• PRoGReSSeR eT GRaNDiR... 17 Septembre 2016

    ...Je me sens comme un ermite ainsi, perchée au sommet de mon pic verdoyant et venteux!
    J’appréhendais la monotonie de mon quotidien, mais vivre dans cette semi solitude me fait peu à peu revenir de mes égarements. J’apprécie cette indépendance que je brûle par les deux bouts. Je pilote seule.
    Bien sûr, mes heures de repas sont toujours aussi décousues lorsque Bébé est au loin, mais au moins personne ne m’en fait le reproche. Je dors quand j’ai sommeil et si en pleine nuit j’ai envie d’un thé … je fonce à la cuisine. Mon chemin de croix est derrière moi, pourtant j’ai un besoin quasi viscéral de me le rappeler. Bébé en est agacé, mais il a compris que mes fantaisies sont une question de survie pour moi. Mes idées farfelues, irraisonnées dit souvent Sam. J’ai besoin de me prouver à moi-même que je suis capable de tout ce dont Christian m’interdisait sous prétexte que je n’étais qu’une gourde stupide. Doux pléonasme.
    Souvent c’était avec ses poings qu’il me rabaissait.
    Ces jours-ci une envie me trotte dans la tête. Ma liberté retrouvée je me surprends à vouloir faire évoluer mon possible. J’aimerais reprendre le volant, ne pas avoir toujours à attendre le bon vouloir de quelqu'un pour me déplacer. Bébé n'est pas franchement contre, ni totalement pour d'ailleurs. Il a raison, parfois les crises me tombent dessus sans prévenir, mais je suis de taille à improviser. Oncle Richard ou un taxi pourraient facilement prendre le relais dans ces moments-là. Maintenant que l’idée a germé, elle croît rapidement. J'ai déjà repéré une petite Countryman au garage du centre.
    Une ambiance musicale feutrée, une bonbonne de thé, le confort du siège de bureau de bébé et je me lance dans mes révisions. Le grand jour approche et je recommence à douter de mes capacités à étudier.
    Mon triumvirat m’assure que la vie nous donne toujours une seconde chance. Ash, Patricia et Samuel ont certainement raison, mais c’est une prise de conscience brutale qui m’a été nécessaire pour m’en convaincre. Un bon coup de pied au cul comme dirait le splendide Marcel. Un chagrin de plus et j’ai réalisé que si je désirais atteindre mon meilleur, je devais aller le chercher moi-même.
    « Le virtuel est ce qui nous aide à faire advenir ce que nous ne sommes pas encore » a écrit l’essayiste Philippe Quéau, je ne lui donne pas tort mais cette collaboration est coûteuse au centuple.
    À l’époque Bébé tentait de me faire comprendre que ce m’apportait ces entretiens en ligne sans fin n’était pas que de l’accompagnement, il y voyait comme une pointe de harcèlement nuancé d’emprise. Je n’ai rien voulu entendre. À présent je serais moins catégorique sur les véritables raisons qui ont fait de mon virtuel un saint à mes yeux durant trois longues années. Je me raccrochais à cette relation de pacotille pour exister et au final ça n’a fait que me détruire un peu plus. J’avoue que j’ai été prise à mon propre piège.
    Je lis encore et encore car cela m’est nécessaire pour bien écrire m’a-t-on dit. Je feuillette le programme des cours qui m’attendent et j’en viens à penser que j’ai fait une folie. La panique rode, m’envahit mais il me faut la maitriser. Hauts les cœurs Mylhenn, fais du courage ton ami.
    Je dois me reconstruire pour un futur apaisé, me délivrer d’un nuage noir qui a plané assez longtemps au-dessus de ma tête, me mettre hors d’atteinte de celui qui a fait de ma vie un enfer. Je ne parle pas d’une distance puisque mon ex-mari réside à quelques kilomètres du bourg. Je l’ai aperçu, il m’a entrevu, nous nous tolérons. Quand j’écris hors d’atteinte je veux prouver, LUI démontrer que je n’ai jamais été la pauvre fille qu’il insultait, tourmentait, persécutait, brisait et rendait ignare jour après jour à force de sévices cruels.
    Je me contente de ma cour en mon royaume, et me satisfait de mon mode de fonctionnement. Ma tour d’ivoire est mon alliée, je crois qu’il va me falloir beaucoup de temps avant de faire confiance à nouveau. La disparition de Sonia, mon âme sœur, a ravagé mon cœur. Patricia ne sera jamais ma meilleure amie, au fil du temps elle est devenue la mère qui m’a été ravie lorsque j’étais enfant et il est des secrets que l’on ne confie pas à sa mère. Une meilleure amie l’on en a qu’une dans toute sa vie, je crois. Je n’en cherche plus.
    Je ressens de plus en plus le besoin de partager mon nouveau moi avec mes loulous, ma véritable fratrie. Ils sont ma famille, les frères et sœurs qui m’ont soutenu lors de mes années rue. Assez de temps s’est écoulé pour que notre communauté se reconstitue le temps d’un week-end afin de visualiser ensemble le chemin parcouru par chacun d’entre nous. Depuis que nous nous sommes éparpillés aux quatre points cardinaux, moi qui ne suis pourtant pas ce que l’on nomme une bigote, je brûle un cierge tous les ans en décembre. Ceci, afin que de là-haut, la seule qui selon moi protège efficacement au mieux toutes les âmes, baisse les yeux sur les fantômes aux cabas marron vichy qui déambulent sur les trottoirs les nuits de gel ou lors des nuits de canicule. Oui, je prie la Bonne Mère pour que ces vies éclatées dans leur corps en déroute ne se transforment pas en glaçons ou ne s’achèvent pas près d’une fontaine asséchée. Donner de mes prières une fois l’an ne m’est pas grand sacrifice.
    Il m’a fallu énormément de volonté, de courage dirais-je, pour enfin penser par moi-même. Pour me risquer à avancer sans me retourner tous les dix pas de peur de l’apercevoir à ma poursuite. Pour abandonner l’espace de sécurité que je m’étais créée j’ai dû prendre sur moi, plus que cela, j’ai dû souffrir dans mon âme.
    Le croque-mitaine, la bête, le monstre, le dément, quel que soit le nom que je pouvais lui donner, la terreur qu’il m’inspirait nourrissait mon aliénation. Certes ma psychose est moins présente, mais toujours là. Tapie dans la plus infime de mes incertitudes, guettant le moment où je baisserai ma garde. J'en étais arrivée à souhaiter que Criquet conserve ses travers pour que la justice ait toujours un œil sur lui. Je ne pensais aucunement à celles qui allaient croiser son chemin. Les séquelles qui me sont restées me rendaient cruelle et pas toujours envers les personnes qui le méritaient. La seule chose que m’avaient appris les coups, c’était en donner à mon tour et j’en étais venue à me craindre moi-même, à redouter mes réactions face à l’agression, qu’elle soit verbale ou physique. Je confirme, ces séquelles n’ont pas entièrement disparu.
    Ils m’ont récupéré au bord du gouffre. Sam, Bébé, Pat, mon triumvirat comme je les nomme souvent, sans se faire donneur de leçons, m’ont guidé vers ma lumière et délivré de ma schizophrénie passagère.
    C’est pour cela qu’il m’est presque vital de montrer aux autres, qu’un pas après l’autre je suis enfin de retour dans le monde des vivants. Si mes loulous se souviennent d’où je suis partie, ils ne pourront que m’en féliciter. Moi je suis admirative de leur parcours.
    Je le promets, il y aura bientôt un camp Charlie à la Petite Paix…

