son honneur je parcours les champs de lavande, je danse avec les abeilles et les papillons en fredonnant l’air d’une comptine que m’a appris mémé. Je la chantonne car les paroles ont déserté ma mémoire depuis bien longtemps. Maë Lynette est mes racines. Je crois que si je m’en donnais le temps, je pourrais me reconstruire auprès d’elle, mais je suis bien trop occupée à courir après des chimères.
    Adessias ma Douce. L’amour que je te porte ne permettra jamais à ma mémoire de t’oublier…

    MeS HeuReS SoMBReS... 03 Juillet 2013

    ...La lettre recommandée me brûle les doigts. Le cauchemar recommence!
    L’on vient de me communiquer sa date de sortie de maison d’arrêt. Je suis en apnée et je ne parviens pas à remonter à la surface depuis que je sais que mon ex-mari va bientôt être libre. Et pour couronner le tout, celui en qui j’avais toute confiance vient de me planter son ressentiment en plein cœur. Il dit vouloir se protéger de moi, que je lui suis toxique. Il s’en aperçoit seulement maintenant? Cela fait quinze mois que nous conversons non-stop et soudain le voilà qui pète un câble? Comment ose-t-il se permettre de juger mes agissements sans en connaître chacun des tenants et des aboutissants? Il croit me connaître, mais il est encore loin du compte. Ce qui le fait flipper, c’est que Patricia s’est retirée du jeu. J’ai rompu tout contact avec elle dès qu’elle m’a appris qu’elle jabotait parfois avec Gärtner. Un double jeu en quelque sorte.
    Jérémy, son fils est ami avec Ash et il lui a confié que sa mère se fait du souci pour moi. Je suis toujours la bienvenue dans la famille, mais je préfère couper court pour l’instant. Patricia a compris, trop tard, que Gärtner me maintient virtuellement sous emprise. Le seul moyen de me libérer de ce flicage en règle serait de me désinscrire du réseau. J’ai essayé plusieurs fois de le faire, mais je ne parviens pas à conserver mon ami en liste noire plus de quelques heures et c’est parce que je le bloque souvent en ce moment que monsieur me dit que je lui suis toxique.
    Mais Bonne Mère, pourquoi me suis-je inscrite sur ce réseau merdique?
    Je prends le risque d’être vulgaire en écrivant que sur cet espace l’on y rencontre que des traqueurs de chattes et un exemplaire dupliqué à l’infini de l’homme parfait, pas nécessairement intègre.
    Sam me dit souvent que certains réseaux sociaux sont de l’excrément, je vais finir par le croire. N’empêche qu’il s’est inscrit sur le site afin de pouvoir me parler. M’engueuler surtout, parce que selon lui j’ai fait la plus belle des bêtises en me séparant du Maharajah. Samy garde un œil -mauvais- sur les commentaires que fait Gärtner sous chacun des articles et photographies que je publie. Cela le rend fou furieux de voir à quel point je me comporte comme une gourgandine avec cet individu. Je précise que mon blog est ouvert à tous vents. Je me suis aperçue que Gärtner ne fait pas l’unanimité dans mon entourage, personne ne l’apprécie. Selon ses dires, ses amies me haïssent, alors match nul. Pour être claire, Sam le traite de sale type. Fortunée le trouve trop parfait pour être vraiment honnête. Ça me promet des jours heureux si je poursuis cette relation dans la vraie vie.
    J’en veux à Gärtner d’avoir entraîné Pat, ma Pat dans cette galère. Il ne se rend pas compte que ses mots, choisis à la perfection, deviennent des armes dont il se sert contre moi. Il m’accuse de le transformer, lui si charitable [sic] , en toutou gardant sagement ma porte jour et nuit. Et la claque de trop, je fais pitié, je m’obstine à refuser la main qu’il me tend en faisant quelques pas dans sa direction. Je ne veux pas l’approcher, pas maintenant. Lui qui est si érudit, connaît-il la signification du mot instable?
    Je suis à deux verres de lâcher prise. En rajoutant quelques pilules multicolores à mes glaçons, je serais vite là-haut. Y a-t-il seulement un là-haut, un après, une suite? J'ai toute une pharmacie à ma disposition et de la vodka à volonté. Je suis déjà morte alors ce serait complètement idiot. C’est lâche surtout. Je m’agite inutilement et je tremble comme feuille au vent.
    Je passe des journées entières à pleurer et mon oreiller fini par être détrempé par mes sanglots. Mes lombaires et mes talons me font à nouveau souffrir, mais ce ne sont pas ces douleurs-là qui provoquent mes larmes. Je n’ai plus que quelques heures de répit avant de le croiser au détour d’une rue ou l’apercevoir à la terrasse d’un café. Ses menaces résonnent encore à mes oreilles. Penjÿ avait presque réussi à me convaincre que lors de sa sortie de détention, Christian ne serait plus le même. Là, je suis dubitative.
    Demain est un autre jour. Comme j'aimerais qu'il se lève sans moi…

