• PeaCe aND LoVe… 20 Août 2016

    …C’est de pire en pire, Bébé ne cesse de râler pour un rien. What the problem is?
    Depuis deux jours il tourne en rond comme un tigre en cage et divague en roue libre sur la dégénérescence de l’espèce. Bref, une charmante cohabitation s’annonce. Le calme était pourtant revenu après notre échange houleux, mais depuis il s’est trouvé d’autres raisons pour ragonner.
    Monsieur a du mal à se remettre de son circuit en région Parisienne. Ce ne sont pas les trajets en pleine chaleur qui l’ont harassé, mais bel et bien les deux soirées arrosées qu’il a honoré de sa présence. L’une avec des collègues et surtout celle du lendemain soir chez Henry son référant. Il paraîtrait que les fêtes de ce badouillard sont particulièrement éprouvantes et … déjantées. Désolée si je ne compatis pas Bébé, mais tu ne supportes plus les excès aussi bien qu’à vingt ans alors ne t’en prend qu’à toi-même si tes cheveux poussent à l’intérieur de ton crâne tes lendemains de beuveries.
    Ash est contrarié car la raison l’a obligé a loué son appartement en région Lyonnaise. C’est une décision sage et je ne crois pas qu’il le regrette. Seulement la date anniversaire fatidique approche et il est malheureux. William qui occupe la chambre d’amis est une véritable femme au foyer. Il prend soin des meubles, de la bibliothèque imposante des rayons de livres de droit en tous genres et des trésors de voyage d’Ashlimd, mais l’endroit ressemble plus à un mausolée qu’à un … j’exagère à peine. Bébé considérait Penjÿ comme son âme frère et il y a encore dans l’appartement de nombreuses traces de son passage qu’Ash se refuse à faire disparaître. Certes il a fait son deuil, ce qui est terminé est terminé comme il le dit souvent, mais Penjÿ lui manque encore atrocement dans ses moments de doute. Il envisage une carrière peu commune et il appréhende car il approche de la quarantaine. Son bagage est impressionnant, toutefois les jeunes loups de la relève ne lui feront pas de cadeaux. Il doit se démarquer pour les coiffer au poteau.
    Il m’est arrivé de me dire, toujours ce manque de confiance en moi, qu’au cours de ses voyages il pourrait trouver meilleure jatte de crème que moi. J'ai beau me défendre d'aimer cette buse, il est certain que je n’apprécierais pas de le savoir folâtrer ailleurs. La question ne se pose même plus lorsque je surprends les tendres regards qu’il porte sur moi. Il ne t’a pas tiré de l’océan de merde d’où tu te noyais pour t’abandonner dans la boue plus tard. Cette expression est du Casin dans le texte. Mon Sam a une façon bien à lui de me remonter le moral lorsque je folâtre en compagnie de Charybde et Scylla et d’Omar le cafard.
    Je vais me retrouver au tribunal ça ne va pas tarder. Le vent pourrait sans difficulté décorner un rhinocéros ce soir et monsieur est sorti côté jardin pour fumer son cigare. C’est à me demander s’il est conscient que la moindre étincelle peut provoquer les feux de l’enfer. Mes cris de crécerelle amusent l’individu.
    Pour ne pas envenimer les choses je suis allée me calmer en préparant le repas du soir. Une salade d’œufs à la ciboulette et des tartines grillées au fromage de chèvre. À vingt-deux heures la température est toujours étouffante. C’est bien simple, en haut du col c’est soit on grille, soit on gèle. Heureusement le vent s’est un peu apaisé, Bébé également. Après une douche quasi froide et nous sommes allés nous installer dans la chambre du haut, beaucoup plus fraîche les nuits d’été que celle du rez-de-chaussé.
    Lorsque mon homme est inspiré par la passion, j’ai l’impression de dormir auprès de Shiva. A-t-il quelque chose à se faire pardonner? Oui, j’ai passé une excellente nuit, merci.
    Ce qui inquiète Ash? Ma prise d’indépendance trop rapide. Il pense que je prends trop à la légère la gestion de mes crises de spondylarthrite et mes plongées en apnée dans le monde de Charybde et Scylla.
    Ma grand-mère elle, savait pertinemment que le patrimoine qu’elle me laissait me noierait d’émotions diverses ce qui me ferait m’y accrocher avec force. C’est ma vieille dame qui a guidée mes premiers pas vers l’autonomie, elle avait confiance en moi et elle était persuadée qu’un jour ou l’autre je serais de retour. Bébé me fait confiance ça je le sais, mais ce sont les peurs incontrôlables qui m’assaillent, la sensation d’être observée parfois et l’altération de mes facultés d’entendement qui le trouble. Je reconnais qu’au moment où nous avons fait connaissance Ash et moi, mon comportement extravagant pour ne pas dire suicidaire, mon manque de réalisme et ma psyché kaléidoscope pouvaient donner à penser que j’étais schizophrène. D’ailleurs quelques-uns des thérapeutes que j’ai poussés en retraite en étaient certains eux.
    C’est à moi de prouver que je peux mener mon petit bonhomme de chemin sans béquilles, façon de parler. Je me refuse à être une charge pour qui que ce soit sauf pour moi-même. Je rassure Bébé autant que je le peux, toutefois je ne suis pas certaine d’y parvenir totalement.
    J’ai la sensation de devoir gagner durement ma liberté. Christian n’a pas fait que de me harceler et de me battre, il a éradiqué ma personnalité, il m’a effacé comme dit Nadège. Je dois prouver que j’existe et ce qui m’est le plus difficile, c’est convaincre mon entourage que je suis capable de me débrouiller seule, que je suis redevenu humaine. J’ai longtemps été un déchet caché sous une belle enveloppe trompeuse. Ceci est l’un des compliments que me faisait souvent mon ex-mari. Alors oui je pense avoir le droit d’éprouver du mal-être quand certains souvenirs refont surface. Le c’est payé, balayé, oublié, je me fous du passé n’est pas encore d’actualité en ce qui me concerne.
    Brochettes d'agneau aux herbes de la garrigue et ratatouille faite maison. Nous nous sommes invités au restaurant des tantines. C’est surtout que j’avais besoin de plonger au creux des vagues, de m’y régénérer.
    Ma Petite Paix est le refuge ou je reprends corps mais Palavas est un besoin irrépressible. C’est ici que je deviens famille, que je reconstitue le miroir brisé. Et les vagues de la grande bleue m’absolvent de toutes peines, de toutes fautes. Une part de tian caramélisé aux trois pêches, un thé glacé, le bonheur en terrasse.
    Jour après jour Bébé me révèle la véritable signification du mot amour. Intimité généreuse en émotions…

