• GeT BaCK iN TouCH… 14 mai 2016

    Nota bene, faire poser un portail en urgence. Je suis si fier de toi ma Chouquette!
    Ma Petite Paix la bien nommée, je m’y sens accomplie, un vœu réalisé. Tout au fond de moi j’espérais sa visite, mais lorsque Bébé s’est présenté aux portes de mon modeste palais, mon pauvre cœur a failli bondir hors de ma poitrine. Mon rayon de soleil est apparu en milieu d’après-midi. Il me donne des baisers langoureux et sensuels, je me niche avec ravissement au creux de ses bras et … je ne me souviens plus trop de ce qui s’est passé ensuite. Certainement la visite de ma Petite Paix puisqu’Ash m’a félicité de vive voix cette fois, pour ma prise d’autonomie. Je ne me permettrais pas d’écrire que nos retrouvailles se sont résumées à un vertigineux tourbillon des sens car ce qui nous a lié à cet instant était bien plus que la communion de deux corps privés trop longtemps l’un de l’autre.
    Cette nuit je n’ai pas eu froid. Évidemment puisque Bébé est à mes côtés. Son bras en guise d’oreiller, sa main sur mon ventre. Fesses contre cuisses, dos contre torse, blottie étroitement contre lui, je savoure les battements de son cœur. C’est plus qu’un soulagement, je ressens de la quiétude.
    Il n’est pas là à mon réveil. Mais bien sûr, le sacro-saint jogging. Non ce n’est pas ça, un bruit en provenance de la cuisine m’alerte. Ash ne m’entend pas lorsque je m’approche et je reste là en silence à le contempler. Détendu, les cheveux encore humides de la douche rafraichissante et silencieuse qu’il a prise sans me déranger dans mon sommeil. Une prouesse dirais-je, puisque la plomberie capricieuse des lieux se manifeste à grand bruit dès que l’on ouvre un robinet et qu’il faut quasiment supplier le chauffe-eau pour obtenir de l’eau … tiède. En jeans et sweat mon Caramel a de l'allure et le voir se servir d’une poêle et d’une spatule est inédit pour moi. Surtout qu’il a dû ‘‘réanimer’’ la gazinière caractérielle de mémé, ce qui n’est pas simple que l’on me croit. Toujours est-il qu’avec les moyens du bord Ash concocte un super petit-déjeuner. Ma présence est rapidement découverte à cause d’une lame du plancher qui a craqué sous mes pas.
    Je me sens obligée de faire honneur à ses préparations si je ne veux pas entendre la rengaine des kilos perdus. Pire, l’infirmière doit passer pour renouveler mon ordonnance et je sais Ash capable de lui composer un recueil illustré sur mon rapport à la nourriture.
    Ash s'inquiète de mes cauchemars car il me sait réceptive à l’environnement qui m’entoure. Il les nomme mes rêveries folles. Je le rassure, je sais qu’il ne se moquera jamais de moi lorsque je lui explique que Miriette n’est que grâce et charité lorsqu’elle me rend visite. Bébé est indien alors pour ce qui est du paranormal il encaisse. J’ai longtemps été persuadée que ma sœur m’en voulait et au fil du temps j’ai compris qu’elle prenait soin de moi. Il m’arrive de lui parler devant un miroir car nous étions un copié collé l’une de l’autre, sa tache de naissance était identique à la mienne.
    Je crois savoir que mémé a entreposé les meubles de notre chambre d’enfant au grenier, je me refuse à me souvenir. Lors des travaux de rénovations, je demanderai aux ouvriers de débarrasser les combles, je ne désire rien conserver de tout ça. Mon cœur et mon entrepôt mémoire sont pleins à ras bord de ce qui m’est nécessaire, les possessions matérielles ne m’intéressent pas.
    Christian m’inquiète. Je ne suis pas préoccupée par sa situation, mais par ce qui pourrait en découler. Samuel m’a plus ou moins expliqué que le sursis de mon ex-mari serait fortement compromis à cause d’un geste déplacé qu’il se serait permis sur une jeune femme. Je ne veux pas savoir si c’est la vérité ou non, mais connaissant son sale caractère, il ne va pas faire bon le croiser au bourg si la justice lui colle aux talons. Je sais qu’il y vient parfois et c’est cela qui me tourmente
    Bébé est fier de moi, il a parfaitement saisi la nécessité pour moi de voler de mes propres ailes, c’est maintenant ou jamais. Il est hors de question que je vive aux crochets de qui que ce soit.
    - One step at a time my Chouquette, success will be at the end of the road!
    Mon Pain d’Épices m’a promis de me soutenir le temps des travaux, sa présence me rassurera.
    L’optimisme me soulève. A pour amour, S pour soutien, H pour honnête…