    MyLHeNN Vs aBSoLuT… 23 Septembre 2016

    ...Les origines du mal. L’alcoolisme est une maladie dont on ne guérit pas!
    J’ai remporté une petite victoire et je n’en suis pas peu fière. Je ne suis pas abstinente, loin de là, mais la sobriété en personne me susurre à l’oreille que je suis sur la bonne voie. Il faudrait déjà que je sois honnête avec moi-même et admettre à voix haute que je suis dépendante aux alcools forts, un en particulier. Faire correctement mon mea culpa m’est impossible car mon addiction à la vodka est encore présente dans chacun de mes souffles de vie, gravée dans mon inconscient. Lorsque ma thérapeute me demande les raisons qui m’ont poussées à me réfugier dans l’alcool, mon ex-mari est ma seule réponse. Malheureusement une autre me vient et les souvenirs qui vont avec. Le mal est plus profond que cela, il remonte à mon adolescence difficile. La toute première fois où je me suis mise misère, c’était chez Maë Lynette, j’avais quinze ans à peine. Mes excuses étaient si lamentables qu’à présent elles m’en seraient presque risibles. Mais comme je l’ai écrit une ligne au-dessus, j’avais quinze ans. La marâtre me faisait porter le poids d’une culpabilité qui n’était pas mienne, G.I Joe parcourait le monde et il se moquait pas mal de ce qui pouvait advenir de moi. Sa femme, une véritable pécore me faisait me détester, me sentir médiocre, me trouver inutile. Un mal-être épouvantable me poussait déjà à détester le monde entier. Et je dois admettre que je lui en ai fait voir de toutes les couleurs à cette vieille peau. J’avais énormément de ressources afin de la rendre ridicule. Je suis allée d’écarts en écarts, jusqu’à ne plus pouvoir revenir en arrière. L’on m’a exilé chez Maë Lynette pendant un temps et je me suis sentie mieux. Puis un jour, la fleur au fusil, il a été de retour et il me fallait le rejoindre au domaine. La veille de mon départ j’ai infligé le martyr à mon estomac en ingérant une trentaine de centilitres de pastis pur. Lentement, gorgée après gorgée. Maë Lynette ne m’aurait pas surprise, je pense que la bouteille entière y serait passée. Ma grand-mère ne m’a pas fait la morale, je n’étais pas en état de comprendre quoi que ce soit. Je me souviens surtout du café salé brûlant qu’elle m’a obligé à avaler, du clou de girofle que j’ai dû suçoter pendant une heure tandis qu’elle me surveillait d’un œil furibond, d’une migraine carabinée et des nausées qui ne m’ont pas quittées durant deux jours. Est-ce que cela m’a servi de leçon?
    En quelque sorte oui, puisque je n’ai récidivé que des années plus tard.
    Mes premières véritables libations je les dois à l’enfer que me faisait vivre quotidiennement Christian à ma sortie de l’univers carcéral qui, soit dit en passant, n'a pas franchement été pour moi le pays des Bisounours. Pour l’instant je resterais évasive sur le sujet, peut-être qu’un jour je parviendrai à mettre des mots sur tout ça. Mes minables forfaits avaient été loin d’impressionner mon cher mari. Au contraire, lui ayant échappé par la force des choses il m’en vouait à mort et à mon retour il m’a rendu la vie dure au centuple. Que l’on me croit sur parole, il possédait une imagination débordante en ce qui concerne les châtiments. Ce jour-là il m’avait massacré à coups de pieds dans les mollets et les chevilles. Même après avoir appliqué des glaçons dessus mes ecchymoses, j’étais bleue des orteils aux genoux. Les derniers glaçons qui restaient dans le bac, je les ai jetés sans réfléchir au fond d’un verre et j’ai attrapé la première bouteille qui m’est tombée sous la main. Une fois généreusement servie, j’ai bu de longues rasades d’un liquide brûlant, âpre, limite au goût médicinal. Je venais de découvrir la potion de guérison car instantanément j’ai ressenti la sensation d’être entourée d’une brume salvatrice et celle d’avoir disparu dans un cocon protecteur.
    Pour mon plus grand malheur j’ai cru au miracle. En russe vodka veut dire petite eau, pour moi c’était de l’eau-de-feu faite ambroisie. Elle me désinhibait, elle me rendait indifférente et insensible aux mauvais traitements que mon ex-mari m’infligeait, j’étais comme anesthésiée. Inconsciente des dangers qui me guettaient aussi. Une fois ivre, de passive je me faisais tigresse en affrontant mon bourreau. Je lui rendais ses sévices de tous mes poings, de bien piètres coups à comparer des siens. Je griffais, je mordais, je hurlais pour me donner du courage … ma rébellion se terminait dans le réfrigérant où il adorait m’enfermer. Là j’étais instantanément dégrisée.
    J’aurais dû m’en tenir à ma première impression, écouter les cris de ma langue et de mon palais suppliciés. Mais curieusement c’est cette agressivité en bouche qui m’a séduite. Je me suis dit que si je parvenais à accepter cette amertume qui transperçait mes papilles, la vodka m’aiderait sûrement à supporter les souffrances de l’après raclée, à anticiper la douleur des plaies vives que me laisserait la suivante.
    Et Christian dans tout ça? Lorsque j’étais saoule, deux à trois fois par semaine, il se sentait dans son bon droit, mon ébriété lui conférait l’autorisation de me punir. Il aurait aussi bien pu me tuer que personne ne lui en aurait fait reproche. Mon ivresse belliqueuse me faisait l’agresser avec tout ce qui me tombait sous la main et le jour où j’ai empoigné son arme de service … c’est moi qui ai flippé. Ça m’a calmé net. J’ai pris conscience qu’en quelques semaines j’étais devenue dépendante. Du jour au lendemain je me suis imposée un sevrage drastique. En supplément des affres du manque s’ajoutaient des visions cauchemardesques qui venaient zébrer mon sommeil peu réparateur. La tentation à laquelle me soumettait Christian afin de me briser d’avantage a été le plus éprouvant, mais j’ai tenu bon. J’ai réussi à stopper nette ma course à la mort, mais trop tard. J’ignorais que le destin m’avait déjà inscrit sur sa liste en tant que victime. Soins intensifs, rééducation, errances diverses et retour au point de départ. Ma boisson favorite est redevenue ma compagne des bons et des mauvais jours. Tout m’était prétexte à lever le coude. Rien qu’un petit verre me disais-je, ensuite venait le second et je finissais la bouteille sans m’en rendre compte. Un soir où j’étais totalement défoncée, j’ai voulu jouer dans la cour des grandes et je me suis essayée au cocktail détente à l’huile de CBD. Rien de transcendant, sauf qu’au troisième verre j’ai fait une grosse frayeur au barman en lui affirmant pouvoir planer au sens littéral du terme. Je tenais absolument à lui en faire la démonstration en me jetant dans le vide d’une des plateformes de danse de la boîte de nuit de son patron. Mémorable, je n’en dirais pas plus. Si, Marc était très en colère après moi, il m’a interdit l’entrée de son établissement durant des semaines. J’ai poursuivi cette lente agonie jusqu’à ce que je fasse la connaissance d’Ashlimd.
    Bébé m’a maintenu la tête hors de l’eau, il s’est employé à m’offrir jour après jour son soutien, ses conseils, ses encouragements et énormément de compassion. Pour lui chaque rechute n’était pas une catastrophe mais l’écueil qui me faisait progressivement prendre conscience de ma déchéance.
    Mon premier séjour chez ses parents avait été en quelque sorte une visite thérapeutique, un éloignement nécessaire afin que mes démons se perdent à ma recherche. Cela m’a aidé … un temps. Puis j’ai replongé.
    Un jour où mon comportement avait dû être inexcusable, Bébé m’a obligé à me dévoiler à moi-même. Ce que j’ai découvert dans le miroir m’a servi d’électrochoc. En une année j’en sonnais dix de plus. Mes cheveux étaient devenus ternes, j’avais continuellement les yeux larmoyants et le rose de mes joues était accentué par la couperose qui s’installait sur mon visage. Contempler l’épave que j’étais devenue m’a si cruellement vexé que j’ai arrangé le miroir façon kaléidoscope, avec mon poing.
    J’ai commencé par remercier Ash puis j’ai déclaré la guerre à mon alcoolisme. C’est la bataille de toute une vie, je le sais. Je n’ai encore rien gagné, même pas l’abstinence puisqu’il m’est encore impossible de ne pas faire d’écarts. Mes lèvres s’oublient parfois dans un rosé bien frais ou dans une bière brune à la framboise. Je me reprends aussitôt, mais le compteur repart de zéro. Mon bon sens me pousse à faire des efforts, toutefois c’est surtout d’imaginer que je pourrais à nouveau ressembler à cette loque que j’ai aperçue dans le miroir qui m’oblige à maintenir le cap. Ma S.A également, médicaments et alcool ne font pas bon ménage.
    Ce long répit m’est succès, Ash est fier de sa Chouquette, cela suffit à mon bonheur.
    Ne plus décevoir ceux qui m’honorent de leur confiance. Mon objectif…