    A BiG THuNDeRSToRM… 24 Août 2016

    ...Il a fondu sur nous à la vitesse d’un cheval au galop. Je n’en avais jamais vu d’une telle force!
    Tel l’aigle sur son nid les nuages se sont posés au sommet du col en un instant. Immobiles, indécis, prêt à bondir sur quiconque serait assez fou pour les défier. Ces nuances de gris orangé étaient assez flippantes je dois dire. Comme le nuage qui dissimule les extra-terrestres dans … un blockbuster de quatre-vingt-seize.
    Après le silence un vent puissant s’est soudain levé, l’on aurait cru à une tornade. C’était une tornade, une véritable bataille des éléments qui se préparait sous mes yeux. La balancelle était en passe de faire des tours sur elle-même et il m’a fallu faire appel à dame adrénaline pour la tirer à l’abri de la cabane de jardin. Les coussins et le matelas se sont envolés et ont atterri de parts et autres. Il m’a fallu crapahuter en affrontant les bourrasques pour les récupérer. J’ai failli me faire couper les doigts en refermant la porte de la cabane qui claquaient à tout vat. Le pire a été le grand volet triple battants, lourd comme du chien, que j’ai dû bloquer avant que des objets volants non identifiés ne fracassent la baie vitrée. Je n’exagère pas en parlant de tornade. Mon parasol a lui aussi pris son envol en direction de Clermont, je n’ai rien pu faire pour le retenir. J’ai juste espéré qu’il ne blesserait personne à l’atterrissage. Les serpillères que Florence avait mis à l’étendage flottaient triomphalement sur deux des arbres fruitiers du jardin.
    Un flash éblouissant a soudain zébré le ciel.
    Instantanément je me suis retrouvée sur la plage Saint-Roch en compagnie de ma chère Miriette, nous y affrontions les éléments avec la spontanéité de nos huit ans. Nous aimions le grondement des énormes vagues qui venaient s’écraser sur le sable. Les embruns mousseux qui nous fouettaient le visage et qui nous confectionnaient de jolis nuages blancs dans lesquels, véritables casse-cous que nous étions, nous pataugions inconscientes du danger. Trempées et rayonnantes. Le grand-père Ignace, voisin de mes grands-parents, nous surnommait les petites filles de l’écume. Nous étions trempées et rayonnantes lorsque affolées et hors d’elles nos tantes venaient nous récupérer. Après un essuyage en règle et une sévère réprimande en prime, bien à l’abri des vitres de la véranda nous admirions le feu du ciel et applaudissions à chaque grondement comme les enfants que nous étions. Dès que se déversaient les trombes d’eau notre excitation retombait. Aujourd’hui loin de la plage, j’étais seule pour admirer les éclairs. Ceux-ci, dignes d'un spectacle pyrotechnique, zébraient le ciel toute les trente secondes. L'air ambiant avait une odeur de soufre et les claquements secs du tonnerre se répercutaient jusqu'au fond du vallon.
    Je suis certaine que Miriette regardait elle aussi de là-haut.
    Subitement les bourrasques se sont calmées. Dans les films catastrophes cela laisse deviner que le pire est à venir. Ça n’a pas raté. Les premières gouttes, énormes, créaient des petits geysers de poussière, puis, les nuages déversèrent un torrent d’eau impressionnant. En quelques minutes à peine, un grondement s’est fait entendre, c’était le ruisseau, le raclement assourdissant des pierres que le courant entraînait. Le tonnerre s’en donnait à cœur joie et j’ai beau aimer l’orage, je ne me sentais pas tranquille.
    Soudain un éclair monstrueux a illuminé tout le plateau et dans un craquement sinistre des grêlons s'abattirent violemment sur le sol, les tuiles et les arbres. C’était effarant. Une tempête d’à peine trois minutes et toute la végétation est hachée, comme passé à la centrifugeuse. Mon jardin ressemble à … rien. Des pierres, de la terre et des branches broyées parsèment le sol. Je suis affligée, mais pas une des plus à plaindre. Les tuiles ont résisté et je n’ai pas eu à appeler les pompiers pour recouvrir le toit d’une bâche. Certaines maisons du village ont sacrément morflé m’a-t-on dit plus tard. La plupart des vignes environnantes, des champs potagers et les serres maraîchères du maire ont été en partie saccagées.
    Dès la fin de l’orage Marceau s’est rendu chez le père Mattias, le compteur du vieil homme n’est plus tout jeune et les jours d’orage il se met sur off. Et pour couronner le tout il est installé au fond d’une cave à laquelle on a accès par une vingtaine de marches irrégulières en terre. En revenant en sens inverse, Marceau s’est arrêté chez moi, j’étais en mode larmes silencieuses lorsqu’il est reparti.
    Cette fois-ci notre vieux pin n'a pas résisté aux assauts du vent et de la grêle. Cet arbre sonnait une centaine d’années aux dires de mémé. Il avait été le témoin de disputes familiales, le centre de mes jeux d’enfant, l’écho de nos rires le nourrissait et récemment, il a réconforté mon chagrin lors du départ de Maë Lynette.
    Selon le voisin, ça n’est pas la foudre qui l’a abattu mais la mini tornade qui a traversée la région.
    Il est couché dans la boue, quelques-unes de ses racines dressées vers le ciel. C’est idiot, mais à l’idée que cet arbre finisse en bois de chauffage je me sens chambouler. Peut-être pourra-t-il servir à autre chose?
    Le lendemain aux actualités il se disait que les rafales avaient atteint une force de cent-dix kilomètres heure. Je suis extrêmement peinée. Les anciens affirment qu’ils n’avaient pas vu un tel orage depuis des décennies.
    J’en doute car il y a trois ans de cela les vignobles du bas avaient été ruinés par pire encore puisque certaines granges avaient été carrément éventrées. Mais je confirme, là ça a été hyper violent. Et la seconde vague n’avait rien à envier à la précédente. Éclairs, tonnerre, pluie diluvienne et coupure de courant généralisée. Inutile de trahir la longue amitié que j’entretiens avec l’obscurité en allumant une lanterne.
    Le spectacle a duré jusqu’à deux heures du matin. Même pas peur…

    DReaM oF a SuMMaRy Day... 27 Août 2016

    …Depuis le violent orage de l’autre jour, le temps reste grincheux. Idem pour moi!
    Je dispose de deux formules pour définir les douleurs qui m’assaillent comme à chaque fois que le temps est humide. C’est soit en mode rouillé, soit en mode figé. Aujourd’hui c’est Hestia qui me tient dans ses bras. J’ai l’impression d’être en feu. Ma nuit a été inconfortable et il est presque dix heures trente lorsque je pose un pied par terre. Je ne suis pas réveillée pour autant, mais j’ai du mal à rester allongée lorsque mes douleurs prennent le dessus. Pas que, je ne possède pas le vocabulaire nécessaire pour psychanalyser mes insomnies, mais ce qui devait forcément arriver est arrivé. Je maîtrise à la perfection le cauchemar éveillé et je n’ai qu’à m’en prendre à moi-même car j’ai décommandé la séance avec Nadège. Une dose de rêve bleu en gélule et je verrais bien si cela me soulage. C’est tout vu, trois quarts d’heure d’un sommeil agité.
    Maintenant je rêvasse, ma moque estampée d’une branche d’olivier bleu lavande à la main. Elle m’a été offerte par un traiteur de Pézenas. Même le thé à la cannelle ne parvient pas à me remettre sur les rails. Je ne suis pas convaincue que ce sera stimulant mais je me pose une dizaine de minutes sous le jet puissant de la douche. Le résultat n’est pas fameux. Ce laps de temps de vrai sommeil a embrumé mon cerveau d’un désir polisson qui a du mal à quitter mon esprit.
    Selon ma psy, le rêve érotique est nécessaire à une psyché saine, il se nourrit d’hallucinations et de phantasmes inavoués. « Ce sont de divines sensations que celles où je me sens repue de folles étreintes où rien n'aura été épargné à mon corps ». J’ai lu ceci récemment, mais à quel propos, cela reste confus.
    Toujours est-il que ce rêve était tellement intense et déroutant qu’à mon réveil j'ai eu l'impression d'avoir trompé Ash. Comme je suis de nature prodigue, je vais partager mes élucubrations impudiques.
    Je sommeille. Bercée par la mélodie du vent qui fait frissonner les branches d’un grand pin. Je sens l'odeur piquante de la résine fraîche ainsi que le parfum ambré de l’eau de toilette d’un visiteur discret. Mon imagination vagabonde au gré de folles chimères. Je m’aperçois, tantôt blottie sous une couette chiffonnée, moite de la chaleur d’une nuit de débauche. Tantôt frissonnante de m'être laissé tripoter par un parfait inconnu. J’apprécie ces instants égrillards et je crois me souvenir vaguement m'être faite belle pour cet homme mystérieux. Pour tout vêtement et bijoux je ne porte qu'un parfum hors de prix et je me vois me vautrer avec allégresse dans la luxure en sa compagnie.
    Paupières mi-closes, je le regarde traverser ma chambre dans la pénombre subtile d’une fin de journée d’été. Il vient me rejoindre, les fesses à l’air et le sexe encore gonflé des exploits du baroud précédent. Le spectacle de ce balancier goûteux à souhait qui heurte le haut de sa cuisse à chacun de ses pas me ravit. Mon ventre hurle soudain au vice et déjà mon intimité distille des larmes d'envie.
    L’inconnu s’allonge tout contre moi. Sur moi. La petite protubérance charnue du reptile que je convoite pénètre lentement mes chairs réceptives. De minuscules gouttes transparentes et poisseuses s’échappent du fourreau ardent que je suis devenue. Son corps chevauche le mien allègrement.
    D’une voix sourde l’inconnu me demande à plusieurs reprises de lui faire l’aveu d’un amour éternel. Le doux chuchotement prend soudain la voix de Bébé et je me réveille en sursaut.
    Autant dire qu’avec ses bêtises je suis passablement émoustillée à mon retour dans la réalité.
    J’ai intérêt à ne plus musarder, Florence m’emmène faire quelques courses. Le réfrigérateur est en cale sèche et Mamaiette doit venir me rendre visite. Si elle découvre le vide abyssal qui règne dans mon garde-manger, ça va être ma fête. À notre retour j’ai dû laisser mon auxiliaire de vie prendre les choses en mains pour le rangement. La bienveillance de cette personne est sans limite et ses interventions vont bien au-delà d’un simple travail. Je me suis installée sur le canapé et à partir de là tout est flou, je me suis endormie comme une masse. J’ai rêvé que j’appartenais à la grande maison des littérateurs.
    J’admets qu’il m’a été jubilatoire de pouvoir manier un vocabulaire sain pour raconter mon rêve coquin. J’ai parfaitement conscience que je suis loin d’avoir atteint le parfait, mais selon le courriel que j’ai reçu du correcteur auquel je soumets mes textes d’entrée dans l’établissement que j’intègre en septembre, je serais en net progrès. En grand progrès. Réconfortant, encourageant.
    Je me réapproprie mon moi. Et c’est cela qui m’est réjouissant…