    ORGueiL SaNS PRéJuGéS… 15 Mai 2016

    …Je ne compte plus le nombre de fois où l’on m’a considéré comme une personne orgueilleuse!
    Mon incapacité à m'exprimer en public donne à penser que je suis très réservée. Non, plutôt hautaine.
    L’explication ne se trouve pas dans mon tempérament. Une bonne partie de mes cordes vocales ont été détériorées lors de mon … du châtiment qui m’a conduit aux soins intensifs. Ma phonation brisée m’a détruit durant des années et encore à présent lorsqu’un interlocuteur me sert du monsieur au téléphone, je raccroche sans explications. Je ne suis toujours pas capable de gérer ce handicap correctement ce qui fait que je communique souvent par mail et il m’arrive de signer à ma façon. La nurse des neveux de bébé connaît parfaitement le langage des signes et je pense lui demander de m’apprendre si mon timbre de voix ne s’améliore pas suite à mes séances chez l’orthophoniste. Tout va bien lorsque je me sens en confiance, mais dès que l’on me dévisage avec suspicion je … déraille. En société il arrive toujours le moment où je dois me justifier, alors je reste évasive, évoquant un accident ou, le plus souvent, je m’éloigne des trop curieux.
    Mon besoin de m’exprimer par écrits me vient certainement de là.
    Entre mes cicatrices, ma voix et mes phobies je me sens ébauchée, médiocre, honteuse.
    Ash me dira-t-on? Pourquoi cela a-t-il été évident pour lui? Il est incapable de me fournir une véritable explication si ce n’est que nous avons fait connaissance au bon moment. C’était moi et nulle autre. Je trouve cela tellement fou que j’ai du mal à y croire. D’autant que j’étais pompette et que m’entendre parler dans ces moments-là est agressif à l’oreille.
    Sacerdoce ou non, Bébé est un être tolérant et compréhensif de nature. Pour lui, brocarder les personnes sensibles, dites hors normes, est de l’ordre du crime si cela est fait avec méchanceté, dans l’intention de nuire. Mon virtuel lui avait trouvé de nombreux défauts parce que j’ai eu la bêtise d’écrire un jour qu’Ash aimait fumer le cigare et déguster un whisky Bruichladdich de temps en temps. J’en ai été vraiment chagriné, puis je me suis dit que cela venait de tellement bas qu’il valait mieux ignorer ces reproches.
    Non je n’ai pas placé Ash sur un piédestal, c’est juste un homme bon et généreux, je me moque du reste.
    Le donneur de leçons qui l’a dénigré était loin d’être parfait et j’ai failli succomber à son chant des sirènes. Je ne suis pas fière de cette période de ma vie et je ne peux que me féliciter de n’avoir pas cédé à la tentation.
    Non seulement je ne me sens pas fière, mais je me traite parfois d’idiote d’avoir commis l’erreur de confondre amour et lubricité. La soi-disant sincérité de ce virtuel m’a valu la perte de mon intégrité.
    Il mettait en scène mes propres mots pour m’apporter réconfort et je ne m’en apercevais pas. J’ai enfin pris conscience que sa façon de me parler était … il s’adressait à moi comme si j’étais une petite fille. Il a employé le terme catharsis pour se justifier. Sur le sujet, ma psy est nettement plus … d’un avis contraire.
    Certes pendant un temps cela m’a fait rire, puis m’a mis très mal à l’aise. Surtout lorsque nous tenions des propos assez libidineux, peu à peu le côté vieux pervers de cet homme m’est soudain apparu. Heureusement mon instinct m’a protégé en m’interdisant de me livrer totalement et d’approcher ce personnage douteux.
    Il a cessé toute correspondance quand il a compris que je ne souhaitais plus le rencontrer. Bêtement j’ai pleuré des jours entiers sur ce fiasco. Je me suis éloigné d’Ash à cause de lui et c’est cela qui m’a fait le plus de mal. Depuis, l’eau a coulé sous le pont dirait Maë Lynette.
    À présent je vais de l’avant, je réfléchis avant d’agir. Non ce n’est pas tout à fait vrai. Selon Sam, je teste la température avant de mettre les pieds dans le plat. Ce n’est pas mieux car je suis une gaffeuse née alors j’ai encore du travail pour retrouver une certaine urbanité élégante en société. Ceux qui me connaissent vraiment savent qu’il faut user de patience avec moi si l’on ne veut pas me faire fuir. En soirée, je suis la jeune femme qui se tient en retrait et hésite à participer aux conversations. Je ne snobe pas mes hôtes, je souhaite seulement être apprivoisée et que l’on appréhende ma voix avec compassion, est-ce trop demander?
    Ce besoin irraisonné de me fondre dans l’anonymat me quitte peu à peu…

    The BeST iS To CoMe… 19 Mai 2016

    …Au boulot messieurs! Je veux être là, je veux faire mon petit chef, ma commandante, ma chieuse!
    Il est hors de question que je m’expatrie chez les tantines le temps des travaux comme me l’a demandé Ash. Les ouvriers vont se transformer en Demolition Men et je risque d’être ensevelie sous des tonnes de poussière insiste-t-il. Non, non et non. Pas content Bébé, mais tant pis.
    Durant des années je me suis battue contre moi-même. Je me suis souvent perdue en route, je me suis résignée à n’être qu’une loque, j’ai renié mes racines, je n’apprenais rien de mes erreurs, je passais mon temps à me fuir, à nier mon aliénation montante. Je combattais sans succès mes terreurs nocturnes, je me persuadais que j’allais manquer de temps, je tentais de me pardonner les mauvais traitements que l’on m’a infligé, je vagabondais dans l’espoir de trouver un refuge sûr. Tout cela pour en arriver là où est ma place. Rien n’a été vain puisque je me trouve sur la ligne de départ, direction seconde chance.
    Je suis devenue assez raisonnable pour admettre que je suis alcoolique et qu’il me faudra lutter fermement à vie, contre mon addiction à la vodka. Les dérapages me sont interdits, et il me suffit de jeter un œil sur les clichés que Sonia avait pris de nous les jours de beuveries, pour que je me sente forte. Pas toujours malheureusement, il arrive encore que le manque me terrasse et me déchire le cerveau et l’estomac. Ces jours-là je résiste en hurlant à la mort et que l’on me croit, l’expression que j’utilise n’est pas galvaudée.
    Bébé est mon bonus. Deux âmes ne se rencontrent jamais par hasard dit-il souvent.
    Ce qu'il a vécu dans sa petite enfance le rend à même de comprendre mon parcours. Il a saisi depuis très longtemps que mes cicatrices indélébiles ne sont pas forcément celles qui scarifient mon épiderme.
    J'ai choisi de m’unir à Christian par instinct, l'instinct de destruction, pour me punir d'une faute qu’en réalité je n’ai pas commis. Ce qu'il m'a fait vivre est inexcusable et tous les soins qu'on lui prodiguera n'y feront rien. C'est dans ses gènes. Je l’aimais de tout mon cœur et à voix basse j’admets toujours éprouver des sentiments pour lui. Cela se situe entre peine et colère. Je n’ai jamais été à même de modifier son comportement et en mon for intérieur je savais déjà que je n’y arriverais pas.
    Par mimétisme, surtout avec l’espoir qu’il cesse de me frapper, je me suis laissée entrainer du côté sombre. Cela m’était tellement facile de me conduire, moi la fille de bonne famille, comme une gouape des rues. Cela m'a amusé un temps parce que cela empoisonnait la vie de mon … géniteur. Par mon comportement je lui faisais payer sa lâcheté. Ensuite il m’a été impossible de faire machine arrière, je refusais de rentrer dans le rang. Mes décisions étaient insensées et je ne souffrais d’aucuns regrets lorsqu’elles me revenaient en pleine figure. Le pire, je crois, c’est que si j’étais confrontée à nouveau à cette situation, j’adopterai la même ligne de conduite. Les accusations, les cris, les reproches et la révolte grondent encore en moi. Cependant j’accepte et je profite pleinement de ce que la vie a déposé sur mon chemin. La présence d’un homme aimant. Mes silences me sont bouclier. Revirement subi non, je dois être raisonnable…
     