    BRaiNSToRMiNG… 05 août 2013

    …J’ai fait la connaissance des parents d’Ashlimd. Je suis impressionnée!
    Finalement j’ai accepté l’offre d’Ash, je suis allée me terrer dans l’Hertfordshire et cela est assez surréaliste. Des bruyères, des pierres et des landes. Des gens à l’accent rude. La famille d’Ashlimd réside dans ce qui s’apparente le plus à un … palais. Phillip, le père de Bébé est en retraite avec un confortable statut social. Son épouse est … sort de la cuisse de Jupiter apparemment. Dès le saut du lit elle est vaillante, aux taquets dirait Sam. Cela vient certainement de la demi-heure de sport qu’elle pratique tous les matins dès six heures trente. Sept heures trente la voilà habillée, coiffée, chapeautée et prête à diriger son monde à la baguette. Moi y compris et cela ne le fait pas. Question monde, il y en a à son service. Trois messieurs, James, Peter et Steven, ils portent casquette indéterminée, ce sont des polyvalents dirais-je, cela oscille entre majordome, valet de chambre et chauffeur. Mademoiselle Françoise, une française, est maître d’hôtel et gère tout ce qui est menus et réceptions. Deux employées de maison à temps complet, Philippine et Barbara, se rajoutent à la cohorte des domestiques. Impressionnant. Cela se comprend puisque la résidence est monumentale. Le bâtiment, en L, comporte un sous-sol et un étage en plus du rez-de-chaussée. Un portique semi-circulaire fait que les autochtones le nomment parfois la maison blanche de l’Hert’s. Il y a un peu de cela en vérité.
    Madam’ reçoit à profusion. De nombreux séminaires, des réunions de notables, des visiteurs célèbres et quelques éminents scientifiques s’y succèdent au fil des semaines. Quand tout ce beau monde foule les couloirs de la bâtisse, l’on a intérêt à raser les murs. Il est de notoriété publique que la mère de Bébé maîtrise à la perfection l’art du savoir vivre et du savoir recevoir. C’est quasiment un apostolat pour elle.
    Autant préciser que ma garde-robe sportwear n’était pas adaptée à l’endroit. D’où un premier clash. Ash a dû me procurer en urgence deux tenues décentes, selon les critères de Madam’, afin que je puisse sortir de ma cellule. Sa chambre en l’occurrence. Et les chaussures qui vont avec bien évidemment. Un VIP ou un lord machin-chose arrogant a dû faire remarquer à la maîtresse maison qu’une vagabonde se baladait dans la galerie réservée aux hôtes de marque. Moi. Du coup je sors rarement de la chambre quand Ash est absent. Deuxième clash. Selon Madam’, je monopolise trop la domesticité en me faisant servir à l’étage. Je ne leur ai rien demandé, ils sont bienveillants car tous ont compris que je ne me sens pas à l’aise dans ce cinq étoiles. Je me fais tout simplement discrète. Jamais deux sans trois, le troisième clash a eu lieu à cause de ladite chambre. Ash tient à ce que je sois installée auprès de lui. Ce sont des choses qui ne se font pas lui a dit môman. Du coup, l’on nous a gentiment expatrié, invité à emménager dans l’aile la plus éloignée. Hors de vue des pensionnaires prestigieux. Cela me convient tout à fait.
    Qui dit grand train, dit famille au grand complet présente au dîner. Et en tenue d’apparat s’il vous plaît. Sodishan, le frère cadet du Maharajah est imbuvable et si je ne possédais pas un minimum de savoir vivre, avant la fin du repas j’auréolerais avec plaisir son superbe costume Cucinelli de Jelly à la framboise. Il est la copie conforme de sa mère. Hylam, l’aîné des frères est nettement plus agréable. Cette cohabitation, n’est pas faite pour moi. J’accompagne Ash à Londres de temps en temps, mais ne maîtrisant pas parfaitement la langue, je ne trouve pas grand-chose pour m’occuper à part un peu de shopping et la fréquentation assidue du salon de thé situé tout près du service d’Ashlimd. Quand je m’ennuie puissance dix, je rentre rapidement à la résidence et écriture en messagerie à outrance. Gärtner répond toujours présent.