    BaCKPaCKeRS... 30 Août 2016

    …Sirocco siffle à nos oreilles. Je sais maintenant ce que ressens une pomme dans un déshydrateur!
    J’aimerais être un chameau et boire jusqu’à plus soif en une seule fois. Là je passe mon temps à lever le coude. Finalement je prends la direction de la plage, mais là encore rien de vraiment rafraîchissant. Trente-deux degrés pour une eau à vingt-cinq, cela tient plus du bain-marie que de la baignade vivifiante.
    Les anciens disent que lorsque les étangs brillent, ça n'est pas bon signe. Je ne sais pas si le ciel va nous tomber sur la tête une fois encore, mais il est certain que des lunettes de soleil ne sont pas un luxe.
    Je suis allée faire quelques pas près de la maison de la plage que ma tante Madeleine a loué à des parisiens.
    Ce soir en rentrant ils vont découvrir les joies du bord de mer, le trio infernal. En plein cagnard, ils ont laissé grandes ouvertes les fenêtres du haut. La chaleur aura eu le temps de s’infiltrer tout l’après-midi, la poussière aura recouvert chaque centimètre carré des meubles et les moustiques se seront tapis à l’affût de chair fraîche. Cette année la municipalité aurait rogné sur le budget éradication m’a-t-on dit. Je souhaite bon courage à ces vacanciers imprudents. Je ne suis pas resté longtemps sur le sable, la foule me déprime. Quant à la chaleur, c’est pire qu’un four lorsque le vent se calme. Il ne faut pas que je me plaigne de trop, d'autres souffrent plus que moi. Avec une bonne douche froide et de longues rasades de thé glacé je dois pouvoir m’en sortir. Oncle Richard devait se rendre aux terres aussi ai-je profité du voyage pour me faire rapatrier à la Petite Paix. Mes proches sont adorables, mais à petite dose, je dois réapprendre à les côtoyer.
    En rentrant, j'ai découvert que Marceau avait déposé le pin débité en quatre tronçons, le long du hangar. Bébé va râler s'il revient prochainement, c’est pile l’endroit où il gare son étoile filante. Pour ne pas tenter le diable parait-il. Qui voudrait d’un tel engin, il faut une formation d’astronaute pour le piloter.
    Mon portail, neuf de chez neuf, est en maintenance depuis … c’est pénible je ne suis pas tranquille de le savoir ouvert jour et nuit. L’on m’a promis que ce serait bientôt réparer. Le quartier est calme et assez reculé, mais justement cela suffit à attirer les curieux, je préfère ne pas y penser et de savoir que le cousin de Marceau est souvent de faction le nez au vent me rassure un peu. Bichette je ne me moque pas, mais Milo est un sacré personnage. Certains disent qu’il est autiste, d’autres simplement Jean de la lune. Le ravi de la crèche aurait écrit Gärtner.
    L'arrivée des camping-caristes qui remontent en Rhône-Alpes après un séjour de deux semaines à la frontière de l’Espagne est une bonne surprise. Ils profitent de leur retraite méritée et se sont découvert une passion tardive pour le camping confortable. Pat et Marcel se sont fait un petit plaisir, surtout Marcel, en achetant récemment un véhicule-tortue pour sillonner tranquillement les routes et admirer les paysages de notre beau pays. Un séjour s'imposait donc à la Petite Paix.
    Les souvenirs bonifient une relation ou la détruisent complètement. Purée que la vie est compliquée. Nous en sommes venues à reparler de notre expérience virtuelle malheureuse. Je sens qu’elle en est toujours ébranlée au point de me demander si j’ai eu des nouvelles de Gärtner. Comment se pourrait-il et combien même, je refuserais de renouer le dialogue. Quelque part Patricia se sent fautive de n’avoir pas su gérer correctement les complications qu’elle sentait venir. Elle me connaît assez pour avoir compris que cela ne pouvait marcher entre le virtuel et moi. Nos sentiments étaient viciés par l’exacerbation de nos sens.
    Parce que je me contente de salade de fruits à chaque repas Pat me sermonne afin que je me nourrisse correctement. Elle est consciente que cela ne sert à rien car ce n’est pas mon estomac qui dirige mon appétit, mais mon cerveau.
    Le vent dessèche tout, alors nous nous hydratons comme nous le pouvons. Le tuyau d'arrosage, il n’y a que ça de vrai. Certes c’est rustique, mais très agréable. Je ne me vois pas faire creuser une piscine en sachant que je ne m’y baignerais que deux fois l’an, sans compter que l’entretien d’un bassin est coûteux. Et j’ai pris une bonne résolution, j’économise pour la réfection des façades et la construction d’une varangue, c’est une véranda améliorée, derrière la maison.
    Pendant que Pat et moi faisons le lézard sur la balancelle, chacune le nez dans un livre pour se donner bonne contenance, Marcel, bière fraîche en main, se creuse la cervelle à élaborer une utilisation du tronc du vieux pin que l’orage a détruit. L'arbre était malade et il se serait éteint dans les deux ou trois ans à venir m’a-t-il dit. Il m’assure que le faire débiter en bois de chauffage n’est pas une bonne idée non plus car la résine encrasserait la cheminée. Tant pis, je le donnerai à Marceau il en fera du composte pour recouvrir ses aromatiques hivernales.
    Nous nous sommes réfugiés à l’intérieur, mais attirant est le ballet féérique des étoiles…