    RéMiNiSCeNCeS eT PeTiTS BoNHeuRS… 27 Septembre 2016

    ...Dans une autre vie mes richesses tenaient dans deux fourre-tout. Que c’est loin tout ça!
    L’un est déjà débarrassé de son contenu et plié correctement sur l’étagère du haut de la penderie de l’entrée. Loin des yeux, loin du cœur. L’autre se trouve sous mes yeux embués de larmes. Tant de souvenirs douloureux se rattachent à celui-ci. Je viens de le découvrir en faisant le pied de grue devant l’un des nombreux caissons de mon dressing. Pantalon, robe sportwear, tenue douillette, que mettre? La météo est capricieuse à cette époque de l’année, on ne sait jamais à quoi s’attendre d’un jour sur l’autre.
    Indécise, face à l’armée de cintres et de rayonnages qui me présentent multitude de vêtements multicolores, je songe à la dernière fois où j’ai utilisé ce sac informe imprimé Navy Seals. À cette époque je ne me posais pas de question, un vieux jogging élimé et des baskets suffisaient à mon bonheur. Soudain je me rends compte que je devais être sacrément haut perchée dans ma détresse pour avoir conservé les vestiges de la vie de misère que j’ai mené un temps. Durant quelques minutes je me vautre dans mes émotions, je me shoote à la mélancolie morbide. Tout ce vague à l’âme est bien dérisoire et surtout inutile, je dois avancer, je me le suis promis. Pourtant je me rappelle avoir demandé à Ash de ne pas le jeter afin de me souvenir d’où je suis revenue, maintenant c’est plaie béante à mes yeux et j’aimerais que ce détritus disparaisse de ma vue sans avoir à y toucher. D’ailleurs comment a-t-il atterri dans ce compartiment de ma garde-robe? Et surtout, quel besoin avais-je d’ouvrir ce tiroir? Mais oui, c’est ça, le déménagement. J’ai eu tellement à faire et à trier que dans tout le bazar que nous avons ramené de l’appartement, j’ai dû le poser à l’arrache et l’oublier là.
    Un jean, un t-shirt à manches longues et une surchemise à carreaux. Me voilà parée pour affronter les premiers frimas du plateau. Oui, ce matin ça pèle.
    Il m’arrive encore de tomber de Charybde en Scylla, moins souvent que par le passé et surtout lorsque c’est jour d’ouverture du zoo. Je m’explique. Mon moral est au trente sixième dessous quand les fourmis dévoreuses de cartilage brûlent mes membres, quand le piranha arrache à pleines dents mes muscles endoloris, quand le rat affamé grignote chacune de mes articulations. Ce supplice est dirigé de mains de maître par un samouraï expérimenté, gardien de cette ménagerie infernale. J’ai parfois la sensation que l’on tranche mes talons avec des lames effilées. Vivre avec une S.A est un cauchemar, un supplice qui se manifeste sans prévenir, par poussées, activant le picotement aigu qui se propage dans les nerfs de mes jambes à chacun de mes pas. Je reconnais que ma description de la maladie est des plus imagée, mais c’est ce que je ressens quand je suis en crise et cela me démoralise, m’exténue et ouvre mon esprit aux idées … farfelues. Cela dit, si cent quatre-vingt mille personnes, et quelques, parviennent à s’en accommoder, pourquoi pas moi?
    Que me serait-il arrivé si je n’avais pas croisé le chemin de Bébé? Je ne cherche plus à répondre à cette question. Prends soin de ton intérieur et choie-le me dit souvent Ash, laisse ton cœur sauter les abîmes et cultive humblement tes valeurs, personne n’est arrivé par hasard dans ta vie et quiconque tu laisses venir à toi est ton avenir. Ash, mon pilier, ma lumière au bout du tunnel.
    En parlant de Bébé, il dort encore profondément à l’étage, et dois faire disparaître ce bric à brac illico presto avant qu’il ne me surprenne le nez dans ce ramassis d’immondices. Je viens de me souvenir que me suis levée tôt afin de lui préparer un super petit-déjeuner.
    Je ne peux me résoudre à me débarrasser du contenu du sac sans y avoir jeter un coup d’œil. Bonne Mère, l’odeur épouvantable qui s’en dégage quand je l’ouvre oblige mon esprit à se souvenir de la dérobade à la sauve qui peut, quasi irrépressible, qui me saisissait à chaque fois que mon angoisse s’amplifiait, à chaque fois que la peur du monstre me rongeait.
    Sans doute était-ce ces relents de misère qui me poussait à fuir toujours plus loin.
    Que de maigres possessions. Des vêtements crasseux, roulés en boule. Un tanga fuchsia, un autre d’une couleur indéterminée, des chaussettes jaunes à cœurs roses, une nuisette grise tachée, une des bretelles a même été arrachée. Rien de séduisant, c’est une question de sécurité pour une femme seule à la rue. Un T-shirt troué et le vieux jogging qui me servait de peignoir de bains lorsque je me rendais aux bains-douches complètent cette imposante garde-robe. De vieilles baskets éculées et … le plaid abject de Lamine? En repensant à son repaire qui sentait le fauve, posséder une imagination débordante ne m’est pas utile pour deviner ce à quoi servait cette couverture immonde. Beurk, je la propulse avec dégoût loin de moi.
    Une serviette de toilette qui sent le moisi, c’est une infection, sert de refuge à un petit chat bleu en peluche et à une lampe torche Bugs Bunny. Oh Bonne Mère, que ça fait mal. Pas étonnant que je gardais ces deux reliques aussi précieusement, elles appartenaient à Sonia. Un flacon vide de déodorant pour homme, une pochette de DVD orpheline de sa couverture et de son disque argenté, je crois me souvenir que j’y planquais mon argent lorsque j’allais prendre une douche. Le B.A BA de la rue, ne jamais rien laisser sans surveillance. Un livre de poche aux pages écornés, certaines ont été arrachées, un numéro du National Geographic consacré à la Louisiane, un petit tupperware à l’aspect si peu ragoûtant que je me garderais bien de l’ouvrir et … une clé à moitié rongée par la rouille? Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’elle pouvait bien ouvrir. Voilà à quoi se résumaient mes richesses de l’époque. Il est certain qu’avec cette collection d’objets hétéroclites je ne risquais pas de prendre le melon.
    Le temps de l’émotion est passé, la poubelle est pleine, lampes torche et peluche comprises, le fourre-tout se trouve dans le fond du bac à linge; bientôt il tombera dans l’oubli.
    À peine ai-je terminé la préparation du petit-déjeuner que j’entends Ash dévaler les marches en sifflotant. Je sais pourquoi monsieur est de si bonne humeur ce matin et je souris malgré moi. J’ai droit à un baiser rapide et il se précipite sous la douche. Pancakes, œufs brouillés, raisin blanc, thé et jus d’ananas. Nous avons fait dînette en amoureux et moi qui d’ordinaire mange peu, j'ai dévoré deux pancakes et des œufs brouillés.
    Un cauchemar ayant repeint mes rêves en noir, il m’a fallu prendre une douche vers trois heures du matin. Je grelottais dans le lit, trempée de sueur. Ce n’est pas la première fois que cela m’arrive et seul le déluge dru de la douche peut m’apaiser dans ces moments-là. Ce qui a suivi celle de cette nuit a bien contribué à me détendre aussi. Je ne croyais pas avoir réveillé Ash, pourtant quand je suis sortie de la salle de bains il m’a happé par la taille, arraché la serviette qui me couvrait et à peine avais-je eu le temps de lui dire salut Bébé que déjà le sacripant me râpait les fesses et le dos contre les briques du mur. Il est doué le bougre, je ne savais plus qui j’étais en me recouchant et je me suis endormie avant que ma tête ne touche l’oreiller.
    Je confirme, cet homme est un pervers. Son regard était par trop expressif lorsqu’il m’a proposé son aide pour ôter de la table, les reliefs du petit-déjeuner. Les yeux de Bébé exprimaient la lubricité à l’état pur, cela aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Éponge en main, je ramassais consciencieusement les miettes éparpillées sur le plateau lorsque cet escogriffe a entouré ma taille de ses bras et il ne lui a fallu que quelques secondes pour dégrafer le bouton de mon pantalon. En moins de temps qu’il ne me faut pour l’écrire, mon jean et ma petite culotte enserraient mes cuisses et ses mains vagabondaient sur mes fesses. Les baisers qu’il déposait sur ma nuque étaient si convaincants que j’ai laissé monsieur m’honorer à la sauvage, c’est très agréable si l’on sait bien s’y prendre. Ash maîtrise à la perfection l’assaut félin qui mordille sa femelle dans le cou tandis qu’au plus fort de ses assauts il se cramponne fermement à mes hanches. J’admets, l’exercice est rude et il me faut un peu de temps pour me remettre de ces incursions animales. Je suis revenue lentement à la réalité, me retrouvant bêtement l’éponge encore à la main. J’ai eu droit à une tape sur les fesses et Bébé a disparu sans un mot.