    A Li'Le PieCe oF MaDNeSS… 25 Mai 2016

    …Je m’y attendais, Bébé a obtenu gain de cause et il ne lui a pas été trop difficile de me convaincre!
    D’ailleurs pourquoi aurais-je refusé sa proposition? Je me suis rapidement rendue compte que ma situation allait devenir vraiment inconfortable. Le bruit est infernal, surtout le va-et-vient incessant des gros bras qui investissent les lieux pour détruire les cloisons. Une pluie de particules de poussière et de cendres recouvre tous les meubles, cela tient presque de l’éruption du Vésuve lorsque celui-ci a déversé sa colère sur Pompéi. Je n’ai nulle part où m’isoler pour échapper à cette agitation. Bébé a trouvé le lieu idéal pour nous installer. Une ravissante maison d’hôtes aménagée dans un cadre idyllique, entouré de plantes odorantes et arborescentes. L’endroit est somptueux et meublé avec goût. Un cadre douillet où se mêlent végétation murale et tissus d'ameublement couleur pastel. Le lieu étant propice au repos, à la détente et à la réflexion je pense qu’Ash pourra travailler dans de bonnes conditions et … moi également. Le cursus de création littéraire auquel je suis prête à m’inscrire nécessite un certain investissement intellectuel de ma part. De plus j’ai dû me plier à un entretien individuel au cours duquel il m’a fallu exposer les raisons pour lesquelles je désire effectuer cette formation à l’écriture.
    Et que l’on me croit, la personne que j’ai rencontrée motive ses troupes d’une drôle de façon.
    - Sachez mademoiselle que vos professeurs exigeront de vous un travail soutenu! Dès maintenant interrogez-vous sur vos véritables motivations. Retenez ceci, parfois, pour ne composer qu’une seule phrase, il vous faudra rédiger trois ou quatre pages, êtes-vous prête à l’accepter?
    She makes me fell better. Je suis déterminée. Vraiment.
    Nos bagages ont été exécutés en mode expulsions ce qui fait qu’Ash et moi avons dû faire quelques courses avant de rejoindre notre point de chute. L’attente en caisse est interminable. Sa main caresse ma joue, son regard s'accroche au mien, son sourire me pousse à déposer un baiser papillon sur ses lèvres. Et soudain la caresse de mes lèvres qui se voulait tendre et légère se transforme en un contact qui exacerbe nos sens. Nous oublions tous les deux où nous nous trouvons. Comment écrire ceci avec élégance? Un baiser lingual … prolongé. Ah oui, le célèbre French Kiss.
    Ce sont le silence alentour subit et la toux discrète de la vendeuse qui nous ramènent à la réalité. En prenant conscience des regards furibonds des autres clients, Ash et moi nous sentons obligés de nous excuser de ce comportement cavalier. Un paiement par carte bleue plus tard nous nous éclipsons rapidement et une fois dans la rue nous éclatons de rire, nous nous sommes comportés comme des … amoureux. Nous faisons à peine quelques pas lorsque l’on nous interpelle de la porte de la boutique. L’une des vendeuses tient deux sachets dans sa main, dont celui qui contient les cravates de Bébé, dans notre précipitation nous les avions oubliés.
    Le samouraï et sa ménagerie rôdent ces jours-ci, mais en compagnie du maître de la caresse osée j’ignore ses menaces. Plutôt que d’appréhender la douleur à venir, je préfère répondre favorablement aux sollicitations de mon Fripon. Innocemment, en fin de journée, il me propose un petit massage et rien qu’en entendant son offre, certaines des parcelles de mon corps deviennent indépendantes les unes des autres. Ma maladie dégrade peu à peu ma souplesse et mon agilité, mais elle ne me contraindra jamais à l’abstinence. Encore quelques années et pour moi plus question de chevauchée fantastique ou de toupie tonkinoise, mais connaissant Ash, les deux canailles que nous sommes se livreront encore longtemps au libertinage réinventé par ses soins. Ce soir, il est juste question de me parer d’une belle lingerie et de me faire oindre lascivement le corps d’huiles essentielles de verveine diluée.
    Le temps du gros ouvrage la maison d’hôte résout tous nos problèmes de logement et d'intendance. J’adore les tantines, mais pas au point de passer de longues semaines chez ces braves femmes. Bébé et moi sommes satisfaits et soulagés. Il va faire quelques aller-retours pour son travail, mais il m’a promis d’être présent le plus possible.
    Je suis triste, mais comme il aura quelques semaines de congés alors je prends mon mal en patience.
    Ah oui j’oubliais, monsieur va passer une dizaine de jours en république populaire du Bangladesh. De ce que j’ai lu sur ce pays ce n’est pas folichon. Assassinats, attentats, dengue, bref j’attendrais fermement le retour du guerrier, bien calée dans mon transat. Cela dit, je n’ai pas trop de soucis à me faire pour Ash, il fait très couleur locale et maîtrise à la perfection les us et coutumes des autochtones.
    Pourquoi suis-je aussi attristée par son départ? Un peu d'appréhension, beaucoup d'appréhension. Pour la première fois depuis longtemps je construis quelque chose au lieu de me détruire. Ash est mon harnais de sécurité, le filet qui m’empêche de me vautrer, la lanterne qui me guide dans l’obscurité. Là il me fait confiance me dit-il, mais je n’éprouve aucune confiance en moi. Pourtant Bébé était impressionné le jour de la présentation des plans. J’ai pensé et repensé chaque détail, privilégiant l’espace aux murs, mémé ne m’en voudra pas de tout bouleverser, je le sens, je le sais. J’ai souhaité l’installation d’un ascenseur-élévateur pour garder l’accès aux pièces du haut. J’ai préservé le grand escalier pour la majesté des lieux et surtout parce que Miriette et moi y avons accroché trop souvent les dentelles de nos jupons lorsque nous dévalions la rampe quasi abrupte. Souvenirs impérissables. Mémé hurlait de peur en nous voyant faire et elle dévalait les marches, espérant nous récupérer en cas de catastrophe. Bonne Mère, je m’en rends compte seulement à présent, nous aurions pu la faire se blesser gravement. Je me demande parfois comment ma chère mémé a survécu à notre enfance, à nos bêtises? Le cellier va se transformer en chambre du rez-de-chaussée, à laquelle seront adjointes des toilettes et une douche à l’italienne. Le cellier où les confitures faites maison voisinaient avec les bocaux de fruits et les terrines des tantines. Le cellier où l’on se terraient Miriette et moi afin d’échapper à la colère de pépé Virgile. Les pestes que nous étions dévastaient telles des sauterelles sa planche de fraises dès que celles-ci rosissaient. Nous courions à perdre haleine entre ses rangs de salade, SUR ses salades. Bonne Mère comme ces souvenirs me rassurent. Pépé nous avait confectionné une balançoire et une cabane dans le séchoir à aromatiques, ce hangar poussiéreux va devenir un salon chaleureux avec une superbe cheminée à l’ancienne.
    Je me suis vraiment apaisée dès que les ouvriers ont déposé une partie des matériaux nécessaires à la réfection de ma maisonnette. Je me suis vu renaître. Une réalité s’est imposée à moi, l’acceptation de ce qui sera. Ma Petite Paix est ma véritable reconstruction, je permets que l’on me vienne en aide. Une vision amusante me donne le sourire, Sam et moi dans la cuisine faisant la course d’un espace à l’autre. Sam, ce cher homme qui m’encourage de toute son expérience à me projeter au cas où d’un FTT j’aurais besoin. Tout comme pour ma Patricia, je suis devenue son sacerdoce dès notre première rencontre et pourtant c’est son meilleur ami qui … je pensais être privée à jamais d’évènements heureux, mais de loin la Bonne Mère veillait. Taille-haie, élagueuse, rotofil, débroussailleuse, tondeuse et bras puissants, je suis ravie. Le bâtiment est en travaux, mais ce sont les friches à l’arrière de ma Petite Paix qui me font honte. Qu’à cela ne tienne, les élèves de Sam sont assez philanthropes pour passer un week-end à désherber, débroussailler et défricher mon jardin. Malgré le bazar innommable qui règne dans la maison, j’ai réussi l’exploit de leur offrir deux barbecues d’enfer et boissons fraîches. Samuel est l’un de ces professeurs à qui l’on ne refuse rien. Les jeunes le respectent et lui sont dévoués c’est incroyable. Ce n’est pas grand-chose, mais je les ai remerciés par une séance de cinéma et que l’on me croit, chacun d’eux avait des étoiles dans les yeux. Je ne crois pas l’avoir déjà précisé, mais Samuel s’investit dans le social et ces gosses sont loin d’être irrécupérables.
    Une souffrance interminable. Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir…