    JuST The TWo oF uS… 02 septembre 2016

    ...Vingt-trois heures trente, l’orage gronde. Que nenni, c’est le grand retour du Maharajah!
    Mais où est passée la belle crinière de Bébé? J’admets qu’il a fait très chaud ces derniers jours, mais tout de même, était-il obligé de de couper ses belles mèches. Il m’assure que ça va repousser très vite, cela ne me console pas vraiment. L’heure tardive nous pousse à nous mettre rapidement au lit. Pas de folies en vue pour autant, mon Caramel est exténué. Des étoiles plein la tête je me blotti contre lui, cela suffit à mon bonheur. Lui, les yeux qui se ferment tous seuls, caresse tendrement ma hanche et le bas de mon dos. Brièvement car son souffle se fait régulier et … en mode seuls au monde j’apprécie la quiétude qui m’envahit.
    Seuls au monde pas vraiment puisque Patricia et Marcel squattent l’arrière de la maison. Les bienheureux dormaient si profondément à l’arrivée de Bébé qu’ils n’ont pas entendu le vrombissement de l’étoile.
    L’une des premières choses que je fais lorsque Pat et Marcel s’éclipsent en direction de la Grande-Motte où des amis les attendent, c’est de montrer mon travail à Ash.
    Mes journées ont été bien remplies. J’ai écrit à m'en faire des crampes aux doigts et j’apprécie les félicitations dont Ashlimd m’abreuve. Elles me font me sentir privilégiée et emplie de satisfaction. Je suis réaliste, ni l’un ni l’autre ne donnons cher de ces écrits d’instinct, mais j’ai le mérite d’avoir respecté une orthographe correcte. D’avoir utilisé un enseignement retenu.
    Lorsque Bébé est à mes côtés je me laisse porter par ses envies. Je tiens à préciser que je ne parle pas de sexe là. Aujourd’hui est un jour ou le divertissant et le récréatif nous accompagnent. J’ai eu droit à un cours de législation criminelle traitant des procédures. D’accord j’admets que c’est très intéressant, mais voilà je ne me destine pas à la magistrature alors le principe de légalité me … m’intéresse à petite dose. Si j’avais écouté Caramel plus longuement j’aurais dû lire un traité intitulé Des Délits et des Peines écrit par un philosophe milanais dans les années soixante, mille sept-cent soixante.
    Un résumé suffira : ni délit, ni infraction, ni peine sans loi. Ash a tendance à m’inviter dans son monde parfois et ce n’est pas que cela me soit désagréable, mais je sais que lorsqu’il le fait c’est parce que Penjÿ lui manque cruellement. Le tutoriel cuisine auquel nous avons sacrifié notre dignité a été nettement plus amusant. Confectionner une tourte aux six légumes d’été et faire soi-même sa pâte feuilletée, un vrai défi réussi avec quelques débordements. Florence va adorer nettoyer la cuisine après notre bataille de farine.
    Mon homme est un voyou, une canaille, un Bad boy. Pendant son séjour aux Aspidies, il s’est fait tatouer et il vient de me dévoiler le superbe dessin qui de l’omoplate descend jusqu’à son flanc gauche, une merveille. Sa peau sera ornée d’un magnifique Dreamcatcher sépia. Oui il reste encore quelques séances avant que la perfection se révèle, mais le premier rendu est déjà parfait. Ordinairement Bébé officie dans le discret, mais là c’est efficace de m’as-tu vu et j’ai envie de croquer dans mon Pain d’Épices. Le plus douloureux, ce sont les plumes qui habillent son côté me dit-il.
    D’où lui est venue cette idée originale? Sodishan évidemment, j’aurais dû m’en douter.
    C’est son cadet le Bad boy, atteint de mégalomanie douce dirais-je. Lui, il s’est fait tatouer deux ailes d'anges, de la nuque au bas du dos dans une officine réputée. Du coup cela a fait envie à Ash qui a suivi le pas. Je me demande si ces deux-là ont seulement conscience de ce qui va tomber sur leur tête lorsque Mumy s’en apercevra. Ils sont adultes, ils assument.
    Dans la liste des réjouissances de la journée il y a eu aussi la séance lecture qui s’est terminé en sieste améliorée, puis bien plus tard un apéritif dînatoire en soirée chez Marceau. Le moins que je puisse dire, c’est qu’Hélène sait recevoir. Son bar à tapas était réellement convivial.
    Bébé s’est lui-même passé la corde autour du cou en lançant la conversation sur ses trajets. Tout fier d’expliquer à nos hôtes qu’être au volant de son bolide lui permettaient de réfléchir sur ses dossiers chauds. Marceau lui a aussitôt fait remarquer que ce n’était pas très prudent, qu’il devait aussi prendre en compte la fatigue que provoque la concentration en conduite. Le train ou l’avion seraient certainement un transport plus raisonnable dans ces conditions. Mouché pépère. Moi, cela fait des mois que je lui dis la même chose et qu’il ne m’entend pas.
    Ce matin Ash est plié de rire en lisant le Midi libre de Flo. La polémique burkini. Il m’assure que le London Daily Mail n’a rien publié d’aussi joyeux depuis des décennies. Il me dit que chez eux les tabloïds s’attachent surtout à démontrer en moqueries combien nous Français sommes de véritables clowns. Personnellement je ne sais trop qu’en penser, religion ou pudeur? Il me semble que lorsque mon arrière-grand-mère se baignait en robe de bains, personne n’exigeait d’elle qu’elle se dénude entièrement. Il faudrait se souvenir que les femmes musulmanes sont élevées en mode contrainte et décence depuis plus d’un millénaire et ceux qui attisent les tensions sont incapables de faire la différence entre un burkini, une burqa, un hijab, un niqab ou un sitar. Chacun doit être libre de dévoiler ou non son corps et ce que je pense va en faire bondir certains, mais selon moi seule l’hygiène est à considérer. Ce vêtement, tout comme un maillot de bains réglementaire doit être utilisé uniquement pour la baignade. Pour les irréductibles, les réfractaires à une culture différente de la leur, pourquoi ne pas organiser des heures d’accueil en piscine pour les personnes qui ne désirent pas se montrer en petite tenue? Je vais passer pour Maléfique, mais si ma Sonia avait été encore là, il y a longtemps que nous serions allés en mode farce et attrape, faire le tour des plages habillées façon chasteté. Non mais sérieux? Le burkini? Cent vingt-deux femmes décédées sous les coups de leur compagnon en deux milles quinze, présentement nous en sommes déjà à soixante-dix-neuf. Je me répète, sérieux? C’est un bout de tissu qui est prioritaire pour nos politiques? Je comprends qu’on les trouve ridicules.
    Cocooning, sensualité, chaleur, arrive ce qui doit arriver.
    Ash est pourtant un rien soucieux. Il a trouvé un poste intéressant où il pourrait officier pour valider son cursus, mais ça n’est pas la porte à côté puisque c’est à Londres. Il conserverait son point d’attache chez papa-maman, ce qui veut dire que je serais mise à l’écart durant des semaines entières et ça le perturbe. Moi non, j’ai besoin de mon indépendance, de me révéler à moi-même, d’autant que mes cours vont débuter dans peu. Il va me falloir un peu de temps pour le convaincre, mais il se fait de moins en moins pressant pour que je l’accompagne aux Aspidies.
    C’est au terme d’un dernier entretien qu’il doit prendre sa décision, accepter ou non la fonction qu’on lui propose. Et ce rendez-vous a lieu à deux heures de vol de ma Petite Paix. Il a passé la nuit à se retourner dans le lit, à soupirer à fendre l’âme et bien sûr ce matin il a failli se lever en retard.
    Six heures trente. Je l'ai vu bondir hors du lit après avoir jeté un bref coup d'œil au réveil et comme lorsque nous sommes aux Aspidies je me suis glissée à sa place toute chaude. Sentir son odeur sur son oreiller est l’un de mes petits bonheurs. Échevelée, troussée jusqu’à l’indécence, j’observe la transformation rapide de mon Fripon fripé en un gentleman honorable. Je dois admettre que s’il est en retard c’est aussi de ma faute, mon au revoir a dérapé au-delà de mes espérances.
    Son rituel est immuable, identique à celui qu’il adopte lorsque nous sommes chez ses parents. Les yeux mi-clos, somnolente, j'écoute les bruits familiers qui me parviennent de la salle de bains. Le ronronnement du rasoir électrique, le ruissellement de la douche sur son corps puis les trois ou quatre pulvérisations du vaporisateur de son eau de toilette préférée dont la fragrance parvient jusqu’à mes narines.
    Il traverse la chambre, ouvre la penderie et les cintres cliquètent joyeusement. Bébé choisit toujours sa chemise en mode soldes. Il en ôte une du cintre et la dépose sur la bergère. Il en préfère une autre qui rejoint la première, la troisième se retrouve roulé en boule au fond de la penderie, Florence apprécie, et finalement son choix se reporte sur la première. Il dépend d’un pli trop prononcé, de la couleur ou tout simplement de l’humeur de monsieur. Cette fois-ci cela a été la première qui lui est tombée sous la main. Il passe son costume en grommelant sur l’heure qui tourne et le tiroir ou il range ses cravates en prend pour son grade. Monsieur est enfin prêt.
    – Où sont mes clefs Chouquette? C'est le signal du départ. Elles sont au crochet, mais à chaque fois il pose la question. Un baiser d'amour et l'oiseau s'envole. De mon lit je perçois le tintement des clés retrouvées, le raclement du cuir de son attaché-case sur le meuble vestiaire de l’entrée et la porte qui se referme en mode détonation. Je me félicite d’avoir choisi une porte sécurisée, elle résiste à la tempête Ashlimd.
    Le ronronnement nerveux de son bolide m’oblige à me lever rapidement, mais je sais qu'il sera déjà loin le temps que j'arrive à la porte-fenêtre. Je me sens fautive, Bébé n’a pas eu le temps de petit-déjeuner.
    Co-locataire et pied à terre confirmé. Emploi du temps et vacations compatibles…