    J’ai besoin de reprendre mes esprits avant de rejoindre monsieur bang-bang qui doit certainement être en train de bichonner son joujou à l’étoile argentée. En regardant la pendule, je m’aperçois que l’heure du déjeuner n’est pas si lointaine, comme souvent l’ogre va être affamé. Je mets une batavia à tremper, je sors du garde-manger l’énorme quiche faite maison que m’a apporté Mamaiette hier et je vérifie que j’ai assez de fruits pour agrémenter le fromage blanc prévu en dessert. Le ciel est voilé et les arbres agitent leurs branches, pourtant il ne fait pas froid. L’automne est là, mais l’on a connu pire. Je pensais trouver Ash en train de briquer amoureusement la carrosserie de son bolide … il est encore plus fou que je ne le pensais.
    En début de semaine, Marceau a entreposé sous le hangar le bois de chauffage que je lui ai commandé, et là je découvre Ash en train de le déplacer le long du mur afin de récupérer un large espace, pour garer sa voiture à l'abri des intempéries me dit-il. Il faut le voir pour le croire. Ses séjours à la Petite Paix sont censés lui offrir repos et détente et voilà que cette fois-ci ce grand malade ne trouve rien de mieux que de brouetter plusieurs stères de bois. Deuxième douche de la journée pour Bébé, il est pratiquement treize heures trente lorsque nous passons à table. Ensuite, le soleil nous ayant gratifié d’une visite zélée et ardente, sans doute l’une des dernières de la saison, nous nous sommes installés pour une sieste lézard sur la balancelle.
    Bébé est soudain très câlin, il m’embrasse tendrement en me serrant très fort contre lui.
    – Chouquette, si tu savais combien tu me manques lorsque je suis à Londres! Rien qu’au ton de sa voix je devine qu’il désire une conversation sérieuse.
    – Je suis bien conscient ma petite souris que tu viens de t’installer dans ton cocon douillet! S’il commence à me faire ses yeux de cocker, je suis foutue.
    – Tu souhaites aller de l’avant, gérer ta santé, commencer à étudier n’est-ce pas? Réfléchis, Londres n’est pas un trou perdu en rase campagne! Tu pourrais…! Il ne poursuit pas sa phrase car mon regard a été suffisamment éloquent. Pour les mois à venir je privilégie ma reconstruction et celle-ci doit se faire dans le terreau de mes racines. Je croyais qu’il avait compris que retrouver mon indépendance m’est primordial.
    – Tu peux y réfléchir, tu n’es pas obligé de faire tes bagages dans la minute qui suit! Cela ne me fait pas rire et e n’ai pas envie d’entretenir le suspense, non reste non, il est hors de question pour moi de le bercer d’illusions. Il n’insiste pas, une tendre caresse sur ma joue, un long soupir de déception et la discussion s’arrête là. Il y reviendra tôt ou tard c’est certain. Ses yeux se ferment, son corps se détend, il finit par s’assoupir.
    Impossible pour moi d’anesthésier mes doutes et mes convictions, ils envahissent ma tête, s’immiscent dans les replis de mon cerveau et parasitent mon discernement. Dans ces conditions je ne peux que regarder les nuages qui dansent au loin au-dessus du col et réfléchir à ce qui me préoccupe.
    Bébé souhaite ma présence, ce sont nos instants de tendresse qui nous font surtout défaut lorsque nous sommes trop longtemps éloignés l’un de l’autre. Trois semaines c’est une éternité pour lui comme pour moi.
    Le sexe n’est pas le souci, si un peu tout de même, mais Ash est parfaitement capable de faire taire sa libido. Ce qui lui manque réellement ce sont nos têtes à têtes frivoles, nos lectures collé-serré, nos promenades main dans la main, nos parties de scrabble, nos dînettes improvisées et nos fous rires qui partent d’un rien.
    Pour moi, le meilleur des moments privilégiés que je passe en sa compagnie, est celui où Ash me fait partager les aléas de sa fonction. Il lui arrive de buter sur l’interprétation d’un dossier, et en dernier recours il se risque à me demander mon avis. Je n’y connais absolument rien, mais mon statut de profane en la matière me donne parfois l’inspiration. Il me noie de compliments lorsque de l’une de mes élucubrations vient la conclusion tant recherchée.
    Pourquoi est-ce que je décline obstinément la proposition de Bébé?
    J’aime la résidence de Philip et Dorothy, j’aime le parc dans lequel je peux disparaître, j’aime cette campagne aux bruyères envahissantes et colorées qui les entourent. Le compliqué pour moi est la vie sociale éprouvante que mènent les parents de Bébé. Le regard, pourtant bienveillant, de leurs employés me gêne, je ne suis pas habituée à me faire servir, je ne me sens pas à ma place.
    Je suis têtue mais je ne veux pas non plus entendre parler de l’appartement de famille au cœur de Londres. En l’état, ce n’est ni plus ni moins qu’une gentilhommière pour vieux beau. Lorsque Mumy se refusait à accueillir les conquêtes éphémères de ses fils, ceux-ci s’y installaient afin de vivre pleinement leur liaison. Je ne m’y suis rendue qu’une unique fois, je déteste carrément, c’est vieux, moche et sans âme véritable. Les enfants de Donald l’ont également occupé quelques mois, le temps de trouver un refuge en co-location, un mode de gîte très apprécié par les enseignants nouvellement affectés m’a-t-on dit.
    Au terme de mes réflexions, je prends conscience que mon peu d’enthousiasme à rejoindre Ash de l’autre côté de la Manche vient de ce que je préfère l’isolement à la promiscuité. J’apprécie d’être seule, et surtout cela me permet de laisser Bébé dans l’ignorance de mon état. Certaines des crises de spondylarthrite qui drainent mon énergie sont impressionnantes, rapprochées et en rafales. Ces jours-là je pourrais quasiment compter mes vertèbres tant la douleur est différente de l’une à l’autre. Non je n’exagère pas, mes membres inférieurs deviennent aussi raides qu’un passe-lacet et je suis hystérique de sentir mon autonomie se restreindre peu à peu. Je tuerai père et mère pour que cela cesse. En vérité, la raison qui me pousse à rester à la Petite Paix est qu’il n’est pas question que j’impose mon infirmité naissante à Ash. Je dois admettre aussi que le courage me manque pour entreprendre un nouveau parcours de santé là-bas alors qu’ci tout est prévu au cas où il faudrait m’hospitaliser à domicile.
    Mes pensées sont remises à plus tard, Ash se réveille. Sexy en diable ma Canaille avec son tatouage et sa barbe de trois jours. En supplément, le bonhomme à l’air de se trouver dans le même état d’esprit qu’en milieu de matinée. Voilà un rodéo qui promet d’être … scandaleux. Je confirme, cela a été salace et sensuel.
    La fin d’après-midi est studieuse pour Ash qui étudie un nouveau système de classement pour ses fichiers de communication en interne. Je le regarde en rêvassant, c’est le plus que je puisse faire. La faute à qui?
    Jouer aux amoureux passionnés en tamponnant les murs, se divertir tout en bestialité comme deux animaux en rut et égayer une sieste d’une chorégraphie coquine demande beaucoup d’énergie. Ce soir c’est relâche. D’ailleurs il me semble que mon étalon viril ressent lui aussi les effets de la fatigue, sitôt le repas terminé il se laisse choir dans le canapé.
    Oserais-je me risquer à lancer la conversation sur le sujet qui tue, à savoir ma voiture.
    - Mylhenn, c’est hors de question! Tu ne t’assiéras pas au volant d’une caisse à savon!
    J’aurais dû me taire, mais cela a le mérite d'être clair au moins. Lorsque monsieur utilise mon prénom, c’est sans appel. La mini, ce sera dans une autre vie. Je me rends aussitôt à l’hôtel du cul tourné pour marquer le coup. Cette expression élégante vient de Marcel, elle signifie faire la gueule. Chez Madam’ l’on dit battre froid. Bouder n’est pas signe de grande maturité et je m’en rends bien compte, mais cela a au moins le mérite d’atténuer ma déception. Le despote vient de lâcher prise, il est tellement craquant lorsqu’il s’abandonne au sommeil. Même endormi, Ash possède le pouvoir d’embellir ma vie, mes insomnies.
    Ça y est, j’ai trouvé. C’est la clé de l’un des vestiaires aux bains municipaux…