    FoRCe D’âMe… 13 juin 2016

    …Certes je possède un caractère affirmé, toutefois seul le désagréable est … était mon ami!
    Des années durant j’ai été madame soumission, résignée à souffrir en silence. Je me révoltais pour la forme et surtout contre mon peu d’énergie à me sortir de la trappe d’où je m’étais faite moi-même prisonnière.
    À présent je lutte, je me débats, je renonce … moins vite.
    Une nouvelle fois, nerveuse et mélancolique, je me retrouve cloitrée dans un cocon aseptisé, aux mains des hommes en blanc. Inquiète, je pleure comme une enfant. La douleur se propage dans le bas de ma colonne vertébrale et irradie jusqu’à mes talons. C’est un enfer, je suis une torche vivante. Le pire, ce sont ces perfusions douloureuses qui enveniment la sensation de brûlure. À chaque crise je me vois un peu plus diminuée et j’en veux au monde entier. Bébé, qui d’habitude incarne le flegme personnifié, m’abreuve d’encouragements, a perdu pieds cette fois-ci. Il m’avoue ne souhaiter cette souffrance à personne, pas même à son pire ennemi. Moi je l’infligerais volontiers à Christian si cela pouvait me soulager.
    Ash fini par admettre que je ne suis pas une patiente facile. Mon agressivité l’oblige à s’excuser bon nombre de fois auprès du personnel. Pourquoi lui alors que s’est moi qui ai griffé l’infirmière qui vérifiait ma perfusion intraveineuse, selon elle le débit du goutte à goutte était trop lent. Elle a augmenté le flux et j’ai hurlé. Oui, j’ai abusé aussi pour l’aide-soignante que j’ai raté de peu en lui lançant un haricot, mais qu’elle besoin avait-elle de me dire que je dois cesser de me focaliser sur ma douleur. Je viens de recevoir mon comprimé de Tramadol, il va faire effet, je dois être patiente. Son regard accusateur sur la pauvre chose que je suis à ses yeux m’horripile et c’est plus fort que moi je lui lance ce que j’ai à portée de main. Elle en a de drôles, il m’est impossible de me concentrer sur une lecture, le programme TV est ennuyeux à mourir et compter les dalles du plafond ne m’intéresse pas. Faire quelques pas dans le couloir? Sérieux? Tenir assise m’est déjà pénible alors me mettre debout serait … une des solutions, j’en suis consciente. Les kinésithérapeutes qui me suivent m’ont conseillé eux aussi de rester active malgré les douleurs. Et je dois reconnaître que me mouvoir me procure un semblant de soulagement. Cela dit, cela n’a pas été pour l’immédiat. Effectivement, vingt minutes après l’absorption du médicament je me sens sonnée et vaseuse. J’ai l’impression de pouvoir voler, je retrouve la même ivresse que me procurait la vodka, ce n’est pas désagréable sauf que cela ne me l’avait jamais fait depuis que je prends régulièrement ce remède. Je me vois partir dans les bras de Morphée pour me réveiller dans ceux de Neptune. Je suis tellement en nage que mes draps sont trempés, vexée je pense avoir fait pipi au lit. Je me lève pour me rafraîchir au lavabo avant d’utiliser le bouton d’appel et soudain c’est le trou noir. Exit le Tramadol, mon organisme le rejette, me rendant allergique. Cela aurait pu être pire me dit-on, c’est rassurant. Résultat, je suis restée en observation durant une éternité, quelques heures de plus et le personnel m’organisait un pot de départ.
    Mon retour à la maison d’hôte n’est pas serein et une question taraude déjà mon esprit, à quand la récidive?
    Ce qui m’ennuie le plus ce sont ces aller-retours qu’Ash s’impose. Il se donne prétexte de vérifier l’avancée des travaux de ma Petite Paix, mais je sais qu’il n’est pas tranquille en me laissant seule après ma crise.
    J’ai beau lui expliquer que le passé est au passé, que la S.A fera désormais partie de mon cercle intime, que je sais résoudre les problèmes simples qui se présentent à moi, rien ne peut le convaincre. La mort dans l’âme je laisse aller, je n’ai pas la force de gérer deux contrariétés en même temps.
    Après tout je suis heureuse lorsqu’il enserre ma taille avec force et tendresse lors des quelques pas que je me force à faire le long de l’allée du jardin de notre hôte. Madame Alban, est une femme de cœur, pour ma convalescence elle m’a créé un petit coin d’ombre à l’écart des autres pensionnaires. J’y suis comme un coq en pâte, cela rassure un peu mon grand homme.
    Je me sentais encore moins à l’aise aux Aspidies pourtant Bébé y mettait du sien.
    Il m’organisait des chasses au trésor et invariablement les indices qu’il me laissait me conduisent à la fortune. Un coffret kinder ou un bouquet de fleurs odorantes ou encore une saga de plusieurs tomes et il y a peu c’était le coffret de Rani, une série romanesque que j’adore. J’étais touchée en plein cœur et en retour je lui faisais don d’un moment douceur. Blotti contre lui, ma tête sur son épaule, je lisais à haute voix à mon pigeon voyageur, un passage de L’usage du Monde, l’un de ses livres préférés.
    Il n’y avait rien qui me faisait autant enrager que le réveil qui sonne à six heures trente. Dans une autre vie, c’était l’heure où je m’endormais, maintenant c’est devenu moins compliqué. Certes il était très tôt, mais je paressais une petite heure sous la couette pendant que Bébé se faisait beau pour le bureau et lorsque je me levais, la salle de bains, côté chaleur, faisait concurrence à la serre tropicale du Barbican center. Mumy aurait hurlé si elle avait su que son fils bloquait le chauffage sur thermostat six rien que pour me faire plaisir. Comme on l’aura compris, je crains énormément le froid. D’ailleurs je possède toute une panoplie de guêtres en laine, pas très sexy j’en conviens, toutefois je n’ai pas encore compris pourquoi lorsque je me pare de celles de couleur rouille ou grise, cela donne à Ash … des ailes. Je ne m’en sépare jamais.
    Et dois-je parler de cette danse de la pluie qu’il exécute tel un sorcier sioux? Ash cohabite avec deux orchidées dans sa chambre et lorsque leurs racines sont blanches de déshydratation, Bébé imite une sarabande amérindienne autour du guéridon où sont posées les fleurs. Il leur parle avec gentillesse, leur susurre des mots doux et répand le contenu de son arrosoir dans les soucoupes. La première fois où je l’ai vu faire j’ai trouvé ceci … original. Ensuite, le connaissant mieux, cela m’a paru naturel. En son absence, sarabande mise à part, c’est Steven qui arrose les plantes. Ash est un être surprenant et ses multiples facettes déconcertent la plupart des gens qui font sa connaissance. Pour moi il représente l’exceptionnel, l’épice piquante qui assaisonne ma reconstruction.
    Aujourd’hui ses câlins sans intentions me rendent ma sérénité. Installés dans un nid de coussins, la musique des anges en sourdine, nous sommes lovés l'un contre l'autre. Ses lèvres couvrent mon visage de baisers papillons et ses doigts, glissés sous mon pull, taquinent gentiment la peau nue de mon ventre. Immobile, les yeux fermés je voudrais que ces instants de quiétude soient éternels.
    It’s better than gold. Je n’ai pas besoin de davantage, je possède déjà le meilleur…