    Day aFTeR Day... 09 septembre 2016

    …La jalousie n’est pas ma tasse de thé. Cependant je suis prête à faire une exception!
    William, vieux célibataire endurci, propose à Ash d’occuper l’appartement en colocation de courtoisie. De principe c’est très élégant de sa part, mais je ne suis pas totalement rassurée. Will le beau gosse, Hitler aurait adoré sa couleur de cheveux, collectionne les conquêtes. Chaque fois que je l’ai rencontré, une mignonne petite minette était suspendue à son bras. Jamais la même bien sûr.
    Et s’il prenait l’envie à ma Canaille de l’imiter?
    Ceci dit l’appartement est un bon compromis car de là Saint-Exupéry est facilement accessible. Rapidement aussi. À peine descendu de l’avion Bébé n’aura que sa voiture à récupérer pour me rejoindre dans le Sud. Un trajet simplifié. Cependant il existe une légère complication. Bébé aime voyager, mais il flippe comme un malade dans les airs. Le premier vol que j’ai fait en sa compagnie, c’était pour le Costa Rica et cela m’a laissé un souvenir impérissable. À peine l’avion avait-il décollé qu’Ash transpirait à grosses gouttes, il consultait sans arrêt sa montre et j’avais l’impression qu’il était assis sur une fourmilière. Ses jambes tremblaient et il sursautait toutes les trente seconde. Il lui a fallu vingt minutes pour se calmer. J’admets, je n’aurais pas dû me moquer de lui. Mon grand homme, de par son métier est confronté à des nuisibles menaçants, il travaille régulièrement sa concentration en centre de tir et fait du sport à outrance, mais un simple vol le paralyse. Cela m’est franchement … amusant. Ash a accepté le poste qu’on lui proposait. Pour rester serein dans les nuages il va devoir adopter la zen attitude, ainsi il pourra bosser confortablement assis en classe affaires au lieu de rouler comme un dingue en pensant à ses dossiers. Je n’en suis pas totalement certaine, je l’imagine sans peine se cramponner à son siège lors du décollage.
    Madame est aux anges. Son fils a décroché un stage en corrélation avec sa charge, lié à son agrément fonction. Il va continuer à faire son Tanguy et elle adore avoir le contrôle sur ses enfants. C’est plutôt qu’elle est tellement fière d’eux. Elle nourrit cette fierté en les maintenant le plus longtemps possible auprès d’elle. Hylam s’échappé de la toile, au tour de Bébé, je m’y emploi.
    Maintenant c’est à la Petite Paix qu’il viendra le plus souvent décompresser, je me le suis promis. Et s’il veut se détendre en conduisant, je serais à ses côtés. J’aime l’accompagner, jouer à ma blondasse entretenue. Je prends mon pied à en voir certaines baver la bouche ouverte à son passage. Blasées qu’elles sont les gracieuses. Cela ne répond toujours pas à ma question, que me trouve Ash de si particulier?
    Oui j’exagère, Bébé est bel homme, mais pas un dieu vivant non plus. Je me la pète et j’assume.
    Patricia et Marcel sont remontés en Rhône-Alpes. Grâce à Pat, Tartes aux légumes, Pancakes et autres folies du genre sont à ma portée. Patricia m'a offert l'un de ces gadgets de cuisine dont la publicité envahit tous les téléachats pour, dit-elle préparer de supers petits déjeuner à mon amoureux. C’est vrai il fait pitié cet homme-là. Bébé et moi sommes invités à passer une semaine chez eux fin septembre, il me tarde de m’y rendre. Marcel a trouvé une idée formidable pour recycler le vieux pin.
    Contempler mon Pain d’Épices torse nu et équipé de gants de travail est un spectacle pour lequel j’ôte ma petite culotte sans rechigner dès qu’il m’en donnera le signal. Ash et Marceau se sont attelés à une tâche difficile, à savoir confectionner quatre jardinières avec les morceaux de tronc du pin déraciné par l’orage. Creusés, sculptés et rendues imperméables, elles sont magnifiques. J’ignorais que Bébé possédait un tel talent d’artiste. Marceau à fait le gros œuvre j’en conviens, mais c’est Ash qui a taillé au ciseau à bois les enluminures sur la face avant de chaque bac. Son domaine est le droit criminel, là il m’a bluffé.
    Je viens de recevoir un mail de la part de Madam’, je ne sais si je dois me sentir flattée ou effrayée. Embarrassée c’est certain. C’est une catastrophe à laquelle je ne m’attendais pas. Mumy me prie joliment, avec mille formes, d’organiser la soirée d’anniversaire de son fils. J’en suis très honorée … Mylhenn je vous fais totalement confiance me dit-elle. Ces six mots me font déjà flipper à mort, et si je me plantais?
    Je vais devoir recevoir une vingtaine d’invités, choisir le restaurant et … misère je dispose d’à peine quelques jours pour tout gérer. La présence de môman me stresse déjà en temps normal, mais là c’est de la folie.
    Bonne Mère vient-moi en aide. Le cadeau…