    MoN PReMieR CeRCLe… 4 Octobre 2016

    …Aujourd’hui est un jour sans. Mes jambes me portent avec peine, mais ça va le faire, muévete Mylhenn!
    Faire l’entretien de mon intérieur est très difficile lorsque je suis de rouille, heureusement Florence me porte secours avec diligence. C’est dérisoire, mais le moins que je puisse faire, c’est laver mes couverts et mon assiette. Injections d’anti-inflammatoires et séances de kinésithérapie m’interdisent les gros efforts. Mes souffrances s’assoupissent, mais je me sens … vieille. Fatiguée. Et dire qu’il y a une semaine à peine de là, je répondais aux propositions malhonnêtes de ma Canaille. Aujourd’hui je serais bien incapable d’exécuter la chevauchée de l’amazone, même s’il m’en suppliait.
    Je déteste les araignées, et avec l’automne qui s’installe pour de bon, ces bestioles cherchent un endroit où réchauffer leurs longues pattes griffues et velues. Elles en possèdent trop à mon goût. Je viens d’en découvrir une, confortablement installée sur le mur de briques, près de la cheminée. Un monstre. C’est ma faute si ce genre de visiteur se permet de m’imposer sa présence. J’ai demandé à Bébé de me rentrer du bois pour le cas où il me faudrait faire une flambée. Je ne voulais pas d’une caisse encombrante, aussi lui ai-je demandé de construire une pyramide Kapla avec les bûches comme le font mes tantes aux terres. Il suffit ensuite de balayer les écorces et les petits déchets au fur et à mesure que l’on retire un tronçon du tas.
    Seulement voilà, il arrive que sous les écorces se dissimulent des visiteuses indésirées.
    Aujourd’hui Florence est plus en forme que jamais. Je dirais qu’à elle seule, elle incarne la fée du logis et la tornade blanche, rien ne lui résiste. Elle me donne le tournis. Du coup je suis allée m’isoler à l’étage. Depuis quelque temps une idée me trotte par la tête et j’ai pour but de la faire se concrétiser. Je voudrais recevoir mes Charlies dans mon humble demeure, leur offrir l’hospitalité pour quelques jours.
    Ash va être absent suffisamment longtemps pour que je lance immédiatement les invitations. Bébé n’ignore aucun de nos faits d’arme, de nos méfaits devrais-je dire, mais pour moi ces retrouvailles sont primordiales et elles doivent se faire uniquement entre les membres de notre ancienne communauté. Si la Bonne Mère est compatissante, elle me permettra de tous les retrouver.
    Sofian, le dernier arrivé au squat, est le plus facile à trouver, il est en prison. Pour lui la fracture sociale n’a cessé de s’élargir, année après année, et comme la plupart de ceux de sa génération dont les parents ont baissé les bras, il paie chère la note. Il n’a ni le bon prénom, ni le bon accent, ni l’envie réelle de s’intégrer. Nous ne lui avons pas été d’une grande aide, nous nous éparpillions pour nous reconstruire lorsqu’il nous a rejoint. Il n’est pas d’un caractère facile, en plus d’un délit caractérisé, il a joué de violence lors de son arrestation, ça lui a porté préjudice. Malgré sa gnaque, William n’a pas réussi à lui éviter l’incarcération.
    Je suis certaine qu’Ahmed me trouvera les coordonnées de chacun. Comme chacun de nous j’ai gardé contact avec lui, il est toujours fidèle à ses principes, redistribuant ses invendus aux plus nécessiteux.
    Lamine, qui l’eut cru? Une jeunesse agitée et aujourd’hui il est responsable d’une supérette de quartier. Les tombées de camion sont loin derrière lui. Ma magnifique Fortunée a un emploi à plein temps et un compagnon, Pierrot, qui profite de ses petits plats créoles. Si, à une période pas si lointaine de mon existence j’avais un peu de chaleur au corps en dehors de la vodka, c'était bien grâce à Fortunée. Brave, elle nous concoctait des plats épicés et des gâteaux sur l’immonde cuisinière que les gars avaient récupéré aux encombrants. Une antiquité. Je n’ai aucune idée d’où ils sortaient les bouteilles de gaz indispensables à son fonctionnement. Je radote, je le sais, mais le pire c’est que d’un coup de baguette magique, ma carte bancaire, j’aurais pu assumer toutes nos dépenses. C’est triste à reconnaître, mais cette semi-délinquance me plaisait, grâce à mes frasques je me fondais dans la masse des invisibles.
    Sonia n'a jamais compris pourquoi je préférais ce simulacre d’existence qui selon elle ne me mènerait à rien. Elle n’avait pas tout à fait raison, cela m’a en partie rendu mon côté rebelle. Même si elles n’étaient pas cohérentes, je prenais moi-même mes décisions. Et d’une certaine façon c’est la confusion mentale dont je souffrais qui m’a maintenue en vie.
    André, soixante et un an. J’ai appris qu’il possède un appartement dans le vieux Saint-Jean et il a trouvé un emploi dans un atelier de restauration de meubles pour une association. Je me souviens avec quel plaisir il barbotait dans la baignoire de Bébé, l’un de ses cigares vissés aux lèvres.
    Ash est vraiment de bonne composition pour avoir supporté nos lubies. J’admets, j'invitais tout ce joli monde lors de ses absences, ainsi Mady, la femme de ménage, avait le temps de nettoyer le joyeux bazar que nous laissions derrière nous avant son retour. Cette personne était insupportable, toujours à surveiller mes faits et gestes, soi-disant que Monsieur le lui avait demandé. Ash ne m’aurait jamais proposé de m’héberger s’il n’avait pas eu confiance en moi, c’est pour cela d’ailleurs qu’aucun de mes hôtes ne s’est permis de se servir le délester de quoi que ce soit. J’avais une chance de m’en sortir ils ne tenaient pas à la bousiller. Les loulous avaient la main leste, mais nécessité fait loi. Personnellement j’ai failli me faire gauler pour une boîte de tampons, je sais c’est cliché, n’empêche que je n’ose même pas imaginer la honte ressentie si l’on m’avait arrêté. D’autant que j’avais largement de quoi les régler en caisse.
    Une ou deux fois il est arrivé qu’Ash rentre à l’improviste. Dans ces cas-là il n’élevait jamais la voix. Ne faisait jamais de commentaires désobligeants devant mes compagnons. Son regard parlait pour lui. Les loulous prenaient la porte rapidement en le remerciant de son hospitalité. Ensuite le lendemain je n’avais pas intérêt à trop la ramener. Mady n’oubliait jamais d’en rajouter une couche. Toutefois je me dois de préciser que malgré son sale caractère, cette personne a été très dévouée à mon chevet lorsque j’ai eu ma première alerte cardiaque et ma pneumonie.
    Anne et Myriam. Deux gamines paumées qui transformaient la salle de bains en piscine en plongeant dans la baignoire. Le flacon de gel de bains de Bébé disparaissait dans la soirée. Là il râlait au possible. J’ignore ce qu’elles sont devenues, elles aimaient un peu trop les herbes folles et je souhaite qu’elles aient trouvé le courage d’abandonner cette redoutable pratique.
    Grégoire et Brigitte seraient sur Nice. Quant à Misa, elle a sympathisé avec Éric et ils seraient en couple à présent. Personne n'a de nouvelles de Victor. C'était déjà un solitaire à l’époque, il aimait nos rassemblements car il y trouvait un repas chaud sans avoir à se justifier.
    Le travail de certaines associations est remarquable, mais un manque d’humanité et de diplomatie y règne. Certains de leurs membres ne trouvent pas toujours les bons mots pour convaincre les sans-logis d’accepter ne serait-ce qu’un bol de soupe, et d’autres sont tellement infatués d’eux-mêmes qu’ils se vantent d’être les bons anges des parias qu’ils assistent. Parias n’est pas forcément le mot qu’ils utilisent.
    Je ne ressens aucuns regrets ni honte d’avoir vécu ainsi. Au squat je lâchais prise, oubliant que les acolytes de Christian me guettaient dans l’ombre, dans les replis de ma névrose surtout. Je resquillais dans les transports, je défiais l’autorité pour un paquet de chips ou une pomme, je n’hésitais pas à insulter quiconque me regardait de travers et lorsque je regagnais la cour des miracles, je me sentais chez moi.