    SHaDoW aND LiGHT... 24 juin 2016

    …Les travaux se poursuivent, mais sans vouloir vexer personne, cela tient un peu du tango Corse!
    Que le Fernand d’elle me pardonne, mais je me sens obligée de reprendre certains des termes de sa célèbre chanson pour décrire l’avancée des rénovations de ma Petite Paix. Sur le chantier c’est un peu la sieste organisée, les ouvriers se déplacent pour être sûrs qu’ils ne dorment pas. J’exagère à peine, toutefois la chaleur des premiers jours de l’été étant devenue insupportable, je pardonne volontiers. Mon impatience me fait écrire des sottises. Je crois que les artisans sont fatigués de voir les autres travailler. Sam me dit que je le prends relativement bien, je trouve aussi. Je ne vais tout de même pas me transformer en garde-chiourme, fouet en mains. Cela dit, ces courageux fatigués ont monté les cloisons en un temps record, je ne reconnais plus la maison de mémé. Ils ont remis les fenêtres au goût du jour et m’ont créé une superbe baie vitrée donnant côté vignoble et jachères. Le cellier et sa dépendance ont disparu au profit d’une salle de bains, celle de mes envies. L’ébauche de l’ouvrage me conforte dans l’idée que j’ai choisi le bon artisan. Quant à la cheminée, je vais pouvoir y brûler une forêt entière. Non, franchement ces messieurs ont bien avancé et apparemment ils ont l’air d’œuvrer en bonne entente, ils ont mérité les boissons fraîches que je leur offre. Mais … une ombre se profile au ciel de mon bonheur tout neuf.
    Comme je l’ai expliqué dans l’un des chapitres précédents, j'ai déposé cérémonieusement la plus grande partie des cendres de ma Sonia dans un lieu que je croyais abandonné. Il s'agit d'un petit terrain en friches, en plein milieu de nulle part, au bord du petit canal, entre vignes, pieds de lavande sauvage et oliviers aux branches noueuses. Il se trouve que ce lopin au cœur de ma Provence appartient à Papey Aniçë, quatre-vingt- quatre ans. Celui-ci est à l’affût d’une chambre à la maison de retraite ultra moderne du bourg, alors il envisage de céder des parcelles de la terre de ses ancêtres pour s’offrir son nid de vieillesse. Pour quatre olives et une fougasse de supermarché, obtiendra qui voudra le céleste séjour de ma Sonia. Et pour peu qu'un promoteur mette le prix pour tous les lots, le vieux bonhomme se laissera convaincre facilement. Je viens d’apprendre de la bouche de mon infirmière que la vente serait déjà en pourparlers avec une agence, d'où mon inquiétude. J’ai de quoi offrir au papé toutes les bonnes fougasses que fait le boulanger du village pour le reste de sa vie. Quant aux olives, je pourrais les accompagner de sa boisson anisée préférée jusqu'à plus soif. Seul ce petit pré herbeux m’intéresse, il n’y perdrait rien.
    Toujours est-il que le champ sera viabilisé d'office dès la vente approuvé, si vente il y a, et l’acquéreur sera dans l’obligation d’y ériger une construction. Il paraîtrait également qu'un lotissement est envisagé. Bébé laisse entendre que l’on pourrait intervenir auprès de la municipalité et de la préfecture afin d'interdire une partie des transactions. Je ne m’inquiète pas trop, si, je suis vraiment anxieuse.
    Je me rassure en me disant qu’à chaque gros orage le débit du canal enfle et bouillonne ce qui fait que les travaux d’assainissement seront pharaoniques et cela devrait en dissuader pas mal.
    Bébé est de retour après un séjour forcé à Londres. RTT oblige, les ouvriers sont disséminés à tous azimuts, aussi ma Canaille joue au paysagiste en poursuivant les travaux du jardin commencés par les élèves de Sam. Je dois dire que cela m’est assez divertissant. Torse nu, en baskets et short de bain, les cheveux dénoués, Bébé poursuit le défrichage de ce je nommerais modestement le verger de Maë Lynette. Un champ fruitier réduit à sa plus simple expression dans lequel survivent un pommier provençal dont les pommes rouges et acides sont immangeables à leur maturité, un abricotier, un amandier, un figuier, un olivier au tronc noué par le mistral et deux framboisiers. Je me souviens qu’il y a aussi quelques ceps de vigne, mais je serais incapable de les dénombrer et encore moins de les situer dans cette jungle, vu que tout ce petit monde végétal est enfoui sous les ronces et les mauvaises herbes. Sam et son bataillon d’étudiants ont bien débroussaillé, mais il reste beaucoup à faire alors Ash s’y est attelé, il a de l’énergie à revendre.