    TReNTe-HuiT... 10 Septembre 2016

    ...C’est une question de confiance en soi me dit Samuel. Adieu le tête-à-tête envisagé!
    Moi qui prévoyais une petite soirée en amoureux pour l’anniversaire de Bébé, me voilà embarquée dans l’organisation de l’évènement de l’année au quartier Alceste. Naïvement je pensais que Madam’ orchestrerait plus tard la soirée de gala, de l’autre côté de la Manche. Qu’elle nous laisserait un peu d’intimité à Ash et moi pour le jour J. Raté, j’ai été réquisitionnée, Mumy est fatiguée par son séjour en Australie, c’est un comble.
    Madam’ et moi sommes loin d’en être à l’entente cordiale, aussi n’en demandais-je pas autant. Cependant elle aurait déclaré que je faisais partie de la vie de son fils depuis suffisamment longtemps pour qu’à présent j’investisse de ma personne dans les fêtes de famille. Dixit Hailie.
    Famille, amis, dix-neuf convives en comptant les minots. Je ne me sens pas officiellement intégrée à cette parentèle qui me tombe du ciel. Le milieu dans lequel gravite Bébé et sa famille ne m’est pas totalement inconnu, mais je ne m’y sens pas à l’aise. Trop solennel, trop codifié … constipé. Bref une bande de collets montés. Je suppose que Dorothy désire tester mes compétences, à savoir si je tiens la route lors des grandes occasions. Il me semble que j’ai assuré sur ce coup-là. J’ai réservé le restaurant, je suis partie à la quête du Saint-Graal, le cadeau et j’ai commandé le sensationnel gâteau qu’ils s’attendent tous à admirer.
    Mumy, encore elle, a suggéré que son cher fils souffle ses bougies à la Petite Paix, pas suggéré, mais insisté devrais-je dire. J’ai finalement trouvé une agence évènementiel correspondant à mes besoins. Afin d’accueillir tout ce beau monde ils installent les lampions, du mobilier de jardin coquet et confort, un appareil réfrigérant pour les boissons et un garçon servant sera aussi de la partie.
    Les minots vont adorer la petite cabane et je vais leur rappeler que la balancelle n'est pas une balançoire, on ne sait jamais. Un coin tranquille et des câlins, voilà ce dont Bébé aurait envie, rien à voir avec ce que Madame a programmé. Il est inquiet pour moi, sa mère a vu les choses en démesuré et il a peur que cela m’épuise. Que va-t-elle bien pouvoir inventer pour mes quarante ans me demande-t-il? En février dernier, pour Hylam, cela avait été pharaonique.
    Mon fripon est allé chercher ses parents à l’aéroport. Pas facile Mumy en mode touriste. Elle n'a pas apprécié que je l'exile aux appartements de Palavas avec Phillip, ses fils et leur famille. Pour ma bonne santé mentale, il était hors de question qu'elle investisse ma maison. Pas assez de chambres de toutes façons.
    - Depuis le temps, vous ne savez toujours pas écrire le prénom de mon mari ma petite? Bébé est hilare en entendant la réflexion de sa mère. Bien fait pour moi je n’avais pas à laisser traîner mon pense-bête. Purée, elle est en forme la chère femme. Ash se fait lyncher publiquement parce qu'il a rafraîchi sa chevelure, un massacre selon maman.
    - Mais enfin, que t’est-il passé par la tête pour te tondre de cette façon? Tu ne ressembles à rien comme ça!
    Il est vrai que les tignasses bien entretenues de ses petits sont agréables au regard, mais une fois habituée à sa coupe courte, je trouve Bébé craquant. Si à son âge, il ne peut pas faire ce qu'il veut de sa crinière, c'est limite de la possession. L’on dit que les enfants sont grognons lorsqu’ils sont fatigués, mais je suis en mesure de confirmer que c’est pareil pour les belles-mères. J'appréhende pour Ash le jour où elle va découvrir son tatouage, cela risque d’être folklorique. Tout n'est pas perdu, il reste un semblant d'humanité en Dorothy puisqu’elle me félicite pour le choix du restaurant quatre étoiles. Oui je l’admets, je me rassure comme je peux. Ash est comme fou, il vient d’apprendre que sa bande de joyeux lurons arrivera dans peu. Bébé a peu d’amis intimes, mais s’il n’y a pas quantité, il y a qualité. C’est ce que dit son père.
    Les préparatifs m’ont fait zapper un léger détail, et pas des moindres. Ma tenue.
    Je suis presque certaine que Terry, le neveu de Bébé, sera vêtu d’un costume trois pièces et le nœud papillon ne sera pas en option. Quant à Camilla … bref je stresse à nouveau.
    J'ai trouvé les cadeaux et réussi à convaincre Mumy que ma Canaille a trente-huit ans, alors les consoles au top du numérique hors de prix avec une kyrielle de jeux vidéo en 3D ne sont pas vraiment d'actualité pour l’évènement. Caisse commune et le high-tech que A-Jaï aime tant sera tout de même au rendez-vous.
    Il ne me déplaît pas de faire office d'hôte et Florence, mon auxiliaire de vie, m’a proposé son aide pour le grand soir. J'apprécie vraiment cette personne. Mumy est allée réceptionner les frères de Bébé et faire ses dernières emplettes. Ensuite cela a été plage, sieste, apéros dînatoires et pétanque asiatique.
    Balade instructive, Aigues-Mortes et ses salins...