    Je suis consciente que je radote telle une vieille personne, mais je ressens le besoin de remettre les choses à leur place. De les écrire une fois encore afin de les interpréter correctement. En vérité je suis remontée comme un coucou suisse. En colère et exaspérée car il y a peu j’ai appris que Patricia, ma Pat, m’avait trahi. Elle a livré à Gärtner des informations que je souhaitais garder confidentielles. Cela m’a affligé à un point tel que j’en ai été abattue. De ce qu’elle m’a expliqué, elle désirait le rassurer car il se plaignait que je lui menais la vie dure. Ce que j’ai traduit par : elle ne s’est pas connectée une journée entière, mon monde a cessé de tourner. J’ai largement donné dans le maniaque et ce que me fait vivre mon hôte en messagerie me donne de plus en plus à penser que j’ai à faire à un obsédé. Ça Patricia ne le sait pas.
    Même si celui-ci m’a soutenu lors de mes crises d’angoisse, loin de moi l’idée de le nier, même si j’éprouve de réels sentiments pour lui, son insistance à vouloir absolument m’approcher et surtout contrôler mes déplacements, me fait un rien flipper. Il veut s’immiscer dans ce qui est mon quotidien, dans celui de ma Nanouche par la même occasion. Il rêve de faire connaissance avec mes loulous. Il peut toujours courir, c’est mon jardin secret. Pat ne se rend pas encore compte de cela. Je ne peux pas me connecter avec elle sans qu’aussitôt il se manifeste dans notre messagerie. C’est à croire qu’il nous guette et cela m’est devenu pesant. Ce comportement m’indispose car Christian attendait de moi que je lui relate chacun de mes faits et gestes à la minute près. Gärtner agit de la même façon. Je ne supporte plus cela et j’ai eu besoin de disparaître. Avec le virtuel c’est tellement facile. Christian rôde, ma grand-mère l’a croisé au bourg. Alors oui, à mon retour je me vois déjà cavaler pour lui échapper. Sam m’affirme que mon ex-mari a d’autres chats à fouetter, mais cela ne m’empêche pas de me prendre la tête car des petits malins ont tagué chacun des murs des appartements locatifs saisonniers de mes tantes.
    Non je ne crois pas Christian capable de jouer à ça, il est plus vicieux.
    Il m’a fallu rentrer précipitamment en France. Je ne me sentais pas bien depuis plusieurs jours, j’étais très fatiguée. Mes articulations et mes lombaires me faisaient l’effet d’être grignotées par un rat, une armée de piranhas, tranchées par le katana d’un samouraï ou être en pleine séance d’acupuncture infligée par des fourmis rouges. J’en aurais hurlé, heureusement les anti-inflammatoires m’ont rapidement soulagé. Ma température s’est élevée et je me suis mise à tousser à m’en fendre la cage thoracique prise elle aussi de douleurs intenses, là je pleurais vraiment. De me voir essoufflée comme si j’avais parcouru un marathon, le médecin des tantines m’a prescrit une prise de sang. Quelques heures plus tard le diagnostic tombe : pneumonie. Ces atteintes à répétition de mes poumons n’augurent rien de bon me dit le praticien, elles cachent une pathologie naissante, mais laquelle? Il me prescrit des radios du bassin et cela m’interpelle, quel rapport avec une pneumonie … ou deux?
    En attendant la guérison, je reste allongée au calme, me gavant d’antibiotiques plus ou moins efficaces. Maë Lynette est inquiète et je m’en veux de la tracasser ainsi.
    Ash me Skype chaque soir. De loin il veille toujours sur moi…





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