    Ash est vaillant certes, mais inconscient.
    Ces jours-ci l’été s’exprime chaleureusement. Bébé ignore les serpents et les guêpes qui pullulent aux abords du ruisseau presque à sec les jours de canicule et cette tête de mule sous-estime mes mises en garde. Les vrombissements frénétiques des Dalton ailés ne me disent rien qui vaille et pourtant Ash continue à piétiner les hautes herbes avec enthousiasme. Une dernière fois je lui recommande la prudence et je vais m’affaler sur mon transat bains de soleil, à l’ombre. Je me suis assoupie sans m’en rendre compte et c’est une cascade de gouttelettes fraîches dégringolant sur mes cuisses nue qui me fait sursauter. Abandonnant son sécateur et sa faucille, en réalité un coupe-coupe que le fils de Maë Lynette a ramené de ses pérégrinations, Ash m’a rejoint après une bonne douche au tuyau d’arrosage. Ruisselant, le regard concupiscent il fond sur moi à peine ai-je les yeux ouverts. Bonne Mère, ce diable possède une demi-douzaine de mains, ce n’est pas possible autrement.
    RTT obligent les ouvriers ne sont pas là et c’est tant mieux.
    D’une main qui se veut douce il bloque ma nuque, exigeant un baiser crapuleux. Je sens que l’on palpe ma poitrine sans précaution, puis vient le tour de mes fesses, ma taille, mes épaules et à nouveau ma poitrine. Quand il se risque à explorer le temple, je ne suis plus en mesure d’entendre les formules de politesse qu’il me chuchote à l’oreille. Ses baisers dans mon cou achèvent de me convaincre qu’il n’est nul besoin de perdre du temps en préliminaires. Cela dérape irrémédiablement en une affaire coquine et c’est campé entre mes jambes, le short au bas des cuisses qu’Ash s'apprête à me malmener. Qu’il n’attende pas trop longtemps ou je vais partir sans lui. Il arrache plus qu'il n'ôte mes dentelles et se faufile en moi en grognant comme un animal. Je ne vaux pas mieux, il n'y a personne alentours alors je gueule comme s'il m'étripait. Un dernier coup de reins et … la cloche du portail flambant neuf carillonne, ramenant illico sur terre le roi du bon coup vite fait bien fait. Bébé se redresse d'un bond ce qui m’est très désagréable, il laisse échapper des grossièretés en anglais tout en remontant son vêtement qui dissimule peu son érection. Je dois dire que j’ai un peu de mal à redescendre. Purée, qui vient ainsi nous interrompre en plein vol?
    Re ding dong, et en plus nous avons à faire à un impatient. C’est le chauffagiste.
    Celui-ci profite de l’absence des ouvriers pour venir faire le point. Les gaines et les cuivres sont posés, la chaudière est en place, les radiateurs en cours d’installation. L’artisan désirait seulement se rendre compte de l’avancée de l’installation afin de pouvoir affecter certains de ses employés à un autre chantier. Ash et moi l’accompagnons dans son inspection et soudain le voilà qui se met à faire des commentaires techniques sur la pose de la cheminée, toutefois il admet que monsieur Vachon fait un travail correct. Après une bière fraîche et une bonne demi-heure de bavardages inutiles, l’importun quitte enfin les lieux.
    Croyant que le temps des galipettes est passé, je m’apprête à remettre mon petit sous-vêtement. Et oui, dans la précipitation je l’ai récupéré et tenu serré dans ma paume.
    - Tu reçois les gens ta culotte dans la main toi maintenant? Tu es une véritable ribaude ma belle et … ça me plaît! Bébé est ébahi par mon manque de savoir vivre. Plutôt encouragé. Il m'indique du menton le rebord du vieil évier en cours de démontage. Serait-ce que monsieur désire reprendre notre meeting? Va pour le second round. Ce vicieux ôte son short afin de me laisser apprécier son anatomie conquérante et tendrement je flatte du bout des doigts le beau spécimen. Bébé rejette ma proposition, il soulève ma jupe, me plaque contre la brique froide, relève ma jambe et … je jappe de plaisir sous ses caresses. Dans un état second, je propulse mon ampoule d’ambroisie à l’assaut de sa virilité. Le joyau confortablement niché dans son écrin, cette fois-ci il est hors de question d'interrompre notre connexion. La danse de ses reins, mes encouragements, l'harmonie de nos halètements, mon ultime déhanchement et … agréable parenthèse.
    Ses yeux sont la fenêtre par laquelle je me vois enfin un avenir. Quelques pas…