    A PaRTy TiMe... 12 Septembre 2016

    …Bébé est un brin agacé par tout ce tralala. Philip suit, Dorothy mène bon train !
    Tout le monde se tient loin de Madam’ qui explose pour un rien, pour un maintenant, un tout de suite et un pas après. Je me suis éclipsée en douce avec Bébé pour un shopping improvisé à Pezenas.
    Nous sommes allés choisir nos tenues pour le grand soir. Ash était tenté par du jean et moi, une robe longue bohème m’aurait plu. Nous avons dû nous résoudre à choisir un costume pour lui et une robe habillée pour moi. Cravate fétiche, chevalière de fraternité et boutons de manchette pour monsieur, bijoux ethniques, une tresse africaine réussie pour moi et … todo va á pasar bien.
    Le ciel est toujours bleu azur. Le mobilier d’emprunt est disposé derrière la maison comme je le désirais. Le réfrigérant est opérationnel. Boissons sans alcool et vin de Champagne tiennent conversation au gâteau, une merveille soit dit en passant.
    Qu’est-ce que j’aimerais me retrouver en tête-à-tête avec Bébé. Ne rêve pas, ce n’est pas possible Mylhenn.
    Je m’inquiète car je sais que ma Canaille est anxieux à cette période de l’année. Il fait lentement le deuil de Penjÿ, l’absence de son double lui est encore douloureuse. Personne n’a compris lorsque je faisais de chaque vingt-cinq du mois un rappel anniversaire affligeant du départ de ma chère Sonia. Je ne l’oublie pas, mais je fais mon chagrin plus discret. Ash pleure Penjÿ parfois et jamais il ne me viendrait à l’idée de me moquer de ses larmes. Ses véritables amis et sa famille non plus. Leur fusion venait de ce qu’ils apprenaient l’un avec l’autre, j’ai vu leur façon de travailler, l’entre-aide, les conseils, les encouragements lorsque l’un ou l’autre se laissait vaincre par la tâche. Penjÿ était le plus Pit Bull des deux, Ash plus réservé ne lâchait rien.
    Lorsque sa peine se fait trop insupportable, Ash rend visite à Ashanti et ensemble ils égrènent les bons souvenirs. Ash en revient apaisé, le frère de Penjÿ est un homme-pansement qui lui permet de tourner la page lentement et sans heurts. Aujourd’hui j’ai surpris Bébé à regarder l’album, cela ne me dit rien qui vaille.
    Le « tout à une raison » de la quatrième loi est voilée par sa mélancolie. Le fait de dire adieu fait mal, mais il est nécessaire pour aller de l’avant, cependant spiritualité et chagrin ne font pas toujours bon ménage.
    – N’oublie pas que la personne la plus influençable avec qui tu parles chaque jour est toi-même. Fais attention à ce que tu te dis et lâche prise, ta vie redeviendra belle! M’avait-il dit à la disparition de Sonia. Ça ne m’a pas permis de naviguer sur les flots de l’existence avec lucidité et apparemment il en est de même pour lui ces jours-ci.
    Je reconnais ne plus très bien savoir où j’en suis. Ash est l’une des rares belles choses qui me soit arrivée, mais je ne parviens pas tout à fait à me projeter à ses côtés dans l’avenir. Ce qu’il y a de certain c’est que lui est sûr que je suis la Chouquette de sa vie. Je suis effrayée à l’idée que ce que j’entends ne soit pas réel. Pourquoi ai-je toujours autant d’appréhension en songeant à mon avenir? Je suppose que ma maladie n’est pas étrangère à ce sentiment, et aussi les séquelles invisibles laissées par celui qui a brisé mes rêves d’adolescente. Ce soir c’est la fête alors je mets mon cerveau à l’abri des nuages.
    Vingt et une heures précises, nos hôtes en totalité sont présents au restaurant. Un exploit lorsque l’on connaît Sodishan. Allons ne soit pas mauvaise langue Mylhenn. Je viens de faire la connaissance de l’oncle d’Ash. Mumy l’ayant croisé à son retour d’Australie, l’a tout simplement convié à la fête en omettant de me le dire. Il est accompagné de son épouse en seconde noces, Maria, de trente-trois ans sa cadette. Donald est l’aîné de Philip et aussi charmant. Belle-maman est tellement prévisible que je m’attendais à ce qu’elle soit généreuse en invitations aussi avais-je réservé large au cas où.
    - Prévoyante ma chère Mylhenn, vous êtes une hôtesse précieuse! Me dit Dorothy avec un grand sourire.
    L’aurais-je conquise pour une soirée? Notre effort vestimentaire prouve que nous savons nous adapter, son fils et moi, pour faire court elle nous trouve très chics. Deux compliments en cinq minutes, cela ne peut pas durer, à un moment ou à un autre sa véritable nature va reprendre le dessus.
    - Votre coiffure adoucit votre visage et efface quelques-unes de vos années! Voilà c’est dit.
    Repas gastronomique en terrasse, flonflons discrets du bar d’à côté et aucun incident n’est venu troubler la soirée, nous avons donc passé un moment très convivial. Loin des Aspidies je supporterai presque le compassé de la famille. J’ai laissé Mum’ papillonner d’un invité à l’autre et complimenter Camilla et Terrence pour leur comportement impeccable, c’est vrai je l’admets, pour une fois Camilla la peste n’a pas fait de caprice. Terrence est fan de son oncle alors il se conduit bien en sa présence et ce soir, hasard ou bonne fortune, Camilla a calqué son attitude sur celle de son frère.
    Vingt-trois heures trente, au terme d’un repas pantagruélique, nous regagnons le lieu des festivités. Afin d’être plus à l’aise beaucoup de nos invités ont troqué les costumes-cravate et les belles robes contre des vêtement plus modestes, plus amples devrais-je dire. J'en ai profité pour passer la robe que Bébé m'a offert à son retour du Bangladesh. Très convenable, mais un peu légère aux yeux de Dorothy. Je m’en moque. Mon Fripon a passé un jean et sa chemise en soie mauve. Habillé ainsi, je le regarde presque avec béatitude, non avidité serait le mot approprié. Mon Maharajah est le plus beau à mes yeux.
    Bébé sait que les mondanités ne sont pas mon fort, aussi profitant de l’un des rares instants où nous nous trouvons seuls à la cuisine, il me fait me blottir contre lui.
    Le temps d'une brève caresse, ses paumes à la rencontre de mes fesses, il se rend compte que ma tenue est des plus indécente. Ses yeux brillent soudain de mille éclats et la douceur de ses lèvres sur les miennes est promesse de plus, de bien plus.
    - Petite souris, sais-tu que tu joues à un jeu dangereux! Dit-il malicieux. Petite performance, grand effet. Ce baiser, droit descendu du paradis me fait perdre pied.
    - J’ai un cadeau très spécial pour toi Bébé, l’oubli de ma lingerie n’est qu’une entrée en matière si je puis dire! Je reste énigmatique et en riant je me démène comme un ver sur l’hameçon pour échapper à son étreinte de constrictor, y parvenant je vais rejoindre nos hôtes, fière d’avoir planté là ma Canaille.
    Quelques instants plus tard, sous forces applaudissements et bravos le gâteau est sorti de sa coque réfrigérante. Que dire, chocolat, pralin, mousseline, chantilly et fruits, le tout disposé en une superbe pyramide. Dé-li-cieux, pour les yeux et pour les papilles diront plus tard les convives.
    Dès le moment où le gâteau a été servi et Bébé commencé à ouvrir ses présents, j’ai été soulagé. Enfin j’ai pu relâcher la pression. Encore que? Nous devions faire un cadeau commun et voilà que tout le monde y rajoute du sien. Heureusement je ne vais pas paraître pingre puisque moi aussi j’ai une petite surprise. En privé s’il vous plaît. Pour le fun, ils ont empaqueté le MacBook Pro dans l’emballage d’un gaufrier. Bébé est refait depuis le temps qu’il en désirait un, de portable, pas de gaufrier. Grâce aux frangins, Ash sera au top avec son costume KL pour se mesurer aux élégants des prétoires. Les enfants eux, se sont cotisés pour offrir une belle cravate à Ash et ils ont participé à l’achat de l’ensemble de voyage en maroquinerie de luxe qu’a offert Donald. Ces gosses sont étonnants, mais de là à casser leur tirelire pour leur oncle je ne l’aurais pas cru. Il n’y a que Bébé qui ose le rose saumon, je confirme, cela lui va à ravir.
    Repos et petit-déjeuner obligatoire pour tous nos hôtes avant le départ. Je ne tiens pas à être responsable d’un ou plusieurs accidents. J’ai prouvé à Dorothy que je peux être parfaite pour devenir une potentielle comme le dit parfois Sam. Cet affreux espère voir un jour Chouquette et Bébé convoler en justes noces. Dans ses rêves. Quant à Madam’, elle ferait bien de garder en tête que c'est à moi que son minot confie ses secrets à présent. Cela dit, elle m’a paru vraiment enchanté en nous quittant.
    Petit déjeuner obligatoire pour tout le monde avant le départ. Je suis épuisée.
    Le calme des lieux retrouvé, confortablement installé sur la couette, Ash a grandement apprécié de me voir apparaître avec le cadeau personnel que je lui réservais. Un ensemble de lingerie fine, arachnéenne.
    Ash est fier de moi, je suis une hôtesse parfaite. Il me récompense avec chaleur…