    Nous ne possédions qu’une bâche pour tout toit, un réduit aux odeurs rances pour dormir et une fosse ignoble en guise de toilettes, pourtant je crois pouvoir dire que cet endroit a été pour moi, pendant un temps, le palais des mille et une nuits. À présent c’est un immeuble de grand standing qui dresse fièrement ses dix étages sur le terrain que nous occupions. Quelques-uns des étages accueillent des bureaux et des entreprises de ventes en ligne. Quant aux niveaux restants ils sont destinés à la location d’appartements de luxe. Loyer moyen, deux-mille-deux-cents euros, tout est dit.
    J’ai vraiment hâte de les revoir. Ont-ils réparé leur monde, ont-ils gardé de bons souvenirs de notre communauté? De prime abord je n’étais pas des leurs, mais ils ont accepté que mon tout se réunifie parmi eux. Je devais me dissoudre dans l’adversité afin de réintégrer ma respectabilité. Je n’avais pas de soucis de fin de mois difficile, mais je répugnais à me servir de cet argent qui me tombait du ciel douze fois l’an. Je n’utilisais ma carte bancaire que dans des cas extrêmes, mes excès, mon intense. Vodka, soirées folles et … ma fureur contre le monde entier qui me poussait à me mettre en danger. Au cœur de la ville il existait, peut-être est-il encore là, un quartier mal famé dont aucun riverain ne soupçonnait l’existence, un peu comme dans les bas-fonds des grandes mégalopoles, en moins crade. Au plus obscures de mes envies, je me faufilais en ce lieu afin de m’oublier, de me perdre. Si je veux résumer cette misère sans entrer dans les détails je dirais que cette noirceur-là n’est visible que de ceux qui la pratique. C’est là-bas que je trouvais mon apaisement sous forme de dragées roses. J’ai failli en mourir.
    Parfois, je me demande si la chronologie des évènements qui surviennent dans notre vie n’est pas déjà programmée avant notre naissance. Étais-je condamnée à expier mes fautes d’une vie antérieure immorale, d’un douloureux purgatoire durant ma prime jeunesse? Tous ceux qui me côtoient s’entendent à dire que je suis compliquée dans ma tête. Ils n’ont pas tort. Il me faut encore du temps, beaucoup de temps pour renaître de moi-même car à chaque nouveau bonheur qui m’est donné, je me sens coupable.
    Tomber de cheval et se remettre immédiatement en selle. Dixit Nadège…

    SaDNeSS & HaPPiNeSS... 10 Octobre 2016

    …je dédie ce chapitre à ceux qui m’ont tourné le dos. À ceux qui me poussaient aux abysses!
    Aujourd’hui je suis en mesure de les en remercier vivement. C’est grâce à leur scepticisme et à leur défiance que j’ai réussi à progresser. Les incrédules étaient voués à l’oubli et je n’en désire plus souvenir.
    « Je ne suis pas encore ma meilleure amie, mais moi et moi commençons à nous apprécier » Celui à qui cette phrase est destinée se reconnaîtra, mais je doute qu’il ait pris conscience que se sont ses humeurs peccantes qui le guidaient. Je suis intentionnellement blessante, il le mérite.
    Au cours de mes pérégrinations sur la toile, je n’ai rencontré que deux personnes véritablement sincères en paroles. Elles ont contribué à mon ouverture aux autres.
    La première est un gentil garçon dont j’ai encore plaisir à lire les rares mails qu’il m’envoie. Il méritait de trouver la lumière de sa vie. Il pensait que le bénévolat n’était pas ce qu’il me fallait, selon lui mon clair-obscur était encore trop présent à ma mémoire. Il s’est avéré qu’il avait raison. Nous résidions à deux kilomètres l’un de l’autre, mais nous ne nous sommes jamais rencontrés. Disons que lui ne me savais pas à portée de regard. Lyon Part Dieu offre des angles de vue … très étendus. Tanga vert d’eau et petite jupette d’écolière ou string bleu et short riquiqui ou encore nuisette et chaussons. Toutes nos conversations en messagerie instantanée débutaient ainsi. Jamais rien de plus, c’était notre code d’entrée dans l’univers sain que nous nous étions créés sur une plateforme répugnante. C’est quoi un Ashlimd m’avait-il demandé la première fois où je lui ai parlé de Bébé. Jamais je n’ai autant ri que ce soir-là.
    Mon deuxième compagnon d’espoir était un peu plus âgé, beaucoup plus mature. Il a remarqué mes progrès en écriture et m’en félicite régulièrement. Ses apparitions sont des bouffées d’air pur qui me permettent de me réconcilier avec moi-même. Je ne suis pas encore entièrement présente dans ma tête, je progresse sûrement. Il est une citation d’un écrivain chinois sur laquelle je travaille en ce moment avec ma thérapeute que je désire inscrire dans mon journal de palingénésie.
    « L'espoir est semblable à un chemin de campagne, le chemin n'a jamais vraiment existé, mais si beaucoup l'empruntent, il finit par apparaître » Bébé, Sam et Patricia, sont les membres actifs de mon premier cercle, ils ouvrent le chemin sur lequel je tente de marcher avec confiance.
    Bébé est déconcerté, le dossier sur lequel il travaille l’accapare au point qu’il en stresse vraiment, jamais cela ne lui était arrivé. En fait le Big Boss du service les a avertis, lui et ses collègues, qu’il s’agissait d’une évaluation afin de les répartir plus tard dans de nouveaux services. Ash tenait pour acquise sa sélection, et là tout est remis en question. Mon grand homme est déstabilisé. Nous avons skyper jusqu’à deux heures du matin et il m’a quitté en me faisant promettre de ne pas commettre d’imprudences.
    Je suis dans le même état d’esprit qu’un minot qui attend le père Noël. Excitée, impatiente et préoccupée. Mes zoulous seront bientôt là. La cloche du rassemblement a sonné et la plupart a répondu favorablement à l’appel, je suis refaite et … délirante.
    Florence m’a ramené les courses que je lui ai commandé, il y a de quoi soutenir un siège. Je connais le péché mignon de chacun alors je veux nourrir leur gourmandise. Les mets et les boissons sont pour moitié du succès d'une réception disait Maë Lynette. Pour ce qui est de la boisson je n’envisage pas de nous mettre la tête à l’envers. Que je replonge dans mes travers effraie Bébé d’où ma promesse de ne pas me livrer à mes démons. Il lit en moi comme dans un livre ouvert.
    Ceci dit je me suis rendue compte qu’il triche. Il dispose -disposait- d’une espionne dans la place, à savoir une pie, l’infirmière en charge de mes soins. Elle lui a révélé que les résultats de mes dernières analyses et examens n’étaient pas ceux auxquels s’attendaient le neurologue et le rhumatologue, la maladie a évolué plus rapidement que prévu. Je ne contrôle pas mes colères et Anne en a pris plein la tête. Ash est fragile en ce moment, elle n’a pas à bavasser dans mon dos. D’ailleurs, ce n’est pas parce que Bébé sera tenu au courant de mon état au jour le jour que ma S.A ne développera pas de nouveaux symptômes. Petite mise au point faite avec l’IDE, j’ai tenu à ce que ce soit clair pour Ash aussi. Qu’il se tourmente à mon sujet est normal, mais je refuse qu’il en fasse plus qu’une simple préoccupation.
    Je désirais plus que tout baptiser ma cheminée dans le respect des traditions, mais ça y est les soirées sont trop fraîches et humides pour que je retarde la première flambée. Je ne peux plus attendre les sarments de la taille de novembre, Marceau m’a apporté ceux qu’il lui restait de l’an dernier. Mémé me pardonnera.
    Je vais faire la connaissance de celui qui a réconcilié Forty avec l’Homme. Pierrot doit vraiment posséder une grandeur d’âme et une force de caractère à toute épreuve pour s’accommoder des lubies Fortunée.
    Le présent et l’avenir font la course, le chas de l’aiguille du temps est trop étroit. J’ai hâte...