    PaST & FuTuRe... 29 Juin 2016

    …Même si tu cours aussi vite que tu le peux, ton passé te rattrapera toujours!
    Ma grand-mère avait entièrement raison lorsqu’elle affirmait ceci. Je viens de faire les premiers pas vers ma renaissance et je suis consciente que les suivants seront pénibles. Toutefois je m’accroche à l’idée que cette fois-ci c’est la bonne. Ash est en déplacements et je me retrouve seule avec mes peines. Je ne lui reproche rien, d’ailleurs sa présence serait vaine, c’est à moi seule qu’incombe d’éteindre le feu de mes scarifications. Une fois ma mère disparue, c’est ma grand-mère qui a pris soin de nous, puis c’est encore elle qui m’a protégé de la marâtre lorsque je me suis retrouvée à sa merci. J’ai été choyée, défendue et encouragée par Maë Lynette, mais cela ne m’a pas évité de commettre la plus grande erreur de ma vie.
    Épouser Christian, lier ma vie à un tortionnaire narcissique. À cette époque je n’avais qu’une idée en tête, rendre coup pour coup, faire honte à ceux qui m’en avaient couvert. J’étais une boule de haine et de colère, tourmentée par les drames qui jalonnaient ma jeune vie. Mémé comprenait mon besoin de sacrifier la dernière part de respect qu’il me restait pour moi-même. Elle s’en voulait de ne pouvoir m’apaiser. Pourtant, c’est bel et bien elle qui a stoppé mes tortures et j’ai eu très peu de temps pour l’en remercier.
    Aujourd’hui, avec l’aide de ma tante Étiennette, j’entrepose religieusement dans des cartons les vestiges d’une vie passée. Je m’étais décidée à tout jeter à la benne, mais cela m’a été impossible. La maison est sens dessus-dessous et j’en rajoute en cumulant les précieux souvenirs de ma grand-mère. C’était son trésor, son entrepôt mémoire à ciel ouvert alors je ne peux me résoudre à le faire disparaître. J’ai découvert de vieux clichés en noir et blanc et ils me prouvent que la vie n’est qu’une éternelle continuation, une ronde des gènes, une hérédité pérenne. La photographie de maman à vingt-cinq ans, placée à côté de celle de mémé au même âge me renvoie mon reflet comme dans un miroir. C’est hallucinant. Je n’ose plus me séparer de ces portraits jaunis par les années qui passent. Des dizaines de clichés d'hommes et de femmes aux visages graves, mes aïeux, ma famille, mes racines. Je feuillette ces albums poussiéreux avec égard, j’ai pris conscience que le sang qui coule dans mes veines renferme une infime partie du leur.
    Les lettres signées Mireille ou Annabelle m'apprennent des secrets de polichinelle qui me font sourire, je suis émue en pensant que je suis venue au monde pour être l’avenir de ces vieilles gens. Qui héritera de mes traits? Une douleur indéfinissable me transperce à chaque fois que j’y pense.
    J'ai sorti les costumes de grand-père de l'armoire, ils sont sous des housses qui tombent en morceaux, eux non plus je n'arrive pas à les jeter. Protégés dans une caisse aux senteurs lavande et naphtaline, j’ai mis la main sur nos vêtements de petites filles à Miriette et à moi. Nos deux pyjamas roses avec le lapin d'Alice sont pliés côte à côte. Nos robes madras d’été, nos short élimés aux fesses, nos caracos légers dont certains sont tachés de jus de cerises ou de pêches. La pêche c’est moi. Et enfin, bien au fond de la malle, entre une blouse et un gilet je découvre Nani et Nina. Le nounours de Miriette et le mien. Une douleur vive me traverse le corps, Nani et Nina retrouvent instantanément leur tombeau, je le scelle en serrant les dents.
    Ma tante Mamaiette n’a pas posé de questions, elle respecte mon chagrin.
    J'ai grandi très vite après le drame et j'ai tout rejeté en bloc. Nos jeux d’enfants, notre complicité et même mon chagrin ce qui fait que je n’ai jamais totalement mener à bien le deuil de ma jumelle. Personne à part mémé ne m’a consolé de ce chagrin, de la perte de mon double. La lâcheté de mon géniteur et celle de sa femme a été incommensurable. Grand-mère a dû surmonter ses souffrances pour se charger du fardeau des miennes. Elle m'a aimé de tout son cœur, de toute son âme. Comme elle devait souffrir d'avoir constamment sous les yeux la copie conforme de ses chères disparues. Plus je grandissais, plus je ressemblais à maman.
    Le temps du repos est venu, celui des larmes s’estompe. Miriette ne rôde pas en ces lieux, elle me protège.
    La maison d'hôte est conviviale et accueillante, il faut respecter les horaires d’une collectivité en fin de journée et je n'aime pas me retrouver avec des inconnus. Les autres hôtes de madame Alban ne sont pas de ma génération, mais la maîtresse des lieux est une femme exquise et son mari a un tas d'anecdotes à raconter sur ma belle Provence alors je me fais violence. La coque qui me protégeait des sentiments que je refoulais a cédé dans la nuit, je m’y attendais. J’ai sangloté durant des heures jusqu’à en être épuisée de fatigue. Mon absence au petit-déjeuner a inquiété madame Alban, la brave femme m’a porté un plateau sur la terrasse où je finissais ma nuit dans une chaise-longue.
    J’ai appris que les travaux vont durer plus longtemps que prévu, ce n’est pas grave du moment qu’il n'y aura pas à y revenir dessus. Mon petit coin de paradis sera très confortable une fois terminé et il me tarde de pouvoir m'y installer. J’ai commencé mes révisions et j’ai honte de le dire, mais les résultats de mes exercices ne sont pas brillants. Pas catastrophique non plus, mais vexant car je me croyais en progrès.
    Avant tout j’écris pour moi. Je me considère comme une dentelière, j’assemble les mots sans trame ni chaîne, en fil de vocabulaire correct. Du moins je tente de m’en persuader. J’écris aussi pour être lu, pour que mon parcours donne une idée de la difficulté à renaître après de terribles épreuves. Beaucoup de celles qui comme moi ont traversées l’enfer y parviennent, la plupart en fait si l’on en croit les médias. Les témoignages se doivent d’être optimistes, mais qu’en est-il de celles qui, faute de ne pouvoir se reconstruire, se donne la mort au terme de longs mois de souffrances psychologiques? Depuis ma sortie du centre de rééducation en deux mille huit, je patauge encore dans le marais putride de mon aliénation. Je n’éprouve aucune honte à reconnaître qu’il m’est arrivée à moi aussi d’être tentée de rejoindre la Bonne Mère. Celle-ci veillait et m’a protégé. Elle sera à mes côtés tant que mes pensées intimes iront à sa bienveillance.
    - J’arrive bientôt Chouquette, tu peux enlever ta petite culotte!
    Bébé sera bientôt de retour, ça c’est une bonne nouvelle. Il a dépassé Clermont-Ferrand me dit-il et il se repose une petite demi-heure avant de poursuivre. Ce chien en profite pour m’envoyer nombre de messages graveleux. J’adore. Cette canaille est le seul à savoir quand me rassurer et adoucir mes blessures de l’âme. Même loin de moi il perçoit mon mal être. Certes sa façon de me réconforter est parfois peu conventionnelle, mais très efficace. Que l’on ne me fasse pas la morale, j’écris en noir sur blanc ce que nos semblables pensent. Par semblables j’entends les diablotins qui se livrent aux mêmes jeux qu’Ash et moi.
    On se calme Chouquette, tu as encore pas mal de temps avant d’ôter ton string…