    AFTeR... 14 Septembre 2016

    …Deux jours déjà que la fête est derrière nous. De bons échos me reviennent, un franc succès!
    Beaucoup de remerciements pour l’after du lendemain matin aussi. En effet, malgré la fatigue, j’ai improvisé de main de maître un petit déjeuner pantagruélique comme ils les aiment aux Aspidies. Mon garde-manger est vide, j’aperçois déjà la procession des araignées qui viennent s’y installer, mais au moins personne n’a pris la route avec un diablotin sur une épaule et un angelot sur l’autre.
    Aux alentours de trois heures du matin ces messieurs se sont laissés tenter par un alcool fort et un cubain aussi long qu’une fusée anti-grêle. Ai-je dû leur rappeler que la végétation est aussi sèche qu’un papyrus datant du règne de Thoutmôsis? Oui bien sûr, mais ils en ont eu cure., ils avaient d’autres préoccupations. Tenir à la verticale, exercice fort périlleux pour certains. Or donc j’ai proposé la plus goûteuse des collations pour un brunch matinal et grâce à cela, les brumes d’alcool se sont estompées bien avant que nos hôtes ne se décident à rejoindre leur port d’attache.
    Certains n'ont pris que du repos, du café, du thé ou de l’eau minérale, mais à défaut d'avoir l'estomac plein, ils ont rincé la bonbonne comme dirait Marcel, ce n'est guère élégant, mais que l’on me croit sur parole, cet homme en possède de plus imagées et bien moins ragoûtantes.
    Jus de fruits frais, œufs brouillés, jambon à cuire, toasts, crêpe, marmelade véritable, pancakes, fruits à volonté. Bonjour les calories, mais au moins la séance breakfast a été respectée. Ceux qui se sont essayés aux fromages locaux n’ont pas été convaincus. Je compatis, moi-même j’évite.
    Ash m’encense à un tel point que j’en suis gênée. Il paraîtrait que j’ai vraiment assuré. Mise à part avoir bu une petite gorgée dans sa coupe de champagne, aucun alcool n’a franchi mes lèvres. Je m’en suis reconnaissante. D’ailleurs à ce propos quelque chose me turlupine au sujet de Mumy. Je n’ose pas demander à Bébé pourquoi sa mère qui trinque pourtant volontiers avec l’assemblée, s’oblige à n’absorber qu’un alcool spécifique. Je suis d’autant plus dubitative que Philip m’a demandé expressément si je n’avais pas oublié de mettre la bouteille de Dorothy au frais. Il est possible que Madam’ soit allergique à certains tanins, pourtant rien de spécial n’apparaît sur l’étiquette de sa boisson. Après tout cela ne me regarde pas.
    Pendant que l’on mettait un peu d’ordre dans la cuisine Ash et Donald ont porté une grosse part de gâteau à Marceau et à son épouse, ainsi qu'une bouteille de vin de Champagne pour le remercier de l’aide qu’il m’apporte parfois, souvent, quand Ash est absent.
    Bébé aime beaucoup son oncle Donald à qui il se confie volontiers. S'il a un souci d’ordre intime c'est à lui qu'il demande conseil. Bébé est très proche de son père, mais il est parfois plus facile d'expliquer ce qui nous pourri la vie à quelqu'un de moins impliqué. À l’adolescence les garçons doivent apprendre à gérer ce passage obligé. Les nombreux conflits avec les parents en font partie. De ce que m’a raconté Ash, Dorothy et Philip ont subi la totale avec leurs trois garçons. Hylam est passé du gamin rebelle à l’adolescent dépressif ayant des phobies. Il a dû subir des séances psy en conclusion desquelles on expliquait à Mumy que c’était son passage de petit hindou miséreux à celui de jeune britannique soigné qui le perturbait. Des gougnafiers a dit Philip, il y a rapidement mis un terme. Sports et preuve de l’affection sincère qu’on lui porte on fait d’Hylam une personne équilibrée et bien dans ses baskets.
    Sodishan a été l’ado dans toute sa splendeur. Trop couvé à cause de sa santé chancelante lorsqu’il était petit, il a fait payer au centuple à Mumy sa bienveillance et son amour maternel. Seul au monde sous son casque, la musique à fond dans les oreilles, Sodishan protégeait son intimité à coups d’insultes et correctement prononcées il paraît. Gare à qui entrait dans sa chambre sans avoir frappé. Son vaporisateur de gel était quasiment greffé à sa main, ce n’était pas par coquetterie mais uniquement pour ennuyer sa mère. Même après un bon shampoing, ses cheveux étaient toujours huileux se souvient Ash. Perdant patience, Philip l’a emmené chez le coiffeur et lui a fait raser la tête. Bien calmé le minot, mais la vengeance a été disproportionnée. La flemme est devenue son pote et il refusait de se lever pour aller en cours. « C’est bon c’est pas la fin du monde » répétait-il à qui voulait l’entendre. Sport et précepteur à domicile ont fini par avoir raison de sa résistance et de ses protestations. Toutefois il m’arrive de me demander s’il a vraiment passé le cap tellement il est encore peu responsable.
    Ash me dit avoir été plus sournois dans sa façon de s’affirmer. Il a perdu le contrôle sur son corps. De minot potelé il était devenu une grande saucisse à la voix qui déraillait toutes les deux phrases. Cela le rendait fou, incapable d’apprivoiser ce nouveau lui. Par manque de confiance il s’est mis à régresser puis à tester de nouveaux looks, Dorothy s’en arrachait les cheveux de désespoir. Un choix cornélien s’imposait souvent à Ash, douche ou déodorant? Il n’a pas cherché à s’acoquiner avec la bande de petits voyous qui zonaient non loin de la demeure de ses parents, pire, il s’est isolé dans un monde littéraire qui peu à peu engloutissait son quotidien. Il devenait incapable de faire la différence entre la fiction de ses lectures et la réalité. C’est à ce moment-là qu’est entré en scène oncle Donald car Ash rejetait son père, tout lui était prétexte. Direction le pensionnat d’une grande école, un vaste choix d’activités de loisirs et la prise de conscience qu’il avait une famille unie pour le guider, l’aider à traverser ce cap difficile qui le mènerait vers sa vie d’homme. À présent Ash est, lui aussi, bien dans ses baskets. Donald me paraît effectivement un homme très à l’écoute des autres et si Ash lui a proposé de l’accompagner chez Marceau c’est que certainement il avait quelque-chose à lui confier. Je me suis aperçue qu’Hailie ne sait pas tenir un balai, elle étale au lieu de rassembler. Au moins elle aura essayé.
    J’ai été heureuse de les accueillir, vraiment. Les tantines leurs ont laissé gracieusement les studios de la résidence à Palavas, cela permettra à Ash de rejoindre ses frères un jour ou deux. Il paraîtrait que tout ce petit monde ait apprécié mon hospitalité.
    Dix heures tapantes, Florence ouvre la porte à un livreur d'une société de fleuristes associés. L'homme a extirpé de sa camionnette de livraison une énorme composition faite de Lys blancs, de roses rouges, de bruyères dorées et de fougères. C'est un bouquet époustouflant. La table basse du salon me paraît le seul endroit capable de supporter la corbeille tressée en forme de corne d'abondance. Sitôt le pourboire accepté, le livreur disparaît et je me penche sur la carte qui accompagne les fleurs.
    Thanks for your kindness Mylhenn.
    For your warm hospitality too. My son is very fortunate. Dorothy-Philip.
    J’en suis sur le cul. Je vais être obligé de faire un effort à présent car ces remerciements ne sont certainement pas gratuits. Je vois toujours le mal partout. C’est soit il demeure une part de bienveillance en cette femme, soit elle maîtrise à la perfection ce que l'on nomme politesse. Je suis très flattée et je prends ce présent tel qu’il m’est offert, une main tendue.
    Sodishan m’a convié en personne à la soirée qu’il organise pour une œuvre charitable sponsorisée par le consortium qui l’emploie. J’ai décliné son offre car je n’apprécie pas particulièrement ses rares sourires en coin et son manque d’intérêt envers moi. C’est loin de me préoccuper, l’on ne peut être aimé de tout le monde. Toutefois l’association pour laquelle il donne de son temps mérite intérêt. Je confierais ma participation à Bébé, il la lui fera parvenir en temps voulu.
    Je suis enfin satisfaite du tournant que prend ma vie. Je ne le dois qu’à moi-même…