    HoW GReaT We aRe ToGeTHeR… 18 Octobre 2016

    ...Mes émotions m’emportent, je suis comme grisée, ivre d’amitié. Ils sont là!
    Je ne trouve pas de mots assez forts pour exprimer ce que je ressens. L’excitation des retrouvailles fait que nous pleurons tous à chaudes larmes, moi plus que les autres me semble-t-il. Le ciel y met également du sien. J’avais prévu un barbecue et il pleut des cordes. Rien de dramatique, le hangar sert d’abri. Là au moins, les pommes de terre grenaille ne se transformeront pas en de vulgaires patates à l’eau.
    Au campement Charlie, à cause du feu que nous entretenions avec des palettes, nous aurions pu passer pour de véritables jambons fumés, alors je suis persuadée que ce n’est pas une rôtissoire artisanale qui va les incommoder. Grégoire et Brigitte arrivent en retard, hilares parce que leur GPS refusait d’enregistrer le quartier Alceste. Adresse inconnue disait-il.
    Mon esprit refuse encore d’y croire. Mon regard va des uns aux autres et franchement des égarés qu’ils étaient, que nous étions, il n’en reste plus rien. C’est en cet instant de bonheur que je prends conscience que j’ai grandi moi aussi. Certes ce sont toujours des gais lurons et de joyeux drilles, mais tous sont tellement plus … élégants. Avec la volonté de s’en sortir combinée à une hygiène de vie raisonnable ils ont récupéré leur force d’âme. Ils sont magnifiques.
    Le compagnon de Fortunée me plait vraiment, Pierrot est d’un naturel enjoué, il me semble être une bonne personne. Tutoiement obligatoire de mise. À peine Forty nous l’a-t-elle présenté que celui-ci se propose pour la corvée lavage de pommes de terre. Il n’a pas à aller bien loin, les chenaux débordent de la pluie qui ruisselle, un véritable déluge. Heureusement que je disposais d’une solution de repli, elle nous ramène six ans en arrière. Bâche et semi obscurité chaleureuse, lumière diffuse des lanternes et … cuisine généreuse.
    Myriam est devenue une splendide jeune femme, rien à voir avec le zombie, accro aux herbes folles du squat. À présent elle est équilibrée et rayonnante, elle a su rebondir à temps.
    SDF un jour, SDF toujours? Non c’est faux. Il faut oser reprendre contact avec la multitude et il arrive que la providence offre ses bienfaits sans contrepartie. J’essaie de m’en convaincre là. Le parcours qui va de la survivance à la réhabilitation est extrêmement laborieux, j’en sais quelque-chose.
    Anne regrette de n’avoir pu se libérer, mais le voyage en Thaïlande en compagnie de ses parents était prévu depuis plusieurs mois. Dans son mail, elle m'assure que nous aurons d'autres occasions.
    J’offrais peu de leur peau, mais Anne et Myriam ont eu la chance d’être soutenus par une association créée par des toxicomanes revenus des abysses. Ce n’est qu’une fois le droit chemin rejoint que Myriam et Anne ont été à nouveau admises parmi les leurs. Sans commentaires, je n’ai pas à juger moi aussi j’ai à faire à de froids égoïstes.
    Concentré de joie, mieux, un condensé de bonheur, la fête est lancée.
    Depuis quand Lamine est-il devenu sérieux? Ses responsabilités le retiennent loin de nous. J’apprécie sa nouvelle personnalité, cela prouve une fois encore qu’à force de volonté l’on peut s’élever.
    Ma chère Fortunée me trouve radieuse mais … je lui ai confié certains des désagréments occasionnés par ma maladie et elle me trouve bien courageuse. Si elle savait.
    La veillée s’est prolongée jusqu’à pas d’heure et emplis de nostalgie, nous avons déposé des couchages dans la petite cabane. Sans doute une séquelle commune d’un passage dans la rue, mais dès qu’ils ont eu une trésorerie confortable, les loulous se sont tous achetés un sac de couchage grand confort. Et tous sans exception, le dispose dans les valises ou les coffres de voiture dès qu’ils entreprennent un long voyage. Je trouve cela … inquiétant. Nous étions un peu à l’étroit, mais au moins nous n’avions pas froid. La crise de fou rire est venue d’une réflexion de Grégoire, celui-ci a fait remarquer qu’il manquait le principal dans ce refuge provençal. Il est trop aéré, au camp Charlie, c’étaient les odeurs fétides et les pets intempestifs de certains qui veillaient sur notre mauvais sommeil.
    Matin ciel bleu azur et le soleil redresse fièrement ses rayons. Il le peut, il est presque dix heures lorsque nous émergeons. Le petit-déjeuner est le bienvenu, nous sommes encore dans un état de somnolence avancée. Pierrot, André, Grégoire et Éric engagent la conversation sur mon extérieur. Ils ne prennent pas de gants pour me faire savoir ce qu’ils en pensent. Les huisseries et les volets de la maison de mémé crient misère. Je le crois volontiers, mais je ne me sens pas de folâtrer, le pinceau à la main, sur un escabeau, d’autant que les grands froids approchent. Il est même prévu que Marcel vienne au printemps pour poncer les volets et les peindre cet été. Les dames aux fourneaux et les messieurs au boulot. Éberluée, je les vois décrocher la vieille échelle de pépé Virgile, ils dépendent les volets, puis ils ôtent les portillons et les battants de la remise sous le hangar. L'atelier restauration est officiellement ouvert et j’ai beau protester, rien ne les arrête. Une fois les achats à Mr B. terminés, nous avons de la peinture pour traiter une cinquantaine de volets et autant d’avant-toits, j'exagère à peine. Ils ont zappé le fait que je n’ai pas d’outils, alors ils font une descente chez Marceau. J’ai à peine eu le temps de le prévenir de l’arrivée des Huns. Il a eu besoin de se rassurer, à l’heure de l’apéro il est venu jeter un œil au chantier. La cuisine n’étant pas son truc, Brigitte aide au ponçage et elle s’en sort comme un chef me dit-il. C’est tranquillisé que Marceau rentre chez lui. Et droit dans ses bottes, je ne veux pas d’embrouilles avec Hélène.
    Le repas de treize heures est des plus frugal, pizzas-salade verte, mais Fortunée nous promet deux poulets aux épices sauce coco avec des tonnes de riz jasmin pour ce soir. Le réfrigérateur déborde de fruits, de légumes, et de viandes blanches, j’ai même du lapin prédécoupé au congélateur. De quoi soutenir un siège disais-je quelques lignes plus haut … mais pas de gombos. Et, pas de cuisine mauricienne sans gombos. Impossible de trouver ce légume-fruit dans les deux grandes enseignes de produits frais de la région, il a fallu nous rabattre sur du surgelé. Quinze kilomètres de plus, que de temps perdu pour trois sachets de quatre cent cinquante grammes. Forty ne garantit pas le résultat, mais elle va devoir s’en accommoder.
    À notre retour je remarque un véhicule flambant neuf garé au fond de ma cour. Oh Bonne Mère. Je crois que je vais me trouver mal, mon cœur fait de tels bonds dans ma poitrine que j’en suffoque presque.
    Ahmed, Lamine et … Victor? Je n’en crois pas mes yeux pourtant je ne rêve pas, ce sont bien eux qui se tiennent là devant moi, tous sourires. L’instant surprise passé, je me sens broyée par trois paires de bras et mon visage est trempé de larmes. Victor est devenu un homme neuf qui porte beau sa quarantaine hâlée. Il m’apprend qu’il fait du jardinage en jardins collectifs, ceci explique certainement sa bonne mine. Pourquoi suis-je aussi surprise de le voir ici? Du jour au lendemain il avait quitté le squat sans explications et aucun d’entre nous ne savait où il était passé. Selon Ahmed, il est réapparu en Région Lyonnaise deux ans plus tard, sans jamais confier à qui que ce soit les raisons de sa disparition temporaire.
    Lamine, égal à lui-même et toujours aussi … Lamine. Question compagne, il cherche encore la perle rare. Cela dit je m’en doutais un peu. Il se réjouit de ma stabilité retrouvée, mais il me semble que l’enthousiasme qu’il manifeste à ce sujet est des plus … paisible. Je sais que j’aurais pu être celle qu’il attend, de nombreuses fois il a essayé de me dissuader de poursuivre avec Ash. Oui, j’aime bien Lamine, mais c’est tout et c’est cela qui fait toute la différence entre les sentiments qu’il éprouve pour moi et ceux que je lui porte. Lamine est un prince des ténèbres reconvertit, les préceptes du Coran lui ont été inculqués à coups de ceinture et de menaces, c’est ce qui lui a fait prendre la tangente lorsque sa mère est allée rejoindre le ciel radieux qui l’attendait. Comme deux de ses frères, il apprécie l’alcool et la charcuterie alors je pense que les rivières de douceurs et la maison de la paix, de la félicité et de la joie leurs seront définitivement interdites.
    Apparemment Lamine gagne correctement sa vie, le reste ne me regarde pas. Jamais je ne lui ai posé de questions alors ce n'est pas maintenant que je vais commencer. Sa présence parmi nous est un don de la Bonne Mère. Ahmed lui, a pris quelques rides en plus, mais il est toujours aussi généreux. Il a pioché dans ses réserves afin de nous offrir des fruits confits, des dattes, des figues et des pâtisseries importées du Maroc, elles restent sur les hanches à jamais, mais Bonne Mère qu’elles sont délicieuses. Et question kilos cela ne va pas s’arranger puisqu’il veut nous concocter demain une recette de son pays, un véritable tajine aux figues. Ce soir encore, mon cœur se gonfle d’émotions diverses. Je suis en état de grâce, je ressens la puissance de cohésion qui nous unit. Un lien invisible et indéfectible.
    Malgré une veillée à rallonge, une ambiance bon enfant règne sous le hangar dès neuf heures du matin. Ils ont quand même bien du mal à maîtriser le rouleau, mais la matinée avançant ils progressent enfin.
    J’ai encore peine à le croire, ils peignent mes volets, ils s’affairent à rendre accueillante ma Petite Paix, pourtant c’est l’attachement qu’ils me portent qui les rend rayonnants à mes yeux. Il n’y a rien de plus apaisant que la chaleur d’un foyer, même recomposé. En fin de journée l’ouvrage est terminé. Lorsque tout est remis sur gonds mes ouvriers bénévoles sont épuisés mais euphoriques. Ils prennent d’assaut les douches. J’aurais aimé que Bébé voit ça lui qui pensait qu’un coin toilette en plus des deux salles de bains n’était pas indispensable. C'est l'effervescence, une sacrée partie de rigolade en se souvenant du temps où il y avait soirée piscine à l'appartement. Myriam a examiné mes os douloureux à la palpation. Et oui, l’ancienne junkie est ostéopathe à présent et elle me fait diverses recommandations que je vais suivre à la lettre. Fortunée s’est mis en tête de nous achever avec le repas du soir, son salmis de lapins aux champignons est un véritable festin. Elle a fait mariner les bestioles aux épices et autres ingrédients secrets deux jours durant. J'observe avec tendresse notre petite communauté et je camoufle d’un magnifique sourire la tristesse qui m’envahit soudain. Je me rends compte que j’ai fait une bêtise en ne partageant pas l’intensité de ces moments en compagnie de ma famille avec Ash. Prévenant, extrêmement généreux dirais-je, celui-ci m’a autorisé à le délester de ses Churchills afin de les offrir à ces messieurs. Le cadeau est fastueux.
    Une pluie battante s’est invitée vers vingt-trois heures trente alors nous nous sommes installés confortablement dans le salon pour y dormir, feu de cheminée obligé. Tout est relatif, lorsque j’écris dormir je crois que le terme exact serait plutôt, essayer de fermer l’œil. En fait nous avions besoin de ce contact pour clore ces retrouvailles réussies. Le réveil est plus que douloureux, nous n’avons plus l’habitude de ces folies il nous faut bien l’admettre. En fin de nuit Forty et moi sommes allées nous pelotonner dans mon lit car la cheminée s’était éteinte et au moment de nous lever nous nous sommes aperçues que trois sangsues nous avaient rejoint avec leur sac de couchage. Sans aucun doute, c’est véritablement cette nuit que mon king Size a été amorti.
    Pas de petit-déjeuner extraordinaire ce matin car le déjeuner est prévu à treize heures au restaurant de ma tante Étiennette à Palavas. Et comme il fallait s’y attendre, celle-ci s'est dépassée pour nous offrir un repas de fête. Après quelques pas sur la plage, Fortunée est allée se faire plaisir en secondant Mamaiette au piano.
    Pourquoi Forty se cantonne-t-elle à un travail de bureau alors qu’elle pourrait ouvrir son restaurant?
    Mes loulous n’en pouvaient plus en sortant de table alors une promenade de santé leur a été nécessaire. Ces quelques pas le long du Lez nous servent aussi à appréhender l’au revoir. Je n’ai pas souvenir d’avoir mentionné Misa dans les lignes qui accompagnent ma résurrection et si je l’ai fait je persiste et signe. Misa, séropositive, rejetée par les siens a été brièvement la compagne d’Éric qui l’a soutenu jusqu’à la fin. Misa est décédée d'une tumeur foudroyante au printemps dernier. Nous avons une dernière pensée pour elle avant de nous quitter, puis ce ne sont qu’embrassades et promesses à tenir.
    Il pleut des larmes d’amour dans mon cœur, elles sont la quintessence de l’eau salée…