    SaDNeSS... 05 juillet 2016

    …Quatre ans déjà que ma Douce m’a quitté. C’est à peine moins douloureux!
    Mon chagrin s’apaise, le temps fait son office. En me promettant une fois encore que ce serait la dernière, je me suis rendue le long du petit canal, dans le champ en friches où j’ai déposé les cendres de ma meilleure amie. Une fois encore j’ai pleuré ma Sonia. Je dois être la seule à le faire, c’est moi qui ai recueilli ses cendres, sa mère n’en voulait pas. J’ai honte pour cette femme. Comme si cela datait de la veille, je vois encore l’essaim cendré de ma chérie virevolter sous la force du mistral entre les troncs d’oliviers. Mon cœur était aussi gris qu’un matin de Novembre. Ma Sonia avait gagné durement sa liberté et sa nouvelle vie commençait tout juste. À peine quelques mois pour en profiter et la mort s’est substituée à l’allégresse.
    Son parcours est plus ou moins similaire au mien et cela m’afflige. Un éternel recommencement.
    Daniel n’avait d’yeux que pour Sonia et elle en était tellement flattée.
    Elle en avait des frissons lorsque ses beaux yeux verts se posaient sur elle et qu’il passait tendrement sa main sur sa joue. Elle y lisait les prémices d’un amour éternel. Enfin on lui prêtait attention sans rien demander en retour. Jour après jour Daniel lui prouvait son affection par de petits cadeaux surprises jusqu’au jour où il sortit la grosse artillerie. Il leur offrit une petite maisonnette avec jardin, pour vivre leur amour à l’abri des regards lui dit-il.
    Sonia, amusée, voyait Daniel user d’une galanterie d’un autre temps. Souvent il cuisinait pour un repas en famille avec les parents de Sonia, il offrait des fleurs à sa mère et de son temps à son père. Peu à peu il se rendait indispensable. Inévitablement vint le moment où les deux familles se rencontrèrent. Sonia ne se rend pas compte qu’on l’isole peu à peu, qu’on la coupe de ses amies. Les repas en famille, les trajets à deux, les coups de fil impromptus. Daniel est vénéré par les parents de Sonia qui ne voit pas que celle-ci se meurt à petit feu. Dans sa prison dorée les jours se succèdent aux semaines, réglés comme du papier à musique.
    Daniel commença à sortir les crocs le jour où Sonia lui fit part de son désir de rejoindre quelques jours ses amies pour une virée entre filles. Le regard noir, il haussa le ton lorsqu’elle insista.
    Le surlendemain de cette querelle, ils partaient pour trois semaines de vacances dans un hôtel au bout du monde. Au retour Daniel serra la vis d’un cran en interdisant à Sonia toutes relations avec des personnes qui selon lui la montaient contre leur mode de vie et bien sûr il parlait de ses amies.
    Sonia était la possession qu’il maintenait prisonnière dans l’écrin hermétique de leur pavillon.
    Les mois défilent, un mariage est annoncé et sans cesse reporté, Dan décide de tout.
    Il y en a de plus en plus, mais Sonia tente de braver les interdits. La première gifle qu’elle reçoit la laisse groggy. Étourdie de stupéfaction et de douleur, la peur est venue plus tard.
    Daniel s’excuse, précisant toutefois qu’elle ne devra jamais plus le contrarier.
    Il se fait charmant, enjôleur, le mari parfait lorsqu’à l’improviste une amie s’invite pour une courte visite. À peine celle-ci est-t-elle partie que Sonia est projetée contre le mur du vestibule. C’est à coups de poings que Daniel punit son incartade. La véritable nature du prince charmant est enfin révélée au grand jour. À présent tout est prétexte à Daniel pour infliger de sévères corrections à Sonia.
    Sonia veut fuir et c’est auprès de sa mère qu’elle se réfugie.
    Avec beaucoup de douceur celle-ci conseille à sa fille d’y mettre un peu du sien. La vie est comme un bouquet de roses lui dit-elle, il faut apprendre à en accepter les épines. La prise de conscience est rude pour Sonia, le secours ne viendra pas des siens. Elle réalise que même en montrant à sa mère les ecchymoses et les hideuses cicatrices qui parsèment son corps, celle-ci ne trouvera d’excuses qu’à Daniel.
    Quinze jours plus tard Sonia est hospitalisée. Pour tous, elle est tombée dans les escaliers qui conduisent au garage, se fracassant une pommette et se cassant un bras en atterrissant au bas des marches.
    - Qu’as-tu encore inventé pour l’énerver? Ce sont les seuls mots de consolations que lui prodigue sa mère.
    Finalement, c’est ce manque de gentillesse et d’empathie qui la pousse à porter plainte. De ce qu’ils ont constatés à son arrivée, les soignants confirment la véracité de ses propos. Daniel passe quelques heures en garde à vue puis on le libère et aussitôt, sans scrupules il se rend à l’hôpital, au chevet de Sonia.
    Pour sa sécurité Sonia a été exfiltrée. Certaines associations sont réellement réactives.
    Que Sonia quitte cet homme était inenvisageable pour ses parents, c’était perdre la face et tout ce qui les élevaient dans le rang social … des histoires de pognon et d’opportunités. Ne dit-on pas que, qui se ressemble s’assemble? Ces gens auraient sans remords sacrifié la vie de leur fille au nom d’un capital propriétés, jamais ils n’ont obtenu l’adresse de Sonia. C’est elle qui a repris contact et ils l’ont mise à la porte. Ma Douce était une battante comparée à moi. Il lui a fallu du courage pour laisser glisser les insultes, pour résister au chantage et pour ignorer les menaces de mort.
    Délivrance, fin des atrocités croyait-elle. Douloureuse réalité…