    AFTeR RaiN, CoMeS SuNSHiNe... 26 Octobre 2016

    ...Après la tornade Zoulous, c’est un déluge apocalyptique qui s'abat sur ma Petite Paix!
    Les orages se succèdent les uns après les autres et ils provoquent énormément de dégâts. Les tantines sont les pieds dans l'eau aux maraîchages. Les conduites du collecteur menacent de répandre leur eau boueuse jusqu'aux hangars où sont entreposées les denrées de saison. Ce serait catastrophique si tout était gâché.
    Il paraît que les vagues sont si hautes au spot de surf que l’on se croirait à … Palavas. Par ce temps, les rouleaux de la plage des coquilles offrent les mêmes sensations que les flots tumultueux de la côte atlantique m’a-t-on dit. N’en déplaise aux spécialistes, Palavas les flots possède l’un des meilleurs beach break de méditerranée. Fierté chauvine.
    À chaque nouveau grains l'orage monte d’un cran et c'est impressionnant car le fracas de chaque coup de tonnerre se répercute des collines à la grande retenue d'eau et cela dure de longues minutes. La météo n'est pas engageante pour les heures à venir, la région reste placée en zone rouge. Les sols sont gorgés d'eau et les pieds de vignes baignent dans un sol boueux jonché de feuilles hachées. Il a grêlé dur. Cette humidité va finir par m’achever, les anti-inflammatoires ont du mal à faire leur boulot. J’ai l’impression de faire trempette dans de l’eau bouillante, ma chair se décollant de mes os. Cela empire, mais je dois rejoindre Bébé en Région Lyonnaise. Florence me dépose à la gare en me faisant mille recommandations. Oui maman.
    Ash m’a terriblement manqué pendant sa longue absence et des regrets restent à mes pensées. Qu’il n’ait pas été là lors de la visite des Charlies. Je ne peux lui en vouloir, c’est moi qui en avais décidé ainsi.
    Je deviens euphorique à mesure que le train se rapproche de Lyon Part-Dieu. Non seulement je vais pouvoir me blottir dans les bras de Bébé, mais demain nous allons choisir ma voiture.
    Pourtant cela commence mal, le sale temps plombe mon moral et j’ai préparé mon bagage avec réticence. Puis le voyage en train est une vraie galère à cause des inondations, je suis habillée comme pour affronter des froids polaires, mais j’ai été transie du départ à l’arrivée. Acquitté, oublié, balayé dès que mon regard croise celui de mon chéri. En sous-sol sa voiture est prête pour le marathon du lendemain, en attendant nous passons le reste de la journée, installés douillettement dans l’ancien appartement de Bébé.
    Il est d’un pénible question voiture, j’aurais parfois envie de le mordre. Nous avons commencé la valse des concessions à neuf heures trente et lors du déjeuner à treize heures trente, je n’avais toujours pas choisi mon carrosse … vannée, vidée, claquée, épuisée, harassée, éreintée, etc. Je n’en peux plus qu’il me traine ainsi de concessions en concessions, je vais finir par me rebeller. En plus il me prend pour la millionnaire du siècle, non je n'investirais pas quarante-cinq mille euros dans un véhicule qui va me servir une ou deux fois la semaine, et encore. La suédoise –je roule, en latin- pour ne pas la nommer, est un bon compromis entre un trente-huit tonnes et un vaisseau spatial. Je décline, je me sens lilliputienne au volant de ce tank. Mon budget n’est pas à rallonge, je le répète, et dans la famille de Bébé il n’y a de place que pour un seul seigneur aux anneaux et celui-ci vit de l'autre côté de la Manche. Alors niet pour l’allemande aux courbes sensuelles. Ce n’est pas moi qui le dis, mais leur publicité. Si mon problème est la vodka, Ash lui c’est avec l’étoile à trois branches qu’il disjoncte. Ses yeux brillent d’envie dès qu’un modèle récent traverse son champ de vision. Sodishan le taquine souvent à ce propos : Il y eu maître Vergès et ses cigares hallucinants, à présent c’est Ashlimd et sa collection de luxe. C’est à peu près cela, mise à part que son frère n’a rien à lui envier avec ses fauves, je me comprends.
    Que je me souvienne, c’est bien pour trouver MA voiture que nous effectuons ce marathon, non?
    Finalement, en milieu d’après-midi nous retournons dans l’une des premières concessions visitées et Je retente la mini, mais c’est définitivement non. Je porte alors mon choix sur une belle allemande à la cocarde bicolore, boîte automatique. Sécurité et confort, Bébé est satisfait.
    En locataire exemplaire, William entretient impeccablement l'appartement, à croire qu’il ne l’occupe qu’en de rares occasions. Rien n’a bougé dans la chambre de Bébé, elle est telle que dans mon souvenir. Je m’y suis toujours sentie à l’aise, déjà lorsque qu’il m’a recueilli j’y trouvais ma sécurité. Je ne redoutais nulles mains baladeuses ni allusions douteuses. La présence d’Ashlimd et le timbre réconfortant de sa voix apaisaient mes cauchemars. C’est en y pénétrant ce soir que je me rends compte de mes progrès.
    Entre le trekking de la journée et les anti-inflammatoires d’après douche, je suis K.O. Dehors il bouillasse encore comme ils disent par ici, le chauffage n'est pas de trop. Will, la fée du logis a eu la bonne idée de garnir deux étagères du frigidaire. À peine le dîner terminé, j’ai … rampé jusqu’au lit où je me suis écroulée.
    Ash se félicite d’avoir conserver ce pied à terre. Quarante minutes de Saint-Exupéry à ici où un garage en sous-sol abrite sa voiture. Ainsi lorsqu’il quitte Londres, il se repose et prend le volant pour la Petite Paix le lendemain matin. Ma maison est la sienne, il la considère comme un lieu privilégié où il peut se ressourcer. Ses missions sont pour la plupart cérébrales, mais loin d’être de tout repos. Alors dès qu’il se pose au pays des lavandes, Perry Mason se mue en Charles Ingalls. La chemise à carreaux en moins évidemment.
    Bébé et moi avons profité d’être en Rhône-Alpes pour donner rendez-vous à Pat et Marcel dans une petite auberge située non loin d'un endroit que j'affectionne tout particulièrement. La tour de Montléans. L’endroit est énormément fréquenté par des férus d’escalade et cela me désole à chaque fois de constater combien cet envahissement abîme les lieux. Cette pauvre tour se dégrade d'année en année. Je trouve vraiment triste que la disparition de ces vieilles pierres n’émeut personne.
    Pat n'est pas emballée par l'aveu de mon achat, elle me dit s'inquiéter de me savoir au volant. Je suis une grande fille et je ne vais pas me priver de conduire sous prétexte que certains jours je ressemble plus au bonhomme en fer blanc qu'à une gymnaste de haut niveau. Empathique, ma chère Pat tente de me comprendre, elle sait que garder mon indépendance le plus longtemps possible restera toujours ma priorité. Il m’est parfois impossible de poser un pied devant l’autre pourtant me mouvoir lorsque je suis en crise n’est pas une question de volonté, c’est de ma survie qu’il s’agit. Ces jours-là, la souffrance que je m’inflige pour avancer de quelques centimètres masque ma plus grande crainte : le handicap.
    Pat aurait aimé nous garder pour la nuit, mais je préfère redescendre dans le sud. D'aucuns vont dire que ce n'est pas bien prudent de faire autant de route dans mon état et ils ont raison. Toutefois je ne peux l’expliquer, mais j’ai ressenti une indicible nécessité de rentrer chez moi. Plus qu’ineffable, viscérale.
    La voiture d’Ash est confortable, seule la mélodie de son moteur est … ressemble au grondement d’un A380 au décollage. Il y a peu de circulation, l'autoroute est un long ruban tranquille sans nids de poules. J’aime la façon dont Ash conduit, mais j’admets que parfois j’évite de regarder le compteur de vitesse, la fuite éperdue des chiffres lumineux me donnent le tournis. Deux heures cinquante de trajet et nous y voilà. C'est un comble, Rhône-Alpes était presque méditerranéen à comparer d’ici. Le froid est polaire.
    Bébé est impressionné par les travaux des Charlies, mais ce qui le touche le plus c’est la confiance absolue qu’ils m’ont accordé dès que je me suis invitée dans leur monde chahuté, il y a quelques années de cela. C’est comme s’ils avaient compris d’instinct que le mien était détruit. Qu’ils allaient devoir me soutenir de toutes leurs forces. Cinq ans plus tard nous sommes encore soudés malgré les aléas de la vie et c’est cette famille qu’ils me sont devenus qu’Ash trouve formidable. Il aime leur ouvrage, il les aime, le reste je m'en moque. Je suis vannée, mais il m’a été impossible de ne pas lui offrir l’astérie.
    Bébé est mon rayon de soleil. The best or nothing...

    CaRPe DieM... 29 Octobre 2016

    …Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain. J’acquiesce, c’est un beau concept!
    Je suis d’humeur chagrine, carrément de mauvaise humeur, il ne fait pas bon m’approcher. Ces fichus anti-inflammatoires me rendent folle. En comprimés, en gélules, en gouttes ou en injections, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Mon estomac est un volcan et j’ai continuellement la larme à l’œil. Une fontaine oui. C’est infernal, je me demande comment Ash peut encore me supporter. Alors que nous déjeunions tranquillement avec la radio FM en bruit de fond, je me suis soudain effondrée. Il a suffi d’une chanson ressurgit du passé pour que je me mette à sangloter. Il y a bien longtemps, cette mélodie m’avait conduit en utopie. Depuis dès que je l’entends, je … c’est insurmontable. Pour l’instant ma chérie, pour l’instant, me réconforte Ash. Pourquoi n’ai-je pas réagi plus tôt? Insidieuse, la dépression m’a capturée. Encore.
    Je ne dors plus, je me sens glisser, la lumière n’éloigne plus les cauchemars. Je suis tourmentée jusqu’à l’obsession par de mauvais rêves, ceux où les murs d'une cellule se referment autour de moi au risque de m'écraser, ceux où le monstre défonce sa merveille à coups de pied et de poings, ceux où mon inconscient prend le pas sur ma raison.
    Je garde en tête l’apaisement et la rémission de mes erreurs que je ressentais en me dirigeant vers la chaleur d’une lumière blanche. Cette béatitude m’a été ravie par des urgentistes trop zélés. La clarté nacrée qui me guidait n’était en fait que le scialytique du bloc opératoire. Pourquoi m’avait-on ramené alors que de toute mon âme je souhaitais disparaître? J’étais persuadée que le jour où il sortirait de sa cage, le monde de chaos dans lequel le monstre m’avait attiré se réédifierait. Il faut être forte pour se relever d’un tel traumatisme. Cette force était en moi, mais j’ai préféré l’ignorer en noyant mon mal-être dans une orgie de paysages sud-américains, dans des tangos risqués avec des paumés qui comme moi avaient choisi le dépaysement pour se détruire, en m’enfonçant jour après jour toujours plus profondément dans ma démence. J’ai tant peiné pour atteindre le haut de l’échelle, pour faire cesser mes phobies.
    Parce que mon corps se détériore, tout recommence, je suis propulsée de Charybde en Scylla. Tout le soutien que j’ai accepté de mon premier cercle m’est inutile, je replonge, l’égarement redevient mon compagnon de route. Un désastre que je ne peux accepter, j’ai fait trop d’efforts pour qu’ils soient balayés.
    Ce sont ces pensées chaotiques qui doivent me sauver, c’est ma dernière chance, l’ultime déséquilibre de mon esprit que je m’autorise avant de poursuivre ma reconstruction. J’ai réappris à aimer mes semblables, je leur ai redonner ma confiance, je dois lutter pour eux, pour moi. Il est hors de question que je me noie une nouvelle fois. Le mot espoir n’est plus à bannir de mon vocabulaire, surtout lorsque contemple Ash, endormi paisiblement. Je ressens au plus profond de mon être qu’il m'aime infiniment, cela vaut le coup que je lutte.
    Un appel en urgence à Nadège et … pas contente la psy, l’entretien a été houleux.
    Toutefois j’en ai éprouvé un certain soulagement, même si ma culpabilité face à mon comportement ma poussé à ne lui parler pratiquement que de Bébé. Mon mentor, mon guide, ma providence. Il apprécie mes contradictions, mes déroutes, mes extravagances. Je serais capable d’éradiquer tout ce qui porte attribut mâle lui avais-je dis un soir où la vodka avait coulé à flots … dans mon verre. Ce n’était pas de la commisération que j’avais lu dans son regard, il était uniquement dévasté par mon obstination à vouloir me détruire. Et franchement, j’y mettais vraiment du mien.
    Compassion, désir, empathie, tendresse, voilà ce qui défini Ash. Aucune de ses conquêtes passées n’étaient moi, m’a-t-il dit un jour, il me recherchait dans chacune d’elles. Son dévouement et sa flamme m’effraient un peu, cela tient plus du fanatisme que de la passion. Non, ce qui me tourmente, c’est que tout cet amour qu’il me porte ne soit qu’un terrible tour que me joue mon imagination. Cela ne se peut, ça à l’air trop réel.
    Avec cette santé chancelante qu’est la mienne, mes imprudences ne sont plus de mise et Ash ne me laisse pas le choix, dès les premiers grands frimas, il m’expédie aux Aspidies pour une longue villégiature.
    Le murmure de sa respiration me berce. Ma nuit est compliquée malgré sa main sur ma cuisse…


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